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La guerre commerciale fera-t-elle dérailler le marché immobilier commercial?
Les secteurs industriel, des immeubles multirésidentiels, du commerce de détail et des immeubles de bureaux connaissent tous des changements en raison de la hausse des tarifs douaniers et des taux d’intérêt, ainsi que des incertitudes économiques. Les marchés se redresseront-ils l’an prochain? Joignez-vous à Sal Guatieri, directeur et économiste principal, Marchés des capitaux, qui communique un aperçu complet de la situation actuelle et des prévisions pour les marchés immobiliers canadiens et américains. Pour en savoir plus et savoir comment commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site https://www.bmo.com/fr-ca/principal/particuliers/investissements/placements-en-direct/.
- 00:00 / 00:00En cours de lecture/pause 00 min 00 sec de l'audio 00 min 00 sec
- Introduction (00:04) : Bienvenue à l’épisode du mois de mai 2025 du balado Investissements plus futés. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:21) : La guerre commerciale avec les États-Unis marque un recul important dans ce qui aurait autrement été une meilleure année pour les marchés immobiliers commerciaux.Commençons par le Canada, où la guerre commerciale pourrait faire basculer l’économie dans une légère récession cette année, en augmentant le taux de chômage d’un point de pourcentage avant que des précisions sur la question du commerce et une baisse du taux directeur par la Banque du Canada appuient un retour à une croissance plus normale l’an prochain.Examinons d’abord le segment industriel. Après deux ans de croissance fulgurante, le secteur industriel canadien a ralenti en raison de la hausse anticipée des taux d’intérêt et, plus récemment, de la guerre commerciale. Parmi tous les segments, il est le plus vulnérable au protectionnisme commercial. De nombreux secteurs, comme l’acier, l’aluminium, les produits chimiques, la machinerie et les ordinateurs, tirent plus de la moitié de leurs revenus des ventes aux États-Unis. Celui des véhicules automobiles dépasse même 90 %.Le taux de disponibilité du segment industriel national est passé d’environ 1 % en 2023 à 5 % au premier trimestre de cette année, un résultat proche des normes à long terme, mais le plus élevé depuis 2016, car l’offre de logements neufs continue de surpasser la demande de crédit-bail.La construction a ralenti, ce qui a réduit la pression sur l’inoccupation. Les prix et les loyers des immeubles industriels ont reculé, à commencer par les trois plus grands marchés, soit Toronto, Montréal et Vancouver, mais ils ont augmenté dans certaines villes. Les taux moyens de loyers demandés ont baissé de plus de 3 % au cours de la dernière année jusqu’au premier trimestre. Le segment industriel était sur le point de se redresser cette année grâce un crédit moins cher et à une monnaie dépréciée, mais le récent ralentissement persistera probablement jusqu’à ce que la guerre commerciale s’apaise. Cette situation pourrait se traduire par une nouvelle hausse modérée du taux de disponibilité dans le segment industriel, mais certains secteurs, comme l’automobile et l’acier, sont plus à risque.Passons maintenant à l’immobilier multirésidentiel. Le marché canadien de l’habitation était en train de s’améliorer avant la guerre commerciale, mais en raison des craintes de perte d’emplois et des enjeux persistants d’abordabilité, les ventes ont fondu et les prix ont fléchi dans le sud-ouest de l’Ontario et dans certaines régions de la Colombie-Britannique. Par ailleurs, les marchés plus abordables du Québec, des Prairies et du Canada atlantique font preuve d’une plus grande résilience.En effet, les ventes se stabilisent près des niveaux normaux et les prix atteignent de nouveaux sommets dans certaines villes. Les taux de défaillance des prêts hypothécaires résidentiels augmentent, mais demeurent inférieurs à la normale. Le segment des tours d’habitation tire de l’arrière par rapport au marché des maisons individuelles, surtout dans le sud-ouest de l’Ontario, mais l’inoccupation dans le segment des logements locatifs demeure faible. Les taux de capitalisation, bien qu’en hausse, sont inférieurs à la normale et à ceux des autres segments. L’abordabilité par rapport aux maisons individuelles est un atout.Malgré cela, les prix de référence de la revente de copropriétés ont reculé de 3,4 % au cours de la dernière année jusqu’au mois de mars. Même les utilisateurs finaux évitent les petites unités qui ont inondé le marché après la pandémie et qui ont été en grande partie achetées par des investisseurs qui doivent maintenant composer avec la baisse des loyers et des flux de trésorerie négatifs. Les loyers demandés moyens des appartements et des copropriétés ont diminué de près de 3 % au cours de la dernière année jusqu’au mois de mars. Les loyers des appartements construits expressément pour la location ont été plus résilients, mais ils ont également reculé d’environ 2 %.Comme plus de copropriétés seront achevées cette année, le marché des tours d’habitation continuera de subir d’intenses pressions. La hausse du taux de chômage, le vieillissement de la population et la flambée des coûts de construction en raison des tarifs douaniers ne feront qu’aggraver la situation, notamment dans la région de Toronto, où le marché des copropriétés va de mal en pis comme nulle part ailleurs.Malgré des incitatifs, l’urbanisation a enregistré ses ventes les plus faibles de la région depuis 1990 au premier trimestre et pourrait prendre plus de six ans pour absorber la surabondance, compte tenu du faible taux de vente actuel. Un nombre record de 31 000 unités seront achevées cette année, ce qui saturera davantage le marché. Le prix de vente moyen des nouvelles copropriétés à Toronto a maintenant reculé de 7 % dans la dernière année, une situation qui exerce des pressions sur les constructeurs. La baisse des taux d’intérêt et la forte diminution des nouvelles constructions finiront par soutenir les prix des immeubles multirésidentiels dans la région de Toronto, mais cela prendra du temps.Passons maintenant au commerce de détail. Le segment canadien des immeubles de commerce de détail a pris de l’élan l’an dernier en raison de la baisse des taux d’intérêt et de l’amélioration de la consommation des ménages. Les taux d’inoccupation ont atteint de nouveaux creux et les loyers ont augmenté. Les taux de capitalisation ont baissé par rapport à leurs sommets inégalés en 14 ans, mais la guerre commerciale apporte de nouveaux défis. La confiance des consommateurs est presque à des creux historiques. La hausse du chômage freinera la consommation et propulsera le nombre de particuliers insolvables au-delà des niveaux d’avant la pandémie. Les faillites des détaillants dépasseront probablement les niveaux normaux en raison de la réduction de l’immigration.Le triste épisode de la Compagnie de la Baie d’Hudson témoigne des défis plus généraux auxquels le segment est confronté, mais il pourrait aussi renforcer quelques concurrents. Les détaillants qui se concentrent sur les produits et services essentiels et courants pourraient obtenir de meilleurs résultats que ceux qui offrent des produits discrétionnaires mêmes s’ils sont plus chers en raison des tarifs douaniers. Les centres commerciaux linéaires ancrés par les épiciers, qui bénéficient d’un accès facile, sont susceptibles de surpasser les centres commerciaux intérieurs. Les magasins d’occasions et les boutiques d’articles usagés en profiteront, car les tarifs feront augmenter le coût de certains nouveaux produits. Le segment canadien de l’hôtellerie, y compris les restaurants, devrait toutefois profiter de l’élan vers l’achat de produits canadiens.Enfin, le dernier, mais non le moindre, le segment des immeubles de bureaux. Le marché canadien des immeubles de bureaux, qui s’est affaibli, est en mode attente. Les loyers ont augmenté de plus de 1 % au cours de la dernière année jusqu’en décembre. Après avoir atteint des sommets inégalés en plusieurs décennies, les taux de capitalisation augmentaient lentement et 2024 a marqué la première année d’absorption nette positive depuis la pandémie.La sous-location a diminué à mesure que les nouvelles constructions se sont évaporées. Les taux d’inoccupation des immeubles de bureaux dans les centres-villes ont baissé pour la première fois en cinq ans au premier trimestre, mais ils demeurent extrêmement élevés dans certaines villes, dont London et Calgary (environ 30 %). Le taux d’inoccupation national s’est en grande partie stabilisé, mais à un niveau élevé de 18,7 %. Des études récentes montrent que le Canada est à la tête du marché mondial du travail à domicile. Un sondage mené par le Stanford Institute for Economic Policy Research auprès de travailleurs ayant fait des études universitaires a révélé que le pays affichait le nombre de jours de travail à la maison le plus élevé, soit 1,9 jour par semaine, comparativement à une moyenne d’un peu plus d’un jour pour 40 pays et à une norme américaine de 1,6 jour. Dans certaines régions, les longs temps de déplacement pourraient en être l’une des raisons.Les immeubles de prestige et de catégorie A continuent de surpasser les immeubles de niveau inférieur, les loyers y étant plus élevés. Les locataires voient l’importance des immeubles de bureaux de grande qualité pour attirer et retenir les talents et ils sont prêts à y mettre le prix. Les propriétés en banlieue sont généralement plus saines que les marchés des centres-villes. La plus faible activité de construction des 20 dernières années devrait finir par réduire les taux d’inoccupation, même s’ils devraient demeurer élevés cette année en raison des pertes d’emplois et des fermetures d’entreprises prévues. Même si la conversion des espaces de bureaux en logements et aux fins d’autres utilisations (comme l’éducation et les centres de données) est en hausse, elle n’a pas encore marqué les taux d’inoccupation de façon importante.Passons maintenant aux États-Unis, épicentre de la guerre commerciale, où les perturbations des chaînes d’approvisionnement, la baisse des exportations et l’inflation provoquée par les tarifs douaniers freineront probablement fortement la croissance du PIB cette année et entraîneront une hausse du taux de chômage. Cependant, en supposant que les menaces terroristes sont maintenues à des niveaux gérables, la croissance pourrait revenir à la normale aux États-Unis en 2026, grâce aux politiques de la Fed.Le segment industriel continue de profiter des initiatives gouvernementales passées qui ont soutenu les véhicules électriques, les batteries et les micropuces. La création de systèmes d’IA stimule également la demande de grands centres de données. Bien que l’absorption nette des espaces industriels ait été positive au premier trimestre, les taux d’inoccupation ont augmenté pour s’établir à 7 %, conformément aux moyennes historiques. Cela s’est traduit par une croissance modérée des loyers qui a atteint un taux d’un peu plus de 4 % au cours de la dernière année.Les taux de rendement des immeubles industriels ont été légèrement positifs l’an dernier après avoir baissé en 2023; les prix des immeubles ont encore progressé de 2 % au cours de la dernière année jusqu’en avril. Les taux de défaillance sur les immeubles industriels demeurent très faibles et le segment pourrait profiter d’un certain rapatriement de la production au fil du temps. Parmi les défis à court terme, mentionnons les problèmes de la chaîne d’approvisionnement et les hausses de coûts alimentées par une augmentation estimée à six fois le taux effectif moyen des tarifs douaniers sur les importations américaines cette année. La demande d’espace d’entreposage pourrait toutefois augmenter, car les entreprises ont accumulé des stocks avant l’imposition des tarifs douaniers.Passons maintenant au segment de l’immobilier multirésidentiel. Il demeure solide, en partie parce que les taux d’accession à la propriété les plus élevés en 30 ans continuent de favoriser les locataires. L’absorption nette des espaces locatifs a augmenté au premier trimestre, surtout au sud, où une forte croissance de la population stimule l’établissement des ménages. L’absorption nette la plus forte en 25 ans a ramené le taux d’inoccupation à un peu moins de 5 %, ce qui est légèrement inférieur à la moyenne à long terme. Par conséquent, le prix des appartements au pays a bondi de 11 % au cours de la dernière année jusqu’au mois d’avril, soit près de trois fois plus que pour tous les segments commerciaux. Ces résultats s’inscrivent dans la foulée des baisses précédentes, qui ont été marquées par l’envolée de la construction d’appartements, notamment au sud, ce qui a fait grimper les taux d’inoccupation des logements locatifs à des sommets inégalés en cinq ans.Les nouveaux taux de loyers ont baissé dans la dernière année. La croissance globale des loyers est plus stable, à un peu plus de 3 % dans la dernière année jusqu’au mois de mars. Les taux de défaillance des titres hypothécaires dans le segment des immeubles multirésidentiels ont augmenté à moins de 7 % en avril, soit un sommet inégalé en 10 ans, mais ils devraient se stabiliser à mesure que l’économie s’améliorera l’an prochain.Dans le segment du commerce de détail, après plusieurs années de forte croissance, on constate un ralentissement. L’absorption a baissé au premier trimestre en raison des craintes que les tarifs douaniers n’entraînent une hausse des coûts et une baisse de la demande. Après avoir atteint des creux records, les taux d’inoccupation ont augmenté pour atteindre 5,5 %, ce qui a entraîné un ralentissement de la croissance des loyers. Les détaillants ont fermé plus de magasins qu’ils n’en avaient ouvert en 2024. Les prix des immeubles de centres commerciaux ont tout de même rebondi de 14 % au cours de la dernière année jusqu’en avril, tandis que les valeurs des centres commerciaux à aire ouverte ont pris 7 %.Les détaillants combinent l’expérience sensorielle des magasins physiques à la commodité du commerce électronique. Ce modèle hybride intéresse la nouvelle génération de jeunes acheteurs. Les taux de défaillance des titres hypothécaires dans le segment du commerce de détail ont augmenté de plus d’un point de pourcentage au cours de la dernière année pour s’établir à un peu plus de 7 % en avril. Les détaillants américains sont en meilleure position que leurs pairs canadiens en raison d’un endettement des ménages plus bas et de prêts hypothécaires à taux fixe de plus longue durée, mais ils font également face à une concurrence plus féroce de la part de sources en ligne. Le commerce électronique a compté pour un peu plus de 16 % des ventes au détail totales au dernier trimestre de 2024, un record, alors qu’au Canada, ce pourcentage est d’un peu moins de 7 %.Dans le segment des immeubles de bureaux, les taux d’inoccupation ont augmenté pour atteindre environ 21 % au premier trimestre, surtout en raison de San Francisco dont le taux est de 35 %. Bien que les espaces en sous-location aient baissé, l’utilisation des immeubles de bureaux se stabilise bien en deçà des niveaux de 2019. L’indice Castle montre que le taux d’occupation dans dix villes américaines correspond à 54 % des normes prépandémiques et qu’il atteint un sommet de 63 % les mardis, même s’il est beaucoup plus élevé dans les immeubles de catégorie A et supérieures.Les prix des immeubles de bureaux n’ont pas changé en avril, mais ils ont reculé de 38 % par rapport à leurs sommets. Les taux de rendement des immeubles de bureaux sont devenus positifs au premier trimestre de cette année pour la première fois en plus de trois ans, bien qu’ils demeurent inférieurs à ceux d’autres segments. Les taux de prêts en souffrance des titres hypothécaires dans le segment des immeubles de bureaux demeurent élevés à un peu plus de 10 % en avril et devraient encore augmenter jusqu’à ce que l’économie s’ajuste aux tarifs douaniers.Un point positif est que les investisseurs réintègrent graduellement le segment, attirés par des escomptes importants, au sens où le pire pourrait être derrière. San Francisco est un bon exemple, car son taux d’inoccupation élevé semble se stabiliser. Malgré tout, si les mises à pied augmentent en raison de la guerre commerciale, la reprise du segment des immeubles de bureaux pourrait connaître un sérieux recul, pas seulement à Washington DC, où l’effectif fédéral fait face à des réductions massives.Donc pour conclure. Après avoir rebondi à la suite de la pandémie, le segment industriel canadien retrouve une activité plus normale; les usines qui étaient en bonne position pour se renforcer grâce à un crédit moins cher et à une monnaie dépréciée doivent maintenant faire face à un repli temporaire des exportations. Le segment industriel américain sera aux prises avec des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et une hausse des coûts, mais un rapatriement de la production pourrait lui procurer des avantages à long terme.Le marché canadien des immeubles multirésidentiels se redressait grâce au repli des taux hypothécaires, mais la guerre commerciale a paralysé les acheteurs. Le marché saturé des copropriétés dans la région du Grand Toronto mettra beaucoup de temps à se résorber, surtout avec un frein sévère à l’immigration. Cependant, il devrait se redresser l’an prochain à mesure que l’économie s’améliorera.Le marché américain des immeubles multirésidentiels fait preuve d’une certaine résilience, mais les loyers demandés s’assouplissent à mesure que les préoccupations économiques s’aggravent. Le marché canadien des propriétés de commerce de détail gagnait en popularité avant la guerre commerciale, mais on s’attend maintenant à ce qu’il recule étant donné que le taux de chômage grimpe. Les détaillants américains prospèrent grâce une consommation des ménages solide, mais les bénéfices diminueront, car les acheteurs réduiront leurs achats en raison de l’inflation causée par les tarifs douaniers. Par ailleurs, comme un plus grand nombre d’entreprises exigeaient le retour du travail au bureau, le segment canadien des immeubles de bureaux avait commencé à se rétablir et les taux d’inoccupation à se stabiliser, bien qu’à des niveaux extrêmement élevés. Les mises à pied prévues et certaines fermetures d’entreprises retarderont toutefois la reprise, comme ce sera le cas aux États-Unis.Nous vous avons présenté l’aperçu d’Études économiques BMO sur les marchés immobiliers commerciaux. N’oubliez pas que les périodes difficiles sont toujours propices aux occasions et que celle-ci ne devrait pas faire exception. Merci d’avoir été à l’écoute.Conclusion (15:33) : Merci d’avoir écouté le balado Placements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site bmo.com/fr-ca/principal/particuliers/investissements/placements-en-direct/ et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui vous convient.

L’économie est-elle en passe de trébucher à cause des tarifs douaniers?
Les 100 premiers jours de l’administration Trump ont été marqués par des turbulences importantes sur les marchés en raison de l’escalade de la guerre commerciale, mais certaines mesures récentes suscitent l’espoir que certains tarifs seront abaissés à la suite des pourparlers bilatéraux. Douglas Porter, économiste en chef à BMO Groupe financier, et Sal Guatieri, directeur général et économiste principal, discutent des perspectives liées à la guerre commerciale et de ses répercussions potentielles sur les économies et les taux d’intérêt au Canada et aux États-Unis.
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- Intro (00:03) : Bienvenue à l’épisode du mois d’avril 2025 du balado Placements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:19) : Les 100 premiers jours de l’administration Trump ont été dominés par la guerre commerciale, qui s’est rapidement aggravée avec l’annonce, le 2 avril, de tarifs douaniers réciproques de grande taille à l’encontre de nombreux pays, pour s’apaiser une semaine plus tard avec une pause de 90 jours dans la mise en place de ces tarifs. Nous avons encore peu d’idées de la direction que prendra la guerre commerciale, alors que les investisseurs scrutent nerveusement les annonces de Trump au sujet des tarifs douaniers, 24 heures sur 24, à l’affût d’indices. La plupart supposent et espèrent que la désescalade se poursuivra, mais la volatilité extrême des marchés reflète clairement la crainte que la situation se détériore ou, à tout le moins, qu’elle inflige des dommages importants à l’économie mondiale.Bonjour à tous, je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagné de Douglas Porter, économiste en chef à BMO, qui nous parlera de ce problème très important. Doug, merci de vous joindre à nous.Douglas Porter (01:08) : Merci de m’avoir invité.Sal Guatieri (01:10) : Les marchés soupirent de soulagement à la suite des récentes décisions du président d’assouplir certains des tarifs douaniers, notamment avec la pause réciproque du 9 avril, et plus récemment, une exemption temporaire sur les produits électroniques comme les téléphones intelligents et les ordinateurs portables, le 11 avril. Pensez-vous que ces changements marquent le début d’une tendance à la désescalade, et quelle est selon vous la principale cause de la volte-face partielle du président sur la question des tarifs?Douglas Porter (01:36) : En général, je dirais que je suis un peu plus pessimiste quant à la direction dans laquelle nous allons. C’est vrai, il y a une désescalade par rapport à la situation ridicule que nous avons connue lors des premières rondes de tarifs réciproques. Mais d’un point de vue plus général, je crois qu’il s’agit davantage d’un recul par rapport à une position extrême, et que la situation demeure assez difficile pour l’économie mondiale. Mettons les choses en perspective : les États-Unis imposent essentiellement un tarif d’au moins 10 % à tout le monde, à l’exception du Canada et du Mexique, et nous en parlerons plus tard. C’est très grave. Nous n’avons pas vu de tarifs douaniers de 10 % depuis des décennies, des tarifs douaniers moyens aussi élevés.Bien entendu, nous sommes au milieu d’une lutte acharnée entre les États-Unis et la Chine avec des tarifs douaniers de plus de 100 %. Nous ne saurions trop insister sur la gravité de cette situation. Comme je l’ai dit, il est revenu sur des tarifs vraiment extrêmes, initialement instaurés le 2 avril. Ce qui l’a fait reculer de cette situation extrême, ce sont surtout les marchés, selon moi. Certains ont mentionné le marché obligataire, qui a envoyé le signal négatif le plus important. Mais je crois que tout ce qu’il a eu à faire, c’est tenir compte du fait que, quatre jours après l’annonce de ces tarifs réciproques, l’indice S&P 500 a baissé de 12 %.Si vous jetez un coup d’œil aux 25 dernières années, il n’y a que deux épisodes au cours desquels nous avons observé un recul du marché plus prononcé en si peu de temps. L’un des reculs s’est produit pendant la crise financière de 2008, qui a mené à la pire récession que nous ayons connue depuis de nombreuses décennies. Et l’autre, pendant la pandémie. De toute évidence, les marchés ont très mal réagi à cette surprise liée à l’intensité des tarifs réciproques, et le président a choisi de faire marche arrière par rapport à cette position vraiment extrême. Mais en résumé, je suis encore très préoccupé, car même si le pire est derrière nous, la situation reste tout de même grave.Sal Guatieri (03:28) : J’espère que nous n’aurons pas à passer par une nouvelle panique des marchés et d’autres ventes massives pour voir un nouvel apaisement dans cette guerre commerciale. Mais je suis entièrement d’accord pour dire, je crois qu’il n’y a pas seulement eu le repli du marché boursier, mais aussi, ce qui nous semble encore plus inquiétant pour l’administration, le repli du marché des obligations du Trésor, avec un recul des taux de rendement, et les gens commencent à parler de perte de confiance vis-à-vis de l’un des actifs les plus sûrs au monde, les obligations du Trésor. Bien entendu, cela pourrait avoir d’énormes répercussions pour le gouvernement américain, d’autant plus que son déficit budgétaire approche maintenant 6,7 % du PIB et qu’il devrait encore augmenter lorsque le Congrès aura adopté un nouveau budget. La dernière chose dont ils ont besoin ou qu’ils veulent, ce sont des coûts d’emprunt plus élevés sur cette dette croissante. Cela a presque certainement contribué à pousser le président à faire volte-face.Doug, je crois que tout le monde a été surpris lorsque le Canada et le Mexique ont réussi, le 2 avril, à échapper au tarif de base de 10 % imposé à la plupart des pays, même à ceux qui affichaient un déficit commercial avec les États-Unis. Cela nous a amenés à réviser à la hausse notre perspective macroéconomique pour le Canada, même si nous nous attendons à un léger repli. Pouvez-vous d’abord nous expliquer le changement positif que nous observons pour le Canada, et aussi nous dire pourquoi l’économie nous préoccupe toujours?Douglas Porter (04:55) : Je commencerai par dire que je ne voudrais aucunement prétendre que nous pouvons faire des prévisions à la décimale près. Il y a beaucoup d’incertitude quant à l’avenir de la guerre commerciale et aux répercussions précises des différentes mesures que les États-Unis et le Canada pourraient mettre en place. Dans les deux cas, il y a beaucoup d’incertitude quant à la façon dont les choses se dérouleront exactement. Nous avons légèrement revu à la hausse nos prévisions pour le Canada, en partie parce que, selon notre scénario, notre assiette tarifaire hypothétique était assez large, avec des tarifs douaniers de 25 % et des représailles d’une envergure presque égale de la part du Canada. Pour l’instant, du moins, nous n’en sommes pas là. Vous savez, nous avons 25 % sur les secteurs canadiens de l’automobile et de l’acier et l’aluminium, mais pas sur un éventail de produits plus large. Par exemple, les marchandises ne font pas vraiment l’objet de tarifs pour le moment. Jusqu’à présent, les représailles semblent plus modérées que ce que nous avions présumé.Mais pour répondre à la deuxième partie de votre question, nous supposons toujours que l’économie se contractera au deuxième trimestre et au troisième trimestre. Donc, oui, il s’agirait d’une récession technique. Il est intéressant de noter qu’en ce moment même, nous n’avons pas vraiment de données objectives sur le mois d’avril, et c’est justement en avril que nous avons pensé que les tarifs douaniers commenceraient à se faire sentir. Nous sommes peut-être trop pessimistes. À notre avis, nous sommes au-dessous du consensus. Nous sommes à peu près dans la même fourchette que la Banque du Canada, dans le cadre de son deuxième scénario qui était plutôt négatif. Nous sommes peut-être un peu trop pessimistes quant à l’évolution des choses, mais comme je l’ai dit dans ma première réponse, je suis prudent quant à l’évolution de cette guerre commerciale, et je n’ai donc pas de problème à me situer un peu au-dessous du consensus à ce stade.Sal Guatieri (06:23) : Je crois que vous avez de bonnes raisons d’être prudent quant aux perspectives du Canada. Il est assez clair que les exportations pourraient être fortement touchées au deuxième trimestre, surtout celles qui sont destinées aux États-Unis, notamment dans les secteurs de l’acier, de l’aluminium et de l’automobile. Il s’agit des trois secteurs clés qui ont été touchés par les tarifs douaniers en mars. Donc, les perspectives sont plutôt sombres. Sans compter cette incertitude sans précédent, face à laquelle les entreprises gèlent leurs dépenses et leurs décisions d’investissement, et nous pouvons voir ce qui se passe sur le marché immobilier où les acheteurs se sont complètement mis sur la touche. Donc, oui, l’économie canadienne pourrait être durement frappée au deuxième trimestre, et peut-être aussi au troisième.De toute évidence, la Banque du Canada traverse une période difficile. Elle a renoncé à réduire les taux en avril pour la première fois en huit réunions, principalement en raison de l’incertitude extrême quant à l’incidence des tarifs douaniers sur la croissance et sur l’inflation, ce qui justifie une approche plus réactive. Doug, vous attendez-vous toujours à ce que la banque recommence à réduire les taux cette année?Douglas Porter (07:35) : Oui, et je commencerais par souligner que, bien entendu, cette décision sur les taux a été prise moins de deux semaines avant les élections. Même si la banque ne l’a pas dit à haute voix, je ne pense pas qu’elle souhaite faire partie de la campagne électorale. Je crois donc que cela a joué un rôle mineur dans le fait qu’elle n’ait pas changé les taux. Nous avons également été un peu déçus par certaines données sur l’inflation au Canada ces derniers mois, même si le taux a baissé en mars. Pour terminer, je dirais que la Banque du Canada a déjà été parmi les plus audacieuses au monde en matière de réduction des taux. Au cours de la dernière année, elle a déjà beaucoup fait, et je crois que l’une des autres raisons pour lesquelles elle s’est abstenue, c’est qu’elle veut vraiment voir ce qui se passera sur le plan du commerce international à partir de maintenant.Compte tenu de notre prévision selon laquelle l’économie ralentira considérablement au cours des deux prochains trimestres, nous prévoyons trois autres réductions de taux de la part de la Banque du Canada. C’est un peu plus que ce à quoi le marché s’attend. Le marché est assez fixé sur l’idée que la banque réduira son taux de financement à un jour d’un demi-point au total d’ici la fin de l’année, pour le porter à deux points et un quart – nous sommes 25 points de base en dessous de cette prévision. Je crois personnellement que si nous avons tort, c’est parce qu’elle aura été encore plus bas. Mais vous savez, encore une fois, il y a tellement d’incertitude que je ne peux pas vraiment contester l’établissement des prix sur le marché. Je crois qu’elle va dans la bonne direction. Je crois qu’elle agit à peu près au bon moment. Nous croyons juste que la banque ira un peu plus loin que ce que pensent les autres prévisionnistes.Sal Guatieri (08:57) : Je pense qu’aux fins de la gestion des risques, la Banque du Canada finira par voir la nécessité de réduire davantage les taux. Nous prévoyons un léger repli, et de nombreux analystes et participants au marché pensent qu’il existe un risque de récession au Canada, certainement assez élevé. Nous avons également revu à la baisse nos perspectives économiques pour les États-Unis à cause de la multiplication par dix du taux tarifaire effectif moyen sur les importations, qui est passé à plus de 20 %, soit un sommet sans précédent depuis plus d’un siècle. La pause et les droits réciproques ont été bienvenus, mais ces initiatives ont été contrebalancées par la hausse massive des tarifs douaniers sur la Chine, qui ont atteint 125 %, ce qui a entraîné des représailles similaires de la part de la Chine. Les États-Unis sont-ils également fortement exposés au risque de récession?Douglas Porter (09:45) : Je crois que si l’on pense à une récession technique, à un repli de deux trimestres, vous savez, nous en sommes à mi-chemin, maintenant, avec une légère contraction au premier trimestre qui semble avoir été alimentée par des facteurs assez particuliers. Cela dit, je crois que le fait que l’économie américaine soit à l’aube d’un repli d’au moins deux trimestres sera un sujet de discussion important. Je ne crois pas que cela réponde exactement à la définition d’une véritable récession. Je ne sais pas si le NBER considérera cet épisode comme une récession, mais il s’agira d’une période de croissance très, très anémique pour l’économie américaine. C’est fascinant, car au cours des dernières années, l’économie américaine a été étonnamment forte, en dépit des taux d’intérêt et de l’inflation élevés. Il est paradoxal qu’elle soit maintenant minée par quelque chose de complètement différent, c’est-à-dire une guerre commerciale.À ce sujet, au début de l’année, nous pensions que l’économie américaine ralentirait un peu, mais avec toujours une croissance d’environ 2,5 %. Nous sommes maintenant près de 1 % de croissance pour l’ensemble de l’année, et la guerre commerciale s’aggrave; nous devrons peut-être même réduire un peu plus nos prévisions. Ce qui est frappant, c’est que la confiance des consommateurs et, dans une moindre mesure, celle des entreprises ont récemment été ébranlées par cette série d’événements, qu’il s’agisse des réductions des dépenses gouvernementales, des tarifs douaniers ou même des turbulences boursières que nous avons vues sur les marchés au début d’avril. Tout cela a miné la confiance des consommateurs.Il faut maintenant regarder la confiance des consommateurs avec une certaine prudence. Il y a clairement un angle politique à cela, puisque les personnes du côté démocrate laissent sans doute entendre que la situation est vraiment terrible, alors que les républicains pensent que tout va bien. Je crois donc qu’il y a un certain angle politique à cela, et je pense que c’est un peu la faute du flux d’information en continu. On ne peut pas échapper aux nouvelles sur les tarifs douaniers. Le climat est donc plutôt déprimant, mais même en observant une certaine prudence dans nos commentaires, il est clair que la confiance a grandement chuté. Je crois que cela se traduira en partie par une plus grande prudence de la part des consommateurs, qui se retrouveront confrontés à des étagères vides d’un côté, et à des prix un peu plus élevés de l’autre. Je crois que l’économie éprouvera des difficultés au cours des six prochains mois aux États-Unis.Sal Guatieri (12:00) : Aux États-Unis, la question semble toujours revenir à la puissance des consommateurs et, comme vous l’avez mentionné, à propos de la confiance, il y a clairement un risque, quoique faible, qu’ils réduisent leurs dépenses, bien que, si nous regardons les statistiques, il n’y a pas beaucoup de preuves d’une relation étroite entre la confiance et les dépenses, mais la situation semble un peu différente cette fois-ci. Les gens s’inquiètent de la résurgence de l’inflation à cause des tarifs douaniers, et ils pourraient craindre de perdre leur emploi si l’économie pâtit de cette guerre commerciale. Nous pouvons donc penser que les consommateurs pourraient cette fois-ci se replier suffisamment pour faire fléchir l’économie américaine, même si notre scénario de référence prévoit toujours une croissance au moins modérée cette année.La Réserve fédérale aura donc des décisions difficiles à prendre au cours des prochains mois. Vous savez, c’est comme pour la Banque du Canada, il y a beaucoup d’incertitude au sujet des prochaines étapes à suivre. Et elle est en pause depuis le début de l’année. Le président Powell a affirmé assez clairement que la Fed n’avait pas besoin de se précipiter pour prendre une décision. L’économie américaine s’est assez bien comportée, du moins jusqu’à tout récemment. Mais vous attendez-vous à ce que la Fed recommence à réduire ses taux cette année?Douglas Porter (13:09) : Oui. Nous prévoyons que cela se produira un peu plus tard que ce qu’attendent les marchés financiers. En fait, ils s’attendent à ce que la Fed commence à réduire ses taux en juin. Je pense que la Fed devra attendre un peu plus longtemps pour être sûre que la hausse initiale des tarifs douaniers ne se traduit pas par une augmentation générale des prix ou des salaires. Et à mon avis, pour qu’elle soit vraiment rassurée de ce point de vue, il faudra un peu plus de temps. Cela dit, bien entendu, la Fed fait également face à d’intenses pressions politiques, qui se sont un peu apaisées ces derniers jours et ces dernières semaines, mais il serait assez incroyable que la Fed ne finisse pas par réduire les taux. À ce stade, notre prévision est que la Fed réduira ses taux de 75 points de base d’ici la fin de l’année, ce qui concorderait avec la décision que nous attendons de la Banque du Canada, puis de 75 points de base supplémentaires l’an prochain. En fait, le marché anticipe plus de baisses de taux pour cette année.Mais comme je l’ai déjà dit, je pense que la Fed a besoin d’être un peu plus rassurée sur le plan de l’inflation et, même si l’économie soulève des préoccupations, la réalité est que l’économie américaine est toujours en bonne santé. Vous savez, le taux de chômage est resté stable jusqu’au premier trimestre, avec une croissance étonnamment forte et un taux d’inflation soutenu, alors tout cela est encore un peu trop vigoureux pour qu’elle se sente à l’aise. Pour toutes ces raisons, nous pensons que la Fed attendra probablement la réunion de juillet, mais attendons de voir comment les marchés financiers et l’économie se comporteront au cours des deux prochaines semaines et des prochains mois. En fait, la situation pourrait même être pire pour la Fed, par rapport à ce qu’elle était un peu plus tôt.Sal Guatieri (14:41) : D’accord. Revenons au Canada. Comment pensez-vous que le Parti libéral réélu et le premier ministre Mark Carney aborderont les pourparlers commerciaux avec le président? Par ailleurs, quels sont les plans du parti pour accroître la résistance du pays aux tarifs douaniers et pour jeter les bases d’une croissance durable à long terme? Pourriez-vous donner quelques conseils au gouvernement?Douglas Porter (15:03) : La dernière question est difficile, mais je crois qu’il est bénéfique de montrer une certaine souplesse. Vous savez, je ne voudrais pas me trouver coincé dans une politique budgétaire trop audacieuse dans un sens ou dans l’autre, à ce stade, avec autant d’incertitude sur le front du commerce. Par exemple, je ne pense pas que le gouvernement souhaite ou ait intérêt à s’engager à dépenser énormément dans les années à venir en supposant que cette guerre commerciale durera de longues années. Si nous parvenons à conclure une entente assez rapidement avec l’administration américaine et réduisons vraiment l’intensité de la guerre commerciale, nous ne voudrons pas être coincés dans un plan budgétaire très coûteux.De l’autre côté, nous ne voulons pas non plus de sérieuses restrictions des dépenses visant à juguler le déficit budgétaire, alors que nous pourrions être aux prises avec une économie très faible dans les années à venir si cette guerre commerciale persiste pendant un certain temps. Je suggérerais donc d’être souple. Vous savez, est-ce que le déficit devrait vraiment nous inquiéter ou non, dans les circonstances actuelles? C’est l’un de ces cas où nous devrons dépenser assez massivement, où nous devrons simplement serrer les dents et accepter des déficits relativement élevés pendant un an ou deux. Loin de moi l’idée de donner un passe-droit au gouvernement, mais je suppose que les déficits seront encore plus importants que les 60 milliards de dollars énoncés dans le programme libéral avant les élections.M. Carney avait toutes sortes de plans à court terme pour soutenir l’économie. Vous savez, il a un petit plan pour soutenir le secteur des pièces automobiles. Par exemple, il a un plan de 2 milliards de dollars pour soutenir les entreprises et les travailleurs en général. Il a un plan de logement très audacieux – je suis personnellement sceptique à cet égard. Depuis des années, on entend dire que les gouvernements tentent d’augmenter l’offre, mais l’offre va dans l’autre sens depuis plusieurs années. Bien entendu, le marché des copropriétés est très saturé à Toronto et à Vancouver. Je pense donc que les statistiques sur le logement vont baisser, peu importe ce que le gouvernement fera au cours des deux prochaines années. Mais c’est une situation vraiment difficile.Je crois que ce que je regarde avant tout, c’est le commerce de l’automobile. Si nous sommes toujours aux prises avec le genre de tarifs douaniers que l’administration américaine a imposés au secteur canadien de l’automobile. Nous prévoyons donc un tarif d’environ 12 % sur ce qui est produit au Canada, ce qui gruge largement la marge bénéficiaire complète de la plupart des constructeurs automobiles. Les tarifs douaniers sur les automobiles canadiennes sont tout simplement terribles sur le plan économique. Je crois donc que si j’étais le premier ministre, c’est sur cela que je mettrais l’accent en premier. Je crois que d’autres secteurs peuvent composer avec la situation à laquelle ils font face à l’heure actuelle. Mais l’automobile est un secteur très intégré, un secteur très important, et dont la marge bénéficiaire est très serrée. Je crois que c’est très important, et les auditeurs à l’extérieur de l’Ontario vont probablement lever les yeux au ciel, mais je crois que le secteur automobile doit être au cœur de la discussion pour nous assurer qu’il ne soit pas confronté à des tarifs douaniers permanents.Le hic, c’est que M. Trump a indiqué très clairement que l’un de ses principaux objectifs en matière de tarifs douaniers était de ramener la production automobile aux États-Unis. Selon moi, ce sera le point culminant de toutes nos futures négociations commerciales avec les États-Unis.Sal Guatieri (18:21) : Il y a donc le besoin de rester souple en raison de l’incertitude, mais il serait aussi judicieux de diriger une grande partie des dépenses vers les secteurs les plus touchés. Vous avez parlé du secteur de l’automobile, qui est probablement le plus touché, en Ontario, mais aussi au Canada. Vous avez également parlé de certains des plans en faveur du marché de l’habitation, et le Parti libéral prévoit doubler le nombre de mises en chantier au cours des prochaines années pour le porter à environ un demi-million par année, principalement pour des logements préfabriqués et des logements abordables. Mais au moment où notre marché de l’habitation subit de nouvelles pressions, en particulier ici en Ontario, où les acheteurs sont essentiellement paralysés par les craintes de guerre commerciale, pensez-vous que le marché de l’habitation se redressera, comme nous l’avons vu au deuxième semestre de l’année dernière, dans un avenir rapproché?Douglas Porter (19:15) : La guerre commerciale a érodé notre optimisme à l’égard du logement, et c’est très agaçant, parce que nous commencions enfin à voir le secteur revenir à la normale. La crise a duré environ deux ans en raison du niveau élevé des taux d’intérêt. Avec la forte baisse des taux au deuxième semestre de l’année dernière et au début de l’année, nous observions les premiers signes d’un retour à la normale sur le marché de l’habitation, voire des signes encore plus encourageants, et tout cela a été interrompu par la guerre commerciale. Je crois que cela se calmera un peu, à mesure que nous y verrons un peu plus clair dans la guerre commerciale, au cours des six prochains mois environ, mais je ne suis pas particulièrement optimiste. Je crois que les ventes se maintiendront plus ou moins à partir de maintenant, mais elles sont assez faibles.Je constate que les prix augmentent. Bien entendu, tout dépend de l’endroit où l’on se trouve dans le pays, et si l’on parle du marché des familles individuelles ou du marché des copropriétés, car il y a de toute évidence une très grande différence entre les deux. Mais vous savez, comme le reste de l’économie, même s’il s’agit d’une industrie très locale, c’est sans doute l’un des secteurs de l’économie les moins exposés au risque tarifaire. Le secteur reste affecté par le sentiment des gens. L’achat d’une maison est bien entendu la décision financière la plus importante que vous prendrez au cours de votre vie. Vous ne prendrez pas cette décision facilement si vous faites face à cette grande incertitude en matière de perspectives économiques. Il est donc difficile de prévoir une amélioration marquée du marché de l’habitation au cours de la prochaine année.Je vais juste faire un bref commentaire sur les plans du gouvernement libéral en matière de logement. Vous savez, j’ai dit plus tôt que je suis un peu sceptique. Je n’ai rien contre l’idée d’essayer de construire des maisons préfabriquées, des logements, et de les utiliser, et d’annoncer des plans pour faciliter les choses, mais le véritable point de friction est le coût des terrains. Le gouvernement ne peut pas faire grand-chose au sujet du coût des terrains, et c’est vraiment ce qui a changé. Il est souvent fait référence à l’énorme essor du secteur de la construction après la Seconde Guerre mondiale, alors que les prix des terrains ont beaucoup augmenté depuis cette guerre. Si vous jetez un coup d’œil à la région du Grand Toronto ou à Vancouver, par exemple, un terrain vous coûtera tout de suite un million de dollars. Peu importe votre efficacité et peu importe le coût auquel vous pouvez construire la maison qui ira sur le terrain, vous vous trouvez face à une proposition très chère pour devenir propriétaire d’une maison, quelle qu’elle soit.Pour ce qui est de doubler le nombre de mises en chantier, franchement, nous entendons ce même discours depuis des années. Il faudra embaucher beaucoup plus de travailleurs qualifiés ou même semi-qualifiés, et rapidement. Ce n’est pas impossible, mais cela nécessitera d’énormes efforts. Notre point de vue officiel est que les mises en chantier ralentiront au cours des deux prochaines années, et je ne suis pas prêt à changer d’avis. Je crois toujours que c’est ce qui se passera. Maintenant, l’intervention du gouvernement pourrait quelque peu faciliter les mises en chantier, mais je ne m’attends pas à ce qu’elles augmentent, encore moins à ce qu’elles doublent de sitôt.Sal Guatieri (21:44) : Doug, avez-vous d’autres observations à ajouter?Douglas Porter (21:48) : Je sais que tout n’a pas été réjouissant. Une chose que je dirais, c’est que les économies sont incroyablement résilientes. Il est très difficile de les faire tomber, et ce que nous avons observé, c’est un certain pragmatisme de la part de l’administration. À mon avis, ils poussent les limites aussi loin qu’ils le peuvent dans la guerre commerciale. Parfois, les marchés réagissent en faisant contrepoids, et je crois que nous avons dépassé le sommet de l’incertitude sur le plan du commerce. Je n’espère pas un apaisement majeur, mais je crois que nous y verrons un peu plus clair dans les six prochains mois, avec peut-être un contexte un peu meilleur pour les économies et les marchés.Sal Guatieri (22:24) : C’est une excellente façon de terminer cet épisode. Et en effet, je voudrais appuyer votre conclusion. Vous savez, nous faisons ce balado depuis très longtemps, et cet épisode sur la guerre commerciale ressemble à deux épisodes précédents, sur la crise financière, puis sur les fermetures liées à la pandémie, alors que les choses semblaient très sombres, au pire de ces crises. Mais les tempêtes sont passées. Après quelques semaines, ou quelques mois, la visibilité s’est améliorée et les nuages ont commencé à se dissiper. Je suis d’accord avec vous, je crois que nous commençons à voir au moins les premières étapes de la désescalade, et que les choses vont généralement s’améliorer à partir de maintenant. C’était une excellente discussion, Doug. Vous avez clarifié une situation assez trouble. Prenez soin de vous.Outro (23:06) : Merci d’avoir écouté le balado Placements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site bmo.com/fr-ca/principal/particuliers/investissements/placements-en-direct/ et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui vous convient.

L’industrie canadienne de l’automobile fonce-t-elle droit dans un mur tarifaire?
La guerre commerciale du président Trump a ébranlé les marchés financiers, car les investisseurs, comme tout le monde, détestent l’incertitude. Le secteur de l’automobile nord-américain se retrouvera également dans l’engrenage des tarifs douaniers, et le côté canadien est particulièrement vulnérable. Nous vous invitons à écouter ce qu’ont à dire les économistes principaux Erik Johnson et Sal Guatieri au sujet des répercussions possibles des tarifs douaniers sur le secteur.
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- Intro (00:00): Bienvenue à l’épisode du mois de mars 2025 du balado Placements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:19): Nous ne connaissons pas encore toute l’envergure de la guerre commerciale du président Trump, mais nous la découvrirons bientôt, le 2 avril. Le secteur automobile nord-américain est dans le collimateur compte tenu de l’objectif du président de rapatrier la production automobile. Mais que se passera-t-il avec l’industrie automobile canadienne face à cet objectif? Peut-elle éviter de foncer tout droit dans un mur de tarifs douaniers?Bonjour à tous, je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagnée d’Erik Johnson, économiste principal à BMO et expert du secteur de l’automobile. Erik, merci de vous joindre à nous.Erik Johnson (00:40) : Je vous en prie, Sal. C’est un plaisir d’être avec vous pour parler de ce problème très pertinent, alors que nous essayons de démêler cette situation pour savoir quelle direction prendra la politique commerciale non seulement aux États-Unis, mais à travers le monde, et de ce que cela signifie pour le secteur automobile, sans parler d’un certain nombre d’autres secteurs.Sal Guatieri (00:57) : Donc, Erik, commençons par le début. Avant que les tarifs douaniers ne fassent partie de notre vocabulaire quotidien, il semblait que le secteur canadien de l’automobile, tout comme l’économie, allait de mieux en mieux grâce à la baisse des taux d’intérêt. Quel était votre pronostic à l’égard des ventes d’automobiles canadiennes avant la guerre commerciale?Erik Johnson (01:15) : En effet, je pense que c’est une bonne manière de voir les choses. Comme le reste de l’économie, vous savez, l’économie canadienne est très sensible aux taux d’intérêt, si on la compare à l’économie des États-Unis, où la majorité des dettes hypothécaires ont une durée fixe de 30 ans. Au Canada, c’est un peu différent, la vulnérabilité aux taux d’intérêt est davantage à court terme. Les réductions du taux à un jour de la Banque du Canada qui ont totalisé 225 points de base depuis juillet 2023 avaient vraiment commencé à faire une différence. Autour du mois d’octobre l’an dernier, nous avons réellement commencé à constater que les ventes de nouveaux véhicules au Canada étaient revigorées, et elles ont en fait atteint ou légèrement dépassé la barre des 2 millions sur une base annualisée d’octobre à février cette année. Du point de vue du volume, nous avions certainement une très bonne année en perspective pour le marché automobile canadien. Nous nous attendions donc à ce qu’il y ait un peu plus de 2 millions d’unités en 2025, après un changement assez important et sain en 2024 qui s’est traduit par environ 1,9 million d’unités.Sal Guatieri (02:22) : Il semble donc que le secteur de l’automobile était sur une bonne lancée, tout comme c’était le cas dans l’ensemble de l’économie, par exemple sur le marché immobilier, et plus généralement dans les secteurs sensibles aux taux d’intérêt. Mais revenons maintenant à la réalité et à la menace réelle des tarifs douaniers punitifs. Commençons par des renseignements généraux sur l’importance de la production automobile et des ventes dans les économies canadienne et américaine, sur le commerce bilatéral, et sur la façon dont ces contributions ont changé au fil du temps.Erik Johnson (02:57) : Oui, bien sûr. Le Canada a parfois la réputation d’être un pays de fendeurs de bois et de porteurs d’eau. Cependant, le secteur canadien de l’automobile, qui ne date pas d’hier, en est un qui se démarque par sa très grande valeur ajoutée; les Canadiens accomplissent un travail essentiel pour la chaîne de valeur nord-américaine des véhicules, notamment dans une grande partie du travail d’outilleurs-ajusteurs qui touche les composants moteurs de la chaîne de production en Amérique du Nord. Mais, encore une fois, si on adopte une vue d’ensemble, le secteur des véhicules et pièces automobiles ne représente qu’une petite partie du PIB et des emplois totaux. Ils représentent environ 0,7 % ou 0,8 % des emplois et du PIB au Canada comme aux États-Unis, selon les statistiques les plus récentes qui sont disponibles de façon exhaustive.Vous savez, c’est déjà un secteur très intégré non seulement entre le Canada et les États-Unis, mais aussi avec le Mexique. Si l’on examine les exportations d’automobiles et de véhicules motorisés entre le Canada et les États-Unis, on constate qu’elles étaient assez importantes. Vous savez, le Canada a exporté pour plus de 80 milliards de dollars de pièces de véhicules automobiles aux États-Unis. Le Canada en a importé encore plus des États-Unis l’an dernier; les importations ont totalisé 140 milliards de dollars. Ce montant est dans l’ensemble et n’inclut pas seulement les États-Unis. Ensuite, si l’on examine la situation de l’industrie de l’automobile aux États-Unis, ces derniers ont exporté pour plus de 130 milliards de dollars d’automobiles et de pièces l’an dernier et ont importé plus de 400 milliards de dollars de tous leurs partenaires commerciaux mondiaux dans ce secteur.C’est donc certainement, d’une part, un élément important du contexte sous-jacent de la production et de l’emploi, du moins si nous pensons davantage au secteur manufacturier qu’à l’économie en général. D’autre part, c’est une très grande composante du commerce international, si nous allons au-delà de choses comme le pétrole et le gaz au Canada ou d’autres produits qui ont d’importantes ramifications à cet égard aux États-Unis.Sal Guatieri (04:58) : Erik, vous remarquez que les États-Unis ont enregistré un surplus commercial dans le secteur des véhicules et pièces automobiles avec le Canada en 2024, mais qu’ils ont en contrepartie un déficit important avec le Mexique. Direz-vous alors que des échanges plus équilibrés avec le Canada se traduiront peut-être par une baisse des tarifs douaniers sur l’industrie automobile canadienne par rapport au Mexique et à d’autres pays?Erik Johnson (05:22) : Oui, ce serait certainement une bonne chose si c’était le cas. Mais de façon réaliste, malgré le fait qu’au Canada, du moins en ce qui concerne le commerce de l’automobile, les États-Unis ont enregistré un surplus bilatéral d’environ 2 milliards de dollars avec nous. Vous savez, ils nous envoyaient plus de véhicules et de pièces automobiles, principalement des pièces, que nous n’en exportions aux États-Unis. Je crois que cela reflète l’ensemble du commerce manufacturier que nous entretenons avec les États-Unis. Donc, mis à part les grandes catégories de matières premières et de marchandises que nous envoyons aux États-Unis, en particulier dans le secteur pétrolier et gazier, les États-Unis affichent un surplus manufacturier assez important avec le Canada sur le plan du commerce international.Malgré cela, je ne pense pas que nous serons à l’abri des batailles livrées sur le plan des tarifs douaniers. Vous savez, on parle déjà beaucoup de tarifs douaniers du secteur automobile qui seraient appliqués non seulement en Amérique du Nord, mais aussi sur tous les véhicules automobiles qui entrent aux États-Unis. Mais jusqu’à présent, du moins pour ce qui est des pays qui ont eu droit depuis un certain temps à ces signaux trompeurs que nous avons vus au début de février ou de mars, le Canada et le Mexique sont les deux seuls pays à avoir affronté des hausses importantes des tarifs douaniers sur les importations en provenance de ces pays vers les États-Unis. Je crois donc que ce sera le contexte d’ici au 2 avril, date à laquelle des tarifs douaniers réciproques devraient être imposés et des tarifs sectoriels supplémentaires ou d’autres mesures devraient être mis en œuvre.Même en ce qui concerne les tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier, dans ces segments non plus le Canada n’y échappe pas; il ne fait aucun doute qu’il joue un rôle essentiel en tant que fournisseur de composants pour le secteur manufacturier américain, mais qu’il crée aussi indirectement de nombreux emplois aux États-Unis grâce à ce commerce. Je crois que c’est un peu le défi auquel le secteur canadien sera confronté à l’avenir : y aura-t-il simplement beaucoup d’incertitude quant au type d’exposition que nous pourrions avoir à ces importants ajustements de la politique commerciale américaine, ajustements qui sont aussi très incertains?Nous n’avons toujours pas une idée claire de ce en quoi consistera la politique commerciale au cours des deux prochaines semaines, sans parler des trois prochaines années et demie. Dans un domaine comme celui de l’automobile où une grande partie des investissements en capital est de nature très prospective et à très long terme, vous savez, c’est de cette certitude que le capital a vraiment besoin. Et moins cet aspect sera présent dans le secteur, plus cela incitera les entreprises à accumuler et à conserver leurs capitaux au lieu de vouloir investir au Canada, ni ailleurs en Amérique du Nord.Sal Guatieri (08:11) : Ce qu’on comprend, c’est qu’il semble y avoir probablement très peu d’industries dans le monde qui sont aussi étroitement intégrées que le secteur nord-américain de l’automobile et qui sont donc très à risque de perturbation en raison des tarifs douaniers. Quels sont certains des défis auxquels le secteur nord-américain de l’automobile est confronté en raison des tarifs douaniers, en particulier en ce qui a trait aux chaînes d’approvisionnement et aux coûts? Et bien entendu, la question que tout le monde se pose : Dans quelle mesure le prix des voitures augmentera-t-il?Erik Johnson (08:43) : Oui, c’est certainement la grande question à laquelle tous les consommateurs devraient penser. Encore une fois, outre l’achat d’une nouvelle maison ou le montant que les ménages paient en loyer, vous savez, l’achat de véhicules d’occasion ou neuf est souvent le deuxième élément en importance du budget d’un ménage de ce point de vue. Mais juste pour vous donner une anecdote pour illustrer le niveau d’intégration de cette relation, si vous ouvrez la porte du côté du conducteur d’un véhicule en Amérique du Nord, et que vous regardez le petit autocollant qui fait partie de l’American Automotive Labeling Act, il comprendra une sorte d’estimation de la part des pièces de l’automobile qui proviennent d’un fournisseur national. Ce qui est ironique ici, selon moi, c’est qu’on ne fait pas de distinction entre le Canada et les États-Unis sur le plan national à cet égard.Les pièces qui proviennent du Mexique seront donc étiquetées séparément. C’est dire combien cette relation est intégrée, et ce, non pas depuis seulement 10 ou 15 ans, mais bien depuis un siècle environ. Nous ne faisons pas vraiment de distinction entre ces deux composantes ou les secteurs de la production automobile au Canada et aux États-Unis et, de façon plus générale, dans l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), dans la zone commerciale Canada–États-Unis ou Canada-Mexique. Cela vous donne un avant-goût de l’intégration en question. Je pense que la façon dont l’espace nord-américain fonctionne, particulièrement en ce qui concerne le Canada et les États-Unis, c’est que nous ne sommes pas vraiment des concurrents dans la production de véhicules. Ce que nous faisons, vous savez, c’est que nous attribuons différents aspects du processus de la chaîne de valeur et de la chaîne d’approvisionnement aux parties de ces régions qui sont le plus efficaces et spécialisées pour les fabriquer.J’ai mentionné qu’une grande partie du travail d’outillage-ajustage se fait à Windsor, parce que c’est là où se trouve une bonne partie de la main-d’œuvre hautement qualifiée. Oui, vous savez, on pourrait relocaliser une partie de cette activité, mais ce serait très difficile à faire, et cela s’accompagnerait de baisses assez importantes non seulement sur le plan de la qualité, mais aussi des coûts. Pour vous donner une idée de l’importance de cette relation du point de vue de la production et des ventes, les États-Unis produisent environ 10 millions d’unités ou 10 millions de véhicules par année. Ils ont produit un peu moins de 11 millions de véhicules en 2024. Le Canada est le plus important marché d’exportation pour ces véhicules produits aux États-Unis. Plus de 600 000 véhicules ont été exportés des États-Unis vers le Canada. Comme je l’ai mentionné, cela représente une part assez importante des ventes totales ici au Canada, qui s’élevaient à un peu moins de 2 millions d’unités l’an dernier.Je crois que cela fait partie de l’enjeu. Vous savez, les hausses de tarifs douaniers pourraient non seulement augmenter les prix de la consommation intérieure d’automobiles neuves et d’occasion du côté américain, mais aussi nuire à une relation avec un client très important. En comparaison, les États-Unis ont envoyé beaucoup plus de véhicules au Canada qu’au Mexique. Ils ont seulement exporté environ 150 000 véhicules au Mexique en 2024. Je crois que c’est une autre dimension de cette relation qui est importante. Si l’on considère le revers de cette situation, au cours de la dernière année, le Canada a produit un peu moins de 1,4 million de véhicules, dont un grand nombre ont été envoyés aux États-Unis, soit environ un million d’unités, ou un peu plus d’un million d’unités. C’est donc encore une fois notre plus important marché d’exportation du point de vue de la production de véhicules automobiles. C’est un peu l’enjeu.Mais il y a une chose à laquelle il faut réfléchir ici, dans le contexte de l’ensemble de l’industrie au Canada, et c’est que nous étions autrefois un producteur beaucoup plus important de véhicules, vous savez. Il fut un temps où nous produisions jusqu’à 3 millions de véhicules par année. Nous avons donc observé un changement assez spectaculaire dans le ratio de production-ventes au Canada, qui est très semblable à celui des États-Unis; autour de 70 % des véhicules vendus sur le marché canadien sont produits ici. C’est très semblable aux États-Unis, où cette part se situe également légèrement sous la barre des 70 %. Et donc, il s’agit de pointer spécifiquement le Canada du doigt comme le bâton dans la roue qui freine la production automobile aux États-Unis, mais ce n’est peut-être pas l’endroit où vous voudriez probablement porter votre attention si vous réfléchissez au contexte général du secteur nord-américain.Voilà quelque chose qui constitue un enjeu. Revenons à votre autre question sur les coûts. Il y a lieu de se pencher sur les véhicules en provenance du Canada qui arrivent aux États-Unis, et encore une fois, à l’importante quantité de véhicules qui sont importés aux États-Unis à partir du Mexique. Près de 3 millions de véhicules ont été exportés du Mexique aux États-Unis l’an dernier. Vous savez, le coût de production moyen de ces véhicules lorsqu’ils sont rendus aux États-Unis est d’environ 29 000 $ US. Si l’on prenait seulement une estimation très simple de ce qu’un tarif de 25 % ajouterait à cela, sans tenir compte d’un effet cumulatif potentiel, qu’il s’agisse de tarifs douaniers spécifiques pour le secteur de l’automobile ou de tarifs sur l’acier et l’aluminium, le coût des nouveaux véhicules ayant un prix normal augmenterait facilement de plus de 7 000 $, et ce serait plus élevé que cela si l’on pense à certains de ces véhicules très populaires, comme les camionnettes, qui ont souvent un prix, aux États-Unis, d’environ 80 000 $ par année pour les consommateurs. C’est là que l’on pourrait vraiment observer des hausses importantes.Mais je crois que l’autre enjeu lié à l’imposition de tarifs douaniers à votre chaîne de valeur intérieure est que ces produits ne feront pas l’objet de tarifs une seule fois, mais bien de nombreuses fois. Même des composants très simples, comme un condensateur placé dans un siège d’auto, traversent la frontière jusqu’à six fois avant de se retrouver dans un véhicule fini. Et s’il y a une escalade de ces tarifs chaque fois que cette composante traverse la frontière, c’est là que l’on peut vraiment observer bien plus qu’une hausse unique du prix des nouveaux véhicules. La hausse pourrait être exponentielle, et c’est à ce moment-là que l’on pourrait être témoins de fermetures, d’interruptions et de réductions de productions. Je crois que c’est un peu ce que nous ont dit les fournisseurs de pièces au Canada et aux États-Unis et même les constructeurs automobiles en soi. Je crois que c’est l’autre risque.Vous savez, nous avons traversé une période durant la pandémie au cours de laquelle la production a vraiment dû être réduite en raison des fermetures provoquées par la COVID-19, mais aussi en raison des pénuries de semi-conducteurs qui en ont découlé. Cela a eu des répercussions très importantes sur le prix des nouveaux véhicules, non seulement au Canada et aux États-Unis, mais également à l’échelle mondiale. Je crois que cela fait en sorte que les consommateurs deviennent beaucoup plus sensibles aux difficultés liées au coût de la vie, au coût actuel d’un nouveau véhicule pour un ménage moyen.Je crois que c’est un contexte où les choses seront un peu plus difficiles si les prix gonflent réellement, et vous le verrez de façon plus marquée, ce qui posera problème pour les volumes de ventes cette année. Nous pourrions nous retrouver dans une guerre commerciale plus importante que celle que nous traversons actuellement, où les véhicules conformes à l’ACEUM en provenance du Canada et du Mexique ne sont pas encore assujettis à des hausses de tarifs douaniers, ce qui représente essentiellement la majeure partie des exportations du Canada aux États-Unis. La situation est similaire pour les exportations du Mexique.Sal Guatieri (16:00) : Les prix des automobiles pourraient augmenter considérablement et il est difficile de dire dans quelle mesure, mais nous savons clairement dans quelle direction ces prix iront, car il y a l’incidence directe des tarifs douaniers et la question de savoir dans quelle mesure ces tarifs peuvent être cumulatifs lorsque des pièces traversent la frontière à plusieurs reprises. Il y a aussi toute cette question de la déconnexion des chaînes d’approvisionnement entre les trois pays, qui devrait faire augmenter les coûts. Nous savons donc clairement que le coût d’une automobile sera beaucoup plus élevé après la hausse des tarifs douaniers. L’autre grande question, surtout pour les travailleurs de l’industrie de l’automobile, est de savoir ce qui se passerait dans le pire des cas? Quels sont les enjeux pour l’industrie canadienne de l’automobile face à une guerre commerciale? Quelles seraient les conséquences si nous observions des tarifs douaniers punitifs importants qui persistent pendant un certain temps?Erik Johnson (16:59) : Oui, et je crois que c’est une réelle préoccupation, non seulement en raison des répercussions régionales que cela aura dans des endroits comme le sud-ouest de l’Ontario ou même certaines régions du Québec, où la fabrication d’aluminium ou de pneus est également très importante. Les pneus sont un autre élément, auquel les Maritimes participent également. La difficulté, selon moi, c’est que les modèles habituels que nous utilisons pour estimer les répercussions des perturbations commerciales comme celle-ci ne sont pas vraiment bien adaptés pour tenir compte de certaines des non-linéarités que nous devrions voir en raison de la façon dont la chaîne d’approvisionnement intérieure est intégrée entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.Ce serait autre chose que d’envisager l’imposition de tarifs seulement sur les véhicules en provenance de la Corée du Sud, du Japon et de nombreux autres pays dont les chaînes d’approvisionnement sont un peu moins intégrées que celles de l’Amérique du Nord. Je crois que cela permet d’obtenir des estimations plus précises. Cependant, des tarifs douaniers importants de l’ordre de 25 % ou plus, mis en place pendant un certain temps, sont une réelle possibilité ici. Oui, où il pourrait y avoir des fermetures, des réductions et des fermetures. Vous savez, cela pourrait poser des difficultés pour la viabilité à long terme de différents segments de l’industrie automobile canadienne et nord-américaine en général. De nos jours, on peut dire que de nombreux constructeurs automobiles mondiaux jonglent en permanence avec le défi de devoir faire concurrence à la Chine sur le marché mondial, qui a actuellement un très grand avantage en ce qui a trait aux prochains types de plateformes de technologie des véhicules légers. Examinons donc les véhicules électriques et la technologie des batteries.Tout ce que l’on fait au sein d’un marché intérieur qui ajoute des difficultés et réduit la rentabilité durant la transition vers la prochaine génération de véhicules légers va nuire aux efforts déployés pour accroître l’avantage concurrentiel du marché intérieur en question à l’échelle mondiale. Je crois que c’est une chose à laquelle toutes les entreprises du secteur nord-américain de l’automobile réfléchissent, mais tous les décideurs devraient en tenir compte en vérité. Si on se penche uniquement sur les chiffres pour comprendre ce que cela pourrait signifier, je pense que les grands constructeurs automobiles américains qui exploitent des installations au Canada aujourd’hui sont les plus à risque.Vous savez, cela représente une part plus faible de la production que par le passé. L’an dernier, les trois plus grands constructeurs automobiles, soit Stellantis, Ford et General Motors, ont produit environ 30 % des véhicules au Canada. Donc, si nous avons droit à une guerre commerciale prolongée, cette production serait plus menacée que la production de certains constructeurs automobiles japonais qui produisent des véhicules au Canada, comme Toyota et Honda. Par ailleurs, un autre risque provient du fait que le Canada achète près de 40 % de ses véhicules de ces trois constructeurs automobiles américains. Vous pouvez imaginer que dans une situation où la production et les capitaux étaient plutôt redirigés vers les États-Unis ou un autre marché, il n’y aurait probablement pas un climat favorable au sein des consommateurs canadiens. Ces derniers ne voudraient pas se précipiter pour acheter énormément de véhicules fabriqués aux États-Unis qui, depuis longtemps, ont joui d’une excellente réputation dans notre pays. Je crois donc que c’est un risque supplémentaire.Vous savez, il y a certainement un autre défi lorsque nous regardons le nombre de ventes de véhicules Toyota et Honda au Canada l’an dernier. Ces véhicules représentaient probablement un peu moins de 50 % de l’ensemble de la production, mais le contexte pourrait faire en sorte qu’ils deviendraient de meilleurs vendeurs en fin de compte, au sein d’un marché quelque peu désagrégé. Je crois que c’est une chose à laquelle il faut vraiment réfléchir en ce qui concerne le secteur de l’automobile. On pourrait donc assister à une contraction du secteur de l’automobile, où une plus grande partie de la production au Canada sera axée spécifiquement sur les achats au Canada, plutôt que sur l’ensemble du marché nord-américain, et peut-être même à une plus grande intégration entre les segments de l’automobile du Canada, du Royaume-Uni et de l’Europe, contrairement à ce qui se passe actuellement, c’est-à-dire une intégration par zone régionale.Je crois donc que c’est le défi que le Canada devra relever. Cependant, cela indique la présence de certains risques, dont celui de devoir probablement payer plus cher pour les automobiles au Canada également, parce que nous ne pourrions pas profiter d’une grande partie des gains d’efficacités qui existent actuellement au sein de la chaîne d’approvisionnement sur laquelle nous comptons aujourd’hui. C’est donc selon moi le grand défi auquel il faut réfléchir. Mais pour ce qui est de savoir exactement ce qui se passera, c’est difficile à prédire en raison de certaines de ces non-linéarités potentielles. J’estime que l’autre défi, si nous pensons au côté canadien actuellement, c’est que deux installations très importantes du Canada sont en train de s’outiller de nouveau pour la prochaine génération d’automobiles. L’une se trouve à Brampton et l’autre est une grande installation à Oakville. Donc, plus cette incertitude commerciale perdure, plus il est probable que certains investissements n’augmentent que légèrement, voire diminuent.Je crois donc que ce sont là aussi des risques pour le secteur qui persisteront plus la situation perdure. Mais je tiens à souligner que dans le cas des investissements importants dans de nouvelles installations, il est très difficile pour une entreprise de prendre une décision sur un horizon d’un mois, comme ça a souvent été le cas pour ces tarifs douaniers. En réalité, l’horizon décisionnel de ces sociétés s’étend sur 10 ou 15 ans. Donc, cette perturbation se traduira probablement par le fait que ces sociétés investiront généralement moins en Amérique du Nord qu’elles ne le feraient autrement. Elles veulent savoir avec certitude quelles seront les règles du jeu à l’avenir. À l’heure actuelle, elles n’ont aucune idée de la politique commerciale et de ce à quoi ressemblera l’accès aux marchés en Amérique du Nord au cours des deux prochaines semaines. Elles n’en ont pas la moindre idée pour les quatre prochaines années.Le problème, c’est que si certains de ces tarifs douaniers finissent par être un peu moins populaires auprès de la population américaine, il est possible que d’ici le mi-mandat, en 2026, le Congrès soit beaucoup moins d’accord avec l’imposition de tarifs douaniers aux partenaires commerciaux les plus proches des États-Unis. Cela crée encore plus d’incertitude quant à l’évolution des règles du jeu pour la politique commerciale américaine.Sal Guatieri (23:28) : Erik, vous nous avez très bien expliqué que ceci pourrait être un grave problème pour l’industrie automobile canadienne, bien entendu, mais aussi qu’il y a des ramifications pour les États-Unis qui vont au-delà des coûts plus élevés et probablement des prix plus élevés pour les automobiles. Je tiens donc à vous remercier pour cette excellente discussion. J’ai beaucoup appris, et je suis persuadé que c’est aussi le cas de nos auditeurs. Nous espérons que cette menace de tarifs douaniers pour le secteur de l’automobile ne sera pas aussi punitive que prévu et qu’ils seront pour la plupart assouplis lors des prochaines négociations commerciales. Si c’est le cas, le secteur pourra peut-être reprendre la croissance rapide qu’il avait connue avant le début de la guerre commerciale. Merci d’avoir été à l’écoute.

Voici la question que l’on se pose depuis toujours sur les prêts hypothécaires : Taux d’intérêt fixe ou variable?
Dans cet épisode du balado Placements plus futés de BMO, l’économiste principal et directeur général, BMO Marchés des capitaux, Sal Guatieri, discute de plusieurs options hypothécaires au Canada qui méritent d’être prises en considération en cette période d’incertitude économique.
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- Introduction (00:04) : Bienvenue à l’épisode du mois de février 2025 du balado Placements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:20) : La baisse des taux d’intérêt a réveillé les marchés canadiens de l’habitation et des prêts hypothécaires. La croissance annuelle des prêts hypothécaires à l’habitation a atteint 4 % pour la première fois en près de deux ans. Sentant que la banque centrale pourrait réduire davantage les taux, un plus grand nombre d’emprunteurs optent pour un prêt à taux variable. Il s’agit d’environ un tiers des nouveaux prêts hypothécaires en décembre, contre environ un sur quatre pour l’ensemble des prêts hypothécaires en cours. Un taux variable est-il le bon choix?Bonjour à tous. Je suis Sal Guatieri, économiste principal et directeur général à BMO Marchés des capitaux. Si le taux directeur évolue comme le prévoit l’équipe Études économiques BMO, le taux variable pourrait bien être le bon choix. Bien que les taux hypothécaires variables soient actuellement légèrement supérieurs aux taux fixes de cinq ans, il est peu probable qu’ils le demeurent. En supposant que la Banque du Canada réduise son taux directeur de 25 points de base en avril et de nouveau en juillet pour atteindre 2,5 % et que les taux variables suivent, un taux variable pourrait être très payant.Nous estimons qu’un emprunteur qui verse une mise de fonds de 10 % sur une maison d’un demi-million de dollars financée sur 25 ans économiserait en moyenne 40 points de base par année par rapport à un prêt à taux fixe de cinq ans, ce qui équivaut à un peu plus de 100 $ par mois, soit plus de 6 000 $ en cinq ans. Le choix d’un taux variable pourrait également s’avérer avantageux si une guerre commerciale venait à plomber l’économie; la banque pourrait alors réduire encore les taux, possiblement de 100 points de base supplémentaires. De plus, en supposant que les taux demeurent bas pendant une année complète, les emprunteurs profitant d’un taux variable pourraient économiser en moyenne 29 points de base supplémentaires en cinq ans, soit 74 $ de plus par mois. Non seulement ils bénéficieraient de taux potentiellement beaucoup plus bas, mais ils auraient également la possibilité de verrouiller leur taux en cas d’augmentation inattendue.Nos prévisions pour le taux directeur correspondent à l’avis du marché, qui prévoit des réductions de taux de 50 points de base cette année; cependant, rien ne garantit que la Banque du Canada réduira davantage les taux. En fait, des commentaires récents de dirigeants de banques suggèrent une approche plus patiente après la réduction des taux de 200 points de base, jusqu’à l’extrémité supérieure d’une fourchette neutre. L’inflation globale mesurée par l’IPC est légèrement inférieure à la cible de 2 %. Elle bénéficie du congé partiel de la taxe de vente. Les mesures de l’inflation dite de base, dont certaines excluent les taxes de vente, sont encore modérément supérieures à la cible.La banque a également fait preuve de prudence dans sa réponse concernant les tarifs douaniers, compte tenu de l’incidence incertaine sur l’inflation; cependant, nous nous attendons à ce qu’une hausse du taux de chômage finisse par favoriser l’adoption de politiques plus souples. Mais si la banque décidait de laisser les taux tels quels, opter pour le blocage de votre taux pourrait être modérément rentable. Il est également possible que l’économie se renforce de façon importante si une guerre commerciale est évitée, ce qui entraînerait une reprise de l’inflation et pousserait la banque à relever son taux directeur. Dans un tel cas, un taux fixe serait le meilleur choix.Même si le taux directeur diminuait encore légèrement, le fait de verrouiller des taux reflétant déjà les mesures d’assouplissement futures pourrait valoir le coût, afin d’être assuré contre le risque d’une hausse des taux d’intérêt. En effet, après avoir chuté d’un point et demi de pourcentage depuis novembre 2023, les taux fixes à cinq ans se sont largement normalisés par rapport à la moyenne sur 20 ans.Une troisième option à envisager est un taux fixe de moins de cinq ans. Cette option donne l’occasion de refinancer à un taux peut-être beaucoup plus bas dans quelques années. Par exemple, le taux hypothécaire de trois ans est actuellement juste en dessous du taux de cinq ans; il pourrait être renouvelé à un taux variable inférieur dans trois ans compte tenu des prévisions concernant le taux directeur. Cela permettrait d’économiser en moyenne 20 points de base par année sur une période de cinq ans par rapport au taux fixe actuel de cinq ans. Bien qu’il s’agisse toujours de 20 points de base de plus que si l’on optait pour un taux variable aujourd’hui, le coût supplémentaire pourrait valoir la peine pour se protéger contre le risque de hausses de taux.En résumé, à notre avis, les taux d’intérêt au Canada sont plus susceptibles de baisser que d’augmenter, et peut-être même de beaucoup plus en cas de guerre commerciale. Cette lecture donne à penser qu’un prêt hypothécaire à taux variable pourrait être une option attrayante lors d’un refinancement ou de l’achat d’une maison. Malgré tout, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’une période extrêmement incertaine, et les besoins de chaque emprunteur varient en fonction de sa situation financière et de son degré de tolérance au risque de taux d’intérêt. Il est toujours préférable de s’adresser à un conseiller hypothécaire pour évaluer toutes les options et choisir celle qui convient le mieux à votre situation.

Les tarifs douaniers imposés par Trump provoqueront-ils un traumatisme économique?
La menace du président Trump d’imposer des tarifs douaniers au Canada, au Mexique et à d’autres pays pourrait avoir des répercussions majeures sur les investisseurs. Dans cet épisode, l’économiste en chef de BMO, Douglas Porter, se joint à l’économiste principal de BMO, Sal Guatieri, pour discuter des répercussions potentielles sur l’économie, l’inflation et les taux d’intérêt tant au Canada qu’aux États-Unis.
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- Introduction (00:03) : Bienvenue à l’épisode du mois de janvier 2025 du balado Placements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:19) : Le président Trump menace d’imposer des tarifs douaniers au Canada, au Mexique et à d’autres pays. Ces tarifs représentent probablement la plus grande menace pour l’économie canadienne depuis la lutte énergique de la Banque du Canada contre l’inflation il y a deux ans. Mais les États-Unis n’en sortiront pas indemnes non plus. Je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagné de l’économiste en chef de BMO, Douglas Porter, pour discuter de l’effet potentiel des tarifs douaniers sur l’économie, l’inflation et les taux d’intérêt au Canada et aux États-Unis.Doug, le président Trump avait attendu plus d’un an avant d’imposer des tarifs douaniers en 2018 et les avait dirigés en grande partie contre la Chine. Il semble beaucoup plus pressé cette fois-ci, car les voisins les plus proches des États-Unis sont dans le collimateur. Êtes-vous surpris par le fait qu’il se montre beaucoup plus agressif en matière de protectionnisme commercial qu’au cours de son premier mandat?Douglas Porter (01:09) : Je suppose qu’il y a deux réponses à cette question, Sal, et merci de m’avoir invité. Tout d’abord, d’un point de vue plus général, je ne suis pas vraiment surpris. Je pense que, dans l’ensemble, il est beaucoup plus pressé d’agir, qu’il a beaucoup appris au cours de son premier mandat et qu’il s’est montré très protectionniste pendant la campagne électorale. De l’avis général, il donnait presque l’impression qu’il fallait réussir un test de pureté tarifaire pour entrer dans son cabinet. Donc de ce point de vue, je ne suis pas surpris.Ce qui me choque, c’est l’agressivité dont il a fait preuve à l’égard du Canada. Au cours de la campagne électorale, il n’a jamais mentionné de menaces commerciales contre le Canada, c’est même tout juste si le Canada a été cité. Il me semble qu’il a été évoqué une fois dans le cadre d’une discussion, et l’avertissement tarifaire de la fin du mois de novembre a été comme un coup de tonnerre. Ce n’était pas seulement une menace légère. Il s’agissait d’une menace très directe, comme nous le savons tous, de tarifs douaniers de 25 % sur l’ensemble des produits. Franchement, cette menace est scandaleusement agressive. Alors oui, de ce point de vue, je suis stupéfait. Je trouve qu’elle s’inscrit parfaitement dans le schéma et je la prends au sérieux. Je prends cette menace très au sérieux.Sal Guatieri (02:23) : Il semble qu’il y ait autre chose en jeu qu’une simple réduction du déficit commercial américain, comme ce fut le cas au cours du premier mandat. Il semble que Trump ait d’autres objectifs en tête, en particulier de relocaliser une grande partie de la production et des investissements aux États-Unis. Il semble donc qu’il s’agisse d’une menace économique assez redoutable pour certains pays, en particulier le Canada. Il semble très clair que la barre sera beaucoup plus haute à franchir pour d’autres pays, soit pour éviter les tarifs douaniers soit, s’ils sont déjà imposés, pour les faire annuler. Ces quelques années pourraient être difficiles pour certains, notamment le Canada. Doug, qu’est-ce qui, selon vous, motive fondamentalement l’approche agressive du président à l’égard des tarifs douaniers cette fois-ci?Douglas Porter (03:04) : Je ne pense pas qu’il s’agit d’une seule chose. Tout d’abord, nous savons depuis des années qu’il pense que les tarifs douaniers sont une forme d’élixir économique magique pour les États-Unis qui guérit tous les maux. Bien entendu, très peu d’économistes souscrivent à ce point de vue. Je comprends l’argument plus général selon lequel l’imposition de tarifs douaniers nuit davantage aux autres économies qu’aux États-Unis. Je crois que c’est vrai, c’est assez clair, mais en réalité, il n’y a pas de gagnants dans une guerre commerciale, comme beaucoup l’ont souligné. Je suis convaincu que l’objectif global, et vous en avez mentionné un, c’est que le président veut avant toute chose relocaliser le secteur manufacturier aux États-Unis, en particulier le secteur de l’automobile.Les États-Unis disposent-ils de la main-d’œuvre nécessaire pour exploiter des usines supplémentaires? Ce point est très discutable, mais je suis convaincu que c’est l’objectif principal. Ces tarifs sont en partie motivés par la réduction du déficit commercial, une question qui semble préoccuper le président beaucoup plus que d’autres. Je pense que le deuxième objectif, et il est difficile à négocier, c’est l’aspect de l’augmentation des revenus. Les tarifs douaniers pourraient rapporter des milliards, peut-être des centaines de milliards de dollars. Les États-Unis sont aux prises avec un déficit budgétaire de 2 000 milliards de dollars. Les tarifs ne résoudront pas le déficit, mais il faut reconnaître qu’ils pourraient contribuer à le réduire. Je ne sais pas comment d’autres économies peuvent s’y opposer si elles sont dans une situation budgétaire très difficile et que le président y voit un moyen d’augmenter les revenus; je ne sais pas ce que nous pouvons faire pour nous y opposer.Troisième objectif, et c’est le point sur lequel le président a le plus insisté, c’est un moyen d’infléchir le comportement des alliés et des ennemis. Et dans le cas du Canada et du Mexique, il a parlé des problèmes frontaliers, des problèmes de drogue, du fentanyl. Je pense qu’il s’agit d’un problème très mineur du point de vue canadien. Il ne faut pas l’ignorer, c’est certain. Il y a des problèmes à la frontière. Nous pourrions et nous devrions nous en occuper. Mais de façon plus générale, nous n’avons pas entendu dire que la menace tarifaire est directement liée à nos dépenses de défense. Or la question pourrait bien être soulevée. D’autres ont dit qu’il s’agissait d’une position de négociation en vue de l’AEUMC. Il y a probablement une part de vérité là-dedans aussi. Mais je crains que ce soient vraiment ces trois premiers problèmes que le président tente de régler et de changer. Encore une fois, je crois qu’il est difficile pour le Canada de vraiment cocher toutes ces cases et d’amener immédiatement le président à changer d’avis lorsque les tarifs douaniers remplissent tant d’objectifs, du moins selon lui.Sal Guatieri (05:34) : Le fait que les États-Unis ne puissent pas remplacer physiquement une grande partie des importations est un point intéressant. Ils n’en ont tout simplement pas la capacité. Leur taux de chômage est déjà historiquement assez bas, même s’il a légèrement augmenté. De plus, pourquoi les États-Unis voudraient-ils remplacer une grande partie de leurs importations quand la théorie du commerce donne à penser qu’il faut faire ce que l’on sait faire de mieux et y consacrer ses ressources? C’est le meilleur moyen d’améliorer le niveau de vie en général. Mais le fait que Trump invoque tant de raisons différentes pour justifier les tarifs nous amène à nous demander si de nombreux pays seront épargnés par une possible guerre commerciale.Il est probable que le Canada doive composer avec de nouveaux droits de douane, peut-être pas 25 % sur tout ce qui est vendu aux États-Unis. Ils ne prendront peut-être pas effet à la date d’avertissement initiale. Mais si le pays est frappé par la totalité des tarifs douaniers pendant une période prolongée et que le gouvernement canadien riposte de manière significative, dans quelle mesure l’économie canadienne sera-t-elle moins performante?Douglas Porter (06:51) : De nombreuses études ont tenté de répondre à cette question. Je commencerais par une mise en garde : quiconque vous dit qu’il peut évaluer l’effet négatif des tarifs à la décimale près est soit délirant soit un menteur. Nous n’en savons rien. Nous ne connaissons pas la forme exacte que prendrait la riposte du Canada, bien que nous en ayons une assez bonne idée. Il faut ensuite faire toutes sortes d’hypothèses : les États-Unis imposeront-ils des tarifs douaniers sur toutes les importations canadiennes pendant une période prolongée? Certaines d’entre elles finiront-elles par profiter d’un certain répit, par exemple l’énergie ou les aliments, et d’autres pays seront-ils entraînés dans cette spirale? Il faut faire toutes sortes d’hypothèses.Mais supposons qu’il s’agisse d’un tarif de 25 % sur l’ensemble des produits canadiens qui reste en place pendant un an, que tout le monde ne soit pas entraîné dans cette situation et qu’il n’y ait pas de riposte totale, je pense que l’on peut s’attendre à une baisse d’environ 3 % du PIB canadien par rapport à ce qu’il aurait été autrement. Si nous pensions que l’économie canadienne allait croître d’environ 2 % cette année, il s’agirait plutôt d’un recul de 1 %, ce qui, oui, est une récession. Personne ne le conteste. Mais la classe politique ne va pas rester les bras croisés ici, au Canada. Il est probable que la Banque du Canada réduise ses taux de façon beaucoup plus énergique.Nous avons déjà entendu dire que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux actionneront un certain nombre de leviers budgétaires, et que le dollar canadien s’affaiblira considérablement dans ce scénario, ce qui atténuerait un peu le choc, du moins du point de vue de la croissance. Selon nous, toutes ces mesures combinées pourraient limiter les dégâts à environ 1 à 2 % du PIB, mais nous devons probablement nous attendre à au moins une récession technique dans ce cas.Sal Guatieri (08:20) : Vous avez dit à quel point il est difficile d’estimer l’incidence des tarifs, en grande partie parce qu’il y a de nombreuses variables. Comme vous l’avez mentionné, tout dépend des hypothèses quant à la réponse politique et aux fluctuations de change. Si l’on se réfère à ces deux études de la Banque du Canada datant de 2019, l’une d’entre elle montre que le PIB canadien pourrait reculer de 3 %, l’autre qu’il pourrait reculer de près du double, soit 6 %. Donc tout dépend des hypothèses, bien que nous sachions parfaitement que certains secteurs canadiens seraient très durement touchés. Le secteur manufacturier, par exemple, tire près de la moitié de ses revenus de la vente de biens aux États-Unis. Quant au secteur automobile, c’est plus de 90 %, et pour d’autres secteurs, comme les produits chimiques, le caoutchouc et les machines, c’est plus de 50 %. Bien entendu, notre secteur de l’énergie serait lui aussi touché de plein fouet.Maintenant, en raison du risque lié aux échanges commerciaux plus limité, les États-Unis s’en tireraient nettement mieux que le Canada en cas de lutte tarifaire. Mais quelles seraient, selon vous, les répercussions sur son économie dans l’hypothèse de tarifs douaniers de 25 % sur le Canada, le Mexique et peut-être dans une moindre mesure la Chine?Douglas Porter (09:35) : Il y a beaucoup de débats sur l’effet négatif qu’auraient ces tarifs sur la croissance et l’inflation aux États-Unis, mais je crois que la direction est assez claire. Ils ne seraient pas bons pour l’économie américaine. Ils exerceraient au moins à la marge une certaine pression sur les prix de manière plus générale. Je fais partie de ceux qui ne croient pas que leur incidence inflationniste serait si importante pour les États-Unis, même s’ils inondent le Mexique et la Chine avec des tarifs douaniers assez élevés. Ils exerceront sans doute une certaine pression à la hausse sur l’inflation aux États-Unis, mais je suis de ceux qui pensent que ce sont les producteurs qui les absorberont le plus. Le dollar américain s’est bien entendu raffermi, de 7 à 8 % selon l’indice considéré, rien qu’au cours des six derniers mois.Le dollar américain joue donc un rôle important pour compenser l’effet inflationniste des tarifs douaniers. Je ne crois pas vraiment qu’ils provoqueront une forte inflation, du moins pas aux États-Unis. Il est également important de souligner qu’il s’agirait d’un effet ponctuel, c’est-à-dire une hausse ponctuelle des prix. Ce qui me préoccupe un peu plus, c’est leur effet potentiel sur la croissance américaine. Je pense qu’ils la saperaient. Il y aurait des ripostes. Or le Canada et le Mexique sont deux des principaux acheteurs de produits américains. Ce sont deux de leurs principaux clients. Ces tarifs douaniers pénaliseraient ces économies, freineraient leur croissance ce qui se répercuterait sur les entreprises américaines, sans parler de l’effet d’un dollar américain plus fort en cas de riposte.Je pense donc que les exportations américaines en pâtiraient de même que la consommation des ménages, dans la mesure où certaines des hausses de prix seraient répercutées. Mais en réalité, c’est un problème beaucoup plus grave pour le Mexique et le Canada que pour les États-Unis. Un chroniqueur a déclarait qu’il s’agissait de l’actualité la plus importante au Canada en ce moment, mais pas aux États-Unis, parce que ces tarifs ne sont pas aussi négatifs pour leur économie.Sal Guatieri (11:24) : C’est là que le risque lié aux échanges commerciaux des États-Unis, beaucoup plus faible, joue en quelque sorte en faveur de Trump. Parce que près de 20 % de l’économie canadienne repose sur les décisions de dépenses des Américains. À l’inverse, c’est un peu plus de 1 % du PIB des États-Unis qui dépend de la demande des entreprises et des ménages canadiens. Les fourchettes sont complètement différentes. Je sais qu’il existe des études à ce sujet, et nous avons également fait des estimations qui donnent à penser que des tarifs de 25 % sur le Canada et le Mexique pourraient réduire ou freiner la croissance du PIB américain d’environ 0,5 %, probablement du double si des tarifs de 20 % étaient appliqués à tous les autres pays. Mais on parle toujours d’une croissance qui baisserait de l’ordre de 1 %, voire un peu plus, et non d’une récession. Ne nous voilons pas la face : à l’instar des décideurs canadiens, les décideurs américains ne resteraient pas les bras croisés dans une telle situation.Si l’on considère les autres politiques de Donald Trump, les réductions d’impôt proposées, en particulier la réduction de l’impôt sur les sociétés, la déréglementation, elles devraient soutenir l’économie, une fois que ces propositions auront été adoptées par le Congrès, bien entendu. Mais elles pourraient donner un bon coup de pouce à l’économie américaine et compenser une bonne partie du préjudice tarifaire. Doug, comme l’économie américaine devrait mieux résister que l’économie canadienne et que le dollar devrait encore se raffermir face à un huard faible, il semble que l’inflation soit un risque beaucoup plus élevé aux États-Unis qu’au Canada. Vous en avez parlé tout à l’heure, mais est-il exact que l’inflation serait beaucoup plus préoccupante au Canada qu’aux États-Unis?Douglas Porter (13:09) : Je pense que c’est en grande partie exact, mais l’évolution du taux de change va en fait uniformiser un peu les règles du jeu, même sur le front de l’inflation. Il est donc évident que la hausse du dollar américain limiterait l’effet inflationniste aux États-Unis, alors qu’elle l’aggraverait au Canada. Je reviens à ce que j’ai dit précédemment, à savoir que je fais partie de ceux qui pensent qu’il ne s’agit pas tant d’une question d’inflation que d’une question de croissance, même si, vous le savez, vous faites grimper les prix relatifs. Je pense qu’il s’agit d’une plus grande menace pour la croissance, surtout au Canada. Sur le front de l’inflation, tout dépend de l’ampleur de notre riposte. Je soupçonne que la riposte ne sera pas appliquée à raison d’un dollar pour un dollar, qu’il ne s’agira pas d’un tarif de 25 % sur l’ensemble des produits américains. Elle sera beaucoup plus ciblée et conçue pour ne pas nuire aux consommateurs canadiens.En fait, je m’inquiète davantage de l’effet inflationniste d’un dollar canadien faible dans un monde où les tarifs douaniers sont de 25 %. Je pense que notre monnaie pourrait s’affaiblir, probablement beaucoup plus que ce que nous avons déjà observé. Le marché des changes a intégré certains risques, mais pas tous. Je ne serais pas surpris que la monnaie finisse par retomber à son ancien creux record d’il y a un peu plus de 20 ans, lorsqu’elle se situait dans la fourchette basse de 60 cents. C’est possible, et c’est là que nous pourrions observer des pressions inflationnistes sur les marchandises que nous importons non seulement des États-Unis, mais aussi d’autres pays, et qui se répercuteraient sur le taux de change.Un dollar canadien plus faible peut avoir une incidence très rapide sur des choses comme le prix que nous payons à la pompe ou le prix des aliments, parce que nous importons beaucoup d’aliments et, bien entendu, les prix de l’énergie sont établis en fonction du marché mondial, puis reconvertis en dollars canadiens. Les effets d’un dollar canadien faible se feraient donc sentir assez rapidement. C’est pourquoi je pense que la pression inflationniste découlerait d’un dollar canadien plus faible.Sal Guatieri (14:55) : Dans ce cas, la probabilité d’un dollar canadien plus faible augmenterait un peu plus les risques d’inflation pour le Canada. Je suppose que le Canada est avantagé, d’une certaine façon, par le fait que son économie est plus faible au niveau de ses consommateurs, qu’elle résiste moins aux augmentations de prix liées aux tarifs douaniers. Les consommateurs canadiens sont peut-être moins enclins que les consommateurs américains à payer des prix plus élevés lorsque les entreprises répercuteront une grande partie des augmentations de coûts liées aux tarifs. Les exportations américaines sont peut-être un peu plus sensibles aux tarifs douaniers que les exportations canadiennes, mais, comme vous l’avez mentionné, il est assez difficile d’évaluer les conséquences sur l’inflation en raison des effets de change.De la même façon, il semblerait que la Fed devra être plus attentive au risque d’inflation que la Banque du Canada, compte tenu du raffermissement de l’économie américaine et de la baisse du taux de chômage. Est-ce généralement le cas? Pensez-vous que les tarifs douaniers poseraient plus de difficultés à la Fed qu’à la Banque du Canada?Douglas Porter (16:01) : Pour ce qui est des préoccupations liées à l’inflation, je pense que oui, la Fed sera un peu plus attentive. Je crois qu’en raison de l’énorme risque qui pèse sur la croissance, la Banque du Canada sera beaucoup plus disposée à continuer de réduire ses taux. Selon moi, même si la banque ne réagit pas instantanément, elle réduira ses taux de façon beaucoup plus énergique au cours des six prochains mois environ qu’elle ne le ferait si nous étions confrontés à des tarifs douaniers très généraux. Même si le dollar canadien est plus faible, même si nous ripostons et s’il est probable que nous assistions à une hausse des prix des importations, je pense que les préoccupations liées à la croissance finiront par l’emporter. C’est un coup très dur pour l’économie canadienne. À mon avis, une bonne réponse de la Banque du Canada serait de réduire les taux d’intérêt plus qu’elle ne le ferait dans d’autres circonstances, et nous pensons à des réductions de l’ordre d’un point de pourcentage de plus que ce qu’elle aurait fait dans un monde sans tarifs douaniers, ce qui ramènerait probablement le taux du financement à un jour dans la fourchette de 1 à 2 %. Il se trouve que nous sommes d’avis que le taux du financement à un jour s’établirait autour de 1,5 % dans un monde de tarifs douaniers.Sal Guatieri (17:07) : Merci. La réponse de la Banque du Canada semble beaucoup plus simple que celle de la Fed. Il s’agit essentiellement de savoir dans quelle mesure elle doit assouplir sa politique monétaire, étant donné que les effets des tarifs sur la croissance sont plus préoccupants que leurs effets sur l’inflation. Et il est presque certain qu’elle penchera en faveur de davantage de réductions de taux. Dans ce cas, M. Powell est probablement dans une position beaucoup plus difficile, étant donné que les tarifs douaniers risquent d’entraîner une hausse soutenue de l’inflation, surtout s’il est proposé d’introduire les tarifs progressivement. La Fed se trouverait alors face à une tâche compliquée lorsqu’elle devra déterminer si la hausse de l’inflation est simplement attribuable aux effets directs des tarifs douaniers ou si elle est attribuable aux effets secondaires des entreprises qui augmentent leurs prix et des travailleurs qui tentent d’obtenir une compensation par des augmentations de salaire. Les effets secondaires font alors grimper l’inflation de façon plus soutenue.Une décision plutôt difficile à prendre pour la Fed, et il est très probable qu’elle maintienne le statu quo pendant un certain temps jusqu’à ce qu’elle maîtrise les répercussions inflationnistes. Mais au bout du compte, vous avez tout à fait raison, il devra probablement réagir au ralentissement de l’économie en réduisant les taux. Doug, quelles sont les conséquences économiques à long terme pour les États-Unis et le Canada si des tarifs douaniers importants sont appliqués et s’ils persistent pendant un certain temps?Douglas Porter (18:34) : Je crois que la réponse est assez simple. C’est là que l’économie entre vraiment en jeu, selon moi. Elle nous dit qu’il y a des gains à tirer des échanges commerciaux, de la spécialisation des pays et que ces gains seraient partiellement annulés, et qu’au bout du compte, tout le monde s’en porterait moins bien. Je ne pense pas que ce soit une catastrophe à long terme. De toute évidence, nous devrions réorienter le peu d’échanges commerciaux que nous ferions. Vers d’autres économies, qui sait? Nous pourrions même assister à un changement structurel avec une certaine ouverture des échanges commerciaux entre les provinces, dont on a beaucoup parlé récemment. Il y aurait probablement une réforme, mais au bout du compte, nous serions un peu moins bien lotis, et cela vaut pour les États-Unis également.Encore une fois, c’est un coup plus dur pour le Canada que les États-Unis, mais qui nous rendrait fondamentalement moins efficaces, moins spécialisés, avec probablement un peu moins de choix quant à ce que nous pouvons acheter, et je crois que le dollar canadien subirait un préjudice permanent si le mur tarifaire restait en place pendant longtemps. Je pense que le dollar canadien finirait par traverser une période de faiblesse prolongée.Sal Guatieri (19:38) : Cela revient vraiment à une question d’avantage comparatif. Ainsi, si les États-Unis essaient de tout faire ou presque, même ce qu’ils ne savent pas très bien faire, et qu’ils consacrent des ressources pour remplacer une grande partie de leurs importations, le résultat net sera une baisse de la productivité et un coup porté à la croissance économique à long terme. Malheureusement pour le Canada, dans ce cas, nous verrions exactement les mêmes conséquences, les mêmes répercussions sur la croissance à long terme, mais en plus, il y aurait moins d’investissements, aussi parce que Trump est motivé à essayer d’attirer plus d’investissements dans la production dans l’économie américaine. Le Canada devra probablement faire face à un deuxième effet à long terme lié à la baisse des investissements. Pour terminer Doug, avez-vous des conseils à donner aux investisseurs pendant ce qui pourrait être une période plus turbulente pour les marchés?Douglas Porter (20:32) : C’est une période difficile, cela ne fait aucun doute. Et vous savez, je pense que bon nombre des anciennes règles s’appliquent ici, dans un monde où nous faisons face à tant d’incertitude sur ce que sera exactement le contexte commercial au cours des deux prochaines années. Le vieux principe qui consiste à rester diversifié par région, par secteur et par classe d’actifs est plus vrai que jamais lorsque l’on est face à une incertitude aussi extrême. Personnellement, je pense que les gens devraient probablement descendre légèrement dans l’échelle des risques, évidemment dans le cadre leur propre répartition normale de l’actif, en fonction d’où ils en sont dans leur cycle de placement. J’aurais tendance à dire qu’il est logique de s’incliner légèrement, de prendre un peu moins de risques, en général, dans les limites normales.Tout d’abord, nous avons affaire à des marchés boursiers qui sont encore assez proches de leurs sommets records. Tout récemment, l’indice S&P 500 est revenu à un sommet record. L’indice TSX a à peine cillé devant cette menace tarifaire. Je crois donc qu’il est logique, compte tenu du niveau d’incertitude auquel nous faisons face sur le plan commercial, de prendre un peu de recul par rapport au risque que prennent les investisseurs.Sal Guatieri (21:42) : Il semble que les investisseurs devront peut-être jouer en défense jusqu’à ce que la poussière des tarifs douaniers retombe, ce qui ne manquera pas de se produire. Toutes les guerres finissent par s’arrêter et une guerre commerciale ne fera pas exception. Merci, Doug, pour cette discussion très variée. Elle devrait aider les investisseurs à réfléchir aux conséquences possibles des tarifs douaniers sur l’économie, les taux d’intérêt et leurs investissements.Douglas Porter (22:04) : Merci de m’avoir invité.Sal Guatieri (22:05) : Merci d’avoir été des nôtres.Conclusion (22:07) : Merci d’avoir écouté le balado Placements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site bmo.com/fr-ca/principal/particuliers/investissements/placements-en-direct/ et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui vous convient.

Les réductions prévues en matière d’immigration menacent-elles de faire dérailler la reprise de l’économie et du marché de l’habitation au Canada?
Quelles sont les répercussions de l’approche étonnamment agressive adoptée par le gouvernement fédéral pour réduire l’immigration sur la croissance économique, le marché de l’habitation et la politique de taux d’intérêt de la Banque du Canada? Écoutez Robert Kavcic, directeur général et économiste principal, BMO Marchés des capitaux, qui a rejoint Sal Guatieri pour s’exprimer dans le cadre d’une discussion diversifiée sur la question.
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- Introduction (00:03) : Bienvenue à l’épisode du mois de décembre 2024 du balado Placements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:19) : Cette approche en matière d’immigration pourrait couper l’herbe sous les pieds de la population canadienne en pleine croissance. Quelles en seront les retombées sur l’économie, les taux d’intérêt et un marché de l’habitation qui vient à peine de se remettre sur pied? Bonjour à tous, je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagné de Robert Kavcic, directeur général et économiste principal à BMO, qui a beaucoup écrit sur cette question. Rob, merci de vous joindre à nous. Pour ceux qui ne sont pas encore au courant des nouvelles cibles en matière d’immigration, pouvez-vous résumer les plans du gouvernement fédéral et seriez-vous susceptible de dire que vous êtes surpris par la nature agressive de ces nouvelles cibles?Robert Kavcic (00:54) : Bien sûr. Merci de m’avoir invité à me joindre à vous aujourd’hui, Sal. Suis-je surpris que le gouvernement fédéral soit allé de l’avant en ce qui concerne la question? Je dirais que oui, étant donné que nous avons mené jusqu’ici une politique d’immigration relativement souple, si je puis dire, et je pense que nous savions depuis quelque temps que la situation sur le terrain devenait incontrôlable, mais il est assez surprenant de constater que les décideurs font preuve d’une certaine fermeté en reprenant ce programme depuis le début afin de le rendre, selon moi, mieux adapté. Nous avons effectivement traversé une longue période au cours de laquelle la population canadienne a connu une croissance stable d’environ 1 % par année, ce qui constituait un équilibre satisfaisant par rapport à la dynamique générale de l’offre et de la demande que nous connaissions alors. Après la pandémie, la croissance annuelle de la population est passée à environ 3 %, soit près d’un million et demi de personnes supplémentaires par année.Ensuite, si nous nous penchons davantage sur la question, nous savons ce que l’immigration permanente signifie. Il s’agit d’un type d’immigration que nous connaissons et anticipons plutôt bien au Canada, à savoir des personnes qui viennent au Canada parrainées par une entreprise ou une province, ou autre, pour travailler et vivre dans notre pays de façon permanente, et peut-être y faire venir de la famille. Cela représente environ 400 000 ou 500 000 personnes par année. Et cela a très bien été relayé chaque année par le gouvernement fédéral. Malheureusement, les Canadiens ne font pas beaucoup d’enfants, alors la croissance démographique reste très faible, mais le véritable changement qui a eu lieu au cours de ces dernières années concerne les résidents non permanents, c’est-à-dire les étudiants étrangers et les travailleurs étrangers temporaires.Deux choses se sont vraiment produites. La première concerne ce segment de la population – le programme d’immigration est en grande partie non contrôlé ou non réglementé. Certaines entreprises ont donc fait appel de manière plus fréquente à une main-d’œuvre étrangère à moindre coût, tandis que des étudiants étrangers sont venus au Canada en espérant trouver des occasions pouvant déboucher sur un statut de résident permanent au fil du temps. Alors qu’auparavant, 100 000 à 200 000 personnes entraient ou sortaient du pays chaque année, ce nombre a soudainement explosé pour atteindre près de 800 000 personnes par année, ce qui a généré une pression considérable dans des secteurs comme le logement et les services. Ottawa a donc décidé d’établir des plafonds officiels afin que la croissance de la population atteigne un rythme plus durable. Nous allons sans aucun doute voir la part de résidents non permanents passer d’environ 7 % de la population à des cibles officielles d’environ 5 %.Sans entrer dans les détails, nous pouvons nous attendre à un nombre de sorties nettes d’étudiants et de travailleurs étrangers temporaires de 450 000 personnes environ par année au cours des deux années à venir. Cela se traduira par une croissance de la population canadienne quasi nulle. Au fil du temps, après 2026 et vers 2027, 2028 et au-delà, nous devrions revenir à une croissance annuelle de la population de l’ordre de 1 %, similaire à celle que nous avons connue par le passé. Cela mettra donc fin de manière radicale à certaines entrées d’immigrants non réglementées et non contrôlées, et nous reviendrons alors à un taux de croissance de 1 % semblable à celui que nous avions constaté antérieurement sur une plus longue période.Sal Guatieri (03:54) : Donc en résumé, le gouvernement a fait un virage à 180 degrés. On s’attend donc à passer d’une croissance de 3 % par année à un arrêt brutal de cette même croissance, et il est même possible qu’une légère baisse de la population ait lieu pendant au moins quelques années. Il s’agit donc là d’un changement important. Maintenant que nous en savons plus sur ces plans, croyez-vous vraiment que le gouvernement peut atteindre ces cibles? Ou ne mettra-t-il pas en œuvre tout ce qu’il a annoncé?Robert Kavcic (04:22) : Eh bien, c’est une excellente question. Je crois en effet que le gouvernement fédéral en a la volonté, et cela pour deux raisons. Tout d’abord, et après avoir affirmé pendant des années qu’il fallait construire davantage et augmenter l’offre, le gouvernement s’est rendu compte de la dure réalité, à savoir que la courbe de la demande évoluait tout simplement trop rapidement dans le cadre de ce type de croissance de la population. Après avoir examiné la situation, Ottawa a donc déclaré qu’une croissance de la population de l’ordre de 350 000 à 400 000 personnes par année représentait pour nous un nombre adéquat avec lequel nous pourrions non seulement composer au moyen d’une nouvelle offre dans des domaines comme le logement, mais qui compenserait également notre faible taux de natalité. De ce point de vue, le gouvernement a donc fait marche-arrière. C’est également le cas sur plan politique, car je crois savoir que le gouvernement actuel a subi des revers dans les sondages en raison de ces problèmes. Même si les Canadiens ne souhaitent pas vraiment s’exprimer là-dessus, ils en ont souffert.Il est donc probable que leur instinct de survie leur dicte la nécessité de reprendre le contrôle de la situation, n’est-ce pas? La question est de savoir s’il est possible d’y parvenir. C’est ce qui est le plus difficile. Je suppose que cela va peut-être s’avérer un peu plus difficile que prévu, car le pouvoir d’imposer des plafonds relativement stricts en matière de délivrance de permis aux étudiants étrangers ou de prendre des décisions dans des domaines tels que le nombre d’entrées de travailleurs étrangers temporaires sont les seules mesures sur lesquelles le gouvernement peut véritablement s’appuyer. Il semblerait toutefois qu’on s’attende implicitement à ce que ces résidents non permanents continuent de quitter le pays sans difficulté. Nous avons donc tendance à croire que 400 000 personnes quitteront le pays annuellement à mesure que les permis expireront. Si un grand nombre de ces personnes décident de ne pas le faire, Ottawa aura de la difficulté à atteindre ces chiffres.Sal Guatieri (05:54) : Cela ressemble à un véritable défi pour le gouvernement. Vous avez mentionné que le principal obstacle était que beaucoup de migrants temporaires, en particulier les étudiants étrangers, essaieront de demander le statut de réfugié à l’expiration de leur permis en raison des retards extrêmes dans le traitement des demandes d’asile. Ils pourraient rester au pays pendant un an, deux ans ou plus encore, avant d’être expulsés, dans la plupart des cas. Il s’agit donc-là d’un défi de taille. L’autre enjeu que nous gardons à l’esprit, c’est que Donald Trump, le président élu, propose d’expulser des millions de migrants sans papiers des États-Unis et il suffirait qu’une fraction d’entre eux se présente à la frontière nord pour que le gouvernement se retrouve face à un nouveau défi à relever. C’est un enjeu de taille pour l’avenir. Nous n’aurons peut-être pas à faire face à croissance de la population négative, mais il est clair que nous connaîtrons un ralentissement de la croissance démographique au cours des deux prochaines années. Rob, quelle incidence la baisse de l’immigration aura-t-elle sur la croissance de la population canadienne?Robert Kavcic (07:02) : En ce qui concerne la croissance de la population, et comme nous l’avons indiqué, nous passerons d’une augmentation de 3 % à une croissance quasi nulle au cours des prochaines années. Même si nous parvenons à atteindre de telles cibles, il ne serait pas vraiment raisonnable de croire que nous pourrons y parvenir en un jour. Nous revenons graduellement à un taux de croissance à long terme d’environ 1 %. Une grande partie des questions que nous traitons dans le cadre de cette discussion est liée aux résidents non permanents. La croissance fondamentale de la population qui nous vient toujours à l’esprit en matière d’immigration est liée à l’immigration de résidents permanents. Il s’agit d’un domaine dans lequel Ottawa a également fait quelque peu marche arrière. La cible d’immigration nette avant novembre était de 500 000 personnes en matière de résidence permanente pour les quelques années suivantes; elle a été ramenée à un peu moins de 400 000. Même dans ce volet fondamental de l’immigration, les décideurs se sont rendu compte que la situation échappait quelque peu à leur contrôle. À long terme, 1 % semble le bon taux de croissance.Sal Guatieri (08:02) : Ce sera même peut-être un taux légèrement inférieur à celui-ci au cours des deux prochaines années. Comme vous l’avez mentionné, le gouvernement semble viser une croissance de la population légèrement négative, mais ce n’est qu’un simple calcul. Le plan consiste au bout du compte à faire en sorte que davantage de migrants temporaires quittent le pays que de résidents permanents n’y viennent, de sorte que cela entraîne pendant quelques années une faible sortie nette. Cependant, un grand point d’interrogation demeure quant à savoir si le gouvernement est réellement en mesure de mettre en œuvre cette sortie nette. Nous connaîtrons peut-être une croissance de la population beaucoup plus faible. Toutefois, il ne s’agira pas forcément d’une croissance négative, mais peut-être située entre 0 % et 1 % pendant un ou deux ans, suivie d’une croissance de la population plus durable d’environ 1 % au final. Une croissance plus lente de la population présentera-t-elle un risque pour l’économie?Robert Kavcic (08:58) : Je ne crois pas. La réponse immédiate de nombreux analystes a été que si nous plafonnons très abruptement la croissance de la population, les répercussions négatives directes sur des choses comme les dépenses de consommation et la demande de logements auront lieu. Cependant, je ne crois pas qu’il s’agisse nécessairement d’une situation sur la base d’un pour un. Quelques points. La première chose à noter est que la plupart des répercussions concerneront les résidents non permanents. Les résidents non permanents disposent en général d’un revenu assez faible qu’ils ont moins tendance à dépenser. Par ailleurs, la Banque du Canada a mené une étude sur la propension des Canadiens nouveaux ou non permanents à dépenser par rapport aux Canadiens vivant au Canada. Il en ressort que les travailleurs étrangers temporaires ou les étudiants étrangers dépensent moins que les Canadiens pour chaque dollar de revenu gagné. Si l’on combine la croissance de la population avec la sortie nette de ces résidents non permanents, oui, les dépenses seront dans l’ensemble légèrement affectées, mais il ne s’agira pas d’une perte sur la base du un pour un.L’autre point que je souhaite mentionner est que cet afflux très soudain et considérable de population a eu un effet inflationniste. Nous devons prendre en considération certaines choses comme l’inflation des prix des services, la pression sur les infrastructures et, plus précisément, l’inflation des logements et des loyers. Cela a vraisemblablement incité la Banque du Canada à resserrer davantage ses politiques qu’elle ne l’aurait fait autrement et à appliquer des taux plus élevés plus longtemps qu’elle ne l’aurait fait en temps normal. D’un autre côté, si l’inflation dans ces secteurs ralentit parce que nous avons fait marche-arrière en ce qui concerne les changements au sein de la population, la Banque du Canada sera en mesure de poursuivre la réduction des taux d’intérêt jusqu’au milieu de 2025. Il s’agit-là d’un instrument assez direct qui stimule l’économie générale, comme c’est déjà le cas dans le secteur de l’immobilier et en ce qui concerne les dépenses des ménages au Canada. Je crois donc qu’il est un peu trop simple de dire qu’un ralentissement de la croissance de la population nuit à l’économie. Il ne s’agit donc pas d’une situation axée sur une base un pour un, et de toute façon, quand on y repense, aucun historique n’a démontré par le passé de corrélation entre les deux.Sal Guatieri (11:03) : Oui, je crois que certains investisseurs seraient surpris d’apprendre qu’il n’y a pas vraiment de corrélation entre la croissance de la population et la croissance économique annuelle. Il est vrai qu’à long terme, une concordance devrait s’établir entre ces deux facteurs. Nous savons que la croissance de la population est le moteur de la croissance de la main-d’œuvre, qui est l’un des ingrédients clés de ce qu’on appelle la croissance économique potentielle ou à long terme, mais d’une année sur l’autre, aucun lien n’a jamais vraiment été établi entre les deux. Au cours des deux prochaines années, nous pourrions constater que le ralentissement de la croissance de la population a eu pour effet de ralentir la croissance de la population active, mais comme vous l’avez mentionné, nous pourrions en fait constater une légère reprise de la croissance de la productivité si un certain nombre de migrants temporaires occupaient des postes peu spécialisés, peu rémunérés et peu productifs. Nous pourrions assister à une légère reprise de la croissance de la productivité et peut-être contrer le ralentissement et la croissance de la main-d’œuvre. Dans l’ensemble, cela ne provoquerait pas beaucoup de changements en ce qui concerne l’activité économique.Passons maintenant au marché de l’habitation, Rob. Certains analystes pensent que le marché de l’habitation pourrait faire les frais des réductions en matière d’immigration. Êtes-vous d’accord avec eux et avec l’éventualité que les réductions du nombre d’immigrants pourraient provoquer une augmentation des prix comme nous l’avons constaté dans certaines régions, par exemple sur le marché des copropriétés en difficulté de Toronto?Robert Kavcic (12:18) : Oui, certains secteurs seront touchés. Lorsque l’on passe d’une croissance de la population en plein essor à une croissance quasi nulle, nous ne pouvons nier que cela implique des répercussions. Certains secteurs seront touchés, et le logement en fait probablement partie. Il convient d’effectuer une analyse approfondie pour déterminer les secteurs qui seront concernés. La demande de logements unifamiliaux au cœur des grandes villes du Canada sera-t-elle affectée? Probablement pas. De nombreuses demandes de la part des familles canadiennes pour ce type de produit de logement sont refoulées, et cela ne changera probablement pas. Par conséquent, lorsque nous sortirons de ce cycle d’assouplissement en 2025 et 2026, les logements unifamiliaux devraient demeurer assez bien positionnés.En revanche, si nous examinons le marché locatif, nous pouvons constater que nous éprouvons de la difficulté à répondre au type de demande que 800 000 résidents non permanents par année imposaient au marché locatif. Eh bien, cette courbe de la demande s’est soudainement stabilisée, alors que nous nous retrouvons avec un nombre record d’unités en construction qui seront achevées au cours des prochaines années. La majorité de ces logements construits spécialement pour la location et les petites copropriétés détenues par des investisseurs dans une ville comme Toronto arriveront sur le marché, plus probablement le marché locatif, à un moment où la courbe de la demande connaîtra une baisse soudaine. Des éléments probants indiquent déjà que les loyers ont atteint des sommets dans certaines des grandes villes, et je serais vraiment surpris que ces mêmes loyers atteignent un prix beaucoup plus élevé que celui que nous connaissons actuellement au cours des deux prochaines années. Je pense que ces prix connaîtront une baisse au cours de l’année à venir, à mesure que ce rajustement aura lieu. Voilà donc un premier domaine. Pensez-y du point de vue d’un investisseur.Une vague assez importante de constructions liée à des projets en cours sera bientôt achevée et livrée à des investisseurs qui ont pu faire l’acquisition, par exemple, d’une copropriété à Toronto avant sa construction, au plus fort du boom qui a eu lieu en 2021. Ces investisseurs prévoyaient sans doute d’effectuer un achat-revente rapide ou de céder ces biens à un tiers après achèvement. Eh bien, ce marché est en quelque sorte révolu actuellement, car les investisseurs ont fait marche arrière. Par conséquent, deux options bien spécifiques s’offrent à eux. Ils peuvent mettre leur bien sur le marché locatif, mais si la dynamique des flux de trésorerie pouvait sembler logique lorsque les coûts d’emprunt étaient de 1,5 %, ce n’est plus le cas à présent, maintenant que les coûts d’emprunt sont passés à 4 % ou 4,5 %. L’autre option repose sur le fait que s’il n’est plus logique à présent d’opter pour la dynamique locative en raison des coûts d’emprunt et de la baisse de la croissance ou même de la chute des loyers dans certaines régions, une grande partie de ce produit pourra probablement être transférée sur le marché de la revente. Nous commençons donc à observer un écart de rendement assez important entre les maisons individuelles et les petites copropriétés détenues par des investisseurs en raison, selon moi, de cette dynamique et de l’incidence des mesures liées à l’immigration.Sal Guatieri (14:56) : Il semblerait donc que le marché de l’habitation pourrait demeurer quelque peu divisé. Le ralentissement de la croissance de la population liée à la réduction de l’immigration pèsera sur le marché des copropriétés, qui se caractérise dans de nombreuses villes par une surabondance de copropriétés invendues, ce qui pèsera certainement sur le marché locatif et débouchera peut-être sur une nouvelle baisse des loyers, mais la demande de propriétés individuelles demeure importante. Il s’agit donc peut-être tout simplement d’un retour à des marchés de l’habitation plus équilibrés, en particulier concernant les maisons individuelles. Au cours des dernières années, nous avons constaté un afflux net d’adultes au Canada de l’ordre d’un million de personnes. Cela a donc essentiellement contribué à la formation de près de 400 000 ménages, ce qui représente près du double de celui que nous avions connu au cours des années précédentes et près du double de la demande que les constructeurs étaient en mesure de suivre. Cela a donc contribué à une forte pression à la hausse sur les prix et les loyers des maisons partout au pays. Nous constatons donc essentiellement que cette pression a tendance à s’affaiblir et que ce sera toujours le cas au cours des prochaines années. Comme vous l’avez mentionné, nous pourrions connaître une baisse un peu plus marquée des prix des copropriétés dans certains marchés de Toronto, et les loyers à l’échelle nationale pourraient également diminuer un peu plus, même si les maisons individuelles ou séparées demeurent un peu plus stables dans ce segment.Je suppose que la diminution de la pression exercée sur les prix des maisons, et en particulier sur les loyers, n’est pas une mauvaise chose en ce qui concerne la Banque du Canada et des taux d’intérêt. Selon vous, comment cette pression pourrait-elle se manifester pour faire baisser l’inflation plus avant au Canada, et cela aura-t-il des répercussions sur la Banque du Canada?Robert Kavcic (16:42) : Je crois que oui. Si nous examinons les chiffres liés à l’inflation, nous pouvons constater que celle-ci est pratiquement revenue à 2 % au Canada. Une certaine pression persiste, en particulier sur le secteur du logement, c’est-à-dire sur les services en général. En matière de logements, cette même pression est assez forte, par exemple en ce qui concerne les coûts hypothécaires. Ceci est tout simplement dû au mécanisme de la baisse assez lente des taux d’intérêt dans l’IPC, mais le prix des loyers reste toujours en hausse de 6 % à 8 % environ sur 12 mois dans l’IPC. Le cas du prix des loyers est un peu étrange, car la mesure du montant de celui-ci selon l’IPC ne réagit pas aussi rapidement que les prix du marché tels qu’adoptés sur le terrain, mais comme nous l’avons dit plus tôt, nous pouvons déjà constater que le prix moyen des loyers demandé sur le marché baisse d’une année à l’autre. Ce n’est qu’une question de temps avant que le montant des loyers selon l’IPC ne commence à baisser. Cela aura un caractère relativement désinflationniste, et la Banque du Canada le remarquera.Dans une perspective plus large, je crois que cette question peut être considérée comme étant plus ou moins neutre en ce qui a trait à l’inflation. Il me semble que la Banque du Canada l’a dit également, mais dans le cas présent, le problème est surtout lié au calendrier, car ce qui se passe en fait, c’est que lorsque 800 000 personnes se retrouvent dans l’économie en peu de temps, du jour au lendemain, elles ont immédiatement besoin de services et de logements. En fait, je qualifie cela d’inflation à court terme. Sur le long terme, c’est-à-dire au bout de quelques années, beaucoup de ces gens finissent par s’assimiler à la main-d’œuvre, et c’est alors que la situation est susceptible de devenir un peu plus désinflationniste. Comme ce boom de croissance de la population a été très marqué, je dirais qu’il a aussi provoqué une inflation.L’établissement de ces plafonds affaiblira partiellement cette pression et permettra à la Banque du Canada de réduire les taux jusqu’en milieu d’année prochaine. Quelles sont nos prévisions actuellement? À titre d’exemple, la Banque du Canada a prévu de réduire les taux à 2,5 % d’ici septembre. Les résultats de l’entrée en vigueur de ces plafonds commenceront probablement à se manifester dans les flux de population dans le courant de l’année prochaine, donc il semblerait presque que la Banque du Canada ait décidé d’aller de l’avant en réduisant les taux sans attendre l’affaiblissement de cette pression inflationniste.Sal Guatieri (18:48) : L’approche axée sur l’avenir de la Banque du Canada, le ralentissement de la croissance de la population et, comme vous l’avez mentionné, une possible désinflation qui déboucherait sur un affaiblissement des pressions, du moins en ce qui concerne le marché de l’habitation, nous permettent d’anticiper avec davantage d’assurance que l’inflation devrait rester modérée au cours des deux années à venir. Cette assurance relative est suffisante pour permettre la poursuite de l’assouplissement de la politique afin de soutenir l’économie sans crainte. Je pense que lorsque la réduction des taux a été amorcée, la Banque du Canada craignait initialement un embrasement du marché de l’habitation qui se serait traduit ultérieurement par une envolée des prix susceptible de compromettre de nouveau sa cible d’inflation. Je suppose que le ralentissement de la croissance de la population l’incitera à assouplir davantage ses politiques.Merci, Rob, pour cette excellente discussion. Je suis certain que les investisseurs sont maintenant mieux informés des répercussions de ce changement dans la politique d’immigration et des effets potentiels de grande envergure de ces mêmes changements sur l’inflation, les taux d’intérêt et les marchés de l’habitation. Je suis ravi de l’entendre; cela n’affectera probablement pas la reprise de l’économie que nous attendons l’an prochain à la suite de la baisse des taux d’intérêt et rendra probablement le marché de l’habitation plus abordable et plus durable. Bonne journée à toutes et à tous.Conclusion (20:04) : Merci d’avoir écouté le balado Placements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site bmo.com/fr-ca/principal/particuliers/investissements/placements-en-direct/ et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui vous convient.

Programme économique de Trump II : Une vague rouge finira-t-elle par balayer l’économie et les marchés?
Avec l’élection historique de 2024 aux États-Unis, les investisseurs se posent de nombreuses questions quant à l’incidence sur l’économie, l’inflation, les taux d’intérêt et les marchés. L’économiste principal Sal Guatieri est accompagné de Scott Anderson, économiste en chef, États-Unis pour parler des répercussions et fournir des précisions sur les nombreux développements à l’approche de la deuxième présidence de Donald Trump.
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- Introduction (00:00) : Nous vous invitons à écouter le balado Placements plus futés de BMO de novembre 2024, dans lequel Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, certains des meilleurs économistes de BMO, traitent des tendances et des prévisions dans l’ensemble du contexte économique pour vous permettre de prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:18) : Bonjour à tous. Scott Anderson, économiste en chef, États-Unis, à BMO, se joint à moi au lendemain des élections américaines. Scott, merci de vous être joint à nous pour essayer de guider les investisseurs lors de ce changement important dans la direction des États-Unis, un changement qui pourrait modifier le contexte économique et des placements pour les quatre prochaines années.Sal Guatieri (00:39) : De toute évidence, cela a été une grande soirée pour Donald Trump et le parti républicain. Scott, comment voyez-vous les résultats de l’élection?Scott Anderson (00:46) : Visiblement, le vent est au rouge en ce moment. Je crois qu’environ 90 % de tous les comtés américains ont basculé en faveur de Donald Trump depuis les élections de 2020. Le nombre de voix pour M. Trump a augmenté dans presque tous les États américains, à l’exception de l’Utah et de Washington, et il est probable qu’il remporte la majorité des votes populaires. Les démocrates ont donc encaissé un coup dur. Du côté du Sénat également, comme vous le savez, celui-ci a basculé et les républicains ont obtenu plus de voix qu’ils n’en avaient besoin pour prendre le contrôle. Trois sièges ont été remportés en l’Ohio, en Virginie-Occidentale et au Montana, ce n’est pas rien. Comme vous le savez, au moment de cet enregistrement, le vote est toujours en cours à la Chambre des représentants. Les votes sont encore en cours de dépouillements, mais il semble que les probabilités pointent vers une vague républicaine tant sur le plan de la présidence que du Congrès cette fois-ci.Sal Guatieri (01:40) : Oui, les deux tiers du chemin ont déjà été parcourus en faveur d’une vague républicaine au Congrès, d’autant plus maintenant qu’ils sont en tête à la Chambre des représentants.Scott Anderson (01:51) : Vous savez, Sal, lorsque je discute avec nos clients à l’échelle du pays et des États-Unis, j’entends beaucoup parler de l’angoisse liée à l’économie américaine. Lorsqu’on examine les principaux thèmes qui ont motivé les votes ici, aux États-Unis, il semble que l’économie et l’immigration ont vraiment pris le pas sur les questions relatives à l’avortement et à la démocratie. Je crois que les gens souhaitent vraiment revenir à la période prépandémie aux États-Unis. Comme vous le savez, l’économie américaine a perdu environ 22 millions d’emplois en deux mois en 2020. De nombreuses écoles et entreprises ont fermé leurs portes pendant un an ou plus. Bien entendu, le gouvernement est intervenu avec plus de 5 000 milliards de dollars d’aide liée à la COVID-19. La Réserve fédérale américaine (Fed) est intervenue en assouplissant énormément sa politique monétaire. La chaîne d’approvisionnement a ensuite été perturbée et le taux d’inflation aux États-Unis a atteint des sommets inégalés depuis le début des années 1980. Les Américains ont donc eu beaucoup de choses à digérer. Et ils semblent rejeter une partie de la responsabilité sur l’administration actuelle.Sal Guatieri (02:57) : Oui et de toute évidence, la population a senti le besoin de changement, et il semblerait que c’est ce qu’elle va obtenir. En fait, la situation observée en 2016 pourrait se répéter, ou presque, c’est-à-dire que les républicains pourraient dominer dans les trois principaux niveaux du gouvernement. Scott, la réponse initiale du marché au résultat des élections a suivi à la lettre ce que l’on appelle l’« effet Trump ». Pouvez-vous nous expliquer de quoi il en retourne?Scott Anderson (03:23) : La réaction du marché a été rapide et assez marquée, Sal. Nous avons vu le cours des actions américaines grimper aujourd’hui de plus de 2 % à 3,5 %, oscillant en quelque sorte dans cette fourchette. Il s’agit de certains des gains les plus importants que nous ayons observés sur les marchés boursiers américains en plus de deux ans. Nous observons également une hausse des taux des obligations du Trésor. Comme vous le savez, les taux des obligations du Trésor à 10 ans ont augmenté d’environ 16 points de base aux dernières nouvelles. Aujourd’hui, par rapport à hier, environ deux tiers de ces gains découlent d’une augmentation des attentes en matière d’inflation ou des taux d’équilibre, et environ un tiers, de la hausse des taux d’intérêt réels.C’est donc un changement important et vous savez, nous le constatons aussi sur le marché des changes. Le dollar américain était en hausse d’environ 1,5 %, ce qui représente l’une des plus fortes variations en un jour depuis plus d’un an. Nous avons observé des variations encore plus importantes du peso mexicain, qui, à un moment donné, a reculé de 3 % aujourd’hui. Le yuan chinois et le dollar canadien ont perdu environ un point de pourcentage par rapport au dollar. Il y a aussi certaines catégories d’actif, comme celle des cryptomonnaies Bitcoin, qui se négocient à plus de 93 600 $, soit une hausse de près de 8 % par rapport à hier. Ce sont donc d’importantes variations. Et vous savez, l’effet Trump est bien présent en ce moment à Wall Street.Sal Guatieri (04:48) : Oui, d’importants changements sont en cours. Certains sont bons, d’autres non, et la hausse de la valeur des actions est une bonne chose pour de nombreux ménages américains. Mais cette hausse des taux d’intérêt et, comme vous le dites, la hausse du dollar américain ne devraient pas être une bonne nouvelle pour les exportateurs. Mais nous verrons si certaines de ces tendances du marché se maintiendront dans les jours à venir. Même si nous ne savons pas encore si les républicains prendront le contrôle total du Congrès ou s’ils sont en tête pour le nombre de sièges à la Chambre des représentants, quel pourrait être l’impact d’une vague républicaine sur la croissance aux États-Unis?Scott Anderson (05:22) : Vous savez, les choses ne sont pas très claires, car nous ne sommes pas certains du moment et de l’ampleur de certaines des propositions de politique de la campagne de M. Trump. Mais je dirais, vous savez, que si le scénario d’une vague républicaine devait se concrétiser, je pense que nous verrons probablement l’adoption assez rapide d’un grand nombre de propositions de politique économique de la campagne de Donald Trump, voire de la plupart d’entre elles. Celles-ci étaient évidemment fortement axées sur un certain nombre de réductions d’impôts ainsi que sur des hausses de droits de douane à l’encontre de la quasi-totalité des partenaires commerciaux des États-Unis. Les répercussions pourraient être assez importantes à moyen terme. Je crois qu’à l’heure actuelle, il pourrait survenir une hausse à court terme uniquement fondée sur les prévisions liées à la mise en place de cette politique budgétaire expansionniste. Vous savez, la dernière fois que M. Trump a été élu, en 2016, le marché boursier s’est très bien comporté, et la confiance des petites entreprises s’est redressée. Nous pourrions donc entrevoir quelque chose de semblable à court terme à l’approche du premier trimestre de 2025.Cependant, nous sommes un peu préoccupés par cette augmentation des taux d’intérêt, la possibilité d’une hausse de l’inflation et de représailles contre les droits de douane américains, qui pourraient réduire à néant les bonnes nouvelles concernant la croissance aux États-Unis et avoir une incidence négative sur la croissance à moyen terme. Maintenant, bon nombre des politiques budgétaires et des réductions d’impôt de Donald Trump ne produiront leurs pleins effets qu’au cours du second semestre 2025 et probablement pas avant 2026 si elles ne sont pas mises en œuvre au premier semestre de 2025. La confiance est donc assez grande à cet égard.Il est probablement important pour nos auditeurs d’entendre un peu ce que Donald Trump a proposé, du moins pendant la campagne électorale. Vous savez, parfois, les candidats disent une chose et en font une autre une fois qu’ils sont au pouvoir, mais si l’on se réfère à 2016, il a donné suite à beaucoup de ses promesses de campagne, de sorte qu’il pourrait faire plus que moins cette fois-ci. Donc, vous savez, je pense que le premier point à l’ordre du jour du Congrès et du président sera vraiment la prolongation de la loi sur les baisses d’impôt et l’emploi (Tax Cuts and Jobs Act), qui a été initialement adoptée par le premier gouvernement de Donald Trump. Ces réductions d’impôt arriveront à échéance à la fin de 2025 si aucune mesure n’est prise, et Donald Trump s’est engagé à prolonger la quasi-totalité de ces initiatives liées à la loi sur les baisses d’impôt et l’emploi, de sorte que ce serait un premier pas important ici.Bon, il faudra un certain temps pour avoir l’aval du Congrès, mais ça ne sera peut-être pas un moteur de croissance énorme, car une partie de ces mesures sont déjà en place, et elles ne feront que se prolonger. Cela signifie simplement qu’il n’y aura pas d’augmentation massive des impôts qui frappera l’économie à la fin de 2025 et en 2026, mais il y aura des incidences budgétaires. Vous savez, le Congressional Budget Office (CBO) prévoit une augmentation régulière des déficits budgétaires au cours des 10 prochaines années, même en supposant que ces réductions d’impôt cesseront à la fin de 2025. Si ce n’est pas le cas et que tout reste en place, le déficit budgétaire pourrait, dans 10 ans, dépasser de près de 5 500 milliards de dollars le niveau de référence actuel du CBO. Il s’agit donc d’un changement assez important dans les projections annuelles des déficits budgétaires et de la dette, qui a manifestement retenu l’attention du marché obligataire et des justiciers de ce dernier.Il y a aussi beaucoup d’autres avantages que Donald Trump a proposés à diverses circonscriptions. Il a proposé de mettre fin à l’impôt sur les heures supplémentaires payées, les pourboires et les prestations d’aide sociale, d’abroger le plafond de 10 000 $ sur les déductions fiscales d’État et locales, ainsi que d’abaisser le taux d’imposition des sociétés de 21 % à 15 % ou 20 %, soit une mesure importante pour les entreprises et nos auditeurs d’affaires. Donc, au total, ce sont des sommes importantes. Si l’on additionne le coût de toutes ces réductions d’impôt et l’incidence sur le déficit au cours des 10 prochaines années, cela pourrait représenter environ 10 000 milliards de dollars en mesures de relance pour l’économie au cours des 10 prochaines années. Cela pourrait donc facilement ajouter près d’un demi-point de pourcentage à la croissance annuelle du PIB si ces réductions d’impôt étaient appliquées seules.Bien sûr, Donald Trump propose également de compenser certaines de ces réductions d’impôt par des hausses de droits de douane. Cela éliminera probablement une partie des répercussions positives sur la croissance. M. Trump a proposé des droits de douane de base universels de 10 % sur toutes les importations entrant aux États-Unis, ainsi que des droits de 60 % sur les importations en provenance de la Chine. Je crois que la semaine dernière, il avait également proposé une hausse dissuasive des droits de douane sur les importations mexicaines. Vous avez dit que, dans certains cas, les droits universels pourraient atteindre 20 %. Donc, oui, cela permettrait d’augmenter les recettes provenant des droits de douane. Si l’on appliquait des droits de douane de 10 %, avec des droits de 60 % à la Chine, les recettes fiscales sur 10 ans pourraient atteindre 2 700 milliards de dollars, mais ce serait loin de vraiment combler l’écart de 10 000 milliards de dollars qui se creuserait en raison de toutes les réductions d’impôt que M. Trump a proposées.Il y a donc un risque que les déficits et les dettes augmentent. Vous savez, lorsque nous examinons certaines des estimations du Committee for a Responsible Federal Budget, elles donnent une estimation moyenne ou centrale de l’augmentation de la dette fédérale détenue par le public, qui pourrait passer des niveaux actuels à 142 % de la dette par rapport au PIB. En vertu de la loi actuelle, cette dette et ces déficits ne devraient augmenter que d’environ 125 %, ce qui représente une hausse importante des déficits. Les risques sont donc, bien sûr, à plus long terme et à moyen terme, une hausse des taux d’intérêt, une hausse des déficits, une hausse potentielle de l’inflation et des perspectives de croissance globales mitigées.Sal Guatieri (11:41) : Il y a de nombreuses variables. Et quand on pense à toutes les mesures de relance qui sont prévues et qui vont évidemment creuser le déficit budgétaire, cela ne peut que faire progresser l’économie. Vous avez soulevé un point important concernant le calendrier, et l’on entend beaucoup dire que les droits de douane seront peut-être appliqués avant les réductions d’impôt, ce qui aura pour effet de tirer l’économie vers le bas dans un premier temps, avant que les réductions d’impôts ne soient mises en œuvre et ne soutiennent ces mesures. Mais je crois que vous soulevez également un point important en mentionnant que si les gens et les entreprises s’attendent à des baisses d’impôt, leur comportement peut changer avant cela; ils peuvent dépenser ou investir en prévision des réductions d’impôt. Et bien entendu, ce que nous observons sur les marchés financiers, c’est qu’ils anticipent déjà la possibilité d’une économie plus forte. Les marchés boursiers sont donc en hausse et les écarts de taux des obligations de sociétés se sont réduits. Tous ces facteurs favorisent généralement les dépenses et les investissements. Il sera donc intéressant de voir comment les choses se dérouleront en ce qui concerne cet équilibre entre de nouvelles mesures de relance et des droits de douane plus élevés.Scott Anderson (12:40) : Vous avez tout à fait raison, Sal. Il y a un manque de confiance assez important à l’égard des perspectives de croissance, d’inflation, de taux d’intérêt, etc. Mais, comme vous l’avez mentionné, le marché boursier ne semble pas trop s’inquiéter pour l’instant d’un éventuel ralentissement de la croissance et estime qu’il s’agit d’une bonne nouvelle ou se montre particulièrement optimiste à ce stade. Nous verrons si cela se poursuivra la semaine prochaine dans les semaines à venir.Sal Guatieri (13:02) : Scott, je me demande si les choses changeront un peu. Si les démocrates parviennent à prendre le contrôle de la Chambre des représentants, quelle autre incidence un tel développement aura-t-il sur l’économie? On suppose en effet que les démocrates pourraient retarder au moins une partie des mesures de relance budgétaires, en particulier les réductions d’impôt, voire les contrecarrer. En quoi l’incidence sur l’économie serait-elle différente?Scott Anderson (13:24) : Oui, vous avez raison, Sal. Il ne faut pas seulement envisager la possibilité que les républicains dominent le Congrès, mais aussi que ce dernier soit divisé différemment, et ce, en termes d’impact sur la politique fiscale et potentiellement même d’ampleur de la relance fiscale que pourrait mettre en œuvre une seconde administration Trump. Donc oui, vous avez tout à fait raison. Je pense que le Congrès n’adopterait pas les importantes réductions d’impôt de M. Trump; de toute évidence, le président ne peut pas tout faire tout seul. Il a besoin de l’appui des deux chambres et souhaite donc que le Congrès soit de son côté. Par conséquent, certaines de ces propositions de réduction d’impôts pourraient être édulcorées, et des préoccupations pourraient être soulevées concernant l’augmentation du déficit et de la dette. Un tel contexte ferait certainement en sorte, entre autres, qu’une partie de l’effet stimulant sur la croissance du PIB américain serait réduit. Il pourrait aussi faire en sorte que la hausse de la dette et du déficit ne soit pas aussi élevée que dans le cas où M. Trump mettrait en œuvre toutes ses propositions économiques.Il faut aussi tenir compte de ce qu’on appelle la « voie de la facilité ». Si le Congrès est divisé, M. Trump pourrait se concentrer sur ce qu’il peut faire le plus facilement et le plus rapidement. Il se pourrait donc que M. Trump donne la priorité aux droits de douane et aux mesures de protection commerciale parce qu’il est plus facile pour lui de le faire unilatéralement. Les règles commerciales dans les lois à cet égard donnent au président beaucoup de pouvoir unilatéral pour imposer des droits de douane s’il juge que des nations sont déloyales dans leurs échanges commerciaux ou représentent une menace pour la sécurité nationale. Il a adopté une partie de cette démarche en ce qui a trait aux droits de douane qu’il a imposés initialement à la Chine lors de son premier mandat. Cela pourrait donc certainement attirer l’attention du marché sur l’impact des droits de douane plus tôt que plus tard.Du point de vue des notions de base en économie, la plupart des économistes traditionnels pensent que les droits de douane sont généralement une mauvaise idée pour la croissance économique globale; il s’agit vraiment d’un facteur défavorable sans équivoque pour les consommateurs. Oui, vous obtenez des revenus douaniers, mais vous perdez encore plus de surplus de consommation. Par conséquent, il y a lieu de croire que presque toutes les augmentations de droits de douane se répercutent sur les prix de vente dans l’économie nationale. Il y a donc une certaine incertitude quant à l’incidence réelle que pourrait avoir une telle politique. Un dollar plus fort et, peut-être, le fait que certains importateurs répercutent le coût des droits de douane sur leurs marges pourraient conduire à une augmentation moindre des prix à la consommation aux États-Unis. Je crois que c’est sur cela que l’administration Trump compte vraiment. Cela dépendra également, dans une certaine mesure, de l’ampleur du ralentissement de l’économie et du marché du travail américains lorsque ces droits de douane seront appliqués.Maintenant, si l’économie fonctionne déjà à plein régime, peut-être même au-delà de son potentiel, et que l’on y ajoute des droits de douane, il y aura probablement un effet inflationniste beaucoup plus important que si l’économie tournait à un niveau inférieur à son potentiel et que l’on disposait d’une marge de manœuvre supplémentaire sur le marché du travail. Je crois donc qu’en général, la majorité des économistes pensent que cela entraînera une certaine hausse de l’inflation, ce qui sera globalement défavorable pour la plupart des consommateurs. Si l’on examine la répartition des revenus, les ménages des seuils de revenus les plus élevés pourraient encore en bénéficier, mais près de 90 % ou plus des ménages américains finiront probablement par payer plus cher la quasi-totalité des biens, ce qui se traduira par une taxe supplémentaire sur la consommation pour cette population. Cet effet se répercuterait nécessairement sur le marché obligataire. Les taux d’intérêt, du moins ceux à long terme, pourraient aussi augmenter.Et puis, vous savez, il faut se préoccuper des implications pour la Fed et la politique de la Fed. De toute évidence, ces mesures de politique budgétaire ne se dérouleront pas en vase clos. La Réserve fédérale américaine tente vraiment de défendre son mandat en matière d’inflation ainsi que ses objectifs de plein emploi, et d’orienter les choses sans provoquer un repli de l’économie ou provoquer une autre flambée d’inflation. Son travail est donc devenu beaucoup plus délicat. Il y a un risque que la Fed doive au moins revoir à la baisse ses prévisions de réduction des taux l’année prochaine et probablement jusqu’en 2026, si certaines de ces mesures se traduisent par une croissance plus forte et une inflation plus élevée. On ne peut pas exclure la possibilité que la Fed change de cap en 2025 ou 2026 et recommence à relever les taux.Tout cela pourrait avoir des répercussions sur les taux hypothécaires, le marché de l’habitation et les ventes de maisons. Pour l’heure cependant, il y a lieu de se réjouir de la baisse des taux hypothécaires et de l’amélioration des demandes d’achat et de refinancement de prêts hypothécaires dans le secteur bancaire. Cette situation pourrait toutefois s’estomper à mesure que les taux à long terme augmenteront et qu’une hausse de l’inflation sera prise en compte dans les prévisions. Il y a donc des gagnants et des perdants, malheureusement lorsqu’on intervient dans les politiques budgétaires et douanières comme le propose l’administration Trump.Sal Guatieri (18:37) : Il y a donc beaucoup d’incertitude non seulement pour les perspectives de croissance, mais aussi pour les perspectives d’inflation et même, celles de la Fed. Vous avez soulevé un point important : on ne peut pas simplement dissocier des mesures de relance budgétaires plus énergiques, des droits de douane plus élevés et une hausse de l’inflation, parce qu’il peut y avoir des éléments qui influent sur les autres. Un dollar américain plus vigoureux, par exemple, pourrait atténuer une partie de l’impact inflationniste de l’augmentation des droits de douane. La Fed aura donc vraiment, vraiment une tâche difficile à accomplir, je pense, à l’avenir. Vous vous attendez toujours à ce que la Fed abaisse davantage les taux d’intérêt, n’est-ce pas? Peut-être pas autant que nous le pensions précédemment.Scott Anderson (19:18) : En effet, je ne pense pas que la Fed changera de cap de façon imminente. Le taux des fonds fédéraux s’établit actuellement à 4,875 %, et il est toujours supérieur d’environ deux points de pourcentage à ce que la Fed estime être un taux neutre à long terme pour les fonds fédéraux, soit un objectif de 2,875. La Fed a donc une certaine marge de manœuvre pour continuer de réduire les taux au moins graduellement, peut-être par tranches d’un quart de point. Vous savez, nous envisageons la possibilité que cette semaine, c’est-à-dire demain, la Fed réduise ses taux d’un quart de point pour le mois de novembre, et nous pensons toujours qu’il y a plus de 50 % de probabilité qu’elle réduise ses taux d’un autre quart de point en décembre. Cependant, je crois qu’elle adoptera un rythme plus progressif l’année prochaine, peut-être à raison d’une réduction de taux par trimestre pour un total de quatre baisses de quart de point supplémentaires l’année prochaine, ce qui est une prévision de base assez réaliste, je pense.Les choses pourraient changer au fil du temps. Mais, comme vous le savez, la Fed a fait un assez bon travail au cours de la dernière année et demie pour ramener le taux d’inflation aux États-Unis à un niveau très proche de son objectif. Même pour les mesures de l’inflation de base, d’une année à l’autre, la tendance était de l’ordre de 2,5 %, selon la mesure envisagée. Vous savez, la Fed était sur la bonne voie pour que l’inflation atteigne la cible de 2 %, probablement d’ici le milieu de l’année prochaine. Nous verrons comment cela se passe, mais l’objectif est que l’inflation se rapproche de ce niveau neutre. La Fed ne veut pas non plus que l’inflation traverse la limite inférieure de la cible.Et comme nous l’avons dit, il y a également des risques de baisse de la croissance qui pourraient jouer un rôle dans ce contexte. Donc, oui, je pense que la Fed ignorera en quelque sorte le choc potentiel de la politique budgétaire jusqu’à ce que nous ayons plus de précisions sur ce qui sera réellement proposé, qui passera par le Congrès et qui sera probablement promulgué. La Fed ne réagit généralement pas à des choses qui ne se sont pas produites et qui sont en fait simplement théoriques à ce stade. Je ne crois donc pas qu’il y ait quoi que ce soit qui l’empêche vraiment de réduire les taux au moins quelques fois de plus à court terme avant d’adopter une approche plus graduelle.Sal Guatieri (21:31) : C’est une bonne nouvelle! La Fed continuera donc de revoir un peu sa politique monétaire, sans toutefois aller aussi loin qu’on le pensait peut-être avant les élections. Nous n’avons pas encore parlé du Canada. Je sais que les investisseurs s’intéressent aux répercussions possibles de l’élection sur l’économie canadienne, le huard et la Banque du Canada. Je vais donc profiter de l’occasion pour donner mon point de vue. Nous savons que l’économie canadienne progresse nettement moins que l’économie américaine depuis au moins un an. Aujourd’hui, le taux de croissance est d’environ 1 %, alors qu’il est d’environ 3 % aux États-Unis. De nombreux ménages canadiens ont du mal à composer avec l’augmentation des paiements hypothécaires, alors que bon nombre de ménages américains ont généralement réussi à se garantir des taux d’intérêt très bas; il s’agit de taux d’intérêt hypothécaires qui ont touché un creux record il y a quelques années.Mais, dans l’ensemble, je considère que cette victoire de Donald Trump est à la fois bonne et mauvaise pour le Canada. Certainement, si cette élection occasionnait une croissance plus forte aux États-Unis, ce serait un avantage pour les exportateurs canadiens. Lorsque les trois quarts de tout ce que vous vendez à l’étranger sont envoyés directement à votre plus important partenaire commercial, la vigueur économique de ce dernier est forcément un avantage. Malheureusement, ce qui est négatif, c’est que le coût de ces exportations pourrait augmenter de façon spectaculaire si une hausse des droits de douane est imposée sur les importations canadiennes aux États-Unis. Cela représente donc un risque.La faiblesse du dollar canadien pourrait compenser cet effet en partie. La possible hausse des droits de douane est probablement l’une des raisons pour lesquelles le dollar américain a augmenté de façon aussi spectaculaire par rapport à pratiquement toutes les devises, mais en particulier par rapport au peso mexicain et au yuan chinois. Bien entendu, le dollar canadien a d’abord reculé d’environ 1 % après les élections. Cela pourrait donc offrir une certaine compensation qui permettrait aux exportations canadiennes de traverser la frontière des États-Unis, mais il ne faut surtout pas que cette amélioration de la compétitivité se produise en raison de la faiblesse de la monnaie, car cela minerait vraiment le pouvoir d’achat national. Pour la Banque du Canada, ce sera clairement plus compliqué. Elle pourrait hésiter un peu plus à assouplir davantage sa politique si la croissance aux États-Unis se répercute sur le Canada. Mais en même temps, elle pourrait être amenée à réduire les taux de manière plus énergique si nous constatons que ces droits de douane ont un impact négatif sur l’économie canadienne. Nous savons que la Banque du Canada cherche à faire en sorte que la croissance économique soit beaucoup plus forte pour absorber une partie des capacités excédentaires du marché du travail au pays et empêcher l’inflation de rester en dessous de l’objectif de 2 % à l’heure actuelle. Je crois donc qu’il y a des risques dans les deux éventualités pour la Banque du Canada, et de toute évidence, le risque d’erreur de politique a probablement augmenté après les dernières élections. Espérons que la Banque du Canada saura faire les bons choix.Une dernière question, Scott. Dans la foulée des élections, êtes-vous plutôt optimiste ou plutôt préoccupé par l’économie et les marchés financiers américains?Scott Anderson (24:49) : C’est une très bonne question, Sal. Je ne dirais pas que je suis plus préoccupé par l’économie américaine. La bonne nouvelle, c’est que l’économie américaine se trouvait sur des bases très solides avant les élections. Le taux de croissance du PIB américain pour le troisième trimestre vient tout juste d’être publié, et nous avons observé une croissance très solide dans presque tous les volets de la demande intérieure : les dépenses de consommation, les dépenses d’équipement des entreprises et les dépenses publiques. Ces dépenses ont toutes été un peu plus élevées que prévu. En fait, avant ces élections, nous commencions graduellement à évaluer certaines de nos attentes en matière de croissance de la consommation et du PIB pour le quatrième trimestre et le premier semestre de l’année prochaine. Il semble donc que nous nous dirigeons vers un atterrissage très en douceur, si ce n’est un scénario sans atterrissage, où la croissance ralentirait pour s’établir aux alentours de 2 %.Il existe donc un risque de reprise de l’inflation. Je dirais donc, Sal, que nous sommes plus optimistes en ce qui a trait aux perspectives des 12 à 18 prochains mois. La politique budgétaire jouera un rôle plus important dans nos prévisions de croissance et d’inflation aux États-Unis, et c’est le cas depuis un certain temps. L’une des raisons pour lesquelles les décideurs préfèrent s’en remettre à la Fed, c’est parce qu’il est beaucoup plus facile de s’adapter à des changements mineurs au chapitre de la croissance et de l’inflation. La politique budgétaire est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre; il faut beaucoup plus de temps pour traverser toutes les étapes du processus politique. Vous savez, cela pourrait certainement provoquer des surprises à la hausse et à la baisse dans les prochaines années.Mais de façon générale, je demeure assez optimiste à l’égard de l’économie américaine; vous savez, la réaction du marché boursier est encourageante ici. Nous sommes préoccupés à moyen terme par l’augmentation des déficits budgétaires, car les budgets semblaient déjà assez précaires. Si l’on ajoute à cela d’énormes réductions d’impôt sans chercher à les contrebalancer à l’aide de réductions de dépenses ou de hausses d’impôt dans d’autres segments, cela pourrait être problématique pour le dollar et les taux d’intérêt à long terme, ce qui aggraverait beaucoup la situation budgétaire du pays. Nous allons donc traverser cette période avec les doigts croisés, comme l’économie américaine a tendance à toujours le faire.Sal Guatieri (27:12) : Il semble que les investisseurs en actions aient peut-être raison en ce qui concerne leur vision de l’économie américaine. L’économie n’a probablement pas besoin de beaucoup plus de mesures de relance budgétaire. Elle se porte bien telle qu’elle est et résisterait probablement assez bien à des droits de douane modérés, parce qu’elle fait preuve d’une assez grande résilience depuis un certain temps maintenant. Il en faudra donc peut-être beaucoup pour la faire vaciller. Ce seront donc quatre années intéressantes, c’est le moins qu’on puisse dire. Les investisseurs devront rester attentifs à l’évolution des risques et des occasions liés au changement de gouvernement. Scott, merci beaucoup de nous avoir fait part de vos observations aujourd’hui et merci à tous de nous avoir écoutés.Scott Anderson (28:00) : Merci de m’avoir invité, Sal. C’était très bien.

Perspectives du marché de l’habitation au Canada
De nombreuses forces s’exercent dans le marché canadien de l’habitation. L’abordabilité, l’offre et l’immigration en font partie. Comment ces forces se manifesteront-elles et détermineront-elles l’orientation du marché? Joignez-vous à Sal Guatieri, économiste principal chez BMO, pour connaître ses perspectives sur le marché de l’habitation au Canada.
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- Introduction (00:00) : Bienvenue à l’épisode du mois de septembre 2024 du balado Investissements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:00) : Le marché canadien de l’habitation se trouve à un tournant décisif. La baisse des taux d’intérêt pourrait redonner vie au marché, mais pour qu’il y ait une réelle amélioration de l’abordabilité, il faudrait que les taux diminuent de façon abrupte. Les plaidoyers en vertu d’une augmentation de l’offre de logements pour atténuer le problème font face à leurs propres défis et les plans de réduction de l’immigration pour atténuer la pression sur l’offre pourraient mener à un ralentissement marqué de la croissance de la population, qui freinera la demande. Comment ces trois enjeux – l’abordabilité, l’offre et l’immigration – se manifesteront-ils et influeront-ils sur le cours de l’activité du marché de l’habitation et les prix dans les années à venir?Bonjour à tous. Je m’appelle Sal Guatieri, économiste principal et directeur général, Études économiques de BMO. Commençons par la question de l’abordabilité. La dernière fois où l’achat d’une maison dans certaines régions du Canada était aussi cher qu’il l’est aujourd’hui, c’était à l’époque des taux hypothécaires à deux chiffres, au début des années 1990. La solution, la dernière fois, a comporté une correction majeure des prix, suivie d’une longue période de stagnation, ainsi que des coûts d’emprunt moins élevés. Cette fois-ci, nous avons observé une correction importante des prix depuis 2022, après la bulle pandémique, et les taux hypothécaires sont bien en deçà de leurs sommets, mais l’abordabilité est encore bien pire qu’avant la pandémie. Trois forces ont mené à la situation actuelle.Premièrement, les taux d’intérêt ont plongé à des creux historiques avant que la Banque du Canada ne commence à resserrer sa politique au début de 2022. Ces taux d’intérêt réels très négatifs ont entraîné des gains démesurés sur le prix des maisons, qui ont propagé la mentalité spéculative fondée sur la crainte de l’occasion manquée; les prix ont donc largement surpassé les données fondamentales sous-jacentes. Depuis, la hausse des taux d’intérêt a ébranlé cette mentalité et fait baisser les prix moyens de 14 % à l’échelle nationale et de 20 % ou plus dans certains marchés, mais l’abordabilité ne s’améliorera pas sensiblement tant que les taux ne baisseront pas et que les prix ne se mettront pas à baisser ou à augmenter très lentement, permettant aux revenus de rattraper leur retard.Le deuxième facteur qui a fait chuter l’abordabilité à son niveau le plus bas depuis des décennies est l’immigration internationale, qui est passée d’environ 450 000 personnes par année avant la pandémie à 1,2 million de personnes au cours de la dernière année. Il s’agit d’un choc historique de la demande qui présente un défi pour toutes les formes d’infrastructures, y compris le logement. À long terme, un programme d’immigration solide comporte des avantages importants, et les constructeurs se sont montrés capables de répondre à la demande de logements découlant des cibles ambitieuses de résidents permanents. L’arrivée de plus de 800 000 résidents non permanents au cours de la dernière année a manifestement été difficile à absorber pour le marché de l’habitation.Troisièmement, la majorité de la cohorte de la génération du millénaire est dans la mi-trentaine. La tranche d’âge des 25 à 39 ans compte près de 9 millions de personnes. Ce sont les années où les ménages ont tendance à se former, ce qui stimule la demande de logements, en particulier pour les maisons unifamiliales. Cependant, la politique favorise l’intensification et les propriétés à logements multiples de plus en plus petites depuis plus de dix ans.Précisons que lorsque nous parlons d’abordabilité, l’emplacement est très important. Le pays est en grande partie divisé entre la très dispendieuse Colombie-Britannique, en particulier le Grand Vancouver, Victoria et la vallée du Fraser; l’Ontario, notamment le Grand Toronto et le Sud-Ouest de l’Ontario; et les provinces des Prairies, les provinces de l’Atlantique et le Québec, où les prix sont encore raisonnables. Pour une famille au revenu médian qui cherche à acheter une propriété typique, les versements hypothécaires représenteraient environ un cinquième du revenu dans de nombreuses régions et moins du tiers dans plusieurs grandes villes, y compris Montréal, Ottawa, Calgary et Halifax. Ces niveaux d’abordabilité demeurent très raisonnables. Ce pourcentage passe à près de la moitié dans certaines régions de la Colombie-Britannique et de l’Ontario pour atteindre les deux tiers à Vancouver et à Toronto. Ces écarts régionaux signifient que la question du rétablissement de l’abordabilité est particulièrement préoccupante pour les familles de la Colombie-Britannique et de l’Ontario, où vit la moitié de la population nationale.Il n’est pas surprenant que les régions où les gens sont attirés par les logements peu coûteux connaissent toujours des hausses de prix, malgré les taux d’intérêt élevés. Le Québec et l’Alberta ont mené le bal en ce qui concerne la hausse de base des prix des maisons, alors que les prix sont restés stables ou ont baissé l’année dernière en Colombie-Britannique et en Ontario. Ces jours-ci, les gens conduisent loin ou prennent même l’avion pour accéder à la propriété et leur décision de déménager contribue à réduire les grands écarts régionaux en matière d’abordabilité, mais une telle disparité est un facteur clé des flux migratoires à l’intérieur des provinces et entre celles-ci. Il s’agit, par exemple, de la migration du centre de Toronto vers les petites villes du sud de l’Ontario et hors de l’Ontario et de la Colombie-Britannique vers le Québec, l’Alberta et les provinces de l’Atlantique.Pour que l’abordabilité revienne aux niveaux d’avant la pandémie, il faudra un ajustement important des taux d’intérêt, des prix et des revenus. Le scénario de référence actuel du service des études économiques prévoit une baisse graduelle des taux hypothécaires à 5 ans, les faisant passer de près de 4,5 % à l’heure actuelle à environ 4 %, alors que la Banque du Canada continue d’assouplir sa politique. Nous entrevoyons que les prix des maisons seront stables dans l’ensemble pour le reste de l’année, avant de remonter à un rythme annualisé modeste de 3 % d’ici 2027. La croissance du revenu par habitant devrait être solide, à un peu moins de 3 % par année. Dans ce scénario, l’abordabilité s’améliore graduellement, mais demeurera difficile même au cours des prochaines années. Pour se rapprocher d’un niveau d’abordabilité normal, les prix ou les taux hypothécaires devront baisser beaucoup plus que prévu.De fait, si notre scénario de référence s’avère exact, cela viendrait limiter la rapidité de la reprise des prix. Nous ne nous attendons pas à une reprise en V des marchés de l’habitation, en particulier en Ontario et en Colombie-Britannique, contrairement à ce que nous avons observé après la crise financière et la pandémie, et de toute façon, les sommets du marché atteints au début de 2022 sont loin derrière nous. Compte tenu de l’orientation que prennent les taux, les prix et les revenus, il est possible de redonner aux locataires de longue date et aux jeunes, en particulier en Colombie-Britannique et en Ontario, une voie vers des logements abordables, mais cela prendra du temps. Les récentes politiques visant à accélérer l’offre, y compris en matière de logements abordables, et le ralentissement de la croissance de la population seront sans aucun doute favorables. Examinons ces deux facteurs à tour de rôle.Les décideurs désireux d’accroître le parc de logements au Canada devraient, bien sûr, réfléchir à ce qu’ils souhaitent réellement. Les dernières données sur la construction ont confirmé deux choses. La plupart des promoteurs sont au maximum de leurs capacités, et ce qu’ils construisent ne convient pas à bon nombre de familles. Les mises en chantier ont un peu diminué cette année, mais demeurent assez élevées en raison de la forte croissance de la population et des nouvelles politiques visant à réduire les frais d’aménagement et à accélérer la construction. Compte tenu de la taille de la population, les mises en chantier sont essentiellement conformes aux normes à long terme, mais les taux d’achèvement devront doubler pour suivre la croissance actuelle de la population adulte, qui a atteint un million en 2023, ce qui est trois fois plus élevé qu’en 1950. L’objectif ne pourra être atteint si les constructeurs sont freinés par des coûts d’emprunt élevés, des restrictions de zonage et une pénurie de main-d’œuvre qualifiée.Les dépenses d’investissement résidentiel ont fluctué pratiquement toute l’année, principalement à la baisse, et les volumes sont désormais inférieurs aux niveaux prépandémiques. Le pays construit toujours à peu près le même nombre d’unités que l’an dernier, mais les logements mitoyens sont plus nombreux. L’investissement réel dans les habitations multifamiliales a augmenté de 5 % sur une base annualisée cette année, tandis que celui dans les maisons individuelles a diminué d’environ 10 %. Au deuxième trimestre, un nombre record de quatre mises en chantier sur cinq concernaient des immeubles d’habitation, contre moins de la moitié il y a deux décennies. Dans les grandes villes comme Vancouver et Toronto, où l’espace pour les maisons individuelles est limité et où beaucoup de familles sont exclues du marché en raison des prix trop élevés, les immeubles d’habitation et les logements dits « intermédiaires » s’avèrent être des options plus viables pour les promoteurs et les acheteurs.Un autre problème, particulièrement dans la région du Grand Toronto, est que de nombreux appartements en copropriété que les investisseurs n’ont pas les moyens d’acquérir ou de conserver inondent le marché et que beaucoup sont trop exigus pour des familles. Selon Urbanation, les ventes de nouvelles unités en copropriété ont chuté à des niveaux jamais vus en 27 ans au cours du premier semestre, tandis que les unités invendues ont triplé par rapport à la norme. Par conséquent, les prix des unités pourraient devoir baisser davantage pour combler le fossé entre l’offre et la demande, mais les coûts élevés de construction et de financement ont dissuadé les constructeurs de réduire les prix pour aider à écouler le marché. La hausse des stocks de copropriétés, y compris les niveaux records atteints sur le marché de la revente, pourrait freiner la construction d’immeubles d’habitation dans la région de Toronto pendant un certain temps, les mises en chantier atteignant déjà leur niveau le plus bas en vingt ans. Par conséquent, cette situation ne devrait pas faire augmenter les stocks de logements.En contrepartie, il ne faut pas s’attendre à ce que les constructeurs accélèrent la construction par magie, en particulier la construction de maisons unifamiliales ou de copropriétés dans la région de Toronto. La solution la plus pratique semble être de freiner la demande en ralentissant l’immigration, et c’est ce que le gouvernement fédéral compte faire. En avril, la population du Canada a atteint 41 millions d’habitants pour la première fois de l’histoire. L’augmentation de près d’un quart de million de personnes était semblable à celle du trimestre précédent. L’augmentation annuelle de 1,3 million de personnes a été la plus importante jamais enregistrée, tandis que le gain en pourcentage de 3,2 % est le plus élevé depuis 1958 et plus du double de la moyenne historique.L’immigration internationale nette a été à l’origine de presque toute l’augmentation de la population. Si, comme prévu, le gouvernement fédéral réduit le nombre d’immigrants temporaires de près de 7 % à l’heure actuelle à 5 % de la population d’ici trois ans, la croissance globale ralentira pour atteindre environ 1 %. Une population croissante principalement propulsée par une immigration permanente d’environ un demi-million de personnes par année soutiendrait tout de même le marché de l’habitation, mais de façon beaucoup plus durable. Les constructeurs auront une chance raisonnable de suivre le rythme de la formation de ménages, ce qui réduira le risque que les marchés surchauffent et que les prix dépassent de nouveau la croissance des revenus.En résumé, la combinaison du ralentissement de la croissance de la population, de la baisse des taux hypothécaires, de la stabilisation ou de la baisse du prix des maisons dans certaines régions du pays et de la hausse des revenus finira par rétablir un semblant de normalité en matière d’abordabilité. Les récents changements apportés aux règles hypothécaires qui permettent des périodes d’amortissement de 30 ans pour les acheteurs d’une première maison, nouvelle ou ancienne, et pour les autres acheteurs d’une nouvelle maison aideront à réduire les versements hypothécaires mensuels d’environ 9 % par rapport à une période de 25 ans. Mais ne vous attendez pas à une amélioration rapide de l’abordabilité, ni de l’offre, ni de la demande, ni des prix.Il a fallu des années pour que cette combinaison de problèmes prenne forme dans le marché canadien de l’habitation, et il faudra probablement des années pour les résoudre. Le résultat le plus probable est que la baisse des taux d’intérêt s’accompagne d’une reprise, quoique modérée, puisque les problèmes d’abordabilité persistent en Ontario et en Colombie-Britannique et que la croissance de la population ralentit.Conclusion (14:10) : Merci à tous d’avoir été des nôtres.

Défis et perspectives économiques de la Chine
La Chine est la deuxième économie en importance dans le monde, ce qui en fait un marché important à surveiller. Cependant, compte tenu du ralentissement du marché de l’habitation, du risque d’une crise de la dette et de la menace imminente d’une guerre commerciale avec les États-Unis, l’économie chinoise est un marché auquel les investisseurs doivent prêter une attention encore plus grande en ce moment. Retrouvez Art Woo, économiste principal et directeur général de BMO, et à Sal Guatieri dans un entretien sur les défis et les perspectives économiques de la Chine.
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- Introduction (00:03) : Bienvenue à l’épisode du mois de juillet 2024 du balado Placements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:18) : Les investisseurs cherchent toujours à mieux comprendre ce qui se passe en Chine, la deuxième plus grande économie au monde. En effet, son économie fait constamment les manchettes, notamment en ce qui concerne les perspectives de croissance, le ralentissement du marché de l’habitation, le risque d’une crise de la dette, l’intensification de la guerre commerciale avec les États-Unis et l’issue de la troisième séance plénière. Art Woo, directeur général et économiste principal, BMO Marchés des capitaux, se joint à nous aujourd’hui pour discuter en profondeur de tous ces enjeux. Art, merci de vous joindre à nous.Art Woo (00:50) : Pas de problème. Merci de m’avoir invité.Sal Guatieri (00:52) : Commençons par l’économie. Que pensez-vous de la situation économique de la Chine, étant donné que le deuxième trimestre n’a pas été très bon? La croissance du PIB a été beaucoup plus faible que prévu, à un taux annuel de 4,7 %.Art Woo (01:06) : Oui, le PIB du deuxième trimestre est en baisse par rapport à 5,3 % au premier trimestre, mais je ne crois pas vraiment que cela change la situation économique générale, en particulier depuis le début de l’année. L’économie semble toujours en mesure d’atteindre la cible annuelle du gouvernement, à savoir environ 5 % ou un peu moins. Nos prévisions pour l’ensemble de l’année s’établissent toujours à 4,8 %. Je crois que la principale source de préoccupation est en fait la composition de la croissance, car l’économie est toujours alimentée par les exportations de biens, tandis que l’activité davantage axée sur le marché intérieur continue de stagner. Cela est en quelque sorte mis en évidence par les ventes au détail, qui n’avaient augmenté que de 2 % sur 12 mois en juin. Dans l’ensemble, les pressions déflationnistes demeurent fortes. L’IPC global n’avait progressé que de 0,2 % sur 12 mois en juin, faisant pratiquement du surplace. Je m’en voudrais de ne pas mentionner que, dans l’ensemble, la rentabilité industrielle demeure très faible, en hausse de seulement 3,5 % au premier semestre, et ce, après une contraction de 17 % au premier semestre de 2023.Si nous prenons un peu de recul, il est difficile de faire abstraction du fait que le ralentissement du marché de l’habitation, qui a commencé au milieu de 2021, continue d’avoir de lourdes répercussions sur l’économie par l’intermédiaire de deux canaux. Premièrement, les mises en chantier continuent de diminuer. Deuxièmement, l’effet de richesse négatif attribuable aux prix des logements demeure assez puissant. Les dernières nouvelles concernant le marché de l’habitation demeurent très décevantes, car les ventes de logements existants dans les 70 plus grandes villes ont chuté de 8,5 % en moyenne sur 12 mois en juin. Tout cela explique en quelque sorte pourquoi la banque centrale est intervenue ces derniers jours et a assoupli sa politique monétaire en réduisant par très petites tranches un certain nombre de taux directeurs qu’elle contrôle.Sal Guatieri (03:02) : Art, puis-je vous poser une question complémentaire sur les produits de base? Étant donné la faiblesse des mises en chantier, pourquoi les prix des métaux semblent-ils bien résister? Par exemple, le prix du cuivre oscille toujours autour de 4 $ US la livre, bien qu’il soit en baisse par rapport à un sommet de 5 $ US à la fin de mai.Art Woo (03:21) : Si nous avions discuté il y a trois ans et qu’on nous avait dit que la Chine était sur le point de connaître une baisse de 50 % à 60 % des mises en chantier par rapport au sommet du milieu de 2021, je n’aurais pas été très optimiste quant aux prix des métaux, car la Chine représente habituellement 50 % de la demande mondiale pour la plupart des métaux. Sans entrer dans les diverses dynamiques de l’offre et de la demande de chaque métal, qui sont toutes un peu différentes, il semble que la demande chinoise et mondiale de métaux ait été fortement soutenue par le développement de l’énergie verte. Nous avons notamment assisté à une croissance explosive des véhicules électriques et des panneaux solaires et, en Chine, le réseau électrique est en train de se développer à grande échelle. Il convient toutefois de mentionner que, dans certains cas, l’approvisionnement en métaux de base comme le cuivre et le zinc est assez restreint à cause de fermetures et de diverses perturbations.Sal Guatieri (04:20) : C’est intéressant, Art, mais je me demande si la stratégie de la Chine en matière d’énergie verte est durable compte tenu de la hausse des tarifs douaniers sur les importations de véhicules électriques chinois par les États-Unis et l’Europe. Le tarif douanier le plus élevé de l’Union européenne sur les VE fabriqués en Chine frôle les 50 %, tandis que celui des États-Unis est de 100 %. De plus, que pensez-vous du risque d’une deuxième élection de Trump à la présidence? Celui-ci a proposé des tarifs douaniers d’au moins 60 % sur toutes les marchandises importées de la Chine, ce qui aurait certainement une incidence majeure sur la devise de la Chine. Non?Art Woo (04:51) : Oui, Sal, ce ne sont pas des questions faciles auxquelles répondre, je vais donc les aborder séparément. Tout d’abord, je suis tout à fait d’accord pour dire que la stratégie de la Chine en matière d’énergie verte continuera probablement à faire l’objet d’une forte opposition, car la fermeté à l’égard de la Chine est essentiellement un incontournable pour gagner des votes aux États-Unis. Autre élément important, le maintien de la compétitivité économique est devenu une priorité en matière de sécurité nationale. En réaction, les sociétés chinoises s’empressent de reconfigurer leurs chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour le marché intérieur de l’emploi, qui reste assez faible.Deuxièmement, la montée du protectionnisme devrait être considérée comme un signal par Beijing que le pays ne peut tout simplement pas compter sur les exportations pour stimuler la croissance. Cependant, il est assez évident pour l’instant que Beijing n’est pas sur le point d’abandonner ses efforts d’autosuffisance en matière de haute technologie. Cette stratégie a été mise en évidence dans le communiqué de la troisième séance plénière il y a quelques semaines.Il ne semble pas non plus que Beijing soit prêt à faire pression pour augmenter la consommation des ménages, ce qui est un objectif clé depuis de nombreuses années. Je ne dis pas pour autant que ce serait facile à accomplir, surtout compte tenu de l’éclatement de la bulle immobilière. La mise en place d’un filet de sécurité sociale adéquat ou d’un système de retraite plus solide se traduirait probablement par des dépenses personnelles plus élevées au fil du temps, et je crois que cela pourrait contribuer à atténuer les tensions commerciales avec l’Occident. Comme vous le savez, les multinationales veulent vraiment tirer parti du vaste marché de consommation de la Chine. Au lieu de cela, il semble que la guerre commerciale s’aggravera si Trump est élu une deuxième fois à la présidence. Même s’il est difficile de prédire si Trump donnera suite à sa promesse d’imposer des tarifs douaniers de 60 %, il est probable qu’il fera quelque chose et il semble qu’il ait l’intention d’inverser le déficit commercial bilatéral des États-Unis avec tous les pays. Je dirais toutefois que les États-Unis pourraient se retrouver avec un déficit commercial global plus important si les fabricants déménagent simplement dans des lieux plus coûteux. Cependant, nous pourrions avoir un débat sans fin sur ce sujet, vous savez, en ce qui concerne l’efficacité des tarifs douaniers et du protectionnisme en général.Sal Guatieri (07:04) : Qu’en est-il de la réponse de la Banque populaire de Chine?Art Woo (07:08) : Comme je l’ai dit, je doute que Trump impose un tarif unique de 60 %. Je ne crois pas que nous assisterons à une forte dévaluation ponctuelle du renminbi à la suite de cette mesure, disons de 10 % à 20 %, par exemple. Ce n’est tout simplement pas de cette façon que les décideurs chinois gèrent les choses ces jours-ci. Ils sont plus susceptibles de prendre une décision mesurée. Je dis cela parce qu’une forte dévaluation pourrait entraîner des pressions sur les sorties de capitaux, comme ce fut le cas en 2015 lorsque la banque centrale a surpris le marché avec une mini dévaluation. De plus, une forte dévaluation attiserait probablement la guerre commerciale et serait probablement quelque peu neutralisée par le fait que de nombreuses économies limitrophes de la Chine déprécient aussi leur devise. Si Trump impose une forte hausse des tarifs douaniers, je dirais que la banque centrale sera plus susceptible de faire baisser le renminbi de 5 % à 10 % environ, sur une période de plusieurs mois.Sal Guatieri (08:16) : Art, j’ai une brève question complémentaire sur les véhicules électriques chinois, plus par curiosité. Comment la Chine est-elle parvenue à construire des VE avec autant de succès? Je crois savoir qu’il existe maintenant des centaines de fabricants de VE capables de produire des véhicules à des prix relativement bas.Art Woo (08:33) : Vous savez, la Chine se concentre sur les VE depuis de nombreuses années. Je dis bien de nombreuses années, soit depuis le début des années 2000, lorsqu’elle a reconnu que le pays ne serait pas en mesure de rattraper l’Occident dans la fabrication de voitures traditionnelles à moteur à combustion interne. Cependant, les choses ont vraiment commencé à bouger à la fin de cette décennie, lorsqu’un ingénieur automobile nommé Juan Gong, qui avait travaillé pour Audi en Allemagne pendant de nombreuses années, est devenu ministre des Sciences et de la Technologie de la Chine; beaucoup attribuent à M. Gong la décision nationale de se lancer à fond dans les VE à l’époque. C’est donc à ce moment-là que le gouvernement a commencé à consacrer des fonds à la recherche et au développement et, au fil du temps, il a accru son soutien au moyen d’une gamme de subventions, d’allègements fiscaux, de mise à disposition de terrains bon marché et d’autres types d’incitatifs. Voilà, en un clin d’œil, aujourd’hui, le pays a constitué une industrie massive capable de fabriquer des voitures à des prix très concurrentiels, de l’ordre de 15 000 $ US. À mon avis, ce sont les incitatifs nationaux, à savoir les achats d’autobus et de taxis effectués par le gouvernement et les exigences favorables en matière de permis dans de nombreuses municipalités, qui ont rendu l’achat de VE beaucoup plus attrayant pour les conducteurs que celui de voitures à combustion interne.Sal Guatieri (09:54) : C’est intéressant. Je me demande si nous pouvons changer de sujet en abordant le sujet dont personne n’ose parler. On craint toujours que la Chine ne tombe dans une crise financière ou de la dette de grande ampleur en raison de l’éclatement de la bulle immobilière et des difficultés rencontrées par les instruments de financement des administrations locales dans le remboursement de leur dette. Pour que les choses soient claires, ces instruments de financement des administrations locales (IFAL) sont les entités hors budget que les administrations locales utilisent pour construire des infrastructures physiques. À quel point devrions-nous être préoccupés?Art Woo (10:24) : Il s’agit d’une grande préoccupation, sans aucun doute, étant donné l’énorme dette que le pays a accumulée et qui explique pourquoi des sociétés comme Fitch et Moody’s ont inscrit des perspectives négatives pour la note de crédit de la Chine au cours de la dernière année. Pour aller droit au but, je ne crois pas que la Chine est sur le point d’être aux prises avec une grande crise financière ou bancaire comme celle qui s’est produite aux États-Unis en 2008 ou comme la crise de la dette de la zone euro, lorsque des pays comme l’Irlande et l’Espagne ont eu besoin d’être secourus en raison de l’importance de leur dette immobilière. Si je dis cela, c’est principalement à cause du caractère unique du système bancaire public chinois et de la situation budgétaire relativement solide de Beijing. Ces deux facteurs ont aidé Beijing à faire face aux récents problèmes rencontrés par les promoteurs ou les instruments de financement des administrations locales.Si l’on prend le cas des IFAL, le gouvernement central, dont le ratio dette/PIB est assez faible, à environ 25 %, a pu en quelque sorte aider ces IFAL en transférant de l’argent aux administrations locales qui, à leur tour, l’ont versé aux IFAL ou ont repris certains de ces titres de créance. Par ailleurs, Beijing peut toujours demander aux grandes banques d’État d’offrir un service national en leur demandant de restructurer la dette des instruments de financement des administrations locales. En ce qui concerne le recul du marché de l’habitation, je tiens à souligner qu’il s’agit d’un repli unique. Ce sont les promoteurs, et non les propriétaires-occupants, qui éprouvent des difficultés financières. Les banques sont peu exposées directement aux promoteurs, qui représentent environ un peu plus de 5 % du total des prêts. Il ne faut pas oublier que le nœud de la crise immobilière en Chine réside dans le fait que les promoteurs, les constructeurs immobiliers, ont emprunté énormément aux banques et, au fil du temps, au moyen d’obligations, ils ont ensuite acheté de vastes réserves foncières et ont vendu à l’avance plus d’appartements qu’ils ne pouvaient en livrer dans les délais impartis. Lorsque le vent a tourné au milieu de 2021, ils ont eu de la difficulté à rembourser leurs dettes, de nombreux promoteurs ayant été forcés de faire faillite ou n’ayant pas honoré leurs emprunts ou leurs obligations. La situation est donc très différente de celle de la crise financière américaine de 2008.La principale différence est qu’à l’époque la crise du logement aux États-Unis était attribuable à la faiblesse des normes de crédit des banques, qui permettaient aux acheteurs d’acquérir facilement un logement avec une petite mise de fonds ou des faibles revenus. La situation a été en quelque sorte exacerbée par la capacité du secteur bancaire à titriser les prêts hypothécaires et à les sortir de leur bilan. Comme nous le savons tous, cela s’est transformé en un cercle vicieux, qui a fini par entraîner la crise financière mondiale.Sal Guatieri (13:14) : Il n’y a donc pas de crise financière majeure imminente, mais il est évident que la situation n’est pas saine non plus, n’est-ce pas?Art Woo (13:23) : Oui, sans aucun doute. L’économie chinoise paie le prix de l’accumulation de la dette; plus précisément de la mauvaise affectation de la dette. C’est ce que je dirais. Comme je l’ai déjà mentionné, la baisse du prix des logements se fait sentir dans l’ensemble de l’économie. Les nouvelles constructions se sont effondrées et les propriétaires-occupants réduisent leurs dépenses. L’essentiel est que que les marchés de l’habitation semblent encore loin d’avoir atteint un creux ou de s’être stabilisés; il faudra peut-être attendre deux ou trois ans, et c’est une estimation approximative, car aucune mesure gouvernementale efficace n’a été mise en place pour achever rapidement les logements prévendus ou pour éliminer l’offre excédentaire de logements nouvellement construits. De plus, lorsque le nombre de débiteurs en difficulté augmente, qu’il s’agisse de promoteurs ou d’administrations locales, ces dernières subissent une perte de revenus provenant de la vente de terrains. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie et cela limite la politique budgétaire à l’échelle locale. Dans l’ensemble, une grande partie de la dette ou du crédit bancaire est détenue par des entités improductives. C’est donc ce fardeau de la dette qui s’ajoute au vieillissement de la population, et le vieillissement de la population n’est pas propice à la création de nouveaux logements. C’est pourquoi, comme beaucoup d’autres observateurs de la Chine, nous pensons que l’économie continuera à ralentir progressivement au cours de la décennie, avec une croissance du PIB réel qui finira par s’établir à 4,5 % et probablement autour de 4 % d’ici la fin de la décennie.Sal Guatieri (14:50) : Art, j’ai une dernière question pour vous. Les autorités peuvent-elles faire quelque chose pour renverser la vapeur à l’égard de certains de ces enjeux? La troisième séance plénière a-t-elle offert un quelconque espoir?Art Woo (15:00) : Je vais d’abord répondre à votre première question, à savoir si les autorités peuvent vraiment faire quelque chose pour stimuler les perspectives économiques à long terme. La réponse est oui, mais nous doutons que des progrès soient réalisés à cet égard, car il semble que les autorités soient devenues extrêmement prudentes, que ce soit du point de vue des mesures de relance à court terme ou du point de vue des réformes à long terme. Lorsque nous examinons les paramètres actuels de la politique monétaire, il semble que Beijing ne prévoit pas beaucoup de mesures de relance budgétaires cette année. En fait, le gouvernement ne réalise pas le budget de cette année jusqu’à présent. Les administrations locales sont essentiellement très prudentes quant aux dépenses dans le type de projets qu’elles mènent, compte tenu de leurs dettes. Le fardeau de la politique monétaire est donc plus lourd, ce qui explique pourquoi nous avons vu la banque centrale intervenir ces derniers temps en réduisant légèrement certains taux directeurs.À plus long terme, et c’est là tout l’objet de la troisième séance plénière, qui était axée sur la stratégie économique sur cinq à dix ans, ce n’est peut-être pas aussi décevant que ce que les médias avaient laissé entendre au départ, mais Beijing n’allait jamais vraiment changer sa stratégie économique globale, qui met l’accent sur le renforcement de l’autosuffisance économique, et les sociétés d’État mèneront cette initiative. Cependant, le document de suivi de la troisième séance plénière a montré que le gouvernement reconnaît la nécessité de procéder à des changements structurels dans l’économie. Il a déclaré, premièrement, que le secteur privé doit avoir accès à plus de prêts bancaires; deuxièmement, que les administrations locales ont besoin de plus de sources de revenus; et troisièmement, qu’il est conscient que les travailleurs migrants ont besoin d’un filet de sécurité sociale plus important, ce qui est un problème de longue date. Plus précisément, il reconnaît la nécessité d’une réforme du système d’enregistrement des ménages, appelé le hukou, en obligeant essentiellement les administrations locales à fournir les mêmes services et avantages aux travailleurs non résidents de la région. Il est vraiment très difficile de savoir quelle sera l’ampleur de ces changements, quel en sera l’échéancier et, en fin de compte, quel type de répercussions ils auront. Ce que je veux dire, c’est que nous ne croyons pas que de grandes réformes seront rapidement mises en œuvre au point de relancer soudainement le potentiel de croissance de la Chine, disons au-dessus de 5 %.Sal Guatieri (17:30) : Art, restons-en là. Nous avons couvert beaucoup de sujets. Je ne saurais trop vous remercier de nous avoir fait part de votre compréhension approfondie de l’économie chinoise et des enseignements que les investisseurs peuvent en tirer. Merci beaucoup de votre présence.Locuteur 1 (17:43) : Merci d’avoir écouté le balado Placements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site bmo.com/placements en ligne et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui cous convient.

Pas de presse
La Banque du Canada a mené le bal parmi les pays du G7 avec sa première baisse de taux d’intérêt en plus de quatre ans. Cependant, la Réserve fédérale américaine conserve une politique restrictive pour l’instant, compte tenu de l’inflation plus persistante aux États-Unis. Nous vous invitons à écouter ce qu’ont à dire Doug Porter, économiste en chef de BMO, et Sal Guatieri, économiste principal, en ce qui a trait aux perspectives des taux, de l’inflation et de l’économie.
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- Introduction (00:00) : Bienvenue à l’épisode du mois de juin 2024 du balado Investissements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:18) : La Banque du Canada a été la première banque centrale du G-7 à amorcer le cycle d’assouplissement attendu depuis longtemps et très bien accueilli. Mais la Fed reste fermement sur la touche, car les progrès dans la lutte contre l’inflation aux États-Unis ont été brusquement interrompus cette année; et pourtant, l’économie américaine montre des signes évidents de ralentissement et le marché de l’emploi est en décélération, ce qui garde une réduction des taux par la Fed sur la table pour cette année. Mais quand la Fed commencera-t-elle sa politique d’assouplissement et est-ce que la Banque du Canada peut la devancer sans faire couler le huard? Et est-ce que des taux plus bas vont donner un nouveau souffle l’économie, ou est-ce que l’atterrissage en douceur sera suivi d’un décollage économique également en douceur?Bonjour à tous, je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagné de Doug Porter, économiste en chef de BMO, pour discuter des perspectives des économies canadienne et américaine et des taux d’intérêt. Doug, merci d’être des nôtres. Commençons par la question qui est probablement centrale sur les marchés depuis plus d’un an : quand la Fed réduira-t-elle ses taux et à quel rythme poursuivra-t-elle ses réductions des taux?Douglas Porter (01:18) : Oui, merci de m’avoir invité Sal. C’est intéressant. Les marchés financiers ont fait une erreur presqu’à toutes les étapes depuis que la Fed a commencé à relever les taux d’intérêt au début de 2022 : ils se sont attendus trop rapidement à ce que la Fed fasse marche arrière et commence à réduire les taux. Ils ont commis cette erreur très régulièrement pendant plus de deux ans et ils se sont encore trompés cette année. Je crois qu’enfin, nous sommes peut-être sur le point de constater que les marchés voient juste et ne sont peut-être pas trop optimistes quant au moment du début des réductions de taux par la Fed.Officiellement, nous prévoyons que la Fed fera une première réduction des taux en septembre, suivie d’une autre en décembre, puis de trois autres réductions l’année prochaine. En fait, cette prévision n’est pas tellement différente des attentes actuelles des marchés quant aux baisses prévues. Mais il y a bien sûr un bémol, comme nous venons de l’entendre de la Fed même, car elle envisage une seule réduction de taux cette année, du moins selon le graphique à points. Mais lorsqu’on examine les détails, il est évident qu’il y a beaucoup de désaccord entre les électeurs de la Fed et nous ne savons pas exactement qui prévoit une réduction, deux réductions, ou peut-être aucune; il se peut bien que les membres les plus influents de la Fed croient que deux réductions sont toujours au programme.Si nous demeurons relativement confiants que la Fed pourrait réduire ses taux deux fois cette année, c’est parce que nous avons enfin eu de très bonnes nouvelles sur l’inflation aux États-Unis selon les derniers chiffres. Après une série de chiffres étonnamment élevés au début de l’année, nous commençons enfin à voir des chiffres raisonnables. Soit dit en passant, nous avons toujours été d’avis que ces chiffres étonnamment élevés sur l’inflation au début de cette année étaient attribuables à des facteurs de saisonnalité. Autrement dit, à notre époque, les entreprises augmentent leurs prix au début de l’année et les maintiennent jusqu’à la fin de l’année, ce que les facteurs de désaisonnalisation ne prennent peut-être pas en compte complètement, d’après nous. Nous pensons donc que la tendance pourrait être à une inflation plus modérée d’ici la fin de l’année.L’autre facteur important est qu’enfin, nous commençons aussi à voir quelques mauvaises surprises pour l’économie américaine. Même si je n’irais pas jusqu’à dire que la consommation a faibli, les chiffres à étonnamment élevés du secteur de la consommation aux États-Unis sont chose du passé, de même que plusieurs autres variables. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure, mais il semble que l’économie américaine se stabilise maintenant et renoue avec une série de taux de croissance de 1 % à 2 % qui s’approchent de sa normale à long terme. Je crois que la Fed se sent beaucoup plus à l’aise dans cette situation. Mais ce n’est pas du tout un fait accompli car sur le plan politique, il est très délicat pour la Fed de réduire ses taux en septembre, soit sa dernière réunion avant les élections. Mais pour le moment, comme je l’ai dit, le marché penche en faveur de cette orientation, et je crois que sur le plan économique, il serait logique que la Fed amorce sa campagne de réduction des taux en septembre. Mais pour répondre à l’autre partie de votre question, il est évident que la Fed ne précipitera pas les choses. Si les données sur l’inflation remontent durant les deux prochains mois, ne serait-ce qu’une seule fois, je conçois facilement que la Fed reporte le début des réductions de taux à plus tard cette année.Sal Guatieri (04:09) : Je suis entièrement d’accord. La Fed est dans une position difficile, Doug. On a l’impression qu’elle veut réduire les taux d’intérêt. Elle croit que la politique monétaire est restrictive à l’heure actuelle et, comme vous l’avez mentionné, nous voyons des signes évidents. L’économie est en train de se replier sous le poids des taux d’intérêt élevés et plus les taux restent élevés longtemps, plus il est probable que le repli de l’économie devienne excessif et entraîne une récession. C’est ce que la Fed veut absolument éviter. Mais bien entendu, elle attend simplement de nouvelles données sur les marchés de l’emploi et l’inflation de base pour s’assurer de ne pas répéter l’erreur commise ces dernières années, alors qu’elle avait laissé l’inflation échapper à son contrôle ou s’était simplement obstinée à garder les taux élevés et supérieurs à la cible. La Fed se rapproche donc du début de sa politique d’assouplissement, mais elle a certainement besoin de quelques rapports supplémentaires sur l’inflation de base, et peut-être même sur le marché de l’emploi, pour acquérir cette assurance. Je crois donc que le mois de septembre est probablement le bon moment pour que la Fed commence à modifier le taux directeur.Passons maintenant à la Banque du Canada. Après avoir laissé ses taux inchangés pendant près de deux ans, elle a commencé à les réduire au début de juin et je suppose qu’elle pourrait y aller d’une autre réduction en juillet, si le prochain rapport sur l’inflation y est favorable. Nous avons toutefois l’impression qu’elle pourrait tout simplement attendre jusqu’en septembre. Quel est votre point de vue?Douglas Porter (05:30) : Oui, et c’est notre prévision officielle qu’elle attendra jusqu’en septembre, prévision que nous maintenons pendant un certain temps. Nous nous attendions à une réduction des taux en juin depuis la fin de l’année dernière. Cette réduction ne nous a donc pas vraiment étonné. Mais ce qui était surprenant, c’est à quel point le ton de la Banque du Canada et de M. Malcolm a été conciliant le jour de la réduction. Ils ont laissé la porte grande ouverte à la possibilité d’une réduction subséquente. Historiquement, j’aime affirmer que la Banque du Canada fait des jeux de rimes. Je veux dire par là qu’elle fait très rarement une seule intervention, que ce soit en hausse ou en baisse; elle a tendance à faire une intervention de suivi à sa prochaine réunion. Nous pensions que ce serait différent cette fois-ci, parce que la Fed ne faisait pas nécessairement de réductions de taux. La Banque du Canada prendra peut-être tout son temps avant d’effectuer la prochaine réduction de taux, mais je crois qu’il faut la convaincre de ne pas le faire.Autrement dit, il faudrait des données sur l’inflation très mauvaises d’ici la réunion de juillet pour l’empêcher de réduire les taux. Elle semble prête à effectuer une autre réduction. Et si nous avons raison et que la Fed procède à une réduction des taux en septembre, j’envisage facilement quatre réductions des taux par la Banque du Canada cette année. Certains éléments relèvent de la situation au Canada, d’autres de celle aux États-Unis; même si le gouverneur de la Banque du Canada a parlé très courageusement de diverger de la politique de la Fed, en réalité, son travail sera infiniment plus facile si la Fed réduit aussi ses taux, car cela donnerait une liberté d’action à la Banque du Canada. Mais pour le moment, nous prévoyons officiellement deux réductions supplémentaires cette année, puis trois en 2025, car un peu comme la Fed, il n’y a pas d’urgence véritable à réduire les taux. L’économie canadienne a certainement été plus faible que l’économie américaine, mais cette faiblesse n’est pas particulièrement marquée. Il n’y a donc aucune urgence à réduire les taux. Essentiellement, les données sur l’inflation doivent permettre aux banques centrales de réduire les taux et je crois que le processus pourrait être très lent et s’échelonner sur les 18 prochains mois.Sal Guatieri (07:24) : Oui, la Fed doute toujours un peu de la sévérité de la politique monétaire américaine actuelle. Manifestement, la Banque du Canada n’a aucun doute que sa politique monétaire est très restrictive, et nous le constatons puisque l’économie canadienne est nettement moins vigoureuse que celle des États-Unis; le taux de chômage au Canada augmente beaucoup plus rapidement qu’au sud de la frontière, ce qui se traduit, de toute évidence, par des pressions inflationnistes beaucoup plus faibles et des taux d’inflation de base inférieurs au Canada. Pour la Banque du Canada, la question est clairement de savoir à quelle vitesse réduire les taux d’intérêt. Oui, je suppose que si le prochain rapport sur l’inflation fait état d’une inflation assez modérée, à l’instar des quatre premiers rapports mensuels de cette année, la Banque du Canada passera probablement à l’action en juillet. Mais si des données indiquent que l’inflation se montre un peu tenace, en particulier du côté des services, et si le prochain rapport sur le marché de l’emploi est plutôt solide, il se pourrait bien que la Banque du Canada attende jusqu’en septembre.Maintenant, au-delà de cet été, une fois que la Banque du Canada aura vraisemblablement réduit ses taux deux fois avant la Fed, pensez-vous qu’elle procédera généralement au même rythme que la Fed, en gardant l’œil ouvert sur le huard, ou pourrait-elle procéder de façon plus indépendante de la Fed?Douglas Porter (08:39) : C’est une question sur laquelle le gouverneur a été questionné à quelques reprises lors de sa conférence de presse qui a suivi la réduction des taux. En réalité, je dirais qu’il a en grande partie fait fi des préoccupations liées au dollar canadien. Il semble très à l’aise avec le taux de change actuel du dollar canadien et la possibilité qu’il s’affaiblisse davantage. Il a parlé de la raison pour laquelle nous avons un taux de change souple, qui permet essentiellement à la Banque du Canada faire ce qu’elle veut. Lorsqu’on lui a demandé jusqu’à quel point la Banque du Canada pourrait s’éloigner de la Fed, il a répondu qu’il y avait certes des limites, mais qu’elles n’étaient même pas proches. J’ai été très surpris. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec son affirmation. Je crois que nous sommes assez proches des limites réalistes que nous pouvons atteindre avant qu’elles puissent exercer de véritables pressions sur le dollar canadien.Je dirais que la Banque du Canada peut réduire ses taux une fois de plus, indépendamment de la Fed, après quoi elle pousserait ses chances si elle devait aller plus loin que cela. Au cours des 20 dernières années environ, le taux le plus bas jamais atteint par la Banque du Canada sous celui de la Fed a été d’environ un point de pourcentage. Notre taux est déjà plus de 60 points de base inférieur à celui de la Fed maintenant, de sorte que nous mettrions en péril le dollar canadien si nous faisions deux réductions de taux de plus. Donc, même si le gouverneur de la Banque du Canada parle d’une façon très courageuse, comme je l’ai dit plus tôt, je crois que son travail serait grandement facilité si la Fed commençait aussi à réduire ses taux; je ne crois pas que la banque ait une grande marge de manœuvre pour agir de façon indépendante sans exercer des pressions assez importantes sur le dollar canadien.Sal Guatieri (10:04) : Oui, j’ai toujours pensé que la Banque du Canada avait une position à deux volets sur notre monnaie. Elle tolère une certaine faiblesse du huard aussi longtemps que cette faiblesse est soutenue par les données fondamentales, mais elle ne tolérerait pas une dépréciation désordonnée de la monnaie, surtout une dépréciation davantage alimentée par des activités spéculatives ou des placements spéculatifs, si l’écart de taux d’intérêt avec les États-Unis se creusait trop rapidement ou était perçu comme se creusant trop rapidement. Voilà une situation qu’elle veut éviter. Mais on peut soutenir avec force que la faiblesse du dollar canadien est probablement justifiée. Notre position commerciale n’est pas remarquable. Notre balance commerciale fluctue d’un mois à l’autre entre des surplus et des déficits commerciaux. Et compte tenu de notre perte de compétitivité, surtout par rapport aux États-Unis, et particulièrement en ce qui concerne la productivité, on pourrait affirmer que même une plus grande faiblesse du dollar canadien serait probablement justifiée et aiderait certainement à soutenir notre économie sans déclencher de pressions inflationnistes.Je crois donc que la Banque du Canada peut effectuer deux réductions de taux supplémentaires indépendamment de la Fed, mais si elle commence à pousser sa chance et à agir de façon trop énergique, alors oui, les activités spéculatives en matière de placements pourraient faire baisser le huard, ce qui pourrait devenir une menace inflationniste. Penchons-nous maintenant sur la situation du logement au Canada, une question brûlante. Un débat animé a lieu, notamment parmi les agents immobiliers sur les conséquences qu’auront les réductions de taux sur le marché de l’habitation cette fois-ci. Par le passé, la baisse des coûts d’emprunt a souvent fait grimper les ventes, et surtout les prix. Pensez-vous que les conséquences seront différentes cette fois-ci?Douglas Porter (11:47) : Je crois que la situation actuelle est un peu différente, mais pas complètement. Il est certain que les baisses de taux insuffleront un regain d’optimisme, du moins un peu dans le marché immobilier, mais je ne crois pas qu’elles produisent une forte remontée. Je crois qu’elles donneront probablement un certain soutien, comme je l’ai dit, mais je ne m’attends pas à une remontée rapide du marché de l’habitation. En fait, l’abordabilité est tellement mauvaise et les taux à long terme ont déjà largement intégré à la perspective d’une baisse des taux de la Banque du Canada, de sorte que nous n’assisterons pas à un grand soulagement au chapitre de certains taux à long terme. Ils ont baissé un peu depuis que la Banque du Canada a commencé à réduire ses taux, mais rien de spectaculaire. Comme je l’ai dit plus tôt, nous pensons que le processus de réduction des taux sera lent. Donc, même si je crois que les réductions des taux fourniront un certain soutien, je ne pense pas qu’elles entraîneront un décollage du marché immobilier.Il est intéressant de noter que depuis que la Banque du Canada a commencé à réduire ses taux, nous observons une vague d’offres ou de nouvelles inscriptions, mais pas vraiment de vague de nouveaux acheteurs. Les changements récents apportés au taux d’inclusion des gains en capital compliquent un peu situation, car ils ont probablement gonflé l’offre dans certains secteurs, comme le marché des résidences secondaires de loisir ou même le marché des copropriétés, puisque des personnes ont voulu conclure une vente avant l’entrée en vigueur de ces changements. La situation réelle sur le marché de l’habitation est donc un peu floue; mais bien avant la réduction des taux par la Banque du Canada, le marché était déjà très calme.Je dirais que le marché a été étonnamment calme durant les cinq premiers mois de l’année, les prix étant à la baisse. Il y a eu passablement de nouvelles inscriptions. L’offre sur le marché a probablement été la plus forte constatée depuis la pandémie. Dans la plupart des villes, les prix ont baissé et l’équilibre du marché favorisait quelque peu les acheteurs, et non les vendeurs. Par conséquent, nous nous attendons à ce que le marché se stabilise et s’améliore un peu au cours de la prochaine année. Je ne suis pas vraiment d’accord avec ceux qui disent que le marché est comme un ressort qui va se redresser avec force. Je ne crois pas que nous allons voir un tel redressement durant la prochaine année, parce que la croissance sous-jacente et la création d’emplois demeurent assez modérées. Bien entendu, comme je l’ai dit plus tôt, l’abordabilité est tout simplement terrible, de sorte que je ne crois pas à un rebondissement du marché.Sal Guatieri (14:02) : Je crois que la question de l’abordabilité est ce qui est différent cette fois-ci par rapport aux cycles précédents, où nous avons vu le marché de l’habitation rebondir très fortement en réaction aux réductions de taux, disons pendant la crise financière, puis pendant la pandémie. Mais la situation est très différente maintenant. Je crois qu’il est possible que les prix continuent de monter dans certaines régions du Canada où ils sont abordables. Il reste encore plusieurs régions raisonnablement abordables dans les Prairies, le Canada atlantique et au Québec. Je crois donc qu’il y a un potentiel de nouvelle augmentation, voire de légère accélération des prix; mais en Ontario et en Colombie-Britannique, je ne crois pas que ce soit possible. Au cours de la dernière année, l’abordabilité ne s’est pas beaucoup améliorée dans ces deux provinces, malgré une diminution assez importante des prix, tout simplement parce que la tendance générale des taux hypothécaires était à la hausse et que si les taux hypothécaires se remettent à baisser mais que les prix commencent à s’accélérer de nouveau dans ces régions, nous continuerons de ne faire aucun progrès sur le plan de l’abordabilité, et je crois que cela continuera de retenir les acheteurs.Eh oui, il y a effectivement une demande comprimée dans ces régions. Les acheteurs ont été passablement patients ces deux dernières années, pendant ce cycle de resserrement, mais je crois qu’il y a aussi une accumulation de vendeurs qui attendent simplement que les taux baissent et que les prix montent juste un peu pour pouvoir, dans certains cas, réduire le fardeau de la dette de leur propriété. Certaines de ces propriétés sont devenues inabordables, en tout cas pour de nombreux investisseurs, et nous le constatons sur le marché des copropriétés de la région du Grand Toronto; un très grand nombre de copropriétés affluent sur le marché. Oui, je crois que les marchés de ces deux provinces resteront assez équilibrés pendant le cycle de réduction des taux, compte tenu de l’offre et de la demande qui s’équilibreront assez bien et garderont les prix relativement stables. Il est probablement possible que les prix montent légèrement dans ces deux provinces, mais l’important est qu’ils ne peuvent vraisemblablement pas augmenter beaucoup plus rapidement que le revenu des familles, sinon nous verrons peu de progrès sur le plan de l’abordabilité.Si nous revenons aux États-Unis, est-ce que l’inflation persistante et les baisses de taux retardées représentent la plus grande menace pour l’économie américaine?Douglas Porter (16:17) : Au-delà des risques géopolitiques, je dirais que oui. Comme presque tout le monde, j’ai été très impressionné par les derniers chiffres sur l’inflation aux États-Unis. Nous avons enfin constaté un réel soulagement, même dans les mesures sous-jacentes, mais je ne suis pas convaincu que nous sommes complètement sortis d’affaire à cet égard. Il ne fait aucun doute que les services à l’extérieur du marché de l’habitation affichent encore beaucoup de dynamisme. Je suis un peu préoccupé par le fait que, même si nous avons observé de bons progrès au cours de la dernière année et même durant le dernier mois, les tendances sous-jacentes stagnent toujours aux alentours de 3 %. Je crois que ce sera peut-être difficile, étant donné que l’économie américaine tient bon et se porte relativement bien. Je pense que le dernier bout de chemin sera ardu à parcourir pour ramener l’inflation à environ 2 %. À moins d’un affaiblissement très brusque de l’économie, réduire davantage l’inflation sera tout un défi et dans ce contexte, la Fed prendra vraiment son temps pour baisser les taux d’intérêt.Ce qui me préoccupe, c’est que l’inflation stagne à 3 % ou un peu plus; nous avons tort et sommes trop optimistes quant à la rapidité avec laquelle la Fed peut réduire les taux. C’est intéressant. Il est difficile de tracer un parallèle exact entre ce que nous avons traversé et une situation connue dans le passé; c’est exactement ce que nous venons de vivre. Mais une période assez semblable a été le milieu des années 1990, lorsque la Fed a resserré les taux en 1994 et 1995, puis les a laissés inchangés essentiellement pendant la deuxième moitié des années 1990, pendant le boom technologique, soit dit en passant. La Fed avait alors fait quelques ajustements mineurs pour réduire un peu les taux, mais elle ne les avait pas beaucoup abaissés. C’est peut-être le monde dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui, au milieu d’un boom technologique, avec une inflation assez persistante et des taux d’intérêt à court terme qui stagnent essentiellement aux alentours de 5 %. À mon avis, c’est probablement le plus grand risque de l’ancienne vision.Sal Guatieri (18:11) : Oui, je suis tout à fait d’accord. Au Canada, manifestement, nous avons confiance dans l’évolution de l’inflation. Elle est probablement à la baisse, parce que si l’on élimine simplement la composante du logement, les loyers et les versements hypothécaires, l’inflation est probablement inférieure à la cible de 2 % à l’heure actuelle. L’inflation des services est aussi assez modérée. Aux États-Unis, si l’on exclut ces deux éléments, je crois qu’il est beaucoup plus difficile d’avoir confiance concernant l’inflation des services en particulier. Oui, l’inflation des services y est entravée par des hausses de loyer persistantes, qui commenceront à s’estomper. Mais au-delà du logement, nous observons une certaine persistance de l’inflation des services aux États-Unis, qui pourrait prendre des mois à baisser; ce sont de précieux mois pendant lesquels la Fed souhaiterait probablement réduire les taux d’intérêt maintenant afin de réduire le risque de repli. Mais elle n’aura peut-être pas ce luxe si l’inflation des services demeure obstinément bien supérieure à 3 % aux États-Unis.Je suis donc d’accord pour dire que le plus grand risque pesant sur les perspectives américaines est sans doute le maintien des taux d’intérêt et le fait que les consommateurs et les entreprises finissent par succomber sous le poids de ces taux d’intérêt élevés. À l’heure actuelle, les élections américaines de novembre se rapprochent et un changement d’administration à la Maison-Blanche, ainsi qu’un Congrès dominé par les républicains, pourraient avoir de fortes répercussions sur les économies américaine et canadienne. Pouvez-vous nous parler de certains effets et risques?Douglas Porter (19:44) : Nous allons conclure par la partie facile. Je crois que vous avez mis le doigt sur un point très important. Je sais que tous les regards sont tournés vers l’élection présidentielle, mais bien sûr, le parti qui contrôlera le Congrès est presque aussi important. Ces dernières années, nous avons essentiellement eu l’équivalent d’une impasse aux États-Unis, parce que le Congrès est divisé et qu’il importe vraiment de déterminer qui remportera la Chambre des représentants et le Sénat. Je dirais simplement que les sondages suggèrent que nous pourrions observer quelque chose que nous n’avons jamais vu aux États-Unis auparavant, à savoir que les deux chambres pourraient basculer. Autrement dit, le Sénat pourrait passer des démocrates aux républicains et la Chambre des représentants, l’inverse. C’est ce que les sondages semblent laisser présager cette année.Si nous jetons un coup d’œil aux huit dernières années, nous avons pratiquement vécu la gamme de toutes les possibilités. Le président Trump a régné pendant quatre ans, dont deux ans où il contrôlait le Congrès et deux où il ne le contrôlait pas. Le président Biden a été président pendant près de quatre ans, dont deux ans où il contrôlait le Congrès et deux où il ne le contrôlait pas. Nous avons donc à peu près exploré toutes les possibilités. Nous savons avec quoi nous avons affaire. Je dirais que si M. Trump devait être réélu, il faudra surveiller son penchant évidemment très protectionniste. Je ne dirais pas que Biden n’est pas protectionniste, mais Trump l’est probablement un peu plus. Je crois donc que ce qui est vraiment préoccupant, c’est de savoir s’il respecterait une partie de sa rhétorique, à savoir l’imposition de tarifs douaniers de 10 % pour toutes les importations? Personnellement, j’en doute, mais je suppose qu’on ne sait jamais.L’AEUMC fera l’objet d’un examen en 2026. Je ne crois pas que ça se fera sans beaucoup de stress. Je ne pense pas que ce sera facile ou mis de côté, parce que la réalité est que le Canada, et surtout le Mexique, ont vu leurs surplus commerciaux avec les États-Unis s’élargir considérablement ces dernières années, en particulier le Mexique. Je ne crois donc pas que les deux pays puissent vraiment s’attendre à ce que l’AEUMC soit approuvé sans broncher ou approuvé lors de son examen en 2026.L’autre chose que je surveillerais de près, c’est l’indépendance de la Fed. Le mandat de M. Powell arrive à échéance au début de 2026, mais je doute sérieusement qu’il soit reconduit dans ses fonctions. Mais même avant cette échéance, si la Fed semble se traîner les pieds en matière de réductions de taux, sait-on jamais, le président pourrait exercer de fortes pressions sur la Fed et la question de savoir qui contrôle la Fed pourrait se retrouver devant la Cour suprême. Ce qui m’inquiète, c’est la possibilité d’une apparence d’influence politique sur les décisions de la Fed. Les perspectives inflationnistes à moyen et à long terme m’inquiètent un peu si la Fed semble subir des pressions ou si elle réduit les taux d’intérêt trop rapidement, compte tenu du contexte de l’inflation, en stimulant l’économie de façon excessive. Soit dit en passant, ces deux éléments, que ce soit le commerce ou l’indépendance de la Fed, pourraient devenir problématiques, même si le Congrès est divisé après les élections de novembre.Sal Guatieri (22:37) : Oui, il est très difficile de prévoir l’orientation de l’économie des États-Unis et du Canada sous la présidence de Trump et si ce dernier serait entièrement soutenu par un Congrès républicain. À première vue, les répercussions sur les deux économies seraient positives, parce que Trump planifie maintenant de réduire l’impôt des sociétés. Il cherche aussi à accroître considérablement la logique du déficit fédéral par rapport à l’administration Biden, surtout grâce à des réductions d’impôt. Cela donnerait donc un coup de pouce à l’économie américaine, y compris les mesures de déréglementation qu’il envisage. Les retombées ou répercussions pour le Canada seraient donc assez positives, mais il faut mettre cela dans la balance avec certains des effets dommageables potentiels du protectionnisme commercial, ainsi que l’incertitude entourant l’indépendance de la politique monétaire, qui pourrait presque éliminer complètement les effets positifs d’une politique budgétaire plus expansionniste. C’est donc très difficile de dire comment les choses se dérouleraient. De toute évidence, le risque pour le Canada serait présent si la situation commerciale se détériorait et que nous nous retrouvions finalement dans une guerre commerciale qui serait clairement mauvaise pour l’économie canadienne.Douglas Porter (23:53) : J’ai l’impression que nous pourrions faire deux ou trois balados supplémentaires sur les répercussions politiques ou économiques des résultats politiques. Mais je tiens à souligner un point qui diffère nettement de l’époque où M. Trump a été élu pour la première fois : les finances budgétaires américaines ont été durement mises à mal depuis 2016, en partie à cause de la pandémie et en partie en raison de ce que les deux dernières administrations ont fait. Tout d’abord, le président Trump a fait d’énormes réductions d’impôt, puis le président Biden a fait beaucoup de dépenses, de sorte que le déficit budgétaire atteint presque 2 000 milliards de dollars pour l’année en cours, soit plus de 6 % du PIB, et le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB dépasse maintenant 100 %. Il n’y a pas vraiment de marge de manœuvre pour soutenir l’économie au moyen de réductions d’impôt ou d’augmentations importantes des dépenses. En fait, les États-Unis devraient sérieusement envisager d’aller dans la direction opposée durant les années à venir, mais je ne sais pas si la volonté politique est au rendez-vous.Sal Guatieri (24:45) : Oui, c’est un excellent point. La situation est différente cette fois-ci si nous constatons des déficits budgétaires encore plus importants; oui, cela pourrait soutenir temporairement l’économie américaine et, par conséquent, l’économie canadienne. Mais si ce soutien est contrebalancé par des taux d’intérêt généralement plus élevés, puisque que la dette publique est beaucoup plus élevée aujourd’hui que pendant le premier mandat de Trump, alors les effets de la stimulation ne seront pas si importants dans l’ensemble. Une situation différente complique vraiment les répercussions finales d’une présidence de Trump sur les économies américaine et canadienne.Je vous remercie Doug pour vos excellents commentaires, comme toujours. Laissez-moi résumer rapidement. Les économies américaine et canadienne connaîtront probablement des soubresauts cette année, mais la croissance devrait rester positive, voire même se redresser légèrement l’an prochain en réaction aux réductions de taux. La Fed se ralliera probablement à l’assouplissement mondial cet automne, à mesure que l’inflation ralentit, tandis que les taux directeurs des deux pays devraient baisser de façon constante, mais graduellement au cours des prochaines années, pour atteindre des niveaux plus neutres. De plus, les élections américaines pourraient modifier grandement le contexte économique des deux pays en ayant des répercussions sur les marchés financiers. Alors merci de nous avoir écoutés.Conclusion (25:59) : Merci d’avoir écouté le balado Placements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site https://www.bmo.com/principal/particuliers/investissements/placements-en-ligne/ et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui vous convient.

Conditions du financement immobilier commercial au Canada et aux États-Unis
Comment se porte le marché de l’immobilier commercial au Canada et aux États-Unis et vers quoi se dirige-t-il? Sal Guatieri, économiste principal à BMO, vous présente le cadre du financement immobilier commercial. Le télétravail continue de représenter un défi pour le marché des immeubles de bureaux. Toutefois, d’autres secteurs, comme ceux des immeubles industriels et multirésidentiels, connaissent une croissance décente qui devrait se poursuivre à mesure que baissent les taux d’intérêt.
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- Introduction (00:01) : Bienvenue à l’épisode du mois d’avril 2024 du balado Placements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique. Vous pourrez ainsi prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (0:18) : Le financement immobilier commercial a beaucoup fait les manchettes récemment, en grande partie en raison des difficultés du secteur des immeubles de bureaux. Mais dans quelle mesure la situation est-elle difficile et comment se portent les autres grands segments, comme ceux des immeubles à vocation industrielle, de commerce de détail et des immeubles multirésidentiels au Canada et aux États-Unis?Bonjour à tous, je m’appelle Sal Guatieri et je suis directeur général et économiste principal à BMO et je m’apprête à vous brosser le tableau du secteur de l’immobilier commercial. Commençons par un bref résumé du contexte de l’immobilier commercial avant de discuter de certaines tendances générales, pour ensuite creuser un peu les quatre principaux segments.De façon générale, les segments du secteur industriel et du commerce de détail aux États-Unis ont enregistré de meilleurs résultats que prévu au cours de la dernière année et devraient continuer de bien se porter grâce aux taux d’intérêt dont on projette qu’ils seront moins élevés. Au Canada, le secteur industriel a également bien performé grâce à la faiblesse du huard. En outre, dans le segment des immeubles multirésidentiels du Canada, qui a dépassé les attentes en raison de sa croissance démographique, l’offre est nettement insuffisante. Les immeubles multirésidentiels domineront probablement de nouveau le marché de l’immobilier commercial cette année, malgré le ralentissement prévu de la croissance de la population et la pression sur les loyers, qui sont toujours plus élevés. En revanche, aux États-Unis, les immeubles multirésidentiels ont connu un ralentissement en raison de la construction généralisée d’appartements à laquelle nous avons assisté antérieurement, bien que le coût élevé de l’accession à la propriété soutienne la demande locative.Au Canada, le commerce de détail a un peu mieux résisté que prévu, mais les cas d’insolvabilité continueront probablement d’augmenter jusqu’à ce que les ménages sensibles aux taux d’intérêt bénéficient d’un répit important. En revanche, les détaillants américains demeureront bien soutenus par des consommateurs aux assises plus robustes. À la suite d’une hausse des dépenses en ligne attribuable à la pandémie, le secteur industriel est revenu à des conditions plus équilibrées et devrait demeurer en bonne santé, car les taux d’intérêt baissent grâce à un soutien important de la politique industrielle favorable aux véhicules électriques et aux batteries et, aux États-Unis, aux semi-conducteurs.Le segment des immeubles de bureaux est aux prises avec des taux d’inoccupation élevés dans un contexte d’habitudes de travail hybrides qui semblent persister. Les taux de prêts en souffrance devraient augmenter davantage jusqu’à ce que les espaces inutiles soient réaffectés à d’autres usages. Malgré tout, nous ne verrons pas la crise des prêts hypothécaires à haut risque se reproduire sous forme de prêts pour les immeubles de bureaux ou d’une fraction des prêts à l’habitation. De plus, les immeubles de bureaux modernes de premier plan offrant des commodités attrayantes devraient demeurer en forte demande. Dégageons quelques tendances générales du marché de l’immobilier commercial.Les taux de capitalisation, qui mesurent le rendement des placements en comparant le revenu d’exploitation annuel aux prix des propriétés, ont augmenté d’environ un point de pourcentage au Canada depuis que la banque centrale a commencé à relever les taux au début de 2022. L’augmentation modérée par rapport à une hausse plus marquée des taux des obligations du Canada à 10 ans a permis de maintenir l’écart bien en deçà de la normale, ce qui signale un repli en grande partie ordonné du marché. Les taux de capitalisation ont augmenté dans les quatre principaux segments de l’immobilier commercial, mais les taux des immeubles multirésidentiels demeurent assez bas.Les taux de capitalisation aux États-Unis ont dépassé les normes des deux décennies, en raison de l’effondrement du marché des immeubles de bureaux et des taux de rendement des placements négatifs dans les quatre segments l’an dernier. Les taux de capitalisation dans les deux pays devraient augmenter légèrement cette année, mais la baisse des taux d’intérêt atténuera cette hausse.Après avoir atteint un sommet en 2022, les prix des propriétés commerciales aux États-Unis ont chuté de 21 % pour atteindre les niveaux les plus bas depuis 2015, exception faite de la pandémie. Dans l’ensemble, les prix ont diminué de 7 % au cours de la dernière année jusqu’en mars, mais ils semblent s’être stabilisés récemment, à l’exception du secteur des immeubles de bureaux. De plus, la valeur des immeubles de bureaux a chuté de 37 % par rapport à leurs sommets et de 16 % au cours de la dernière année, et elle devrait encore baisser à mesure que les propriétaires qui ont des problèmes de refinancement seront contraints de vendre.La valeur des immeubles d’habitation est en baisse de 28 % par rapport à leur sommet, tandis que les prix des immeubles industriels sont en baisse de 16 % et que ceux des centres commerciaux à aire ouverte accusent une baisse semblable. Ces deux segments ont certainement mieux résisté que celui des immeubles de bureaux.Les taux de prêts en souffrance pour les titres adossés à des créances hypothécaires commerciales d’immeubles de bureaux aux États-Unis ont plus que triplé depuis 2019 pour s’établir à un peu moins de 7 %. En revanche, les taux de prêts en souffrance pour les immeubles industriels et les immeubles résidentiels multifamiliaux demeurent à un niveau historiquement bas et sont assez stables. Le taux pour les particuliers, bien qu’il soit plus élevé à 5,5 %, a chuté au cours de la dernière année. Bien que les taux de prêts en souffrance pour les immeubles commerciaux des banques américaines demeurent faibles à un peu plus de 1 %, ils devraient augmenter davantage et, selon des données récentes, les immeubles de bureaux américains d’une valeur de plus de 38 milliards de dollars sont confrontés à une forme de difficulté financière parmi les plus importantes en 14 ans.Bien que les tensions financières dans certaines banques régionales se soient apaisées plus tôt, l’exposition des prêts immobiliers commerciaux demeure préoccupante. Par conséquent, les prêteurs ont resserré les normes relatives au crédit et mis de côté d’importantes réserves pour compenser les pertes potentielles. Les prêts pour immeubles commerciaux représentaient 17 % du crédit bancaire américain, avec un ratio inférieur pour les grandes banques et un risque plus élevé pour les petits prêteurs; les prêts pour les immeubles de bureaux sont beaucoup moins importants, soit une fraction du total. La hausse des coûts d’emprunt et de réparation s’est heurtée au contrôle des loyers dans certaines villes, notamment à Manhattan. Les risques de refinancement demeureront élevés tant que les taux d’intérêt et l’inflation demeureront élevés.Examinons maintenant les quatre principaux segments un peu plus en détail, en commençant par l’ensemble du secteur industriel.Le segment industriel des États-Unis demeure bien soutenu par les besoins croissants en matière d’entreposage et de distribution du commerce en ligne, ainsi que par les efforts accrus de rapatriement et de relocalisation pour gérer les risques liés à la chaîne d’approvisionnement. Un soutien supplémentaire est apporté par d’importantes mesures incitatives du gouvernement visant à stimuler la construction d’usines de fabrication de véhicules électriques, de batteries et de production de micropuces.Une hausse de la demande de données pour alimenter les systèmes d’intelligence artificielle favorise la construction de grands centres de données. Toutefois, le boom initial de la construction d’entrepôts, attribuable à la hausse des stocks des détaillants pendant la pandémie, a entraîné un nombre record de sous-locations. Malgré tout, la disponibilité dans le secteur industriel et les taux de capitalisation demeurent inférieurs à la normale et les hausses de loyer, bien qu’elles ralentissent, demeurent positives.Le segment industriel du Canada demeure en bonne santé, mais il se résorbe dans un contexte de nouvelles constructions et de ralentissement de la demande. Le taux de disponibilité, bien qu’à un sommet de près de six ans, demeure inférieur à sa moyenne sur 15 ans, selon CBRE. Après deux années d’augmentation à deux chiffres, étant donné que la croissance des loyers est lente, à près d’un taux annuel d’environ 1 %, même si les prix moyens demandés ralentissent, ils continuent d’augmenter, ce qui fait que les taux de capitalisation restent peu élevés.Les données fondamentales du secteur industriel devraient demeurer saines dans les deux pays à mesure que les taux d’intérêt baissent et que la croissance économique s’accélère grâce à une devise à faible valeur qui favorise les fabricants canadiens. Le principal risque découle d’un éventuel atterrissage brutal si les taux d’intérêt demeurent élevés ou si les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient s’intensifient.Dans le secteur des immeubles multifamiliaux, le marché multirésidentiel du Canada devrait demeurer bien soutenu par un marché locatif tendu, une faible abordabilité des habitations et une offre insuffisante d’appartements construits expressément pour la location. En outre, un sondage annuel mené par une société d’hypothèques et de logement révèle que le taux d’inoccupation national des appartements locatifs a atteint un nouveau creux de 1,5 % à l’automne de l’an dernier. La croissance moyenne des loyers a atteint un nouveau sommet de 8 % sur 12 mois. Toutefois, la récente promesse du gouvernement fédéral de réduire le nombre de résidents non permanents sur trois ans pourrait faire passer la croissance de la population d’un peu plus de 3 % au cours de la dernière année à un taux plus normal et durable de 1 %.Le retour du nombre de nouveaux ménages plus durables devrait atténuer la pression sur l’offre, l’abordabilité et les loyers. Les marchés locatifs aux États-Unis sont généralement moins tendus qu’au Canada en raison d’une croissance plus faible de la population lors de la construction antérieure d’un nombre important d’appartements, qui a atteint des sommets inégalés depuis un siècle. Les taux d’inoccupation des appartements ont récemment dépassé 6,5 % et sont tout juste au-dessus de leurs niveaux de 2019. La croissance des loyers continue de ralentir par rapport à des sommets vertigineux. En fait, la liste des appartements révèle que le loyer médian des nouveaux baux d’appartements a légèrement fléchi au cours de la dernière année. Par conséquent, il est moins coûteux de louer que d’acheter une maison aux États-Unis, en raison des nouveaux versements hypothécaires moyens, soit 38 % de plus que la moyenne des loyers des appartements à la fin de 2023, selon CBRE. Les coûts de propriété élevés, y compris l’assurance et les réparations, ainsi qu’une offre limitée de propriétés destinées à la revente, ont soutenu la demande de logements locatifs.Pour ce qui est du segment du commerce de détail, les détaillants américains surpassent les détaillants canadiens, car les ménages sont moins endettés, ayant des taux hypothécaires fixes à plus long terme; cela a plus que compensé la croissance démographique plus faible. Les taux de disponibilité des commerces de détail sont inférieurs à la normale, car l’ouverture de nouveaux magasins compense largement certaines fermetures très médiatisées. Les propriétaires sont moins enclins à réduire les loyers aujourd’hui qu’en période de pandémie, ce qui se solde par un pourcentage de ventes moins élevé. Les taux d’inoccupation des centres commerciaux ont chuté à un peu plus de 5 % à la fin de 2023. C’est le taux le plus bas depuis au moins 2007 et les loyers moyens demandés sont près de 17 % supérieurs à leurs niveaux de 2019.Les taux d’inoccupation des commerces de détail au Canada demeurent relativement bas et les taux de capitalisation n’ont augmenté que modérément. La forte croissance démographique et la demande continue de biens de première nécessité ont partiellement compensé le repli des dépenses discrétionnaires. Toutefois, les dépenses de consommation ont augmenté environ deux fois moins rapidement au Canada qu’aux États-Unis l’an dernier. Par conséquent, les cas d’insolvabilité des particuliers ont dépassé les niveaux de 2019 et devraient augmenter un peu plus à mesure que les entreprises rembourseront les prêts gouvernementaux consentis en période de pandémie. Bien que les taux d’inoccupation soient toujours faibles dans certaines des grandes villes du Canada, ils augmenteront probablement cette année.Quelques-uns des gagnants et des perdants dans le segment des services de détail. Les détaillants qui dépendent des navetteurs des bureaux ou qui font face à une concurrence féroce de la part des magasins en ligne et des magasins à grande surface continueront d’éprouver des difficultés. Les centres commerciaux des centres-villes devraient continuer à surclasser les centres commerciaux de banlieue en plein air, et la bifurcation attribuable à la hausse du coût de la vie pourrait continuer à profiter aux magasins haut de gamme et à rabais au détriment des détaillants de niveau intermédiaire. Les magasins qui adoptent rapidement les systèmes fondés sur l’intelligence artificielle pour améliorer l’efficience et le service à la clientèle pourraient obtenir un avantage concurrentiel sur ceux qui tardent à le faire.Et, pour terminer, le secteur des bureaux qui est mal en point. Les propriétaires d’immeubles de bureaux font face à une hausse des défauts de paiement, à des ventes faiblardes et à des années de reconversion, car la plupart des entreprises adoptent des habitudes de travail hybrides. Les taux de retour au bureau aux États-Unis semblent avoir atteint un plateau correspondant à environ la moitié des niveaux d’avant la pandémie. Cela dit, il est possible que les entreprises exigent plus de travail en personne parce qu’elles craignent que la culture d’entreprise et la collaboration se détériorent à long terme.Si les taux de retour des bureaux atteignent un sommet, disons, de 60 % par rapport à 2019, la demande d’espaces de bureaux ne diminuera pas forcément de 40 % parce que les entreprises auront besoin d’espace supplémentaire par employé réservé aux commodités afin d’attirer du personnel. Les Études économiques de BMO s’attendent à ce que la demande en espaces de bureaux se résorbe d’environ 20 % sous les niveaux de 2019, bien que les risques soient à la baisse.Selon CBRE, les taux d’inoccupation des bureaux ont atteint un sommet d’un peu moins de 19 % en trois décennies aux États-Unis. Au Canada, les taux d’inoccupation ont atteint un sommet record de plus de 18 % au premier trimestre de cette année, à mesure que d’autres espaces WeWork sont apparus sur le marché. Toutefois, l’absorption nette s’est avérée positive, car la construction a été la plus faible depuis 2011, aucun nouvel immeuble de bureaux n’ayant été construit. Les sous-locations ont également chuté pour un troisième trimestre consécutif.À l’échelle de l’Amérique du Nord, on s’attend à ce que les taux d’inoccupation des bureaux augmentent davantage cette année, car les baux continuent de se renouveler avant d’alléger leur effet sur la baisse du secteur de la construction, d’augmenter les conversions et de réduire les coûts de refinancement. Étonnamment, les loyers des espaces de bureaux se sont relativement maintenus au cours de la dernière année. Toutefois, les propriétaires offrent plus d’avantages tels que le stationnement gratuit pour garder les locataires en place, et les entreprises réaliseront probablement des économies importantes à l’expiration des baux actuels. Pourquoi payer pour cinq jours alors que vous n’avez besoin que de trois jours?Le groupe CoStar estime que près de la moitié des baux de bureaux actuels ont été signés avant la pandémie, ce qui exercera une pression accrue sur les propriétaires en difficulté pour qu’ils vendent à des prix désavantageux ou qu’ils ne remboursent pas leurs prêts ou que les espaces de bureaux inutilisés soient convertis en surfaces habitables, et même en entrepôts. Jusqu’à présent, les activités de conversion demeurent faibles en raison des coûts élevés, mais les conversions recevront un coup de pouce grâce à l’engagement du gouvernement canadien d’investir plus d’un milliard de dollars pour transformer la moitié de son parc de bureaux en un quart de million de nouveaux logements d’ici 2031. Le gouvernement américain soutient également les conversions en offrant des subventions, des prêts et des incitatifs fiscaux.En ce qui concerne les gagnants et les perdants du secteur de l’espace de bureaux. Le marché des immeubles de bureaux au Canada devrait continuer à surpasser celui des États-Unis, compte tenu d’un niveau plus élevé de propriétaires institutionnels bien capitalisés ayant des objectifs de placement à long terme; toutefois, la baisse du nombre de sièges sociaux pourrait peser dans l’équation. Les immeubles de catégorie triple A dotés de commodités modernes devraient offrir un rendement supérieur à celui des immeubles plus anciens et de niveau inférieur, et les propriétaires devront investir dans les commodités pour demeurer concurrentiels. Les immeubles de bureaux en banlieue pourraient continuer à surclasser ceux des centres-villes. Les immeubles de bureaux et les régions où la croissance de la population est faible demeureront vulnérables. L’intelligence artificielle générative présente un risque à long terme si elle remplace des travailleurs des secteurs des services financiers aux entreprises et de l’information.Voilà qui conclut cette mise à jour des conditions de l’immobilier commercial au Canada et aux États-Unis. J’espère que ces renseignements vous aideront à prendre des décisions éclairées en matière de placement.

Comment les élections présidentielles américaines pourraient affecter l’économie
Sal Guatieri, économiste principal à BMO, est accompagné de Michael Gregory, économiste en chef délégué à BMO, pour discuter des répercussions et des risques associés aux élections présidentielles et législatives à venir. Selon qui sera élu en novembre 2024, nous pourrions voir d’importants changements dans les politiques budgétaires et commerciales, la réglementation et la géopolitique. Alors, quelles seront les répercussions sur l’économie?
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- Introduction (00:01) : Bienvenue à l’épisode du mois de mars 2024 du balado Placements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:17) : Bonjour. Michael Gregory, économiste en chef délégué, est avec nous aujourd’hui pour discuter d’une récente communication sur les répercussions et les risques des élections américaines de novembre. Compte tenu des politiques très différentes des deux principaux candidats, Joe Biden et Donald Trump, un deuxième mandat pour l’un ou l’autre pourrait avoir des répercussions très divergentes sur l’économie, surtout si le parti du président finit par contrôler le Congrès. Les perspectives en matière de politique budgétaire, de réglementation commerciale et de géopolitique pourraient toutes changer considérablement après le 5 novembre.Michael Gregory (00:53) : Bonjour, Sal, merci beaucoup de m’avoir invité à participer à ce balado. J’ai bien hâte de discuter avec vous.Sal Guatieri (00:58) : Michael, commençons par la politique budgétaire, qui a souvent une incidence considérable sur l’économie. Dans quelle mesure est-il probable qu’elle diffère selon le candidat qui sera élu, et quelles en sont les répercussions?Michael Gregory (01:09) : De toute évidence, le président Biden et le Parti démocratique ont tendance à dépenser beaucoup et à composer avec tout déficit en imposant encore plus, tandis que M. Trump et le Parti républicain ont tendance à vouloir réduire les impôts, et s’il y a des problèmes de déficit, ils ont tendance à les résoudre en essayant de limiter les dépenses. Donc, selon qui gagne, et comme vous l’avez dit, Sal, selon que le parti du président est également en mesure de contrôler les deux organes du Congrès ou non, nous pourrions avoir des changements importants ou des différences de politique. Mais avant, je vous en donne simplement un exemple, c’est quelque chose qu’il faut garder à l’esprit et, en fait... Cela n’aura peut-être pas d’incidence, peu importe qui remportera l’élection.Tout d’abord, le coût croissant de l’assurance maladie et de la sécurité sociale commence à avoir de plus en plus d’incidence sur les revenus du gouvernement. Et au cours de la prochaine décennie, ce sera un facteur important de grands déficits, peu importe qui gagne. Mais plus immédiatement, il y a la question de la hausse des paiements d’intérêts en raison des dettes importantes du gouvernement et de la hausse des paiements d’intérêts sur cette dette. Et pour mettre les choses en perspective, les paiements d’intérêts cette année dépasseront 870 milliards de dollars et atteindront mille milliards de dollars au cours des prochaines années. Encore une fois, pour mettre les choses encore plus en perspective, cette année, c’est plus que ce que le gouvernement américain paie en dépenses totales en matière de défense. L’an prochain, les paiements d’intérêts seront supérieurs à ce que le gouvernement américain paie pour les dépenses discrétionnaires non liées à la défense.Donc, encore une fois, peu importe qui gagne, ce sont d’importants obstacles auxquels ils devront faire face. Mais le gagnant aura un obstacle majeur à surmonter le 5 novembre, et c’est un mur budgétaire. La loi intitulée Tax Cuts and Jobs Act de 2017, comme son nom l’indique, a réduit les impôts, mais bon nombre de ces impôts, en particulier du côté des particuliers et des successions, expireront à la fin de 2025 et reviendront au niveau où ils étaient le 1er janvier 2026. Cela entraînerait une réduction d’environ 290 milliards de dollars du revenu disponible à mesure que ces impôts augmentent, dont environ 200 milliards sont attribuables à des taux d’imposition plus élevés. Ce que cela signifie, c’est qu’au 1er janvier 2026, ces taux d’imposition plus élevés entreront en vigueur, et ils peuvent littéralement nuire à la croissance du PIB, annualiser la croissance du PIB de quatre points de pourcentage ou plus.C’est donc un problème majeur pour celui qui gagnera. C’est là que nous commençons à voir un peu de divergence dans les politiques. M. Trump et les républicains disent qu’ils veulent rendre ces réductions d’impôt permanentes, ce qui n’est pas la base actuelle du déficit. Et s’ils les rendaient permanentes, cela ajouterait plus de 3 000 milliards de dollars au déficit accumulé au cours de la prochaine décennie, principalement en raison de la baisse des impôts. Mais les démocrates et le président Biden aimeraient les rendre permanentes, mais seulement pour ceux qui gagnent moins de 400 000 $ par année. En fait, ils paieront pour cela en augmentant l’impôt des sociétés et des riches et, espérons-le, en faisant en sorte qu’il n’y ait aucun déficit. Mais ils ont l’intention d’aller plus loin, comme en témoigne le budget proposé par le président Biden pour l’an prochain, en augmentant encore plus l’impôt des sociétés et les impôts des riches.Par exemple, le taux d’imposition des sociétés passera de 21 % à 28 %, un impôt de 25 % sur le revenu non réalisé des milliardaires sera mis en place et la tranche d’imposition la plus élevée sera relevée... passant de 37 % à 39,6 %, bien avant l’expiration des réductions d’impôt. Cela aura pour effet de réduire le déficit d’environ 3 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, en grande partie grâce à la hausse des impôts. On a donc ces politiques diamétralement opposées qui, dans un cas, entraîneront un déficit plus élevé, probablement sous l’administration Trump en raison de la baisse des impôts et sous l’administration Biden, la prochaine administration Biden, un déficit potentiellement plus faible en raison de la hausse des impôts. Donc, selon qui gagne et si ce parti contrôle également le Congrès, nous pourrions avoir de très fortes divergences dans les politiques. Donc voilà, je vais m’arrêter ici pour le moment. Je suis certain que nous allons en discuter un peu plus tard.Sal Guatieri (05:48) : Oui, c’est une bonne description des différences potentielles que nous verrons du côté de la politique budgétaire, Michael. Je crois qu’il est assez clair que le déficit budgétaire sera beaucoup plus important sous la présidence de M. Trump que sous le mandat renouvelé de M. Biden. Selon certaines estimations, nous pourrions voir un écart de 6 000 milliards de dollars entre les deux. Je sais que c’est relatif par rapport aux perspectives de base, mais il s’agit d’une divergence considérable du déficit budgétaire sur une décennie, et cela représente près de 2 % du PIB sur une base annuelle. De toute évidence, il semble que la politique budgétaire sera plus expansionniste sous la présidence de M. Trump.On va maintenant laisser de côté les politiques nationales et passer aux politiques commerciales, et je peux commencer. Nous savons que Biden et Trump ont tous deux une chose en commun en matière de commerce, et c’est qu’ils craignent que d’autres pays obtiennent un avantage commercial perçu comme inéquitable au détriment des travailleurs américains. Donc, pendant son premier mandat, le président Biden n’a pas vraiment ajouté de nouveaux tarifs, mais il n’a pas non plus annulé beaucoup des mesures antérieures de Trump. De plus, il a pris des mesures plus restrictives contre la Chine, limitant essentiellement sa capacité à acheter des puces avancées d’intelligence artificielle auprès d’entreprises américaines. Il est donc certain qu’il a mis en place une certaine protection, mais clairement pas du même ordre que Donald Trump.Compte tenu de la soi-disant guerre commerciale qui a eu lieu pendant son premier mandat, en particulier contre la Chine, nous savons que M. Trump est maintenant impatient de retourner se battre pour le commerce, si l’on peut dire. Il a proposé d’imposer un tarif général de 10 % sur tous les biens entrant au pays. Il envisage également des droits de douane de plus de 60 % sur les produits chinois destinés aux États-Unis et possiblement une pénalité de 100 % sur les véhicules produits au Mexique par des entreprises chinoises qui osent s’y installer. Des mesures assez importantes sur la table. Bien entendu, le Congrès pourrait être en mesure de limiter certaines de ces mesures, mais, dans l’ensemble, le président a presque entièrement le pouvoir discrétionnaire d’imposer des tarifs à tout pays qu’il juge avoir un soi-disant avantage commercial inéquitable par rapport aux entreprises américaines. Vous savez, en vertu des politiques commerciales de Trump, il est tout à fait possible que ces nouveaux tarifs puissent réduire un peu l’inflation, bien qu’il y aurait clairement une certaine compensation provenant de la hausse du dollar américain si les États-Unis en tant que pays achetaient moins de produits étrangers, ce qui exercerait une certaine pression à la baisse sur leur devise et augmenterait peut-être le dollar afin d’atténuer l’impact inflationniste.Mais le véritable préjudice, que ce soit en raison de l’inflation ou simplement sur l’économie, proviendrait inévitablement des mesures de représailles de nos partenaires commerciaux, y compris certains alliés. S’ils prennent des mesures de représailles et que nous assistons à une série de restrictions croissantes en matière de droits de douane et de commerce, toutes ces soi-disant mesures de rétorsion entraveront ultimement les flux commerciaux, perturberont les chaînes d’approvisionnement et stimuleront les coûts d’exploitation, ce qui entraînera une hausse de l’inflation et un ralentissement de la croissance mondiale. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, Michael, sur le plan commercial.Michael Gregory (09:32) : Non, je crois que vous avez bien résumé le sujet. Disons-le ainsi. Au cours de son premier mandat, Donald Trump s’est qualifié d’« homme des tarifs douaniers », et il croit au pouvoir de ces tarifs. Je crois que c’est quelque chose qu’il faut garder à l’esprit et je m’attendrais à plus de tarifs s’il gagne.Sal Guatieri (09:49) : Oui. Et je suppose que le Canada et le Mexique pourraient se montrer craintifs sous la présidence de Trump, car il y a probablement un risque qu’une administration Trump se retire simplement de l’accord de libre-échange actuel entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Et il est certain que s’il y a des tensions à l’égard de cet accord de libre-échange, cela nuirait considérablement aux investissements des entreprises, en particulier; dans les deux plus petits pays, nous savons que le surplus du commerce des biens que le Mexique et le Canada affrontent aux États-Unis s’est élargi depuis l’entrée en vigueur de l’accord commercial en 2020, surtout pour le Mexique. À l’exception de la Chine, le Mexique affiche le plus important excédent commercial en matière de biens avec les États-Unis et le Canada, qui sont toujours nettement à la traîne.Mais il y aurait une menace. Nous savons que chaque pays a le droit de se retirer de l’AEUMC après avoir donné un préavis de six mois, bien qu’il soit assez difficile de déterminer si l’approbation du Congrès est requise. Nous savons également que cet accord fera l’objet d’un examen dans quelques années. Chaque membre devra alors décider s’il convient de renouveler l’accord au-delà de la date de résiliation préétablie de 2036. Si un pays décide de ne pas le renouveler, eh bien, encore une fois, cela aura une incidence négative sur les investissements des entreprises en particulier. Donc je ne sais pas si vous auriez quelque chose à ajouter?Michael Gregory (11:21) : Eh bien, il ne faut pas oublier non plus qu’il y a déjà des irritants commerciaux qui s’accumulent entre les États-Unis et le Mexique, mais même les États-Unis, le Canada et le lobby des producteurs laitiers expriment haut et fort le fait que les engagements que le Canada a pris, lorsque l’AEUMC a d’abord été négocié, n’ont pas respecté l’esprit des nouvelles règles et, par conséquent, tout cela devient un point de mire, comme c’était le cas sous le premier gouvernement Trump. Les producteurs laitiers ont retenu toute l’attention par rapport à ça. Sal, je vais peut-être dévier un peu pour parler d’une autre différence potentielle entre les deux administrations en ce qui a trait à la politique réglementaire.Sal Guatieri (12:00) : Oui, bien sûr, Michael.Michael Gregory (12:02) : Bien sûr. Oui, oui, oui. Eh bien, il ne faut pas oublier que l’un des domaines où on pourrait voir une grande différence entre une victoire de Trump et une victoire de Biden, c’est le rôle de la réglementation. Comme nous l’avons vu sous la présidence actuelle, la réglementation a augmenté, notamment en ce qui a trait à la tentative d’accroître la concurrence pour empêcher les fusions et les acquisitions, et ce genre de choses. À l’inverse, d’après la première administration Trump, nous savons déjà qu’il prend des décisions plus légères, qu’il s’agisse de la réglementation des institutions financières, de l’autorisation des fusions et acquisitions ou peut-être de l’autorisation d’investir davantage dans le secteur de l’énergie. Je crois que cette différence pourrait être attribuable à une politique importante que l’administration Biden a adoptée vers la fin de ses deux premières années au pouvoir, soit l’Inflation Reduction Act, qui est encore aujourd’hui un nom étrange pour cette loi.Mais une partie importante de cela a été le soutien du gouvernement au moyen de toute une série de crédits d’impôt pour essayer de stimuler l’investissement dans les véhicules électriques et d’autres types de technologies d’énergie propre. Et dès que ce projet de loi a été adopté strictement selon les lignes du parti, il est entré dans la ligne de mire des républicains. Et s’ils réussissent à tout rafler, non seulement la présidence, mais aussi les deux Chambres, la Chambre et le Sénat, on pourra certainement voir quelques changements. Essentiellement, ces crédits d’impôt disparaîtraient assez rapidement. En fait, l’une des raisons pour lesquelles l’activité dans ce secteur a été si forte dès le départ, c’est la crainte que si le gouvernement change, ces crédits d’impôt pourraient disparaître, alors les gens en tirent parti maintenant. Mais même si, comme c’est le cas aujourd’hui, le Congrès est divisé, la présidence de M. Trump aura encore beaucoup de marge de manœuvre par l’intermédiaire du pouvoir exécutif pour traiter de la façon dont les crédits d’impôt sont interprétés, et peut-être restreindre l’interprétation et annuler certains d’entre eux. Et je crois que ce serait un autre changement important, un changement important selon le vainqueur.Sal Guatieri (14:08) : Bons points, Michael. Oui, et il est assez clair que si Trump ressort gagnant, les secteurs financier et de l’énergie en bénéficieraient probablement. En fait, il pourrait même ressusciter l’oléoduc Keystone XL, ce qui serait un avantage pour le secteur canadien de l’énergie. Il y a donc beaucoup de choses à prendre en considération sur le plan réglementaire et, je suppose, sur le plan géopolitique également. Je crois que peu importe qui gagne, si l’un ou l’autre des deux présidents adopte une approche plus conflictuelle à l’égard de la Chine en matière de commerce ou de Taïwan, ce serait évidemment quelque chose à surveiller. Trump a également menacé de retirer les États-Unis de l’OTAN, ou du moins de réduire le financement. Nous ne savons donc pas si cela inciterait la Russie à prendre des mesures militaires plus agressives en Europe de l’Est. C’est difficile à dire, mais, encore une fois, c’est quelque chose à surveiller.Je suppose que, d’une certaine façon, l’économie pourrait différer selon l’un ou l’autre des candidats élu à la présidence. Je crois qu’avec une victoire de M. Biden, il serait juste de dire que nous continuerions probablement à voir un déficit budgétaire, ce qui soutiendrait la croissance à court terme, mais que nous obtiendrions probablement une compensation partielle en raison d’une réglementation plus stricte sous la présidence de M. Trump. Il est presque évident que cela se traduira par un déficit budgétaire plus important et une réglementation plus légère, ce qui pourrait donner un coup de pouce supplémentaire à la croissance économique, en contrepartie d’un protectionnisme commercial accru. Il y a donc différentes répercussions sur l’économie. Je crois que peu importe qui gagne, le risque d’inflation et peut-être les taux d’intérêt pourraient augmenter, simplement parce que les deux politiques budgétaires seraient probablement expansionnistes. Mais, encore une fois, il s’agit vraiment de savoir si nous aurons un Congrès toujours divisé, ce qui atténuerait certainement le manque à gagner budgétaire, et comme vous l’avez mentionné, Michael, cela aurait moins d’influence sur les politiques commerciales ou réglementaires. Nous n’avons pas parlé de l’incidence possible sur la Fed. Michael, voulez-vous intervenir à ce sujet?Michael Gregory (16:15) : Bien sûr. Bien entendu, tout ce qui s’ajoute aux pressions inflationnistes fera en sorte que la Fed sera moins encline à réduire les taux d’intérêt. Disons que c’est l’orientation que la Fed semble prendre en ce moment. Et selon son dernier communiqué de politique, elle prévoit encore trois réductions de taux, même si elles pourraient être réduites à deux. Mais l’idée est que les réductions de taux s’en viennent, mais qu’elles se produiront beaucoup plus lentement que la vitesse à laquelle les hausses de taux ont eu lieu, et, donc, les réductions se dérouleront de façon très graduelle. Et si nous avons la moindre indication que l’inflation s’avère obstinée, que ce soit en raison d’un marché du travail toujours tendu qui fait grimper les salaires ou des réductions d’impôt des républicains, cela aide à stimuler les dépenses intérieures ou les dépenses supplémentaires du gouvernement, et sous les démocrates, cela pourrait entraîner des dépenses et des pressions supplémentaires. Ou encore, l’Inflation Reduction Act, ou plutôt les crédits d’impôt, au grand dam même des démocrates, qui n’ont pas réussi à plafonner ces crédits. Ils ont donc connu une croissance fulgurante, ce qui a entraîné une augmentation des dépenses et des pressions dans le secteur de la construction.Donc, dans la mesure où tout cela se concrétisera, la Fed sera plus réticente à réduire les taux d’intérêt aussi fortement. Je ne crois pas que nous en soyons au point où nous commencerons à voir les taux changer de direction et commencer à augmenter; nous devrons assister à une forte hausse de l’inflation pour voir cela, et je ne crois pas que ce soit dans l’offre, mais ce que nous pourrions voir, c’est que les taux d’intérêt seraient plus élevés qu’ils ne le seraient autrement.Sal Guatieri (17:56) : Oui, c’est un très bon point, car il est clair que le risque lié à l’inflation pourrait augmenter, en particulier en raison des politiques plus favorables à la croissance de M. Trump. De plus, il ne faut pas oublier qu’il y aurait une augmentation de l’incertitude à l’égard de la politique monétaire. Nous savons que le poste du président Powell pourrait être en jeu. M. Trump a nommé M. Powell en 2018, mais il dit qu’il ne le renommera pas à l’expiration de son mandat de président en 2026. Nous savons que lorsqu’il était au pouvoir, M. Trump a menacé de congédier M. Powell, même s’il n’est pas certain qu’un président puisse le faire, du moins pas sans motif raisonnable. Donc un autre motif d’incertitude au sujet de la politique monétaire.Eh bien, merci pour la discussion, Michael. Le 5 novembre, il pourrait y avoir un changement radical dans les politiques américaines, surtout si le parti gagnant prend également le contrôle du Congrès. Merci de nous avoir écoutés.

L’économie a-t-elle déjà atterri ? Enjeux ayant une incidence sur les économies et les marchés canadiens et américains
Sal Guatieri, économiste principal à BMO, est accompagné de Doug Porter, économiste en chef à BMO Groupe financier, pour discuter de l’incidence du marché du travail, des prix des aliments et des coûts de l’énergie sur l’inflation au Canada et aux États-Unis, ainsi que du moment où les taux d’intérêt pourraient enfin commencer à baisser.
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- Introduction (00:01) : Bienvenue à l’épisode du mois de février 2024 du balado Placements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:17) : Des services fixes, à l’inflation et à la baisse retardée des taux des banques centrales, aux perspectives d’un atterrissage en douceur au Canada, et peut-être pas d’atterrissage du tout aux États-Unis, il y a beaucoup de choses à analyser ici. Je m’entretiens aujourd’hui avec Doug Porter, économiste en chef à BMO Groupe financier. Doug, rentrons tout de suite dans le vif du sujet. Commençons par un enjeu qui préoccupe les décideurs depuis plus de deux ans. L’inflation. De toute évidence, les banques centrales ont bien progressé, mais nous continuons d’entendre dire que le dernier kilomètre vers la cible sera le plus long. Est-ce toujours le cas?Douglas Porter (00:50) : Je pense réellement que c’est le cas, et je vous remercie de m’avoir invité, Sal. Je pense que si l’on considère la situation dans son ensemble, il y a de très bonnes nouvelles. Le fait que l’inflation soit passée de 9 % aux États-Unis à environ 3 %, puis qu’elle soit passée de 8 % au Canada à moins de 3 % avec la récession est, selon moi, une nouvelle tout à fait phénoménale. Commençons donc par le positif.La nouvelle la plus difficile, selon moi, est qu’il sera dur de passer de 3 à 2, parce que, si l’on analyse l’inflation très simplement, nous n’avons pratiquement pas d’inflation du bon côté maintenant, ce qui est à peu près là où nous en étions avant la pandémie. Cependant, l’inflation des services demeure relativement élevée par rapport à ce qu’elle était avant la pandémie. C’est là que nous devons vraiment réduire l’inflation au cours de la prochaine année. Et je pense que ce sera un long processus.Pour réduire l’inflation des biens, il s’agissait en fait juste d’alléger les pressions sur la demande, de laisser la chaîne d’approvisionnement se rétablir et les choses sont plus ou moins revenues à la normale. Les services sont une tout autre affaire. Ils sont essentiellement portés par les coûts salariaux plus élevés maintenant. Je pense que cela nécessite vraiment un changement de mentalité. Deux générations viennent juste de découvrir ce qu’est l’inflation réelle et elles ne vont pas nécessairement croire que l’inflation va immédiatement revenir à 2 % rapidement et tout en douceur. Dans les faits, je pense que les banques centrales doivent maintenir une politique restrictive pour que l’on recommence à croire qu’elles maîtrisent la situation et que l’inflation va diminuer à 2 % en moyenne dans les ans à venir. Je pense que cela prendra du temps.Donc, pour répondre à votre question, même si nous avons eu de très bonnes nouvelles, je pense que le fameux dernier kilomètre ou dernière longueur sera relativement difficile et qu’il faudra un certain temps pour que l’inflation revienne à 2 % de façon durable.Sal Guatieri (02:33) : Je suis tout à fait d’accord avec vous, Doug. Il semble que les marchés de l’emploi, en particulier aux États-Unis, soient encore assez serrés et que les salaires continuent de grimper relativement vite. Cela prendra un certain temps, surtout pour réduire l’inflation dans le secteur des services. Voilà un certain temps que vous nous mettez en garde contre la lenteur du retour de l’inflation à 2 %. Maintenant, l’inflation a baissé depuis quelque temps. Les prix ont baissé un peu plus rapidement que prévu. Mais pensez-vous encore que les risques d’inflation sont à la hausse ou commencez-vous à entrevoir un potentiel de baisse?Douglas Porter (03:05) : Vous venez de le mentionner, vous savez quels sont les risques que j’anticipe ou mes préjugés, si je peux dire. Oui, j’ai eu tendance à être assez belliciste en matière d’inflation au cours des trois dernières années. Je fais toujours partie de ce camp. Si vous jetez un coup d’œil à nos premières prévisions officielles, nous sommes assez proches du consensus. Nous sommes peut-être légèrement au-dessus des prévisions d’inflation pour le Canada et les États-Unis pour l’année prochaine ou les deux prochaines années. Nous ne sommes pas si éloignés du consensus, mais pas besoin d’aller très loin pour se rende compte que mon pessimisme à l’égard de l’inflation est toujours là. Je crois toujours que, si nous avons tort, il est plus probable que nous soyons surpris à la hausse plutôt qu’à la baisse.Je dirais qu’une baisse de l’inflation se produirait si les prix de l’énergie s’effondraient, ou si les prix des aliments baissaient de façon un peu plus marquée. C’est tout à fait possible, mais je pense qu’il est tout aussi possible, voire plus probable, que nous soyons surpris par une hausse des prix du pétrole, de l’énergie et des aliments, au cours de l’année prochaine. Parallèlement, comme je l’ai mentionné plus tôt, les salaires affichent de solides gains, et l’inflation des services continue d’augmenter. Il ne faudrait donc pas grand-chose pour que l’inflation nous surprenne à la hausse. C’est particulièrement vrai, sachant que l’économie américaine continue de progresser, défiant tous les sceptiques, en enregistrant une croissance d’environ 3 % au dernier trimestre.Sal Guatieri (04:25) : Les deux banques centrales, la Fed et la Banque du Canada, ont réitéré plusieurs fois qu’elles croient toujours que les risques d’inflation sont à la hausse, même si elles répètent que l’économie est soumise à des risques plus équilibrés maintenant. Cependant, de façon presque implicite, elles semblent indiquer que les risques d’inflation sont à la hausse. Ce qui correspond à votre point de vue. Par conséquent, les marchés ont repoussé leurs attentes quant aux baisses de taux. Quand vous attendez-vous à ce que la Fed et la Banque du Canada diminuent les taux pour la première fois?Douglas Porter (04:59) : Eh bien, nous nous accrochons à la même prévision depuis plusieurs mois maintenant, et nous sommes encore relativement à l’aise avec elle. Je vais commencer par la Fed, cela semblait être une exception au début de l’année. Nous prévoyons que la Fed réduise les taux pour la première fois en juillet, puis quatre autres fois, au deuxième semestre de l’année. Nous sommes passés de bellicistes par rapport au marché à conciliants maintenant. Pour ce qui est des premières baisses, les marchés penchent encore peut-être à un début en juin. Alors, peut-être que nous sommes en retard d’une réunion. On verra. Je suis toujours à l’aise avec la prévision du début de juillet.En revanche, je commence à me poser la question : la Fed réduira-t-elle en effet ses taux de 100 points de base au deuxième semestre de l’année? Ce n’est pas si clair et, comme le marché commence à pencher fortement vers les 75 points de base officiels de réduction, ce scénario commence à être très réaliste cette année. Les gens tournent souvent en dérision le graphique à points, mais il semble s’agir d’une prévision plutôt réaliste à ce stade-ci. Je pense que le risque pouvant menacer notre prévision est que la Fed en fasse moins, pas plus. Et puis, nous aurions 100 points de base supplémentaires l’an prochain, ce avec quoi je suis plutôt à l’aise. Mais, encore une fois, je pense que le risque est que nous avons peut-être pris en compte trop de réductions de taux.La situation est légèrement différente pour la Banque du Canada. Vous savez, bien entendu, que l’économie canadienne connaît beaucoup plus de difficultés que l’économie américaine. Nous sommes beaucoup plus sensibles aux taux ici. Nous prévoyons que la Banque commencera à réduire ses taux en juin. C’est toujours une probabilité et nous prévoyons aussi que la Banque du Canada réduise ses taux de 100 points de base cette année, puis de 100 points de base supplémentaires l’an prochain. La seule difficulté pour ce qui est de la Banque du Canada, et les données sur l’inflation sont bonnes, la seule difficulté, c’est que le marché de l’habitation commence à se réveiller, et le dollar canadien s’est déprécié assez sensiblement au cours des dernières semaines. Ce sont deux bonnes raisons pour lesquelles la banque doit être prudente, de ne pas trop devancer la Fed et de réduire ses taux judicieusement au cours de l’année prochaine. À l’instar de la Fed, je crois que les risques sont que la banque réduise ses taux un peu moins que nos prévisions officielles.Sal Guatieri (07:01) : Les deux banques centrales commenceraient donc à réduire leurs taux cet été, avec peut-être des risques qu’elles le fassent plus tard cette année. Au moins, la conclusion est qu’on devrait s’attendre à un répit de taux d’intérêt cette année. Le marché en tient également compte. Les marchés boursiers et résidentiels atteignent maintenant des sommets records aux États-Unis. Cela a créé les conditions financières les plus accommodantes aux États-Unis depuis avant le début de la politique de resserrement de la Fed. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous avons relevé nos perspectives économiques pour les États-Unis cette année. Que pensez-vous de l’avenir de l’économie américaine? Pourrait-elle se raffermir pour une deuxième année consécutive?Douglas Porter (07:40) : Je n’écarte pas cette possibilité. L’un des faits favoris que j’ai observés l’an dernier est que l’économie américaine a en fait progressé à un rythme raisonnable en 2023. Je peux vous assurer qu’aucun prévisionniste américain ne le prévoyait au début de l’année dernière, ni ne s’attendait à ce que l’économie américaine reprenne de la vigueur et augmente au-dessus de la tendance, et pensez-y un instant, nous venons de traverser une des campagnes de resserrement de la Fed les plus strictes que nous ayons jamais vues. Que fait l’économie? En fait, elle prend de la vitesse et nous commençons l’année sur une bonne voie également. Il est encore tôt dans l’année, mais il semble que l’économie a progressé d’au moins 2 %. Certains parlent de 3 %, au premier trimestre de cette année, après un taux de croissance moyen de près de 4 % au deuxième semestre de l’année dernière. C’est beaucoup plus que ce que tout le monde attendait. Selon nous, la croissance devrait ralentir pour se rapprocher d’un rythme de 1 à peut-être 1,5 % environ au cours des trois derniers trimestres de cette année. Je pense que les risques pour cela sont unilatéraux.Vous savez, je pourrais certainement soutenir que les chiffres pourraient être plus faibles que cela, mais je pourrais encore plus facilement soutenir qu’ils seront plus élevés que cela. Vous pouvez avancer l’argument que l’économie, du moins que les taux de croissance ont déjà largement absorbé une grande partie des hausses de taux. Bien entendu, comme vous l’avez dit, les conditions financières se sont assouplies et, par le passé, l’économie s’est relativement bien comportée pendant les années d’élections et cette année s’avère également être bissextile. Il y a donc bien des raisons de croire que l’économie pourrait en fait nous surprendre à la hausse cette année. Je crois encore qu’une fois tous les chiffres compilés, le taux de croissance sera légèrement inférieur cette année par rapport à l’an dernier, mais pas beaucoup. L’an dernier, nous avons progressé de 2,5 % globalement pour l’ensemble de l’année, nous pensons que c’est environ 2,25 % cette année, ce qui est assez proche du consensus; je crois que selon nos prévisions, le taux est un peu mieux que cela.Sal Guatieri (09:21) : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Ce que j’ai trouvé étonnant l’an dernier, c’est que le raffermissement de l’économie américaine s’est essentiellement accéléré tout au long de l’année. Une des plus fortes croissances a été enregistrée au deuxième semestre de l’année à un moment où nous pensions que les conditions financières seraient plus serrées et auraient l’incidence négative la plus importante sur l’économie. Nous prenons maintenant du recul et examinons les conditions financières qui s’assouplissent, et nous continuerons probablement de le faire tout au long de l’année, et on ne peut pas s’empêcher d’être optimiste quant aux perspectives de l’économie américaine. D’après le ton de vos commentaires, je suppose que la probabilité d’une récession aux États-Unis est beaucoup plus faible cette année. Selon vous, quelles sont les probabilités d’un repli aux États-Unis cette année?Douglas Porter (10:04) : Absolument. Après avoir dit toutes ces choses extrêmement positives, je crois que la réalité est que nous ne pouvons pas écarter les probabilités d’une récession. Au début de chaque année donnée, on est presque obligé d’ajouter une probabilité de récession d’environ 15 %, simplement en raison d’un choc géopolitique potentiel, ou quelque chose comme la COVID par exemple. Il y a toujours une possibilité que nous soyons frappés par quelque chose qui pourrait faire basculer une économie vulnérable dans une récession. Donc, je n’exclus pas complètement les risques d’une récession, même si l’économie a connu un grand dynamisme. Nous faisons face à de nombreux risques. Bien entendu, il reste toujours ce resserrement de la Fed, que nous avons observé au cours de l’année passée, et nous sommes toujours aux prises avec une inflation relativement élevée, que la Fed doit encore juguler. Par conséquent, je n’écarte pas entièrement le risque de récession. J’évaluerais tout de même le risque d’une récession cette année à environ 20 %, voire un peu plus. Cela dit, c’est bien en deçà d’il y a un an. C’est beaucoup moins que ce que j’aurais dit il y a un an.Sal Guatieri (11:03) : Passons maintenant au Canada. Nous avons été agréablement surpris par le raffermissement du PIB publié par Statistique Canada à la fin de l’année dernière, après une contraction de l’activité au troisième trimestre. Cela a donné lieu à une réévaluation à la hausse de nos prévisions économiques. Quelles sont vos prévisions pour l’économie canadienne cette année? Quelles sont, selon vous, les probabilités d’une récession ici au Canada?Douglas Porter (11:27) : Tout d’abord, d’un point de vue très général, même si le Canada a fait un peu mieux que prévu, ça n’a pas été aussi impressionnant que pour l’économie américaine. Vous savez, une partie de la surprise à la hausse au Canada a simplement été le résultat de cette hausse-surprise aux États-Unis. Au Canada, je dirais que les choses se sont plus ou moins déroulées comme prévu sur le plan intérieur. Les consommateurs souffrent des hausses de taux. Un certain nombre de détaillants de biens discrétionnaires indiquent qu’ils ont constaté que les consommateurs se retenaient un peu. Ce qui a compliqué les choses, c’est que la demande comprimée d’automobiles est très élevée. Les ventes d’automobiles sont donc demeurées solides, ce qui est très inhabituel en période de ralentissement économique.Bien entendu, la demande comprimée de logements est encore très forte, surtout à cause de la croissance fulgurante de la population que nous observons. Ces deux éléments masquent en quelque sorte la situation sous-jacente qui est beaucoup plus ralentie pour les consommateurs canadiens. Parallèlement, la confiance est faible, que ce soit au niveau des consommateurs ou des petites entreprises. Encore une fois, certaines dépenses et les données sur la croissance globale sont enjolivées en raison de la croissance de 3 % de la population. Bien entendu, si l’on se contente d’une mesure brute du PIB par habitant, nous allons dans l’autre sens. Nous observons certaines des conditions les plus faibles que nous ayons observées en dehors du taux de participation au scrutin, des récessions, depuis des décennies. La situation est donc très contrastée au Canada. Les nouvelles sont loin d’être aussi encourageantes qu’aux États-Unis.L’an dernier, l’économie a progressé d’environ 1 % après l’inflation. Nous nous attendons à une hausse similaire pour cette année. Et ce n’est tout simplement pas suffisant pour rattraper la croissance observée de la population active. Nous nous attendons à ce que le taux de chômage continue de progresser au cours de l’année prochaine. En ce qui concerne les risques de récession, il est rare que le Canada soit en récession sans que les États-Unis le soient, mais ce n’est pas impossible, et cela pourrait toujours être possible que le Canada traverse au moins une légère récession sans que les États-Unis n’enregistrent un repli, simplement parce que notre économie est beaucoup plus sensible à la remontée des taux d’intérêt. Je dirais donc que les probabilités d’une récession au Canada restent plus élevées qu’aux États-Unis et les évaluerais dans une fourchette de 30 à 40 % cette année.Sal Guatieri (13:41) : Oui, je suis tout à fait d’accord, en sachant que l’économie canadienne a enregistré une croissance nulle pendant la majeure partie de l’année dernière malgré la croissance de la population de 3 % et la forte croissance de notre principal partenaire commercial. Cela en dit long sur la faiblesse des données fondamentales sous-jacentes, surtout du côté des ménages, en sachant que les ménages canadiens sont beaucoup plus endettés que les ménages américains. C’est parce qu’ils sont beaucoup plus sensibles à la hausse des taux d’intérêt. Les risques de récession sont donc plus élevés au Canada qu’aux États-Unis. Mais, dans l’ensemble, comme vous l’avez mentionné, il semble que nous pourrions l’éviter cette année, tant que l’économie américaine restera solide et évitera une récession.Nous serions négligents, je suppose, si nous ne parlions pas de l’essor de l’IA, qui soutient les marchés boursiers américains et a le potentiel de stimuler à la fois la productivité, une croissance économique à long terme, et peut-être même les bénéfices des sociétés. Cela commence à ressembler au cycle de la fin des années 1990, lorsque l’essor de l’Internet a alimenté la productivité et la croissance économique tout en maintenant l’inflation à un faible niveau, du moins jusqu’à l’éclatement de la bulle Internet. Pouvez-vous trouver des similitudes entre cette époque et maintenant? Et dans quelle mesure êtes-vous optimiste à l’égard d’un essor prolongé soutenu par l’IA?Douglas Porter (14:56) : Vous pouvez certainement faire des comparaisons et je crois que c’est un sujet sur lequel vous et moi divergeons un peu, et j’aimerais entendre vos commentaires. Je suis beaucoup plus sceptique. Je crois qu’il s’agit d’un événement macroéconomique important. Je sais que certaines prévisions parlent d’une hausse de 20 à 40 % du PIB mondial au fil du temps. Je ne suis pas de cet avis, mais je crois que, dans une certaine mesure, c’est positif pour la productivité. Je crois que nous commençons à le constater dans les données américaines. Nous avons assisté à une bonne reprise de la productivité au cours de l’année dernière. Cependant, je serais prudent, car nous avons enregistré un rendement très décevant l’année précédente. Une partie de cette hausse pourrait tout simplement être un revirement de la faiblesse observée l’année précédente et je doute que nous ayons un essor prolongé au Canada. Bien entendu, la productivité va dans la mauvaise direction. Nous ne voyons vraiment rien jusqu’à présent dans les données.Mais de façon plus générale, la différence entre la situation actuelle et la fin des années 1990 est que les investissements des entreprises, dans leur ensemble, ont été solides, surtout aux États-Unis, sans être particulièrement vigoureux. À la fin des années 1990, nous avons connu un essor des investissements qui s’est poursuivi pendant cinq ou six ans et qui a vraiment fait la différence et les dépenses en immobilisations des entreprises ont été parmi les plus importantes de l’après-guerre. C’est vraiment ce qui a contribué à générer, à soutenir la croissance de la productivité observée à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Nous ne voyons pas ce type de croissance des investissements. Oui, certaines sociétés en profitent grandement. Je peux en nommer quelques-unes tout de suite, Nvidia et Microsoft, pour n’en nommer que quelques-unes. Mais nous n’assistons pas vraiment à une reprise aussi importante des dépenses en immobilisations qui ouvrirait vraiment la voie à une croissance généralisée ou, du moins, à une accélération de la productivité. Vous devriez donc me considérer comme un sceptique à cet égard.Sal Guatieri (16:51) : Disons que je suis un peu plus optimiste quant au potentiel de l’IA. C’est une question de moment, mais le potentiel est là pour stimuler la productivité, rien que dans le secteur des services et pour les emplois de bureau, l’IA générative pourrait augmenter les compétences, et les rendements. Cela ressemble au travail effectué par Erik Brynjolfsson de l’Université Stanford dans le domaine du service à la clientèle, et les énormes gains de productivité, des gains à deux chiffres, qui sont réalisés en relativement peu de temps. Un bon nombre de ces gains ont été réalisés parmi les travailleurs les moins qualifiés qui peuvent se mettre à jour très rapidement et obtenir un bon rendement à l’aide des systèmes d’IA. Je crois donc à un certain essor dans ce domaine. Même du côté de la fabrication, lorsque nous aurons des robots beaucoup plus intelligents et beaucoup plus mobiles qui effectueront une grande partie du travail manuel, cela a soulevé des inquiétudes quant aux pertes d’emplois à venir, mais je crois que nous aurons une période au cours de laquelle nous verrons beaucoup de tâches augmentées par des systèmes d’IA, ce qui permettra aux travailleurs de faire leur travail beaucoup mieux avec beaucoup plus d’efficacité.Il y a une question de moment. Vous avez tout à fait raison. Il y a beaucoup de bogues dans certains des systèmes d’IA générative, ChatGPT par exemple. Il faudra donc un certain temps avant que l’on voie le plein potentiel de l’IA pour accroître la productivité de la main-d’œuvre. Je pense que cela viendra à un moment donné. Nous parlons probablement d’années, peut-être de décennies d’amélioration de la productivité, c’est difficile à quantifier, mais ce serait tout évidemment dans la bonne direction.Douglas Porter (18:31) : Ce dont nous avons vraiment besoin au Canada, ce sont des robots pour nous aider à construire des maisons parce que, vous savez, nous n’avons pas assez de travailleurs qualifiés, et que c’est un domaine où ce serait génial d’obtenir de l’aide. Mais je ne pense pas que nous obtiendrons une bonne réponse du côté des constructeurs de maisons au Canada, malheureusement.Sal Guatieri (18:45) : Oui, je pense que nous allons commencer à voir plus de ces unités ou composants, construits dans les usines puis envoyés sur le site et assemblés comme les systèmes LEGO. Mais vous avez raison, cela sera probablement dans beaucoup d’années, et le Canada pourrait utiliser des robots pour la construction de maisons afin de répondre à la crise du logement, car nous n’avons vraiment pas assez de travailleurs pour construire toutes les maisons dont nous aurons besoin pour répondre à cette forte croissance de la population.Doug, merci beaucoup d’avoir partagé votre sagesse et vos idées. Juste pour résumer, il semble que les États-Unis, certainement, et le Canada, peut-être également, éviteront une récession que de nombreux investisseurs craignaient depuis les deux dernières années. L’inflation continuera de baisser, mais assez graduellement. Des réductions de taux d’intérêt sont à venir, même si elles pourraient être reportées à l’été de cette année. On s’interroge toujours sur le moment et l’ampleur de l’incidence de l’IA sur la productivité de l’économie. Dans l’ensemble, cependant, je pense que les perspectives sont généralement meilleures pour les économies canadienne et américaine que celles d’il y a un an, par exemple. Ce sont donc de bonnes nouvelles, je pense, dans l’ensemble pour les investisseurs. Merci d’avoir été des nôtres.Douglas Porter (20:01) : Merci de m’avoir invité. Je trouve que c’est un excellent résumé. Merci.Conclusion (20:03) : Merci d’avoir écouté le balado Placements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site https://www.bmo.com/principal/particuliers/investissements/placements-en-ligne/ et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui vous convient.

De meilleures conditions financières signalent un atterrissage en douceur.
Les économistes sont-ils trop pessimistes quant à l’état de l’économie ? Sal Guatieri, économiste principal à BMO, discute des conséquences de l'assouplissement des conditions financières sur les perspectives économiques et de taux aux États-Unis et au Canada.
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- Introduction (00:01): Bienvenue à Investissements plus futés de BMO pour janvier 2024. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:17): Les investisseurs ont de grands espoirs d’un atterrissage en douceur cette année, et pour cause. Si la politique monétaire est toujours serrée, la situation financière globale ne l’est plus. L’indice quotidien de Bloomberg est à son niveau le plus favorable depuis que la Réserve fédérale américaine a commencé à relever les taux au début de 2022. À l’exception de la période de la pandémie où des mesures de stimulation économique très énergiques ont été mises en place, c’est le meilleur niveau atteint depuis au moins 2016.La mesure hebdomadaire plus complète de la Fed de Chicago, qui tient compte de la hausse actuelle des prix des maisons, donne à penser que les conditions sont aussi favorables aujourd’hui qu’au milieu des années 1990, c’est-à-dire la dernière fois que les décideurs ont réussi un rare atterrissage en douceur. En fait, aucune récession américaine au cours du dernier demi-siècle n’a commencé lorsque les conditions étaient aussi favorables qu’elles le sont en ce moment. On peut en déduire que la prédiction répandue d’une économie américaine au ralenti pourrait se révéler encore une fois trop pessimiste. Mais si c’est le cas, les réductions de taux prévues pourraient être reportées. Lors de la réunion sur la politique monétaire de la Fed en décembre, de nombreux participants ont déclaré que l’assouplissement des conditions financières pourrait compliquer l’atteinte de la cible d’inflation.Depuis octobre dernier, la plupart des variables financières sont devenues favorables à l’activité aux États-Unis. Bien qu’il soit toujours élevé, le dollar pondéré en fonction des échanges a chuté de 8 % par rapport aux sommets historiques. Les marchés boursiers et les prix des maisons ont atteint des sommets, amplifiant les effets sur le patrimoine. Et si les taux hypothécaires demeurent élevés, ils ont chuté en prévision d’une politique monétaire assouplie, et les coûts d’emprunt des sociétés ont chuté dans un contexte de forte demande pour des titres à rendement plus élevé.Mais deux variables financières clés freinent la croissance aux États-Unis : les taux directeurs et les normes de crédit. Les chefs responsables du crédit resserrent les normes de prêt depuis plus d’un an dans un contexte de crainte de récession et de la crise bancaire régionale du printemps dernier. Entre-temps, les coûts d’emprunt de la plupart des prêts à taux variable demeurent élevés, car ils ont tendance à suivre les taux directeurs, qui sont les plus élevés en 23 ans et bien au-dessus des niveaux présumés neutres d’un peu moins de 3 %. De plus, en raison de la baisse de l’inflation, la politique a été resserrée en termes réels, même après la pause de la Fed l’été dernier. La situation peut expliquer la hausse continue de la proportion de cartes de crédit et de prêts automobiles en souffrance.Bien entendu, ce qui compte pour la croissance, c’est la situation financière globale. Selon notre indice interne, qui mesure l’effet combiné décalé des principales variables financières de la croissance trimestrielle du PIB réel d’une année à l’autre, la situation financière américaine devrait devenir légèrement favorable cette année, comparativement à l’an dernier, où elle était modérément restrictive. Les conditions de fin du resserrement précédent ont réduit la croissance d’environ 1 % le printemps dernier et de 0,3 % pour l’ensemble de 2023. Mais l’incidence s’est depuis estompée et devrait s’accentuer légèrement cette année, à moins d’un renversement marqué des marchés ou des prix des actifs. Toutes choses étant égales par ailleurs, l’économie pourrait donc croître un peu plus rapidement que son potentiel à long terme de près de 2 %. Si la diminution des mesures de soutien budgétaire pouvait tout de même rapprocher la croissance du PIB de notre prévision actuelle de 1,7 % pour 2024, c’est un peu au-dessus des prévisions courantes, ce qui n’est pas mal compte tenu du contexte actuel de taux élevés.Si l’amélioration de la situation financière américaine annonce des perspectives encourageantes au sud de la frontière, elle pourrait ramener l’économie canadienne au bord de la récession. L’économie canadienne accuse un retard considérable par rapport à celle des États-Unis, avec une croissance estimée à 1 % en 2023, contre 2,5 % du côté américain. Deux raisons principales se dessinent. Premièrement, les ménages surendettés détournent plus de revenus pour couvrir la hausse des versements hypothécaires. Deuxièmement, sauf une devise faible, la situation financière est moins favorable qu’aux États-Unis en raison d’un marché boursier sous-performant et de la baisse de la valeur des maisons et des prix des ressources.Au troisième trimestre de l’an dernier, le resserrement des conditions a retranché près de trois points de pourcentage à la croissance du PIB réel. Voilà l’une des raisons pour lesquelles l’économie s’est contractée au cours du trimestre. C’est deux points de pourcentage de plus que le pire coup encaissé par l’économie américaine au resserrement des conditions. Et pour l’ensemble de 2023, la situation financière a possiblement retranché 1,25 % à la croissance canadienne, soit 1 % de plus qu’aux États-Unis, ce qui représente la majeure partie de l’écart de performance de l’an dernier.Bien que le ralentissement de la croissance au Canada découlant du resserrement de la situation financière commence à s’atténuer, il pourrait tout de même se situer en moyenne à environ 1 % cette année. Cela correspond bien à notre prévision d’une croissance minimale du PIB de 0,5 % en 2024 et explique en grande partie la différence avec les prévisions pour les États-Unis. La plus grande sensibilité aux taux d’intérêt des ménages canadiens aide à expliquer le reste de l’écart.Sur une note plus positive, l’effet faiblissant de la situation financière défavorable, en particulier lorsque la Banque du Canada devrait réduire les taux plus tard cette année, signifie que l’économie canadienne a une chance d’éviter une récession, ou du moins d’en éviter le pire.En conclusion, l’amélioration rapide de la situation financière, si elle était soutenue, pourrait faire en sorte que l’économie américaine dépasse de nouveau les attentes du marché cette année et aide le Canada à éviter une récession, mais pourrait du même coup retarder les réductions de taux des banques centrales. Ce serait un petit prix à payer pour obtenir de meilleurs résultats économiques. Merci d’avoir été à l’écoute.
Où va l’économie chinoise ?
Tout ne va pas bien dans la deuxième économie mondiale. Que signifient les récentes difficultés économiques de la Chine pour l’économie mondiale et les investisseurs ? Sal Guatieri, économiste principal à BMO, est accompagné d’Art Woo, directeur et économiste principal à BMO, pour évaluer si l’économie chinoise peut demeurer un moteur de la croissance mondiale.
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- Introduction (00:01) : Bienvenue à Investissements plus futés de BMO pour novembre 2023. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:17) : Tout ne va pas pour le mieux dans la deuxième économie mondiale, ce qui devrait inquiéter les entreprises et les investisseurs. L'économie chinoise a lutté pour maintenir une croissance décente face à des marchés immobiliers surchargés et des gouvernements locaux surendettés. Art Woo, directeur et économiste principal à BMO, se joint à moi, Sal Guatieri, pour discuter de la façon dont le pays en est arrivé là et, plus important encore, de la direction qu'il va prendre. Commençons par analyser la situation économique actuelle de la Chine. Il y a quelques mois seulement, les journaux étaient truffés d'articles soulignant que l'économie était au bord de l'effondrement ou se dirigeait vers un ralentissement brutal, mais ces craintes ne semblent pas s'être concrétisées.Art Woo (01:01): Oui, Sal, je crois que c’est un excellent point de départ. Je suis d'accord pour dire que les craintes et les risques quant à un ralentissement brutal se sont beaucoup atténués; cependant, je dirais que l'économie est encore relativement faible, mais qu'elle s'est certainement améliorée au cours de l'été, lorsque les craintes liées à un ralentissement brutal étaient très vives. Certaines données économiques et de nouvelles mesures politiques mettent en évidence cette amélioration. Les dépenses de consommation ont repris. Le marché de l’emploi s’est amélioré, et il semble que la réouverture à la suite de la COVID-19 ait finalement trouvé une assise plus solide. Les ventes au détail ont augmenté de près de 8 % en octobre, alors qu’elles n’avaient atteint que 2,5 % sur 12 mois en juillet. Les ventes de véhicules automobiles ont également augmenté de près de 15 % sur 12 mois en octobre. Par ailleurs, le taux de chômage a reculé à 5 % en octobre, comparativement à 5,3 % en juillet.Je tiens également à souligner que les activités de placements fixes ne sont pas aussi mauvaises que le laissent supposer les journaux. Il y a de nombreux secteurs qui bénéficient de nouveaux investissements ou d’expansion : la fabrication, l’automobile, les technologies vertes et la construction d’infrastructures physiques, en particulier le réseau électrique. En fait, les activités de construction, cela peut vous surprendre un peu, n’ont même pas été aussi mauvaises qu’on pourrait le croire. Malgré les nombreux défauts de paiement des constructeurs privés et la faiblesse des ventes de logements neufs, des efforts concertés ont été déployés pour accélérer l’achèvement des projets de construction de logements. Cependant, les ventes de logements neufs constituent clairement un point faible, un gros frein à l'économie, défavorable aux futures activités de construction, mais il existe quelques signes de stabilisation dans les grandes villes principales, grâce à un assouplissement des mesures politiques importantes, vous savez, les exigences en matière de mise de fonds ont été assouplies à la fin du mois d'août. Les taux hypothécaires ont également été réduits, ce qui a permis d'améliorer l'accessibilité et nous avons constaté une légère hausse des ventes de logements sur le plan de la valeur. Elles n’ont reculé que de 14 % sur 12 mois en octobre, comparativement à une contraction de 25 % en juin.Enfin, le soutien budgétaire a été renforcé. Cela surprend certains observateurs de la Chine, étant donné que Pékin avait déclaré qu'il ferait preuve d'une grande retenue, mais les choses ont changé. Le gouvernement a récemment annoncé à la fin du mois d’octobre un plan visant à émettre des obligations souveraines d’environ 1 000 milliards de dollars, ce qui représente près de 0,8 % du PIB, et on s’attend à ce que d’autres mesures de relance soient mises en place pour aider le secteur immobilier. Tout cela explique pourquoi les prévisions consensuelles sur lesquelles nous nous appuyons prévoient un PIB réel d’environ 5,2 % pour l’ensemble de 2023, en hausse par rapport au taux faible de 3 % de l’an dernier.Sal Guatieri (04:00): C’est un bon résumé de la situation actuelle, Art. Je voulais vous poser une question au sujet des perspectives pour 2024, mais il y a quelques questions préoccupantes auxquelles vous avez fait allusion et que nos auditeurs voudront peut-être mieux comprendre avant de discuter de l’avenir. Il semble que le marché de l'habitation demeure en grande difficulté. Le gouvernement agit-il suffisamment pour améliorer la situation et quelle est la gravité du problème de la dette des gouvernements locaux chinois?Art Woo (04:25): Oui, je crois qu’il est juste de conclure que le marché de l'habitation et la dette des administrations locales demeureront problématiques dans les années à venir. En gros, les excès du passé, en particulier les investissements dans le logement et les infrastructures financés par la dette, ont fini par se faire sentir, en particulier dans les régions ou les provinces les plus pauvres. Mais je ne pense pas que la situation va continuer à se détériorer au point d'entraîner une crise financière ou économique de grande ampleur, semblable à ce qui s'est passé aux États-Unis pendant la Grande Récession ou à la crise de la dette souveraine dans la zone euro.Si je reviens au marché de l’habitation, je crois qu’il est important de souligner que le véritable problème réside toujours chez les constructeurs de logements, et non chez les propriétaires qui ont des prêts hypothécaires. La situation n’est donc pas semblable à l’effondrement du marché immobilier américain en 2008, qui était essentiellement dû à la faiblesse des normes de crédit des banques. Les acheteurs finaux pouvaient facilement acheter un logement avec une petite mise de fonds ou des revenus faibles, voire inexistants. La situation a été exacerbée par la capacité de la Banque et du secteur à titriser les prêts hypothécaires et à les sortir de leur bilan. Comme nous le savons tous, cela s’est transformé en un cercle vicieux, qui a fini par entraîner la Grande Récession ou la crise financière mondiale.Dans le cas de la Chine, le risque de défaut de paiement des propriétaires est assez limité, assez faible, compte tenu de l'encours relativement bas et des ratios de faible valeur d’environ 50 %. Le nœud du problème est que les autorités tentent depuis longtemps de limiter la puissance financière des constructeurs immobiliers et d'empêcher la surconstruction en limitant l'endettement, et ce depuis de nombreuses années, ce qui a été mis en évidence par les fameuses lignes rouges mises en place en 2020. Mais les constructeurs immobiliers ont pallié le manque de crédit bancaire en émettant davantage d'obligations pour financer l'achat de terrains, ce qui a tendu leurs bilans et les a empêchés d'achever les logements neufs, et ils ont vendu.Cependant, il est clair que Pékin, qui a annulé toutes les mesures de resserrement sur les promoteurs et sur le marché du logement, n'est tout simplement pas intéressé par le sauvetage des promoteurs en difficulté, en particulier les promoteurs privés. Les autorités préfèrent les laisser faire faillite afin de réduire les risques moraux, d'autant plus que les répercussions sur la banque et son secteur sont assez limitées. Pour moi, il est donc clair que Pékin ne veut pas alimenter une nouvelle flambée des prix de l'immobilier, qui réduirait l'accessibilité financière, car il s'inquiète de la baisse du taux de natalité et du déclin de la population.Sal Guatieri (07:07) : Art, si je peux vous interrompre, quelle est l’incidence de cette baisse du taux de natalité sur le logement?Art Woo (07:12) : Oui, je crois que bon nombre de nos auditeurs ont peut-être constaté que la population de la Chine a diminué en 2022, ce qui n’était pas arrivé depuis des dizaines d’années. C’est l’héritage du système de politique de l’enfant unique qui a été mis en place au début des années 1980, mais cela reflète également le coût élevé du logement, qui a entraîné une baisse du taux de mariage. Il a diminué d’environ 50 % au cours de la dernière décennie. Le nombre de mariages est donc passé de 13,5 millions en 2013 à 6,8 millions en 2022. Dans le cas de la Chine, le taux de natalité est essentiellement lié au taux de mariage, contrairement à l’Occident. Mais en réalité, la situation ne changera pas du jour au lendemain. Les difficultés démographiques devraient s’intensifier à mesure que la population vieillira, ce qui exercera des pressions sur la croissance à long terme.Sal Guatieri (08:07) : Oui, la diminution de la population exerce certainement une pression à la baisse, tant sur le marché de l’habitation que sur l’économie. Je suppose que le bon côté, c’est que cela permet de maintenir le taux de chômage à un bas niveau lorsque la main-d’œuvre diminue, mais ce n’est pas une grande consolation pour l’instant. Vos commentaires et l’état de la dette des administrations locales sont intéressants. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?Art Woo (08:31): Oui, vous savez, en fait, les inquiétudes concernant la dette des administrations locales ont attiré de plus en plus l'attention cette année, et plus particulièrement dans le domaine des financements et des instruments des administrations locales. Ce qui se passe, c'est qu'elles se heurtent à un mur de dettes qui arriveront à échéance dans les prochaines années. Au cas où nos auditeurs ne connaîtraient pas bien ces financements et instruments des administrations locales, ils ont été créés en tant qu'entités hors budget pour aider à construire des infrastructures physiques, vous savez, des routes, des systèmes de métro, des systèmes de transport, étant donné que beaucoup d'administrations locales ou de provinces n'avaient pas assez de revenus ou de titres de créance et de capacité pour financer une telle activité. Cependant, ce qui s’est passé depuis, c’est que l’activité économique, en particulier dans les régions intérieures, moins développées, n’a pas vraiment démarré et, pire encore, la base de revenus des administrations locales a été touchée par une baisse des ventes de terrains liées au logement pendant la récession.Ces revenus fonciers ou immobiliers représentent près de 50 % du total des revenus des administrations locales. Mais nous ne pensons pas qu’il y aura une vague de défaillances des instruments financiers des administrations locales qui entraînera des perturbations financières généralisées. Pékin ne va probablement pas laisser cela se produire, et ce qu'ils vont probablement faire, c'est revenir à un vieux schéma tactique, qui consiste à demander aux grandes banques de restructurer ou d'accorder de nouveaux prêts à ces véhicules financiers des gouvernements locaux en difficulté, plutôt que de les renflouer directement. Mais cela continuera de faire les manchettes et nous allons entendre parler d’autres problèmes au cours des trimestres et années à venir.Sal Guatieri (10:13) : Je vois. Dans ce contexte, quel sera l’avenir de l’économie chinoise en 2024 et au-delà?Art Woo (10:19) : Oui, Sal. Je crois que l’économie affichera le même type de rendement en 2024 qu’en 2023, que je qualifierais essentiellement de faible et de flou. Il ne semble pas y avoir de facteurs déterminants qui pourraient avoir une incidence positive sur l’économie. D’ailleurs, nous prévoyons une fois de plus une hausse du PIB réel d’environ 4,5 % en 2024, et qu’il restera stable en 2025. Il s’agit donc d’une baisse par rapport à notre estimation de 5,2 % pour 2023. Essentiellement, nous nous attendons à ce que les exportations demeurent faibles et à ce que le ralentissement du secteur de l’habitation persiste. Du côté des bonnes nouvelles, l’économie devrait continuer à profiter du souhait de Pékin de mettre à niveau ses capacités technologiques, qu’il s’agisse de semi-conducteurs, de 5G, d’infonuagique, de machines de précision ou d’énergie propre. Il s’agit des principaux facteurs de croissance pour la Chine à l’avenir, car ils font partie de la volonté d’autosuffisance du gouvernement. Toutefois, il est clair que le potentiel de croissance de la Chine ralentit déjà pour atteindre cette fourchette de 4 % à 5 % d’ici la fin de l’année, tandis que la croissance moyenne était de 4,7 % entre 2020 et 2023. Il s’agit donc d’une baisse par rapport à la moyenne de 6,8 % enregistrée avant la pandémie de 2015 à 2019.Sal Guatieri (12:01) : La plupart des pays rêveraient d’une croissance économique de 4 % à 5 %, mais pour la Chine, ce n’est pas considéré comme une performance. Pourquoi?Art Woo (12:11) : C’est une excellente question, mais je crois que la principale raison pour laquelle la Chine est considérée comme moins performante, c’est qu’il semble que l’époque de la croissance en plein essor soit terminée. Comme nous l’avons mentionné, les constructeurs immobiliers, les administrations locales et leurs instruments financiers ont de la difficulté à rembourser leurs dettes. Cela donne à penser que l’économie ne se porte pas bien. Vous savez, un autre signe clé de la faiblesse économique globale est que le marché du travail est en difficulté. La croissance du revenu n’est pas bonne et les nouveaux diplômés ont beaucoup plus de difficulté à trouver un emploi correspondant à leurs compétences, ce qui n’était pas le cas, disons il y a cinq ou dix ans.Sal Guatieri (13:00) : Art, on parle beaucoup de la Chine après la décennie perdue au Japon, compte tenu du ralentissement du marché de l’habitation et des niveaux d’inflation très bas. Même Richard Coup, qui a écrit le livre sur la récession du bilan du Japon, croit que la Chine est maintenant dans la même situation. Qu’en pensez-vous?Art Woo (13:17) : Oui, c’est un sujet dont nous pourrions discuter pendant toute une émission, mais nous ne le ferons pas. Pour ce qui est de la décennie perdue ou de la décennie perdue potentielle, je ne crois pas que nous en soyons encore là, mais avant de vous expliquer pourquoi, permettez-moi de vous expliquer brièvement en quoi a consisté la récession au Japon. Après l'explosion de la bulle boursière et immobilière à la fin des années 1980, en 1989 plus précisément, les entreprises japonaises ont réduit leurs dépenses afin d'assainir leur bilan, c'est-à-dire de rembourser ou de minimiser leur dette plutôt que de maximiser leurs bénéfices. Cela a duré plus d'une décennie et demie, de 1990 à 2005.Je crois que la Chine n’est pas tombée dans ce genre de récession du bilan pour deux raisons principales. Premièrement, la correction des prix de l'immobilier qui a lieu en Chine ne semble pas être si grave, bien qu'il n'y ait pas vraiment de bonnes mesures globales des prix de l'immobilier, mais de toute évidence, les prix de l'immobilier ne se sont pas effondrés. Ils ont peut-être baissé de 10 % dans les villes de niveau 1 et 2, peut-être de 20 % environ dans les villes de niveau inférieur, ce qui dépend essentiellement de la région, mais il n'y a pas eu de grande vague de propriétaires qui seront en défaut de paiement. Les propriétaires n’ont pas perdu de valeur, ce qui les amènerait à ajuster leurs habitudes de dépenses.Deuxièmement, la demande de crédit en Chine, en particulier dans le secteur privé, demeure forte. Qu’il s’agisse de secteurs technologiques ou de toutes les industries du secteur privé, on observe une demande de crédit. Le problème, c’est que le crédit bancaire a été en grande partie absorbé par les entreprises d’État ou les instruments financiers des administrations locales, car la Banque croit en la garantie implicite du gouvernement. Mais écoutez, les perspectives ne sont pas toutes roses. Le climat des affaires et des investissements est morose, miné par les volte-face réglementaires de ces deux dernières années et, bien sûr, par l'escalade de la guerre commerciale avec l'Occident, qui s'est aggravée sous l'administration Biden.Art Woo (15:45) : Art, cela m’amène à une dernière question. Quelle est l'ampleur des tensions commerciales avec les États-Unis en particulier?Art Woo (15:52): Je pense qu'elles sont très graves et je ne vois pas les relations s'améliorer malgré la réunion que nous avons eue avec M. Biden, du moins sur le plan économique. En réalité, l'administration Biden l'a dit, il y a une concurrence économique. Je crois que personne n’aurait jamais imaginé que le type de mesures et de restrictions que nous avons vues mises en place en termes de terrorisme à l'importation, de refus de vente de technologie, de semi-conducteurs, de technologie de fabrication d'équipements, se serait produit si nous parlions, disons, il y a dix ans. Je crois donc toujours que nous en sommes à une période où le protectionnisme mondial est susceptible de s’intensifier et d’empirer s’il y a un changement de leadership aux États-Unis l’an prochain.Sal Guatieri (16:42) : Art, votre propos me porte à croire que l’économie chinoise est peut-être en baisse, mais qu’elle n’est pas tout à fait hors de contrôle, et que nous trouverons une façon d’aller de l’avant, ce qui sera bénéfique pour le reste du monde. La Chine est également l’un des rares pays à ne pas connaître de hausse de l’inflation post-pandémie. Cela signifie qu’elle pourrait exporter à des prix moins élevés vers le reste du monde et que la baisse de la demande de produits de base pourrait contribuer à faire baisser les taux d’intérêt, que tous les investisseurs partageraient. Merci, Art, de nous avoir fait part de vos observations sur la Chine et merci à tous de nous avoir écoutés.Conclusion (17:16) : Merci d’avoir écouté le balado Investissements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site BMO.com/placementsenligne et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui vous convient.
Les taux d’intérêt élevés actuels sont-ils le signe d’une nouvelle normalité ?
Les coûts d’emprunt les plus élevés depuis la crise financière de 2008 ont bouleversé les hypothèses des investisseurs sur la valeur des actifs et suscité l’anxiété parmi les ménages et les entreprises. Alors que les taux devraient baisser à mesure que l’économie et l’inflation ralentissent, Sal Guatieri, économiste principal à BMO, discute de certaines des forces qui pourraient les maintenir bien au-dessus de la norme des 15 dernières années.
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- Sal Guatieri (00.00) : Bonjour à tous. Bienvenue à cet entretien en baladodiffusion. Je m’appelle Sal Guatieri. Le coût d’emprunt, qui a atteint son niveau le plus élevé depuis avant la crise financière, a perturbé les hypothèses des investisseurs concernant la valeur des actifs, ébranlé les marchés boursier et obligataire et menace de faire chuter les prix de l’immobilier. Les taux à long terme ont sans surprise grimpé parallèlement aux taux directeurs les plus élevés de ces 20 ans dernières années, mais presque personne ne s’attendait à ce qu’ils atteignent des sommets inégalés depuis 16 ans.Alors, comment en sommes-nous arrivés là et quelle est la trajectoire des taux?Depuis la Grande Récession, les politiques d’assouplissement monétaire, la surabondance de l’épargne à l’échelle mondiale et les chocs économiques, comme la crise de la dette européenne et la pandémie, ont maintenu les coûts d’emprunt au plus bas. Le taux moyen des obligations du Trésor à 10 ans était de 2,5 % entre 2008 et 2022. C’est trois points de pourcentage en dessous de la moyenne de la période précédente de 15 ans. Cependant, le taux à 10 ans, qui est aujourd’hui à plus de 5 %, s’approche sérieusement de l’ancienne moyenne, encore.Selon nous, les taux actuels ne représentent pas la nouvelle normalité et nous nous attendons à ce que les taux à 10 ans descendent sous la barre de 4 % d’ici la fin de l’année prochaine, à mesure que l’économie s’affaiblira surtout en réponse aux taux élevés, au ralentissement de l’inflation et au début de l’assouplissement de la politique de la Fed à la fin de l’année 2024. Mais, à moins d’un atterrissage brutal de l’économie, il est peu probable que les taux reviennent à la moyenne basse qui prévalait ces 15 dernières années. Voici plusieurs facteurs qui pourraient maintenir la pression sur les taux obligataires :Offre accrue d’obligations d’ÉtatLa hausse de la dette souveraine pendant la pandémie, en partie nécessaire à l’époque, pourrait faire concurrence à l’épargne privée et pousser les taux mondiaux à la hausse pour les années à venir. De plus, même au sommet d’un cycle économique, le déficit budgétaire américain a doublé pour s’établir à près de 2 000 milliards de dollars au cours de la dernière année, soit l’équivalent de 7 % du PIB. Le Congressional Budget Office prévoit que le déficit représentera en moyenne 6 % du PIB pendant la prochaine décennie, soit beaucoup plus longtemps qu’après la Grande Récession.Hausse des primes de risque sur les obligations d’ÉtatAu début du mois d’août, Fitch a abaissé la cote de crédit des États-Unis après un nouveau bras de fer au Congrès au sujet du plafond de la dette. Moody’s a récemment averti qu’une paralysie de l’administration fédérale, qui se profile à nouveau après le 17 novembre, serait une preuve supplémentaire que la politique politicienne nuit à la gestion budgétaire et est indigne d’un pays noté AAA. En cas de hausse de l’aversion pour le risque, les investisseurs devraient être davantage rémunérés pour détenir des obligations du Trésor. Les autres pays, y compris le Canada, ne sont pas non plus des modèles de probité budgétaire, ce qui pousse les taux mondiaux à la hausse.Baisse de la demande d’obligations d’ÉtatLe programme de resserrement quantitatif de la Réserve fédérale limite actuellement le réinvestissement mensuel dans les obligations du Trésor à 60 milliards de dollars. Le programme devrait se poursuivre au moins jusqu’à ce que les taux directeurs diminuent. Depuis juin 2022, les avoirs de la Fed en titres du Trésor ont diminué de plus de 800 milliards de dollars. Pendant ce temps, d’autres pays ne se montrent pas à la hauteur de la situation. Les placements internationaux en titres du Trésor américain semblent avoir atteint un plateau. Au cours de la dernière décennie, la Chine a réduit de 500 milliards de dollars ses placements en titres du Trésor, les faisant passer de 23 % en 2013 à 11 % du total des avoirs étrangers, et le principal actionnaire du Japon a également réduit son portefeuille ces dernières années.Données démographiquesLes populations vieillissent en Chine, au Japon, en Europe et, dans une moindre mesure, en Amérique du Nord. Ce vieillissement de la population est contrebalancé par l’immigration accrue de jeunes, réduira la croissance de la population en âge de travailler, ce qui pourrait entraîner des pénuries de main-d’œuvre chroniques et des pressions constantes sur les salaires et les prix. Ce n’est peut-être pas un problème pour le Canada, qui enregistre la plus forte hausse de sa population en près de sept décennies, presque entièrement en raison de l’immigration. Cependant, cette croissance rapide pourrait également exercer des pressions inflationnistes si les fournisseurs et les constructeurs d’habitations ne peuvent pas suivre la demande, ce qui exercerait des pressions à la hausse sur les taux. Mais la relation entre vieillissement de la population et taux d’intérêt n’est pas unidirectionnelle. Les retraités réduiront aussi leurs emprunts et leurs dépenses, ce qui exercera des pressions à la baisse sur les taux. De plus, les gens deviennent généralement plus réfractaires au risque à mesure qu’ils vieillissent, privilégiant les placements à revenu fixe; l’augmentation de la demande pourrait donc freiner les taux. Par conséquent, l’incidence globale du vieillissement de la population sur les taux d’intérêt est à la fois complexe et floue.DémondialisationAprès deux décennies de recherche, la croissance du commerce mondial s’est ralentie depuis la crise financière; le ralentissement a été aggravé par la guerre commerciale sino-américaine qui a débuté en 2018. Le volume des opérations mondiales a même reculé de 3 % en juillet, ce qui est rare en dehors d’une récession. Les tarifs douaniers et les barrières commerciales ont tendance à alimenter l’inflation, mais ils réduisent aussi l’investissement dans la croissance potentielle, ce qui suggère un effet ambigu sur les taux. Néanmoins, les nouvelles politiques industrielles visant à relocaliser les chaînes d’approvisionnement entraînent une hausse des coûts. Aux États-Unis, la législation antérieure visait à réduire la dépendance du pays à l’égard de l’offre mondiale en biens à la pointe des révolutions de l’intelligence artificielle et de l’électrification, notamment les produits comme les micropuces, les véhicules électriques et les batteries pour véhicules électriques.Initiatives concernant le changement climatiqueL’augmentation des coûts liée à la transition vers une économie plus verte pourrait exercer des pressions à la hausse sur l’inflation et les taux. Au cours des prochaines décennies, les gouvernements et les entreprises dépenseront et emprunteront des milliers de milliards de dollars pour investir dans l’électrification de l’économie et abandonner les combustibles fossiles. Cependant, le FMI fait également remarquer qu’en augmentant les coûts de l’énergie, la transition pourrait aussi réduire la demande globale de placements et les taux d’intérêt à moyen terme.Hausse des attentes inflationnistesAprès une longue période de stabilité des prix, la récente hausse de l’inflation, qui a atteint des sommets inédits depuis quatre décennies, menace de déstabiliser des attentes autrefois fermement ancrées à la cible de 2 %. Les banques centrales continuent d’avertir que plus l’inflation tarde à se résorber, plus elle risque d’avoir des effets durables sur les règlements salariaux et le comportement en matière de fixation des prix. Les décideurs devront peut-être maintenir les taux élevés plus longtemps pour regagner leur crédibilité en tant que gardiens de la stabilité des prix. Entre-temps, les prêteurs pourraient exiger une prime supplémentaire sur les titres à long terme en guise de compensation pour le risque de hausse de l’inflation. Jusqu’à présent, les taux d’inflation implicite découlant des titres du Trésor protégés contre l’inflation n’ont augmenté que de quelques points de base par rapport à la moyenne de la dernière décennie. Il ne semble donc pas y avoir beaucoup de problèmes à l’heure actuelle.Mais tous ces facteurs pourraient signifier un taux directeur neutre plus élevé. Pour les décideurs de la Fed, le taux à long terme compatible avec la stabilité de l’emploi et de l’inflation se situe actuellement entre 2,5 % et presque 4 %. Cette large fourchette montre qu’il est difficile d’estimer quelque chose qui n’est pas visible et qui évolue avec le temps. L’estimation médiane est passée de plus de 4 % il y a dix ans à 2,5 % aujourd’hui, mais le président Powell soupçonne qu’elle pourrait être plus élevée; selon nous, elle pourrait être plus proche de 3 %.Tous ces facteurs pourraient également entraîner une prime d’échéance plus élevée sur les obligations à long terme. Au cours des six dernières décennies, le taux des obligations du Trésor à 10 ans a été en moyenne d’un point de pourcentage supérieur à celui des fonds fédéraux. Si cette relation se maintient, le taux de rendement de référence pourrait se situer entre 3,5 % et 4 % à moyen terme. Tout cela signifie que le taux de référence des obligations du Trésor américain à 10 ans devrait rester élevé pendant un certain temps, jusqu’à ce que la Fed commence à assouplir sa politique; même à ce moment-là, il devrait se stabiliser bien au-dessus de la norme de 2,5 % des 15 années précédant 2023. La hausse des taux obligataires pourrait peser sur les valorisations et les fonds propres des marchés du logement, ce qui réduirait les rendements dans les prochaines années. Les taux exerceront également des pressions sur les finances des ménages très endettés qui devront réduire leurs dépenses, ce qui pèsera sur la croissance économique.En conclusion, l’ère des taux d’intérêt bas semble révolue, meurtrie par les préoccupations inflationnistes, le resserrement des politiques monétaires, l’ampleur de la dette publique et la contraction du commerce mondial. Cela suppose, bien entendu, que l’économie évite un atterrissage brutal, dont la probabilité augmenterait si les taux continuaient à grimper. Merci de votre écoute.
Comment l’inabordabilité du logement nous affecte tous
L’abordabilité du logement touche tout le monde, des acheteurs aux locataires en passant par les investisseurs. Sal Guatieri, économiste principal de BMO, se penche sur la question pour le Canada et les États-Unis, discutant de la façon dont nous en sommes arrivés là et de la direction que pourrait prendre l’abordabilité, ainsi que des implications pour l’économie et les investisseurs.
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- Sal Guatieri : Bonjour à tous et bienvenue au balado. Je m’appelle Sal Guatieri. La question de l’accessibilité du logement concerne presque tout le monde, des jeunes acheteurs d’une première maison qui essaient d’accéder à la propriété aux jeunes familles qui souhaitent déménager dans une plus grande maison avec une cour arrière pour les enfants, en passant par les locataires qui font face à une hausse des loyers. Dans ce balado, nous nous pencherons sur le problème d’accessibilité au logement au Canada et aux États-Unis et discuterons de certaines répercussions sur le marché et l’économie. Commençons par la façon dont nous en sommes arrivés là.L’accessibilité était mauvaise dans de nombreuses grandes villes avant la pandémie, mais la situation s’est considérablement aggravée et généralisée au cours des dernières années, pour plusieurs raisons. Les taux d’intérêt, généralement faibles depuis la Grande Récession, sont devenus encore plus faibles, les banques centrales réduisant les taux directeurs quasiment à zéro et les maintenant ainsi pendant la pandémie, ce qui a poussé de nombreux investisseurs à se lancer dans le marché de l’habitation, car ils ne pouvaient pas obtenir de rendements décents sur les titres à revenu fixe. Le prix des maisons a augmenté et la crainte de manquer le bateau a entraîné une augmentation du nombre d’acheteurs, ce qui a donné l’avantage aux vendeurs.Il y avait d’autres facteurs en jeu que le crédit à bon marché. La possibilité de travailler à domicile a poussé des acheteurs à se précipiter vers les petites villes, ce qui a fait grimper les prix dans des endroits auparavant très abordables. Au Canada, les taux élevés d’immigration et de croissance démographique ont également stimulé la demande; parallèlement, les constructeurs n’ont pas pu suivre le rythme en raison des perturbations affectant les chaînes d’approvisionnement mondiales et des pénuries de main-d’œuvre. Plus récemment, une hausse surprenante du prix des maisons, notamment aux États-Unis, n’a fait qu’aggraver le problème de l’accessibilité.Dans quelle mesure l’accessibilité est-elle mauvaise dans les deux pays? Pour le Canada, c’est la pire situation depuis au moins 1988. Une autre mesure suggère qu’il s’agit de la pire situation qu’on ait connue depuis au moins trois décennies. Les coûts de prêt hypothécaire d’une propriété médiane s’élèvent à 39 % du revenu familial médian, et une mesure semblable aux États-Unis indique que le prix du logement est à son plus haut niveau depuis le milieu des années 1980. Bien entendu, l’accessibilité est bien pire dans certaines grandes villes. Dans la région du Grand Toronto, en date de juillet, les versements hypothécaires engloutiraient près des quatre cinquièmes du revenu familial aux taux actuels; et on ne parle que de l’hypothèque. Les impôts fonciers, le chauffage, les charges de copropriété et les autres frais de logement peuvent facilement représenter 8 % de plus du revenu familial. Et si on veut réussir la simulation de crise avec un taux admissible, soit deux points de pourcentage au-dessus du taux contractuel, le ratio du service de la dette hypothécaire s’élève à 94 % du revenu annuel. C’est bien au-dessus de la barre établie à 39 % pour les prêteurs sous réglementation fédérale, qui comprend également d’autres frais relatifs au logement.Il est remarquable de constater à quel point l’accessibilité a diminué dans la région du Grand Toronto au cours des deux dernières décennies. L’achat d’une maison en 2001 accaparait une proportion relativement modérée de 29 % du revenu, même si les taux d’intérêt étaient relativement semblables à ceux d’aujourd’hui. La différence? Depuis, les prix ont augmenté près de trois fois plus rapidement que les revenus, la valeur médiane des habitations passant de quatre à onze fois le revenu médian. Par conséquent, peu d’acheteurs peuvent même se permettre un bungalow. C’est aussi pourquoi beaucoup de gens sont forcés de se lancer dans le marché des copropriétés pour accéder à la propriété. Mais même dans ce cas, les paiements pour une copropriété typique représentent près de la moitié du revenu dans la région du Grand Toronto. Le Grand Vancouver est encore plus cher que Toronto, en particulier en ce qui concerne les maisons unifamiliales individuelles. Les copropriétés ne coûtent qu’un peu plus cher qu’à Toronto, c’est pourquoi elles sont le choix idéal pour les nouveaux arrivants en ville.La prochaine tranche de villes inabordables au Canada se trouve principalement en Ontario et en Colombie-Britannique. Des villes comme Hamilton et St. Catharines, abordables avant la bulle de la pandémie, affichent maintenant un ratio du service de la dette hypothécaire d’un peu plus de 50 %. Toutefois, il existe encore des endroits raisonnablement abordables au Canada, y compris dans les grandes villes comme Montréal, Calgary et Ottawa, où les versements hypothécaires ne représentent qu’un tiers des revenus. De nombreux acheteurs réussiraient tout de même la simulation de crise. C’est l’une des raisons pour lesquelles Calgary a maintenant le marché le plus dynamique au pays, les prix de référence ayant atteint des sommets records.De nombreuses petites villes, ou même des villes moins coûteuses, comme Saskatoon, Winnipeg, Edmonton et St. John’s, affichent un ratio du service de la dette hypothécaire de l’ordre de 20 %, tandis que les villes de Québec et de Regina, qui affichent un ratio de 18 %, sont des plus attrayantes. Le prix des propriétés dans ces endroits est généralement inférieur à quatre fois le revenu familial annuel. Il existe encore de nombreuses options abordables au pays. Le problème est qu’un quart des résidents vivent dans les deux régions bien au-delà de la portée de la plupart des acheteurs, et que de nombreuses autres régions en Ontario et en Colombie-Britannique sont devenues terriblement coûteuses au cours des dernières années.Quelles sont les répercussions sur le marché de l’habitation? Je pense qu’il est prudent de dire que nous n’assisterons probablement pas à une reprise en forme de V sur le marché du logement. En fait, plus tôt cette année, il y avait des signes réels que le marché ferait une reprise en forme de V. Mais la reprise des ventes du début de l’année est déjà au point mort dans les deux pays. Les transactions de revente ont chuté pour le deuxième mois d’affilée en août, ici au Canada. Le récent fléchissement des prix en Ontario et en Colombie-Britannique a éclipsé les gains en Alberta, en Saskatchewan et au Québec, où les prix sont moins élevés.Il en va de même pour le marché américain, où la reprise des activités de revente s’est essoufflée, les ventes étant inférieures d’environ 18 % par rapport aux niveaux d’il y a un an en juillet. Les prix de l’immobilier ne devraient pas diminuer beaucoup plus, à condition que l’économie atterrisse en douceur et que le taux de chômage n’augmente que modérément. La plupart des régions ont des conditions de marché assez équilibrées en ce moment, ce qui devrait assurer une certaine stabilité des prix dans les mois à venir. Cela dit, toute reprise à grande échelle sur le marché de l’habitation sera presque certainement retardée jusqu’à l’an prochain, moment où les taux d’intérêt devraient baisser, car la Banque du Canada et la Réserve fédérale devraient ralentir les hausses de taux à compter du deuxième trimestre de l’année prochaine. En fait, il faudra à la fois des taux d’intérêt beaucoup moins élevés et une période de stagnation des prix des maisons pour améliorer l’accessibilité; cela prendra peut-être des années avant que nous constations une amélioration significative.Quelles sont les conséquences pour l’économie? Eh bien, le marché du logement ne stimulera tout simplement pas l’expansion économique. Il ne l’a pas fait au cours de la dernière année, et ne le fera certainement pas au cours des six prochains mois. Oui, au Canada, nous devons construire beaucoup plus de maisons pour faire face à une immigration record et à la croissance démographique la plus rapide en sept décennies. Mais les constructeurs font déjà ce qu’ils peuvent et seront limités par les pénuries actuelles de travailleurs de la construction qualifiés. Les politiques gouvernementales visant à accélérer le processus et à réduire les coûts de construction seront toutefois utiles. La bonne nouvelle, c’est que l’absence d’une autre correction du marché de l’habitation signifie probablement que le marché de l’habitation ne rendra pas plus difficile l’atterrissage de l’économie. Il est peu probable qu’il affaiblisse l’économie. Cela dit, si les banques centrales augmentent davantage les taux d’intérêt afin de limiter l’inflation, le risque d’une correction plus importante du marché de l’habitation et d’un atterrissage économique plus difficile augmentera.Enfin, qu’est-ce que tout cela signifie pour les investisseurs du marché de l’habitation? Eh bien, comme les taux de capitalisation sont assez élevés, les chiffres ne sont généralement pas en faveur des investisseurs dans les régions à prix élevé, comme l’Ontario et la Colombie-Britannique. De plus, il existe maintenant d’autres options à rendement élevé sans risque et sans tracas sur le marché des titres à revenu fixe qui attireront l’attention des investisseurs. Cela ne s’applique pas encore aux régions moins coûteuses, par exemple les provinces des Prairies, où les investisseurs peuvent toujours générer des rendements positifs relativement décents. Mais une fois que les taux d’intérêt commenceront à baisser, ce qui arrivera probablement au cours de la deuxième moitié de l’année prochaine, et à condition que les prix des maisons ne s’envolent pas de nouveau, le logement pourrait redevenir un investissement plus intéressant, compte tenu de la vigueur du marché locatif et des loyers qui risquent de surpasser l’inflation dans un avenir prévisible, compte tenu de la pénurie persistante de logements.Pour conclure, j’espère que cette discussion vous aidera à prendre la bonne décision, que vous ayez simplement besoin d’une maison pour vivre ou que vous soyez à la recherche d’une occasion de placement. Merci d’avoir été à l’écoute.
Voyons-nous le bout du tunnel de l’inflation?
Après l’un des cycles de resserrement les plus énergiques depuis des décennies, il semble que les banques centrales réalisent des progrès respectables en matière de maîtrise de l’inflation, ce qui ouvre la voie à un rare atterrissage en douceur de l’économie. L’économiste en chef de BMO, Douglas Porter, et l’économiste principal, Sal Guatieri, discutent des perspectives d’inflation, de taux d’intérêt et de l’économie et se demandent si nous avons maintenant une bonne chance d’éviter une récession.
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- Sal Guatieri (00:17): Bonjour à tous et bienvenue à ce balado. Je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagné de Douglas Porter, économiste en chef, afin de discuter des progrès récents en matière d’inflation qui ouvrent la voie à un atterrissage en douceur de l’économie. C’est ce que les investisseurs recherchent depuis le jour où les banques centrales ont commencé ce qui s’est avéré être l’un des cycles de resserrement les plus agressifs depuis des décennies. Doug, pour la première fois en deux ans, il semble que les nouvelles concernant l’inflation surprennent à la hausse au Canada et aux États-Unis. À quoi attribuez-vous ce changement de cap?Douglas Porter (00:52): Je crois que si nous revenons en arrière, nous pourrions dire que tout ce qui aurait pu mal tourner à l’échelle mondiale sur le plan de l’inflation a plutôt mal tourné pendant 18 mois, et que nous allons maintenant dans la direction opposée pour la majeure partie. Nous reviendrons plus tard sur ce qui ne fonctionne pas en ce moment. Tout d’abord, nous sommes d’accord pour dire que les prix de l’énergie ont chuté par rapport à leurs pics extrêmes en 2022, et je crois que c’était le facteur le plus important. Nous avons également connu bon nombre des pires problèmes dans la chaîne d’approvisionnement; par exemple, si nous examinons la mesure des pressions sur la chaîne d’approvisionnement de la Fed de New York, elles sont en fait inférieures à la normale. En effet, la chaîne d’approvisionnement fonctionne donc en général mieux qu’elle ne le ferait normalement aujourd’hui. Ainsi, beaucoup de choses comme les prix des meubles, des appareils électroménagers et des voitures qui ont explosé en 2021 et en 2022 ont en fait régressé.À titre d’exemple, si nous examinons les chiffres au Canada, les prix des meubles et des appareils ménagers sont en baisse par rapport à l’année dernière, ce qui est plus normal, soit dit en passant. Ainsi, la plupart des extrêmes se sont inversés. Nous avons même constaté une légère modération de l’inflation des prix des denrées alimentaires. Il ne faut pas se méprendre, ce n’est pas comme si les prix à l’épicerie baissaient, mais ils n’augmentent tout simplement pas aussi rapidement qu’auparavant. Essentiellement, beaucoup de choses se sont bien passées, et peut-être plus fondamentalement, nous avons constaté un certain ralentissement de la croissance des dépenses de consommation à l’échelle mondiale. Je crois que cela a un peu atténué l’inflation, non seulement ici en Amérique du Nord, mais aussi dans des pays comme le Royaume-Uni, où l’inflation a été très élevée. Bien entendu, nous avons un cas extrême, soit celui de la Chine, qui fait maintenant face à une version légère de la déflation, où les prix à la consommation ont en fait diminué par rapport à l’année dernière. C’est donc assez généralisé. Cela ne touche pas seulement le Canada ou les États-Unis; nous assistons à un recul de l’inflation à l’échelle mondiale. Bien entendu, pour obtenir quelque chose de ce genre, il faut que plusieurs éléments fonctionnent, et c’est ce que nous avons vu au cours des 6 à 12 derniers mois.Sal Guatieri (02:44): Il semble en effet que certaines des premières hausses de l’inflation étaient temporaires, mais qu’elles ont duré beaucoup plus longtemps que nous ne le pensions à l’époque. Vous avez mentionné certains de ces facteurs, notamment les perturbations des chaînes d’approvisionnement et la flambée des prix des ressources, de l’énergie en particulier, qui a été renforcée par la guerre en Ukraine. Je crois également que nous voyons enfin les effets légers des hausses de taux qui ralentissent enfin la demande, qui était simplement trop élevée en raison des mesures de relance monétaires et budgétaires massives mises en place en 2021 et au début de l’an dernier. Doug, malgré la baisse rapide de l’inflation globale, croyez-vous toujours qu’il sera difficile de réaliser de nouveaux progrès?Douglas Porter (03:28): Je le crois fermement. Je pense que la partie la plus facile de la lutte est terminée. Comme je l’ai mentionné plus tôt, c’est en grande partie parce que les prix de l’essence ont reculé par rapport à leurs extrêmes dans la chaîne d’approvisionnement. Toutefois, il sera beaucoup plus difficile de passer d’un niveau proche de 3 % au Canada et aux États-Unis à un niveau encore plus élevé en Europe. Ainsi, si nous examinons les prix des denrées alimentaires et de l’énergie au Canada, ils s’élèvent à 3,5 %, ce qui est plus élevé qu’aux États-Unis. C’est encore au-dessus de ce que la Fed ou la Banque du Canada souhaiterait. Alors, oui, je crois que ce soi-disant dernier kilomètre sera le plus difficile. En fait, je pense que ce que nous verrons au cours des prochains mois, c’est que l’inflation, ou du moins l’inflation globale, va sans doute repartir à la hausse.Cela s’explique par le fait que nous avons connu une forte baisse des prix de l’essence l’été dernier et que nous avons vu les prix à la pompe aller dans la mauvaise direction au cours des dernières semaines. Comme je le disais précédemment, les vents favorables sont terminés. En fait, la dernière fois que j’ai examiné les prix de l’essence au Canada et aux États-Unis, ils étaient pratiquement inchangés si nous regardons les chiffres quotidiens ou inchangés par rapport à ce qu’ils étaient il y a un an. Il faut noter que pas plus tard qu’en juin, ils étaient en baisse de plus de 20 % par rapport à l’année dernière. Cela joue en notre défaveur. Au cours des prochains mois, nous verrons donc les chiffres de l’inflation globale remonter. Plusieurs personnes ont parlé des soi-disant effets de base, de leur importance et de la réduction de l’inflation. Eh bien, ces soi-disant effets de base sont sur le point de nous nuire.Autrement dit, les comparaisons avec celles de l’année dernière vont devenir très difficiles. Nous allons donc assister à une hausse de l’inflation globale au Canada et aux États-Unis au cours des prochains mois. En fin de compte, je crois toujours qu’il y a des risques. Nous pouvons le voir avec le prix du gaz naturel qui a vraiment augmenté en Europe au cours des derniers jours. Il y a encore beaucoup d’incertitude quant au prix des denrées alimentaires, par exemple. Nous subissons aussi des pressions persistantes sur le front des salaires. Il existe donc non seulement un risque de ralentissement de l’inflation à court terme, mais je crains toujours que nous assistions à un repli plus durable si nous sommes frappés par de mauvaises nouvelles, comme une flambée des prix des prix du pétrole. Ainsi, pour répondre brièvement à votre question : oui, je crois toujours qu’il y a des risques de hausse.Sal Guatieri (05:32): Je repense aux premiers jours du cycle de resserrement, lorsque le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré qu’il n’y avait pas de moyen facile de rétablir la stabilité des prix. Je crois qu’il a tout à fait raison. Il est en effet très rare dans l’histoire de voir l’inflation baisser lorsque les marchés du travail sont encore très tendus, comme c’est le cas aux États-Unis et un peu moins au Canada. Pour cette raison, nous assistons maintenant à une recrudescence de grèves des travailleurs, ce qui ne peut que renforcer les pressions salariales et peut-être inciter les entreprises à transférer de nouveau les augmentations de salaire aux clients, ce qui risquerait d’entraîner une spirale des prix qui n’a pas encore pris racine, mais qui compliquerait certainement le travail de la banque centrale. Malgré les progrès réalisés, Doug, pour réduire l’inflation, les banques centrales ont encore relevé leurs taux cet été en raison de la résilience de la demande dans un marché du travail sain. Il semble que les taux directeurs devraient augmenter ou, à tout le moins, demeurer élevés pendant une longue période. Est-ce votre impression?Douglas Porter (06:30): Effectivement, c’est ce que je crois. À l’heure actuelle, nous estimons que la Banque du Canada et la Fed ont probablement terminé de relever les taux d’intérêt. J’insiste sur le mot « probablement ». En fait, plus tôt cette année, lorsque la Banque du Canada a donné le premier signal de pause, nous avons pensé, comme d’autres et comme le marché, que c’était terminé. Puis, lorsque nous avons traversé la crise bancaire, les baisses de taux ont été intégrées dans le prix. Et bien sûr, elles ont finalement été reléguées aux oubliettes. Je crois toutefois que l’opinion générale au début de l’année était que la Banque du Canada avait fini de relever les taux d’intérêt et que, surprise, elle a dû le faire à nouveau deux fois de plus cet été. Il m’apparait qu’il y a suffisamment de signes montrant que l’économie commence à réagir à cette médecine sévère des taux d’intérêt.Depuis que la Banque du Canada a recommencé à relever ses taux en juin, le secteur de l’immobilier a connu un nouveau ralentissement. L’inflation globale est passée sous la barre des 3 %. De nombreux signes indiquent que le marché de l’emploi ralentit. Je pense qu’il est très remarquable que le taux de chômage ait augmenté de six points par rapport à son niveau le plus bas. Il est passé d’aussi bas que 4,9 % il y a un an à 5,5 %; c’est un changement assez important. Personnellement, je crois que la Banque du Canada en a fait assez, et c’est officiellement notre avis en ce moment. Le marché court toujours un léger risque d’une autre hausse, mais je crois qu’il n’y aura pas de baisse rapide des taux, à moins que l’économie ne s’affaiblisse vraiment, ce que nous ne prévoyons pas.Je crois que la Banque du Canada va devoir s’en tenir à cela pendant un certain temps, et que nous envisageons probablement des taux d’intérêt relativement élevés pendant une période assez longue. Les taux d’intérêt devraient commencer à baisser à la fin du deuxième trimestre de l’an prochain. Je crois que le risque lié à cette prévision est que la Banque mette encore plus de temps pour commencer à réduire ses taux. Cependant, même lorsqu’elle commencera à le faire, je crois que ce sera une descente très lente de la montagne, car nous nous retrouverons avec de fortes pressions salariales sous-jacentes. La Banque du Canada ne peut tout simplement pas se permettre de réduire ses taux de manière très agressive avant d’être absolument certaine que l’inflation a été maîtrisée et qu’elle devrait rester autour de 2 % tout au long de son horizon de prévision.Sal Guatieri (08:26): Par conséquent, je crois qu’avec des taux maintenant en territoire restrictif, voire même très restrictif, les banques centrales auront probablement tendance à maintenir les taux d’intérêt. Elles veulent simplement limiter les risques de récession à ce stade-ci. Toutefois, je suis d’accord pour dire que les deux banques centrales maintiendront les taux à un niveau élevé pendant une plus longue période afin de s’assurer que l’inflation reviendra à la cible de 2 % et qu’elle s’y maintiendra. À moins d’un choc économique, je ne vois pas l’une ou l’autre des banques centrales baisser ses taux avant le printemps prochain. Doug, l’un des facteurs qui compliquent la tâche des banques centrales est que les conditions financières se sont récemment assouplies en raison de la remontée des marchés boursiers et de la hausse des prix des maisons, ce qui risque d’exercer de nouvelles pressions sur les loyers. Cela signifie-t-il que les taux d’intérêt pourraient devoir augmenter davantage pour freiner l’inflation?Douglas Porter (09:18): En effet, c’est la raison pour laquelle je ne pense pas que la Banque et la Fed en aient terminé à ce stade. Franchement, je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles la Banque a recommencé à resserrer ses pratiques parce que les conditions financières s’étaient à nouveau assouplies. Bien entendu, nous avons assisté au retour surprenant du marché immobilier canadien au cours des six premiers mois de l’année. Nous avons constaté à maintes reprises au cours du printemps que le marché de l’habitation se stabilisait et commençait à s’améliorer. Mon leitmotiv était le suivant : si le secteur le plus cyclique et le plus sensible aux taux d’intérêt de l’économie, le logement, montrait des signes de reprise, alors la politique était-elle vraiment assez rigoureuse? Je crois que la réponse a été assez claire : non, elle ne l’était pas assez.Je crois que cette dernière série de hausses par la Banque et la Fed a de nouveau jeté une douche froide, du moins tiède, sur le marché de l’habitation. Cela me porte à croire que nous allons voir les choses se calmer pendant au moins quelques mois. De plus, nous avons l’avantage supplémentaire d’une baisse de l’inflation globale. Le marché du travail s’est également assoupli, comme je l’ai mentionné. Pour ces raisons, je pense que c’est suffisant, mais si les conditions financières se relâchent à nouveau, cela permettra à la Banque du Canada et à la Fed de maintenir leur tendance au resserrement. Et franchement, des deux, je pense que celle qui serait la plus préoccupée serait la Fed. Je pense que si l’une des deux banques centrales devait relever les taux d’intérêt cette année, ce serait probablement la Fed.Cela s’explique en partie par le fait que les marchés américains ont été beaucoup plus vigoureux que les marchés boursiers canadiens. Il s’agit en grande partie d’une histoire de technologie. Je dirais cependant que les conditions financières aux États-Unis ont été un peu plus souples que celles du Canada et, honnêtement, les pressions inflationnistes américaines ont été un peu plus fortes. Je crois donc qu’entre les deux banques centrales, à moins que quelque chose ne nous échappe, il est plus probable que la Fed augmente à nouveau les taux que la Banque du Canada.Sal Guatieri (11:08): Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous. L’assouplissement des conditions financières est manifestement un facteur de complication pour les deux banques centrales, mais en particulier pour la Fed, compte tenu de la reprise beaucoup plus forte des marchés boursiers américains. Notre mesure interne des conditions financières aux États-Unis indiquait auparavant que le resserrement des conditions réduirait de quelques points de pourcentage la croissance du PIB américain au cours de l’année à venir. C’est pourquoi nous avons pensé qu’il y avait un risque important d’un ralentissement économique plus prolongé. Toutefois, aujourd’hui, cette mesure ne suggère qu’une baisse d’environ un demi-point de pourcentage du PIB, ce qui correspond en fait au nouvel indice des conditions financières de la Fed, qui suggère une baisse d’un demi-point de pourcentage de la croissance aux États-Unis dans l’année à venir.C’est donc une bonne nouvelle si vous prévoyez un atterrissage en douceur, car ces conditions plus souples soutiendront l’activité dans une certaine mesure, mais elles risquent aussi d’obliger les banques centrales à maintenir des taux plus élevés sur une période beaucoup plus prolongée que nous ne le pensons. Je crois que dans les deux cas, les banques centrales éviteront de faire allusion à un assouplissement de leur politique de sitôt, de crainte que cela n’ait pour effet d’assouplir davantage les conditions financières et de leur rendre la tâche encore plus difficile. Doug, bien que les banques centrales aient été en retard dans le processus de resserrement, elles semblent l’avoir rattrapé assez rapidement. Comment évalueriez-vous la réponse politique dans ce cycle de resserrement?Douglas Porter (12:31): Tout d’abord, d’un point de vue très général, je veux éviter de jouer au gérant d’estrade, car nous avons traversé un cycle incroyablement inhabituel au cours des trois dernières années, et il est assez facile de revenir en arrière et de pointer les erreurs des autres. Cependant, je continue de penser que toutes les banques centrales, y compris la Banque du Canada et la Fed, ont attendu trop longtemps pour se lancer. C’est en partie la raison pour laquelle nous faisons face à un véritable épisode d’inflation. Je ne veux pas être trop sévère, mais je crois que la Fed a vraiment manqué son coup. Cela ne me gêne pas de le dire, car nous l’affirmions déjà en 2021; pour nous, il était assez évident que les consommateurs nord-américains n’étaient que trop heureux de dépenser de nouveau, et que nous étions aux prises avec une flambée inflationniste assez grave, même en 2021. Il n’était tout simplement pas logique d’avoir des taux élevés à ce point.Je crois que toutes les banques centrales ont été trop lentes à le reconnaître. Je dirais, et c’est tout à son honneur, que la Banque du Canada a été l’une des premières banques centrales au monde à comprendre et à renoncer à l’assouplissement quantitatif pour commencer à parler de taux d’intérêt plus élevés. Savez-vous qu’elle a été l’une des premières banques centrales à se lancer et à commencer à augmenter les taux de façon agressive dès le début? C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles le Canada se situe dans le bas de l’échelle en ce qui a trait à la performance globale de l’inflation au cours des trois dernières années. Ainsi, dans une relative course d’escargots, je dirais que la Banque du Canada a été la gagnante ou l’une des gagnantes. Dans l’ensemble, je dirais que c’est elle qui a accompli le meilleur boulot.Pour ce qui est de l’erreur commise en 2021 et au début de 2022, à savoir de ne pas s’y prendre assez tôt, je dirais que depuis qu’elle a commencé à resserrer les règles, elle a fait un travail remarquable pour se frayer un chemin dans cette situation. En effet, nous n’avons pas connu d’épisode très grave sur les marchés financiers au cours de l’un des cycles de resserrement les plus intenses que nous ayons connus depuis des décennies. L’économie est demeurée sur la bonne voie dans presque toutes les grandes économies. Elle a continué à progresser et nous voyons une baisse de l’inflation, même si c’est un peu tard. Ainsi, même si les banques centrales sont entrées tard dans le jeu, je leur donnerais de très bonnes notes au cours des 18 derniers mois en ce qui concerne la manière dont elles ont géré le cycle de resserrement et ont envoyé des messages tout au long de ce cycle. Elles ont commis une première grosse erreur, mais ont fait du bon travail depuis. Je leur donnerais donc la note de passage, tout au moins depuis le début de l’année dernière.Sal Guatieri (14:55): J’abonde dans le même sens; je ne dirais pas que les deux banques centrales se sont totalement rachetées après avoir laissé l’inflation déraper, mais je dirais que la réponse une fois qu’elles se sont lancées est assez impressionnante. Elles ont agi rapidement pour rattraper l’inflation, et elles ralentissent maintenant le pas pour prendre le temps d’évaluer les tendances dans les données et réduire le risque de resserrement excessif. Si elles parviennent à faire un atterrissage en douceur ou même à provoquer un léger ralentissement de l’économie, tout le mérite leur reviendra. Doug, jusqu’à présent, les banques centrales ont réussi à réduire l’inflation sans récession, ce qui a fait naître l’espoir d’un atterrissage en douceur, c’est-à-dire un ralentissement de l’économie, sans qu’il soit trop prolongé, voire sans atterrissage du tout, la croissance demeurant forte et l’inflation revenant à l’objectif. Quelles sont les chances de voir ces deux résultats se concrétiser, ce qui semblait une utopie lorsque les banques centrales ont commencé à relever leurs taux au début de l’année dernière face à un taux de chômage faible et à une inflation élevée?Douglas Porter (15:55): Il y a environ un an, nous sommes passés à l’annonce d’une récession, puis à l’annonce d’une récession légère pour l’Amérique du Nord à peu près à la même époque l’année dernière. Je pense que c’était en septembre que nous avons officiellement changé de position. C’était en partie pour reconnaître à quel point les banques centrales allaient devoir relever les taux. En fait, nous faisions toujours face à des prix de l’énergie très élevés et à des marchés financiers très faibles. Je crois qu’il est remarquable de voir à quel point les économies se sont bien maintenues au cours de la dernière année. Comme je l’ai déjà dit, il s’agit d’un cycle tout à fait unique. À mon avis, ce qui a échappé à bon nombre d’entre nous, c’est la capacité de résilience des consommateurs. Ils ont réussi à tirer parti de toutes les économies qu’il avait accumulées pendant la pandémie, sans compter sur la demande refoulée en matière de voyages et de divertissements, voire de produits comme les automobiles. C’est ce qui a permis au consommateur de traverser cette période difficile. Par surcroît, le marché de l’emploi s’est relativement bien comporté.J’ai déjà parlé de la hausse de l’inflation et du taux de chômage au Canada, mais dans l’ensemble, nous avons toujours des taux de chômage très faibles et des marchés de l’emploi relativement dynamiques. Pour revenir à ce que vous disiez, les chances d’un atterrissage en douceur sont beaucoup plus élevées qu’elles ne l’étaient il y a 6 ou 12 mois. Je crois toujours, et je vais emprunter les mots de Powell, que ce sera probablement un atterrissage en douceur. Ce sera un peu cahoteux, car il ne s’agit pas d’un atterrissage tout en douceur. Je crois qu’il y aura encore des obstacles au cours des six à neuf prochains mois. Nous prévoyons toujours une légère contraction de l’activité économique.Je ne parlerais pas de récession, car je ne crois pas qu’elle atteigne le niveau d’une récession, mais je ne crois pas non plus que nous soyons encore sortis du bois. Je vais revenir à la toute première question que vous m’avez posée, ou c’était peut-être la deuxième. Est-ce que le dernier kilomètre sera le plus difficile? Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines, et la partie n’est pas terminée. Je ne pense donc pas que nous puissions encore crier victoire. Nous verrons s’il y a des chocs, par exemple sur les prix de l’énergie, etc. Je dirais cependant qu’à ce stade, les chances d’un atterrissage en douceur sont assez élevées. Comme je l’ai dit, l’atterrissage en douceur ne se fera pas sans heurts, mais je suis beaucoup plus optimiste que je ne l’aurais été au début de l’année. Cela s’explique en grande partie par le fait qu’un certain nombre de choses se sont bien déroulées et que le consommateur s’est avéré, comme je l’ai mentionné, remarquablement résilient face à la hausse féroce des taux d’intérêt à laquelle nous avons assisté au cours des 18 derniers mois.Sal Guatieri (18:06): Ainsi, les chances de ne pas atterrir sont également assez faibles. Il me semble assez clair que l’inflation des services qui perdure est attribuable aux pressions de la demande excédentaire, qui ne peuvent être atténuées que par un affaiblissement important de la demande. La seule façon de ne pas atterrir, si nous ne comptons pas sur la chance, est probablement de maintenir une croissance soutenue de la productivité afin de soutenir l’économie et de contenir l’inflation. Je suis optimiste quant aux avantages de l’intelligence artificielle, mais ces avantages seront probablement répartis sur une longue période. Je crois que les chances d’un atterrissage en douceur sont bien meilleures compte tenu des récents progrès en matière d’inflation et des piliers bien connus qui renforcent la résilience de l’économie, notamment l’épargne excédentaire des ménages, les bilans sains des consommateurs américains, du moins la rétention de la main-d’œuvre et les politiques fiscales expansionnistes, en particulier aux États-Unis. Et bien entendu, l’amélioration récente des conditions financières et la hausse des salaires réels constituent également un pilier récent du soutien aux consommateurs. Je pense donc que tous ces éléments vont dans le sens d’un atterrissage en douceur.Je vous remercie, Doug, de nous avoir éclairés sur les perspectives d’inflation et d’atterrissage en douceur, qui seront probablement l’influence la plus importante sur les marchés financiers et la performance des investissements au cours de la prochaine année. Merci de nous avoir écoutés.Douglas Porter (19:25): Merci.

Le jugement est-il à venir pour les immeubles de bureaux et autres marchés de l’immobilier commercial ?
L’immobilier commercial sera sans aucun doute confronté à des défis au cours de l’année à venir, mais le secteur confronté au test le plus difficile sera celui des immeubles de bureaux. Sal Guatieri, économiste principal à BMO, examine ce à quoi les quatre principaux segments de l’immobilier commercial peuvent s’attendre, alors qu’ils résistent à la tempête de la hausse des taux d’intérêt, du resserrement des conditions de prêt, de l’affaiblissement de l’économie et des régimes de travail hybrides.
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- Introduction : Bienvenue à l’épisode du mois de juin 2023 du balado Investissements plus futés de BMO. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri : Bonjour à tous et bienvenue au balado. Je m’appelle Sal Guatieri. Les marchés de l’immobilier commercial font les manchettes en raison des défis auxquels fait face le secteur. Ce balado portera sur les quatre segments clés, en mettant l’accent sur les bureaux, le seul secteur susceptible de faire l’objet d’une remise en question au cours des années, voire des décennies à venir. Dans l’ensemble, les deux secteurs de l’immobilier commercial qui ont prospéré pendant la pandémie, à savoir l’immobilier industriel et l’immobilier multifamilial, ont connu un ralentissement, mais devraient résister assez bien à la légère récession économique attendue.Le commerce de détail fait face à un ralentissement plus prononcé parce que les dépenses de consommation diminueront à cause des taux d’intérêt élevés et du resserrement des conditions d’emprunt, mais c’est le segment des bureaux qui éprouvera le plus de difficultés, car la faiblesse du climat macroéconomique aggrave le défi posé par le travail hybride. Comme pour la plupart des catégories d’actifs, la valeur des propriétés commerciales a été gonflée par les titres de créance bon marché pendant la pandémie et elles fléchissent maintenant sous le poids des taux directeurs les plus élevés depuis 2007. Après avoir atteint un sommet au début de 2022, les prix de l’immobilier aux États-Unis ont chuté d’environ 15 %, revenant essentiellement aux niveaux d’avant la pandémie, notamment en raison d’une chute de 25 % de la valeur des bureaux.Malgré les taux d’intérêt élevés, la qualité du crédit a été bonne dans la plupart des secteurs de l’immobilier commercial, à l’exception récente des bureaux. Avec un taux utilisé de prêts en souffrance inférieur à 1 %, les prêts immobiliers commerciaux accordés par les banques n’ont que légèrement dépassé les récents planchers records. Même si ce taux devrait revenir à la médiane à long terme d’environ 2 % en cas de légère récession, cela pâlirait par rapport au sommet de près de 9 % atteint lors de la grande récession. Les taux de prêts en souffrance pour les titres adossés à des créances hypothécaires commerciales ont connu une hausse, notamment pour les immeubles de bureaux, et les faillites d’entreprises américaines ont augmenté mais sont demeurées inférieures aux niveaux de 2019, tandis que les faillites d’entreprises canadiennes sont essentiellement revenues à leurs niveaux d’avant la pandémie.Or, la récente faillite de quelques banques régionales américaines aura une incidence sur le marché de l’immobilier commercial, principalement en raison du resserrement des conditions d’emprunt. Les propriétaires d’immobilier commercial pourraient avoir de la difficulté à obtenir un refinancement, le dernier sondage de la Fed auprès des agents de prêts ayant révélé que les conditions d’emprunt de ce groupe se sont encore resserrées.Examinons de plus près les quatre principaux secteurs de l’immobilier commercial. Le segment industriel a profité d’un rapatriement partiel de l’activité et d’une nette amélioration des chaînes d’approvisionnement mondiales après trois ans de perturbations découlant de la pandémie, de la guerre en Ukraine et de la démondialisation. Le segment continue de répondre aux besoins des sociétés de commerce électronique en matière de logistique et d’entreposage. Une devise faible et valide a soutenu l’activité au Canada, tandis que de fortes dépenses en infrastructures ont soutenu la construction d’usines aux États-Unis. Les propriétaires d’immeubles industriels ont connu de faibles taux d’inoccupation et des hausses de loyer rapides. Le taux de disponibilité des immeubles industriels au Canada demeure près de creux historiques, ce qui a fait grimper les loyers de 28 % au cours de la dernière année jusqu’au premier trimestre. Les taux de capitalisation restent faibles; dans l’ensemble, le secteur industriel est bien placé pour faire face à un léger ralentissement économique, mais qui s’estompera cette année.L’immobilier résidentiel multifamilial demeure en bonne santé dans la plupart des régions, les taux d’inoccupation des logements locatifs étant maintenus à un bas niveau par le faible taux de chômage dans un marché du logement encore cher. Bien que les prix des maisons aient fortement baissé au Canada, ils semblent avoir atteint leur niveau le plus bas, laissant de nombreuses villes inabordables pour les familles à revenu médian. Les prix de référence des copropriétés au Canada ont baissé d’environ 9 % au cours de la dernière année. Cela après une hausse de 33 % dans les deux années précédentes. Le marché du logement semble en meilleure santé au Canada qu’aux États-Unis en raison d’une plus forte croissance de la population. Les loyers de tous les types de propriétés au Canada ont augmenté de plus de 10 % au cours de la dernière année jusqu’en avril. La demande de logements construits expressément pour la location reste élevée, car une hausse de l’immigration s’ajoute à des décennies de sous-investissements. L’immobilier multifamilial demeurera soutenu par le resserrement du marché locatif cette année.La province des Prairies affirme que les régions du Canada atlantique, qui attirent les migrants internationaux et interprovinciaux vers des logements bon marché, devraient surpasser le Centre du Canada et la Colombie-Britannique. Au sud de la frontière, les premiers amis du marché locatif américain se sont également calmés. Le taux d’inoccupation a augmenté pour atteindre un peu plus de 6 % au premier trimestre, ce qui représente une hausse par rapport au niveau le plus bas atteint en quatre décennies l’année dernière, mais toujours à un point de pourcentage sous les normes à long terme. L’indice des loyers observé par Zillows a ralenti, mais il se maintient à 5 % au cours de la dernière année, même s’il est en baisse par rapport aux 17 % d’il y a un an. Selon Green Street Advisors, la valeur des immeubles d’habitation a chuté d’environ 21 % par rapport à leur sommet; cela témoigne simplement de la surchauffe du marché du logement.Les propriétaires feront face à des prix plus bas, à des loyers plus faibles et à des coûts d’emprunt plus élevés cette année. Néanmoins, la faiblesse persistante de l’abordabilité du logement devrait freiner le marché de la location aux États-Unis. Le secteur du commerce de détail s’est redressé grâce à une forte croissance de l’emploi, à des gains salariaux risqués et à des économies excédentaires. Les taux de disponibilité aux États-Unis pour les propriétés de commerce de détail demeurent faibles à 7 % à la fin de l’année dernière, et la croissance des loyers au Canada est solide, à 4 % sur un an en décembre.Le retour à des habitudes d’achat en ligne plus normales a aidé les ventes en magasin après avoir dépassé les 16 % plus tôt dans la pandémie. La part du commerce électronique dans les ventes au détail aux États-Unis est passée sous la barre des 15 %. Elle était d’environ 11 % avant la pandémie. Selon un récent sondage de CBRE, environ 70 % des acheteurs préfèrent les achats en personne aux achats en ligne, les membres de la génération Z (GenZ), très au fait des technologies numériques, étant encore plus enthousiastes que les milléniaux. Le secteur du commerce de détail a fléchi récemment en réponse à la hausse des taux d’intérêt, une tendance qui se poursuivra probablement à mesure que le taux de chômage augmentera.Les détaillants des grandes villes qui dépendent des navetteurs des bureaux connaîtront probablement des moments plus difficiles que les magasins de banlieue. Les immeubles de bureaux resteront le segment de l’immobilier commercial le plus faible pendant un certain temps. Un léger repli obligera les entreprises à réduire le nombre d’employés dans les bureaux, ce qui aggravera le défi à long terme découlant de l’adoption du travail en mode hybride.La croissance rapide du secteur des technologies avait soutenu les propriétaires pendant la pandémie, mais une récente vague de mises à pied a provoqué une augmentation des sous-locations. Les loyers des immeubles de bureaux sont restés relativement stables, mais les incitatifs sont en hausse et il en faudra davantage, car les locataires réévaluent leurs besoins à long terme. Les valorisations des fiducies de placement immobilier cotées en bourse ont été réduites de moitié aux États-Unis et au Canada. En dépit d’une certaine pression à la baisse sur le marché des immeubles de bureaux privés au Canada, les investisseurs institutionnels comme les caisses de retraite ont tendance à avoir des objectifs de placement à long terme et pourraient être mieux armés pour surmonter la tempête.Les employés ont mis du temps à revenir au travail en personne. Beaucoup ont décidé de passer la moitié de leur temps au bureau, mais les différences entre les professions sont importantes. Les taux de rendement des immeubles de bureaux sont les plus faibles dans le secteur de l’information, suivis de certaines professions commerciales, comme les services juridiques et la comptabilité, et ils sont moins élevés dans les grands centres urbains en raison des coûts élevés des déplacements quotidiens et des préoccupations en matière de sécurité. Le taux de rendement des bureaux à Toronto est légèrement inférieur à 50 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie, tout comme la moyenne des 10 villes aux États-Unis; c’est une grande préoccupation pour les propriétaires d’immeubles et leurs prêteurs.Le travail à distance pourrait faire aux bureaux ce que le commerce électronique a fait aux centres commerciaux, c’est-à-dire les rendre beaucoup moins essentiels à notre vie quotidienne. Néanmoins, l’orientation des taux d’occupation des bureaux n’est pas claire. Bien que de nombreux travailleurs préfèrent une option hybride, les employeurs les incitent plus activement à retourner au travail en personne, que ce soit avec des carottes, comme de la nourriture gratuite et du café gastronomique, ou le bâton, y compris des primes moins élevées et moins de promotions. L’incidence du travail à distance sur les gains de productivité au niveau individuel, en partie en raison de la réduction du temps de déplacement, n’est pas résolue, car elle ne compense pas les pertes globales découlant d’une collaboration et d’une formation médiocres et d’une perte de culture d’entreprise.Il est possible que les taux de rendement des bureaux se stabilisent à environ 60 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie. Toutefois, cela ne se traduira pas nécessairement par une réduction de 40 % de la demande de bureaux, car des espaces supplémentaires seront nécessaires pour les nouvelles commodités et les jours de pointe dans les bureaux, qui semblaient se situer mercredi aux alentours de 57 % aux États-Unis, d’après Castle. Nous soupçonnons que la demande de bureaux finira par diminuer de jusqu’à 20 % par rapport aux niveaux de 2019.Le taux d’inoccupation des bureaux au Canada a atteint le sommet de 18 % au premier trimestre de cette année, alors qu’il n’était que de 10 % avant la pandémie. Un groupe affirme qu’il y a près de 50 millions de pieds carrés d’espaces de bureau vacants dans les centres-villes du Canada; c’est suffisant pour remplir 89 Centre Rogers, le siège de l’équipe de baseball Blue Jays de Toronto. À l’échelle régionale, le taux d’Ottawa a grimpé à 12 % en raison d’une vague de mises à pied dans le secteur des technologies. Il est en hausse, car le gouvernement fédéral prévoit décharger environ la moitié de ses bureaux.Le taux d’inoccupation à Toronto a plus que doublé pendant la pandémie, passant à environ 18 %, le taux le plus élevé en 1996. Son taux au centre-ville est de 15 %, le plus élevé depuis près de trente ans, alors qu’il n’était que de 2 % au début de l’année 2020. Selon Altis Group, il devrait encore augmenter puisque 14 immeubles de bureaux sont actuellement en construction et qu’une étude récente donne à penser que, même dans le meilleur des cas où les employés de bureau reviendraient quatre jours par semaine, le taux d’inoccupation de Toronto demeurera proche des niveaux élevés actuels, même dans deux décennies. De plus, le taux d’inoccupation réel des bureaux est plus élevé que le taux officiel, qui exclut les espaces disponibles de sous-location, et Shopify a récemment mis sept étages en sous-location.Le taux d’inoccupation des bureaux de 32 % à Calgary, en baisse de 10 %, est le plus élevé parmi les grandes villes canadiennes. Cela a obligé son gouvernement à offrir des subventions pour convertir des immeubles de bureaux en espaces habitables et en commodités publiques. En raison de la flambée des espaces vacants, les loyers demandés au Canada ont commencé à baisser pour la première fois depuis des années. Au sud de la frontière américaine, le taux d’inoccupation des bureaux est passé d’environ 12 % au début de la pandémie à 17 % à la fin de l’année dernière. Un groupe, Cushman and Wakefield, estime que jusqu’à un quart des bureaux pourraient être obsolètes d’un point de vue fonctionnel d’ici sept ans, ce qui nécessiterait des investissements importants pour les moderniser ou les réaffecter. Ce groupe s’attend à ce que le nombre de bureaux vacants continue d’augmenter, car seul un tiers des baux devant expirer d’ici la fin de la décennie a expiré.Aux États-Unis, le gouvernement fédéral est le plus important locataire de bureaux, et d’importants déficits budgétaires pourraient l’obliger à économiser sur les espaces de bureau. Une autre menace qui pèse sur les propriétaires de bureaux et leurs employés est le fait que de nombreux emplois dans les services professionnels peuvent être offerts à distance dans des pays où les salaires sont inférieurs à ceux de l’Amérique du Nord. Les tours de catégorie A dotées de commodités modernes continueront d’attirer des locataires d’immeubles plus anciens. Cependant, une ruée vers la qualité ne protégera pas entièrement les immeubles haut de gamme contre le télétravail.Les taux d’inoccupation ont également augmenté pour les immeubles de luxe, selon Savills. Les immeubles de bureaux de banlieue peuvent être plus performants que les tours de centre-ville, car de nombreux travailleurs à distance ont déménagé dans les banlieues, ce qui incite certaines entreprises à fournir des espaces de bureaux plus près de chez eux. Selon le CBRE, le taux moyen d’inoccupation des bureaux dans les centres-villes des États-Unis a dépassé celui des banlieues pour la première fois depuis des décennies.À l’heure actuelle, le nombre de défauts de paiement demeure faible, car les baux de bureaux durent habituellement 10 ans ou plus, mais les pressions financières s’accentuent à mesure que les taux d’inoccupation augmentent. Le gestionnaire immobilier Brookfield a récemment fait défaut sur quelques grandes tours de bureaux à Los Angeles. Selon Trapp, un groupe de recherche, environ 1 200 milliards de dollars de dettes ont été garantis par des immeubles de bureaux aux États-Unis au milieu de l’année dernière, ce qui donne à penser que les effets d’entraînement d’une détresse plus large pourraient être importants; les immeubles de bureaux et les États dont les tendances démographiques sont faibles sont particulièrement vulnérables.Plus d’espaces de bureau inutilisés seront réaffectés aux besoins de logement. L’an dernier, un nombre record d’immeubles de bureaux aux États-Unis ont été convertis en appartements. La réaffectation limitera les pertes sur créances des propriétaires d’immeubles de bureaux et permettra aux prêteurs de récupérer une partie des pertes. Cependant, les taux d’inoccupation pourraient rester élevés pendant un certain temps, étant donné le temps nécessaire à la conversion d’un immeuble. De plus, seule une fraction des immeubles de bureaux peuvent être convertis en fonction de l’emplacement, de la conception et des restrictions de zonage. Avison Young estime que 34 % des tours de bureaux construites avant 1990 dans 14 grandes villes d’Amérique du Nord pourraient être converties en espaces de vie, mais toutes ne sont pas économiquement viables.En résumé, les taux d’intérêt élevés, le resserrement des conditions d’emprunt et une légère récession prévue feront baisser les revenus de location et la valeur des propriétés commerciales cette année. Même les segments des immeubles industriels et des immeubles résidentiels multifamiliaux, qui sont vigoureux, ne seront pas totalement épargnés, même si la forte croissance de la population devrait soutenir l’échelle au Canada. Ces difficultés se traduiront par une diminution des prêts et une hausse des taux de défaut, principalement dans le marché des bureaux, mais à plus long terme, la conversion de bureaux vides en espaces de vie indispensables permettrait de revitaliser certains centres-villes. Merci de nous avoir écoutés.Conclusion : Merci d’avoir écouté le balado Investissements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site bmo.com/placementsenligne et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui vous convient.

La correction du logement est-elle vraiment terminée ?
Les hausses agressives des taux d'intérêt ont frappé les marchés de l'habitation au Canada et aux États-Unis au cours de la dernière année, mais il y a de plus en plus de signes que le pire est peut-être derrière nous. Les économistes principaux de BMO, Sal Guatieri et Robert Kavcic, discutent de la fin de la correction, de la possibilité de s'attendre à une forte reprise et du moment opportun pour acheter.
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- Sal Guatieri (00:00): Bonjour à tous et bienvenue à ce balado. Je m’appelle Sal Guatieri, et Robert Kavcic se joint à moi pour discuter des perspectives du marché de l’habitation au Canada et aux États-Unis. Il n’est pas surprenant que le secteur le plus sensible de l’économie ait été durement touché par les fortes hausses de taux au cours de la dernière année, qui ont aggravé une accessibilité déjà mauvaise découlant d’une hausse des prix enregistrée auparavant. Selon les données les plus récentes, les ventes et même les prix pourraient atteindre un creux, mais resteront-ils dans la cave pendant un certain temps ou commençons-nous à observer les bases d’une solide reprise? Robert, commençons par parler de ce qui a causé la correction sur le marché de l’habitation au cours de la dernière année.Robert Kavcic (00:38): C’est assez simple. Nous avons vu la Banque du Canada augmenter ses taux de 425 points de base en un an. Il s’agit d’un cycle de resserrement brutal pour la génération actuelle. Je ne pense pas que nous ayons vu de mouvement de cette ampleur depuis la fin des années 1980. Je crains qu’aucune catégorie d’actif, en particulier une catégorie comme celle de l’immobilier, très sensible aux taux d’intérêt, ne puisse s’en remettre sans un certain rajustement. Et les choses se compliquent, ou sont même empirées, par le fait qu’avant que la Banque du Canada n’augmente ses taux, nous avions un marché qui était en effervescence du point de vue de la valorisation. Je crois donc que jusqu’à maintenant, c’est ce type de correction que nous avons constatée; un rajustement du prix des actifs face à l’augmentation des taux d’intérêt. Nous ne sommes pas encore passés à l’étape suivante, qui consisterait en un ralentissement économique, en des pertes d’emploi, en des retards de paiement de la part des ménages, ce genre de choses. Il s’agit simplement d’un rajustement face à la hausse des taux.Sal Guatieri (01:37): Oui, cela décrit très bien la situation au Canada. C’est assez semblable aux États-Unis. La Réserve fédérale américaine a augmenté ses taux de cinq points de pourcentage en un peu plus d’un an, ce qui s’ajoute au fait que le prix des maisons avait déjà augmenté de 40 % au cours des deux dernières années, jusqu’à l’été de l’année dernière. Tout se résume donc à une question d’accessibilité. Il s’agit essentiellement de la pire situation depuis 1985 pour la famille américaine type qui se lance sur le marché de l’habitation, pour ce qui est de la part de revenu qu’elle devrait consacrer aux versements hypothécaires uniquement, part qui, rappelons-le, se trouve actuellement à un sommet de près de quatre décennies. Si cela n’entraîne pas une correction des prix, je ne vois pas ce qui le fera. Maintenant, qu’est-ce qui a mené à la hausse des prix qui a pu être observée pendant la pandémie? Était-ce un problème de demande trop élevée ou d’offre trop faible au Canada?Robert Kavcic (02:34): Il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet. Mais voyons les choses ainsi. Je crois que si l’on prend un peu de recul et que l’on regarde ce qui s’est passé au cours des deux dernières années, dans une optique à long terme, je crois que nous avons toujours cru que le marché de l’habitation avait de très solides paramètres fondamentaux au Canada, du point de vue de la démographie et de l’offre. Lorsque la Banque du Canada a réduit les taux à zéro pendant la pandémie, la demande de logements a évidemment augmenté. Certaines données fondamentales ont également évolué pendant la pandémie, alors que nous avons vu des ménages qui recherchaient davantage d’espace. Ou encore certains ménages qui envisageaient d’acheter au cours des deux prochaines années, qui ont décidé d’aller de l’avant plus rapidement parce que le coût d’emprunt était très faible.Puis, la Banque du Canada a dit : « Vous savez quoi, nous allons conserver les taux à ce niveau pendant longtemps, alors allez-y, empruntez, et beaucoup de gens en ont profité, et cela a commencé à générer certains excès sur le marché. Et lorsque les prix augmentent de 20 % ou 30 % par année et que la Banque du Canada dit qu’elle n’augmentera pas les taux, elle donne en quelque sorte le feu vert pour aller de l’avant et foncer tête baissée dans le marché de l’habitation. Et nous avons vu beaucoup d’investisseurs se lancer sur le marché. On pouvait observer une grande crainte de passer à côté d’une occasion du fait que les prix allaient augmenter pour ne jamais rebaisser. Autrement dit, nous avions un marché de l’habitation déjà très solide du point de vue des fondamentaux, avec un certain vent de folie qui venait s’y ajouter. Je crois que c’était vraiment le nœud du problème, c’est-à-dire que vous aviez un marché fortement marqué par l’aspect psychologique, ce qui a provoqué de nombreux soubresauts dans la demande, bien au-delà des problèmes d’offre et de demande à long terme qui persistent toujours.Le bon côté au fait que le marché était fortement marqué par l’aspect psychologique, c’est que dès que la Banque du Canada a augmenté ses taux de 25 points de base au début du cycle de resserrement, l’ébullition sur le marché s’est arrêtée du jour au lendemain et la mentalité a viré du tout au tout. C’est ce que nous sommes en train de vivre en ce moment, et toute cette hystérie dont nous essayons de venir à bout, je crois que nous y sommes parvenus en grande partie. Lorsque nous passerons à la prochaine étape de ce cycle, nous aurons toujours une très forte demande du fait de la démographie et de nombreux problèmes d’offre structurelle au pays qui ne disparaîtront pas d’un simple claquement de doigts.Sal Guatieri (04:46): Oui, c’est très bien dit. Je crois qu’aux États-Unis, la situation est essentiellement la même. Je veux dire qu’il est toujours difficile d’empêcher une hausse importante des prix d’un actif si l’on observe en même temps une baisse de l’offre et une augmentation de la demande. De toute évidence, l’offre faisait partie du problème. Nous sommes tous bien au fait des perturbations et des retards dans la chaîne d’approvisionnement observée à l’échelle mondiale pendant la majeure partie de la pandémie, qui ont également touché les constructeurs d’habitations. Aux États-Unis, je crois que les constructeurs ont eu peur de trop construire après la crise de l’immobilier occasionnée par la dernière correction du marché immobilier et après la grande récession, alors ils ont été plutôt réticents à construire un trop grand nombre de maisons. Mais j’aurais tendance à être d’accord, je crois qu’il s’agissait clairement d’une situation où la demande était simplement trop élevée en raison de taux d’intérêt trop faibles et d’une trop grande quantité de liquidités excédentaires circulant dans le système.Et ce n’est pas seulement au Canada ou aux États-Unis que les prix des maisons ont bondi. C’est un phénomène que l’on a pu voir dans la plupart des pays avancés, et tous avaient un point en commun, une politique monétaire très souple. Je suis donc d’accord pour dire que la majeure partie de la faute revient aux pressions excessives exercées par la demande, mais de toute évidence, le manque d’offres faisait également partie du problème. Aujourd’hui, les prix de référence au Canada ont été corrigés. Ils sont en baisse d’environ 16 % par rapport à leur sommet. Comment cela se compare-t-il aux corrections antérieures?Robert Kavcic (06:19): Dans un contexte historique au Canada, je dirais que nous sommes plutôt dans la moyenne. Par exemple, si nous remontons à la fin des années 1980, on a pu observer sept ou huit cycles distincts dans l’immobilier, pas tous à l’échelle nationale, certains seulement à l’échelle régionale. Si l’on se penche sur ces cycles de l’habitation, je crois que le recul moyen entre le sommet et le creux a été de l’ordre de 17 %. Il a fallu environ trois ans pour atteindre le creux. Aujourd’hui, les chiffres ont baissé dans des proportions à peu près similaires, mais nous avons atteint le creux en moins d’une année, en supposant que nous avons atteint le point le plus bas. Donc entre le sommet et le creux, la baisse est conforme à ce que nous avons vu par le passé. Cette situation correspond aussi très bien à ce que nous avions prévu au départ, car elle reflète en grande partie l’augmentation des taux d’intérêt. Cela ne compense pas entièrement la hausse des taux d’intérêt, mais c’est à peu près la zone dans laquelle nous devrions nous trouver pour voir les prix baisser en tenant compte de ce que la Banque du Canada a fait et de l’évolution des taux hypothécaires.Je crois que si les choses ont évolué plus rapidement, c’est simplement parce qu’une grande part de l’excitation est retombée rapidement. Certains des cycles passés, par exemple dans le sud de l’Ontario, dans les années 1990, se sont étirés sur une période de six ou sept ans, n’est-ce pas? Tandis que celui-ci semble évoluer beaucoup plus rapidement. Je crois que, fondamentalement, la situation économique et démographique sous-jacente est beaucoup plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’était dans les années 1990. Cela nous inciterait à dire que nous allons atteindre un creux plus rapidement une fois que nous aurons simplement calmé les ardeurs. La situation est très différente de ce que nous appellerions le pire cycle de l’habitation au Canada, au cours des années 1990, alors que beaucoup de choses allaient mal du point de vue fiscal, du point de vue de la monnaie, du point de vue démographique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Je crois donc que cela correspond presque exactement à ce à quoi nous nous attendions et à ce que nous avons vu par le passé.Sal Guatieri (08:17): Il est assez intéressant que vous ayez mentionné que nous avons connu un certain nombre de corrections à l’échelle nationale dans le secteur de l’habitation au Canada, plusieurs bien sûr étant le fait de certaines régions. Et je crois que, comme il y a moins de grandes villes au Canada qu’aux États-Unis, une correction importante à Toronto ou à Vancouver fera baisser la moyenne nationale. Aux États-Unis, c’est plutôt drôle, car il est très rare de voir une correction du prix des maisons à l’échelle nationale, du moins au cours des 50 dernières années. Encore une fois, je crois que les marchés de l’habitation s’établissent à l’échelle locale. Il existe des bulles qui peuvent éclater à l’échelle régionale ou locale, mais comme il y a tellement de grandes régions parmi les grandes villes américaines, les hauts et les bas finissent par s’atténuer d’eux-mêmes.À l’échelle nationale, les prix des maisons aux États-Unis ont ainsi connu une stabilité remarquable, en grande partie. Bien entendu, la chute de 32 % des prix médians des maisons pendant la grande récession et la dernière crise du marché de l’habitation a fait exception, et il a fallu une bonne décennie pour récupérer toutes ces pertes. Mais on doit comparer cela à ce que nous venons de vivre dans le cadre de la correction actuelle aux États-Unis, où certaines mesures du prix des maisons n’ont reculé que d’environ 5 %, encore une fois après avoir augmenté de près de 40 % pendant la pandémie. Donc, cette stabilité remarquable semble pouvoir s’observer une nouvelle fois à l’échelle des États-Unis. Maintenant, quels sont les signes que nous atteignons un creux dans le marché canadien de l’habitation en ce moment?Robert Kavcic (09:59): Eh bien, nous commençons déjà à voir sur le terrain davantage de cas avec des offres multiples. On voit des prix offerts supérieurs aux prix demandés, et seulement dans le rapport, les chiffres officiels qui sont publiés, au-delà des anecdotes que nous voyons sur le terrain et qui ont tendance à être plutôt ponctuelles et habituellement assez exactes, mais les chiffres réels qui sont publiés commencent à montrer que les prix se sont au moins stabilisés et ont peut-être même commencé à augmenter un peu dans certains des grands marchés comme Toronto. Ce n’est pas une surprise, car nous nous attendions à ce que les ventes se stabilisent. Les taux d’activité dans les ventes sont encore assez faibles par rapport aux normes d’avant la pandémie, mais ils ont recommencé à augmenter. Ce que nous constatons, cependant, c’est une absence complète de nouvelles inscriptions du côté de la revente de propriétés, nous surveillons la situation depuis quelques mois et nous disons que la demande commencera à revenir au printemps, avec les taux hypothécaires fixes de deux à cinq ans qui ont reculé, et la Banque du Canada qui est également sortie pour dire aux Canadiens que nous en avons terminé avec la hausse des taux.Du point de vue de la demande, encore une fois, pour en revenir à la psychologie, vous avez maintenant un message assez clair : le pire est probablement passé pour l’immobilier, et la Banque du Canada le confirme. Dans certains cas, il y a donc des acheteurs potentiels qui attendent maintenant le feu vert en se disant que le pire est arrivé, que les prix ne vont peut-être pas se mettre à augmenter, mais que le pire est derrière nous. Cela a donc pour effet de stimuler la demande. Mais encore une fois, du côté de l’offre, il n’y a tout simplement pas d’inscriptions, et nous constatons que le taux d’inscription est le plus bas dans un marché comme la région du Grand Toronto en près de 20 ans, en chiffres bruts, et compte tenu de la croissance de la population par rapport à ce qu’elle était il y a 20 ans, ce n’est pas suffisant pour satisfaire la demande.Le marché s’est donc resserré très rapidement, ce qui nous donne l’une des principales caractéristiques du cycle actuel, à savoir qu’il n’y a absolument aucune vente forcée. C’est un point très important, et c’est une caractéristique très importante de ce cycle où les Canadiens qui ont contracté un prêt hypothécaire à taux variable ne ressentent aucune pression sur leurs paiements en raison de la nature de notre marché hypothécaire. Nous voyons des prêts hypothécaires qui sont amortis, mais les paiements n’augmentent pas en temps réel, de sorte que personne n’est obligé de vendre. C’est une grande différence par rapport à ce que nous avions vu, disons, après la crise financière aux États-Unis. Et les vendeurs potentiels qui voient que le marché est plutôt faible depuis les six derniers mois environ, beaucoup d’entre eux ont simplement retiré leur inscription et se sont dit qu’ils allaient attendre plus tard, qu’ils ont la capacité financière de patienter ou de vendre plus tard. Ou si vous êtes un investisseur, vous vous tournez vers un marché locatif qui est très vigoureux et où le taux d’inoccupation est très faible, du fait de tous les flux démographiques. Je crois que c’est vraiment ce qu’il faut retenir, c’est-à-dire qu’il y a une hausse de la demande et qu’il y a très peu de nouvelles inscriptions sur le marché.Sal Guatieri (12:58): Oui, la situation est très semblable aux États-Unis. Vous avez parlé des taux hypothécaires au Canada; nous ne voyons pas beaucoup de signes de stress pour les propriétaires en ce moment. Aux États-Unis, c’est encore plus vrai, car ils ont des prêts hypothécaires à beaucoup plus long terme et à taux fixe, dans certains cas toujours dans la fourchette des trois points de pourcentage. Ils ne sont donc pas pressés de mettre leur maison sur le marché. En même temps, nous voyons de plus en plus d’acheteurs d’une première maison se lancer, parce que le marché hypothécaire s’est un peu renforcé. Nous voyons maintenant les taux des prêts hypothécaires sur 30 ans aux États-Unis se situer aux environs de 6,5 %, donc bien en deçà des 7 % et plus auxquels ils ont été pendant un certain temps, et cela semble avoir déclenché un peu d’activité. Nous constatons des signes généraux de l’atteinte d’un creux aux États-Unis. Que l’on pense aux mises en chantier, aux ventes de maisons existantes ou aux nouvelles demandes de prêt hypothécaire, toutes ont clairement atteint un creux, et je dis bien un creux, car elles sont toujours à des niveaux assez faibles, mais au moins ne baissent plus.Aux États-Unis, les ventes de maisons neuves ont augmenté, apparemment en raison de la pénurie de maisons existantes sur le marché. Donc si vous voulez vraiment une maison, dans certains cas vous serez obligé d’acheter une nouvelle construction. Il y a donc des signes clairs de l’atteinte d’un creux aux États-Unis et, comme vous l’avez mentionné, tout repose donc sur les taux d’intérêt et sur la perception qu’ont les gens de l’évolution des taux d’intérêt. Maintenant, est-ce que la table est mise, pour ainsi dire, pour que les ventes et les prix demeurent au fond pendant un certain temps, ou devrions-nous nous attendre à une reprise en V?Robert Kavcic (14:43): Eh bien, je crois que nous commençons à voir des signes que le plancher a été atteint dans certains marchés; dans certains des marchés les plus attrayants, les prix remontent un peu. Il est difficile d’imaginer une très forte reprise en V, car du point de vue de la valorisation, la situation n’est pas favorable, disons les choses ainsi. Nous ne constatons pas les excès ou les extrêmes que nous avons vus il y a un an avant le début de cette correction, mais la situation n’est pas très favorable. Je crois que, dans l’ensemble, lorsque nous examinons la situation à l’échelle nationale, nous verrons probablement les prix, dans un certain nombre de marchés, atteindre un plancher, puis y demeurer un certain temps avant de reprendre un peu de vigueur, en fonction de l’évolution des revenus. C’est ce qui se passerait dans le meilleur des cas, en tenant compte d’un atterrissage en douceur de l’économie et, par la suite, d’une baisse des taux hypothécaires durant l’année 2024.Nous ne pensons pas que la Banque du Canada réduira les taux cette année, ce qui nous donne un environnement dans lequel les prix pourront commencer à croître de nouveau en s’appuyant sur leur base de référence à long terme, ce qui correspondrait à peu près à la croissance des revenus, 5 % ou 6 %, peut-être 2 % ou 3 % en chiffres rajustés en fonction de l’inflation, comme nous l’avons vu par le passé. J’ai de la difficulté à croire que nous allons revenir au genre d’enthousiasme et d’exubérance stimulés par l’investissement que nous avons vus au cours des dernières années, simplement parce que je crois que beaucoup d’investisseurs ont été échaudés et ont appris une petite leçon au cours des 18 derniers mois. Espérons que ce soit le cas. Je crois que la Banque du Canada surveille probablement la situation de près, et si l’économie ne se redresse pas et que nous commençons à assister à une remontée des prix, ou si nous commençons à voir des signes que l’inflation ne se résorbe pas de façon soutenue, peut-être qu’elle devra prendre quelques mesures pour faire face à la situation. Mais dans l’ensemble, je crois que nous assisterons à une croissance assez modeste.Sal Guatieri (16:34): Je crois que la situation est assez semblable aux États-Unis. La plupart des économistes prévoient au moins une légère récession aux États-Unis cette année. Et de toute évidence, la Fed n’a pas l’intention de réduire les taux d’intérêt. Ce n’est que récemment qu’elle a fait savoir qu’elle pourrait bien faire une pause dans le cycle de resserrement des taux, mais elle ne prévoit pas de réduction des taux d’intérêt. De plus, le système bancaire exerce une pression qui, au moment où nous nous parlons, entraîne presque certainement un resserrement des conditions de crédit aux États-Unis. Il sera donc un peu plus difficile pour certains acheteurs de maison aux États-Unis d’obtenir un prêt hypothécaire. Pour toutes ces raisons, je suis d’accord pour dire que la situation aux États-Unis devrait demeurer dans un creux, avec peut-être des gains modestes vers la fin de l’année, lorsque l’économie reprendra. Mais vous savez, cette reprise en V, ou je dirais plutôt en U, se produira probablement plutôt en 2024, au moment où la Réserve fédérale devrait réduire les taux d’intérêt et où l’économie devrait également repartir à la hausse. Nous avons parlé de l’impact de l’économie sur le marché de l’habitation, mais comment le marché de l’habitation et la reprise influenceront-ils l’économie et les décisions futures de la Banque du Canada?Robert Kavcic (17:55): Comme nous l’avons mentionné, je crois qu’elle va surveiller la situation de près. Elle a décidé de faire un pas de côté. Elle a suspendu sa campagne de hausse de taux. Tout dépendra de la suite des choses, mais d’une façon générale, elle a fait savoir aux Canadiens qu’elle en avait terminé avec la hausse des taux. Au bout du compte, tout repose sur la cible en matière d’inflation. Comme nous le savons, nous avons constaté une baisse de la plupart des mesures de l’inflation de base. Cependant, nous ne sommes pas revenus là où la Banque le souhaite. Supposons que nous examinons la plupart des mesures de l’inflation de base dans cette fourchette de 3 %. Il reste encore du travail à faire, et la Banque en est consciente. Je crois que si nous traversons le printemps, l’été et la deuxième moitié de l’année, qu’il n’y a aucun signe de ralentissement de l’économie et que nous commençons à voir beaucoup de mouvement dans le secteur de l’habitation et certains signaux indiquant que les ménages achètent de nouveau ou qu’il y a plus d’investissements dans l’habitation, alors la Banque devra en prendre conscience car cela pourrait laisser entendre que ses politiques ne sont pas suffisamment restrictives.Ce n’est pas notre point de vue. Nous sommes d’avis que le marché de l’habitation s’est corrigé, qu’il va se stabiliser et que l’inflation redescendra en quelque sorte à cette cible, et que nous assisterons à une légère détérioration du marché de l’emploi ainsi que de l’économie, mais je crois que c’est un aspect dont la Banque sera consciente sur le plan positif. Sur le plan négatif, je crois qu’elle est également consciente que les Canadiens se sont beaucoup endettés pendant le cycle, et que cela n’a pas d’impact important en ce moment en raison de la façon dont notre marché hypothécaire est structuré. Mais si l’on se projette dans 2, 3 ou 5 ans, lorsqu’une grande partie de cette dette arrivera à échéance, lorsque ces prêts hypothécaires arriveront à échéance, en fonction des taux d’intérêt qui seront en vigueur à ce moment-là, il y aura peut-être davantage de pression exercée sur les ménages et sur les dépenses de consommation. Cela ne nous affectera pas dès aujourd’hui, mais c’est une situation qui persistera au cours des deux prochaines années, et je crois que la Banque en est également consciente.Sal Guatieri (19:52): La Banque du Canada est donc probablement plus attentive à l’évolution du marché de l’habitation simplement parce que les ménages semblent plus sensibles aux taux d’intérêt du fait qu’ils ont des prêts hypothécaires à court terme, et parce que le marché de l’habitation compte pour une plus grande part dans l’économie du Canada que dans celle des États-Unis, où il représente une part relativement faible de 4 % ou moins du PIB. Nous savons que le marché de l’habitation aux États-Unis, au moins la construction résidentielle pendant la correction, a grugé environ un demi-point de pourcentage de la croissance réelle du PIB l’an dernier. Je crois que ce qui va se produire, maintenant que nous atteignons un creux, c’est que nous ne verrons plus cette pression à la baisse sur l’économie américaine. L’atteinte d’un creux aujourd’hui sur le marché de l’habitation dissuadera donc probablement la Fed de réduire les taux d’intérêt dans les mois à venir.Mais c’est beaucoup moins préoccupant pour la Fed que pour la Banque du Canada. Dans le cas de la Fed, la clé, c’est ce qui se passe du côté des services pour ce qui est de l’inflation, et cela découle en grande partie du resserrement continu du marché du travail. C’est donc véritablement le marché du travail qui déterminera ce que la Fed fera à l’avenir, plutôt que le marché de l’habitation. Maintenant, il existe des différences notables selon les régions dans le marché de l’habitation au Canada. Quelles régions devraient connaître la plus forte reprise une fois que celle-ci aura démarré?Robert Kavcic (21:21): Oui, on a pu voir de grandes disparités, n’est-ce pas? La plus grande partie de l’effervescence que nous avons observée pendant la pandémie s’est produite dans les marchés périphériques, disons de une à trois heures de route à partir du centre-ville des grandes villes, Toronto et Vancouver pour la plupart, et nous avons bien documenté la situation, alors nous n’avons pas besoin de tout passer en revue. Nous avons constaté un important mouvement des grandes villes vers certains de ces marchés. Cela a été facilité en grande partie par la possibilité de travailler à distance et par le fait que les jeunes familles veulent plus d’espace, ce genre de choses. Ces marchés ont donc progressé le plus rapidement, et ce sont eux aussi qui ont subi la plus forte correction. Dans certains de ces secteurs, nous observons une baisse des prix de 16 % à l’échelle nationale. Certains de ces marchés ont déjà reculé de 20 % ou de 30 % dans certains cas.Vont-ils repartir à la hausse de façon fulgurante? Je dirais probablement que non. Je dirais que certains des rajustements de prix y ont un élément de permanence, car il y a eu une certaine restructuration de l’économie à long terme et les gens sont en mesure d’y vivre et d’y travailler. Mais je ne crois pas que ces marchés vont revenir en force. Je crois que les marchés les plus importants sont ceux où l’activité reviendra le plus rapidement, et nous en voyons déjà des signes dans certains des secteurs privilégiés d’un marché comme Toronto, où les investisseurs comme les ménages profitent de cette correction pour y effectuer un retour. Je crois donc que ce sont les secteurs qui rebondiront le plus rapidement.Le marché des maisons unifamiliales en est également un que nous voyons rebondir fortement à moyen terme, comme ce fut le cas au cours des 10 ou 15 dernières années. Sur le plan démographique, la génération des milléniaux est actuellement à son apogée, c’est-à-dire à 32 ans environ, et ce sont des ménages qui créent beaucoup de familles. Ils sont donc à la recherche de maisons unifamiliales, et ce n’est pas une coïncidence si c’est le secteur du marché de l’habitation qui manque constamment de nouvelles constructions depuis 20 ans. Je crois donc qu’il y aura une certaine pression à la hausse sur les prix de ce côté-là du marché. En revanche, il y a probablement moins de pression à la hausse sur le marché des copropriétés, car nous sommes simplement beaucoup mieux approvisionnés en copropriétés dans les grandes villes du Canada. Voilà donc quelques-uns des principaux éléments à retenir.Sal Guatieri (23:41): L’accessibilité est donc de toute évidence la clé qui explique certaines de ces différences régionales sur le marché de l’habitation, et nous constatons la même chose aux États-Unis. Vous avez mentionné que les petites villes ont tendance à être moins coûteuses que les grandes villes. Que le travail à distance permet aux travailleurs de vivre dans de petites villes ou des villes satellites et, par conséquent, de réduire leurs coûts de logement. Et que l’important est l’accessibilité dans certaines régions du sud des États-Unis, par rapport aux États de l’Ouest, où les prix sont beaucoup plus élevés. En fait, c’est probablement l’une des principales raisons pour lesquelles nous assistons à un déplacement de populations depuis l’Ouest des États-Unis vers les États du Sud. De même, nous constatons que de nombreuses entreprises quittent certains États de l’Ouest pour les États du Sud afin de profiter de taux d’imposition moins élevés et autres raisons.Je crois donc que ce sont les États du Sud qui rebondiront le plus rapidement par rapport à certaines régions de l’Ouest des États-Unis. Et maintenant, une question que l’on se pose depuis toujours : le logement sera-t-il un jour véritablement abordable pour les familles de la classe moyenne? Je sais qu’elles peuvent déménager dans de petits centres si elles le veulent, ou dans certaines régions, mais de toute évidence, il est impossible pour de nombreuses familles de simplement faire leurs valises et déménager dans des régions moins coûteuses. Verrons-nous le jour, en particulier pour les jeunes, où le logement redeviendra d’une façon générale abordable?Robert Kavcic (25:20): Un jour, mais pas aujourd’hui, ni demain, et probablement pas au cours des cinq ou dix prochaines années, malheureusement. C’est simplement la nature de ce que nous nous sommes donné, c’est-à-dire 10 ou 15 ans à construire le mauvais type de logements pour répondre aux besoins démographiques que nous avons aujourd’hui et pour les 10 prochaines années, n’est-ce pas? Nous avons une cohorte massive appelée les milléniaux, qui entrent dans l’âge où ils ont des familles et où ils veulent plus d’espace, et c’est exactement le type de logements que nous n’avons pas construit au cours des 20 dernières années. Donc oui, nous pouvons nous échapper, trouver des façons de contourner le problème, déménager dans de plus petites unités, nous installer à l’extérieur de la ville. L’un des principaux avantages du travail hybride est qu’il a ouvert de nombreuses possibilités qui n’étaient pas envisageables auparavant, ne serait-ce que du point de vue des déplacements.Tout cela aide, mais ce n’est pas suffisant pour éliminer complètement les problèmes d’accessibilité, car il y a trop de gens qui cherchent le type de logements que nous n’avons tout simplement pas construit. Allons-nous nous régler le problème de l’accessibilité comme certains décideurs pensent que nous sommes capables de le faire? Absolument pas. Nous avons vu des objectifs à l’échelle fédérale et provinciale qui laissent entendre que nous doublerons le taux de construction au cours des 10 prochaines années. Si nous y parvenons, ce n’est pas dans 10 ans que nous en aurons besoin, mais dès aujourd’hui. C’est donc un élément qui joue contre nous. L’autre point, c’est que même si nous pensions pouvoir atteindre ces objectifs, nous ne le pouvons pas, car le secteur de la construction fonctionne déjà au maximum de sa capacité aujourd’hui.Le taux de chômage dans le secteur de la construction est à un creux record, le taux de postes vacants y est à un niveau record, et le nombre d’unités en construction par habitant est le plus élevé que nous ayons jamais vu au pays. Et si nous pensons que nous pouvons partir d’un niveau de production à son maximum et le doubler demain, ça ne se produira tout simplement pas. L’offre n’est donc pas la solution. Je crois que cela demeurera malheureusement un point de tension pendant un certain nombre d’années. La dernière chose que je dirais, c’est que même si nous avons constaté une correction de près de 20 % des prix à l’échelle nationale, si nous prenons un peu de recul, nous pouvons nous demander si l’accessibilité s’est améliorée grâce à cela. Ce n’est pas vraiment le cas. Si vous regardez où nous en étions avant la pandémie de COVID-19, je crois que le prix moyen est toujours en hausse de 30 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie, même après cette correction. Le revenu moyen a augmenté d’environ 18 %, ce qui n’a pas compensé l’augmentation des prix. Et le taux hypothécaire que vous obtenez sur le marché aujourd’hui est d’environ 150 points de base plus élevé qu’avant la pandémie de COVID-19.L’accessibilité est donc encore pire aujourd’hui qu’elle ne l’était avant la pandémie, malgré le fait que nous ayons assisté à cette correction assez importante sur le marché de l’habitation. Et encore une fois, si c’est à ce niveau que se situe le plancher, c’est bien un signe que les biens immobiliers, en particulier les maisons individuelles dans les grandes villes, demeureront un produit assez rare pendant encore un certain temps, malheureusement.Sal Guatieri (28:25): C’est décourageant, j’en conviens. Malheureusement, je crois que oui, l’an prochain, lorsque les taux d’intérêt commenceront à baisser et que les revenus augmenteront peut-être à un rythme plus rapide à mesure que l’économie se redressera, nous pourrions voir une certaine amélioration de l’accessibilité, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire pour normaliser les choses. Par ailleurs, il y a probablement le risque que les banques centrales puissent encore une fois trop stimuler le marché si l’économie s’affaiblit trop fortement, et favoriser un nouveau cycle de hausse des prix des maisons, ce qui aggraverait l’accessibilité. C’est assez décourageant.Merci, Robert, pour cette discussion. Je suppose que la principale chose à retenir, c’est que la correction du marché de l’habitation semble tirer à sa fin, mais qu’il pourrait se passer un certain temps avant d’enregistrer une solide reprise, probablement pas avant 2024, lorsque les taux d’intérêt dans le secteur du crédit devraient être plus favorables. Merci d’avoir été à l’écoute.

Sur quoi les investisseurs devraient-ils se concentrer en période d’incertitude ?
Vendre dans la panique, encaisser, négocier frénétiquement sont des actions courantes pour les investisseurs en période d’incertitude. Dans l’édition spéciale, Silvio Stroescu, président de BMO Ligne d’action, discute avec Brian Belski, stratège en chef des placements, de ce que les investisseurs peuvent faire pour élaborer des plans à long terme plus judicieux en ce qui concerne leurs portefeuilles pendant cette période.
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- Silvio Stroescu (00:00) : Bonjour, Bienvenue au balado Investissements plus futés de BMO. Je suis Silvio Stroescu, chef, Stratégies numériques, Gestion de patrimoine, et président de BMO Ligne d’action. Le premier trimestre de 2023 est maintenant derrière nous et il aura lui aussi été marqué par des événements marquants et dont on se souviendra dans les années à venir. Les événements survenus à la Silicon Valley Bank, suivis du sauvetage du Credit Suisse par UBS, ont été des rappels des risques posés par les cycles de resserrement, surtout lorsque le rythme et l’ampleur du resserrement sont relativement élevés. Pour le moment, la pression aux États-Unis et en Europe semble être maîtrisée, et l’ensemble du système financier semble rester solide, en partie grâce aux interventions des organismes de réglementation américains et suisses.Même si nous approchons de la fin de ce cycle de resserrement, il faudra probablement quelques trimestres de plus pour que les mesures prises par les banques centrales produisent des résultats dans l’ensemble de l’économie. Cela pourrait aussi signifier que les investisseurs continueront à naviguer sur les marchés avec un degré d’incertitude accru, voire une volatilité plus élevée que ce que nous avons vu jusqu’à présent. Naturellement, c’est pendant ces périodes d’incertitude élevée que la force émotionnelle de l’investisseur est véritablement mise à l’épreuve. Ces épreuves prennent la forme de risques comportementaux, comme la vente sous le coup de la panique, le passage aux liquidités ou même la négociation frénétique le jour même. Aujourd’hui, je suis accompagné de Brian Belski, stratège en chef, Investissements de BMO Marchés des capitaux, pour discuter de la façon dont les investisseurs peuvent garder les pieds sur terre et faire preuve de détermination afin d’adopter des comportements qui profitent aux plans de placement à long terme et, par conséquent, au rendement du portefeuille. Bonjour, Brian, et bienvenue à ce balado.Brian Belski (01:59) : Silvio, merci de nous recevoir. Nous sommes honorés, choyés et reconnaissants de participer à ce balado, surtout si l’on tient compte de toutes les voix qui s’élèvent et de tout ce qui se passe, et nous sommes heureux d’y participer, en espérant que nous pourrons apporter des réponses.Silvio Stroescu (02:15) : J’adore ça. Brian, merci de nous consacrer un peu de votre temps. Commençons donc par ce qui pourrait être considéré comme une question percutante. Sur quoi les investisseurs devraient-ils se concentrer pour maîtriser leurs émotions et pour simplement atténuer les écarts comportementaux que nous avons tendance à observer habituellement pendant ces périodes de turbulences sur les marchés?Brian Belski (02:37) : C’est une excellente question et je me souviendrai toujours de mon tout premier mentor à Wall Street, il y a 33 ans, un certain William O’Neill, qui me disait toujours : « Brian, ne laisse personne te dire qu’il ne se passe rien sur le marché, parce qu’il s’y passe toujours quelque chose. » Aujourd’hui, 33 ans plus tard, avec l’avènement d’Internet, de l’analyse par points, des jugements rapides et de tous les types de nouvelles frénétiques auxquelles nous sommes tous confrontés, il n’est pas étonnant que nous soyons réactifs. Ce que vous avez dit en préambule m’a frappé, concernant la rapidité avec laquelle les choses ont changé en 2022 pour ce qui est de la direction des taux d’intérêt et de la rapidité avec laquelle nous avons oublié, mais aussi la rapidité avec laquelle les banques centrales ont baissé leurs taux d’intérêt et les ont ramenés à zéro en 2020.Je crois que cela en dit long sur la nécessité de faire deux pas en arrière, de normaliser les choses et de revenir à des niveaux normalisés où nous ne sommes pas aussi grandiloquents sur le plan des directions. Pour notre part, nous pensons que c’est ce que nous allons faire, mais nous devons passer par cette phase de transition et de normalisation. Pour ce qui est de faire en sorte que les gens ne réagissent pas, je pense qu’il faut d’abord s’en tenir à son processus en tant qu’investisseur et, si j’ose dire, essayer de ne pas regarder la télévision ou de ne pas réagir à ce qui s’y passe, parce que je vous dirai que, faute de mieux, les nouvelles financières télévisées sont en quelque sorte devenues un divertissement de soirée qui nourrit volontiers la peur. N’oubliez pas que la peur fait vendre. Je pense donc qu’étant donné la frénésie des opinions, les gens se hâtent de porter des jugements. Je crois que, dans une perspective à long terme, c’est la raison pour laquelle il est si important de s’en tenir à son processus.Silvio Stroescu (04:52) : Oui, j’aime beaucoup ce que vous dites, Brian. Je vous rejoins à bien des égards et vous mettez les choses en perspective, que ce soit le rythme de la descente par rapport à celui de la montée. Écoutez, nous en avons déjà parlé, Brian, si vous regardez les taux d’intérêt sur des périodes plus longues, nous sommes en fait à des niveaux relativement normaux, n’est-ce pas, malgré le fait que nous en sommes arrivés là assez rapidement. Il est donc très important d’avoir une vue d’ensemble de ce qui s’est passé et de se projeter à long terme. Vous avez parlé de mars 2020 et d’une dynamique intéressante que nous avons observée, en particulier chez les investisseurs autonomes, qui considéraient cette période comme une occasion. En fait, sur notre plateforme à BMO Ligne d’action, nous avions plus d’ordres d’achat, de personnes achetant des actions, que d’ordres de vendeurs pendant cette période. J’aimerais savoir ce que vous pensez du fait de faire abstraction du bruit et de s’en tenir à son plan, comme le préconise la « théorie ». Y a-t-il une occasion encore plus large de se demander comment tirer parti du sentiment de peur et de ce qui se passe actuellement, en particulier si vous êtes un investisseur à long terme?Brian Belski (05:51) : Je repense aux premiers jours de la pandémie de COVID-19, où nous étions tous en train de nous gratter la tête et d’essayer de comprendre, premièrement, comment nous pourrions survivre, deuxièmement, comment nous pourrions faire notre travail, troisièmement, comment nous pourrions prendre soin de nos familles et de tout le reste. Le stress était énorme et, franchement, nous souffrons tous d’un syndrome de stress post-traumatique. Soit dit en passant, le syndrome de stress post-traumatique est complexe, et nous vivons avec encore aujourd’hui. Revenons à mars 2020. Si vous vous souvenez de ce qui s’est passé le mercredi 18 et le jeudi 19 mars, puis le vendredi 20 mars, ce fut des journées terribles. C’étaient de très mauvaises journées sur les marchés mondiaux et l’histoire montre que lorsque vous avez un très mauvais jeudi, et même un pire vendredi, les émotions des investisseurs pendant la fin de semaine suivante deviennent encore plus pessimistes et effrayées, et c’est exactement ce qui s’est passé.Compte tenu de ce qui se passait sur le marché, de ce que nous voyions à la télévision et de ce que nos clients institutionnels, qui sont nos principaux clients, nous disaient, les institutions étaient en panique. Elles vendaient autant qu’elles le pouvaient. Elles ne savaient pas qui écouter… À la télévision ainsi que dans d’autres banques, on disait que la société entrerait dans une nouvelle grande dépression et que le produit intérieur brut (PIB) connaîtrait une baisse à deux chiffres… Personne ne savait ce qui se passait. C’est donc ainsi, dans une certaine unanimité, que nous nous sommes retrouvés assis, dans notre condo de Minneapolis, à essayer de comprendre ce qu’était un cadran d’appel, un réseau privé virtuel (RPV) et tant d’autres choses, et que nous avons commencé à rédiger notre rapport en disant : « Assez, c’est assez, on touche le fond. » Nous pensions que les actions allaient remonter de 50 % par rapport à leur niveau le plus bas. Nous avons commencé à publier le rapport le lundi, compte tenu de toutes les questions de technologie et de conformité, et les gens étaient inquiets à l’idée de faire ce type de commentaire alors que le monde était en train de s’effondrer.Heureusement, nous avons publié le rapport au creux des marchés. Encore une fois, nous le disons très humblement, car nous pensions qu’il n’y avait pas beaucoup de données fondamentales, que c’était uniquement une question de peur. Ce qui s’est passé dans l’esprit des investisseurs, c’est que nous nous souvenons des mauvaises nouvelles, et nous y revenons sans cesse. Lorsque nous réfléchissons aux services financiers, nous nous disons que nous sommes de nouveau en 2007, en 2008; ou l’an dernier, lorsque les sociétés technologiques ont reculé, nous pensions être de retour en 1999 ou en 2000, parce que nous nous souvenons toujours de la dernière fois où nous avons subi un coup dur. Nous nous en souvenons toujours. Nous ne pensons donc pas qu’il s’agisse de la bonne façon de penser. Nous devons nous en tenir à notre processus et nous devons réfléchir à la façon dont la dynamique des données fondamentales et la dynamique de nos marchés ont radicalement changé, en mieux, en passant, en particulier dans les services financiers, mais aussi dans le domaine de la technologie, et à la façon dont nous apprenons des choses et toute l’information.Il est donc très facile de revenir en arrière et de se souvenir des mauvaises nouvelles. Encore une fois, je le répéterai probablement cinq fois pendant ce balado : tenez-vous-en à votre processus, soyez disciplinés et ne laissez pas la peur vous inciter à prendre des décisions. Habituellement, voire historiquement, les investisseurs vendent généralement au mauvais moment. Enfin, j’aimerais ajouter une chose. En mars 2020, mes clients institutionnels, c’est-à-dire les grands fonds d’investissement et les fonds de couverture du monde entier, étaient, comme je l’ai déjà dit en passant, très pessimistes, alors que les spécialistes de la gestion de patrimoine avec lesquels je discutais étaient très optimistes, et, soit dit en passant, ils avaient raison de l’être. Encore une fois, pour revenir à Bill O’Neill, mon premier mentor à Wall Street, il avait l’habitude de me dire que les institutions représentaient l’argent intelligent et que les investisseurs finaux représentaient l’argent moins intelligent, et cela s’est inversé récemment, en raison des pressions exercées sur les institutions, pour qu’elles soient performantes et qu’elles affichent de bons résultats, en matière de revenus dans leurs portefeuilles, ce qui met beaucoup de pression sur ces gestionnaires de portefeuille afin qu’ils soient à la hauteur des attentes du marché. Ce qu’elles font, c’est qu’elles prennent les mauvaises décisions, alors que les clients de la Gestion de patrimoine ont un processus, une discipline et une répartition de l’actif. Je crois qu’il s’agit d’une distinction importante par rapport au passé.Silvio Stroescu (10:03) : Excellents points, Brian, en particulier le fait de déchiffrer les signaux du bruit et de comprendre que le bruit est émis par des experts, et honnêtement, par des investisseurs institutionnels et des gestionnaires de portefeuille qui peuvent avoir une responsabilité différente de celle d’un investisseur particulier en matière de performance et dans un horizon temporel différent. Peut-être devrions-nous nous en tenir à ce point de vue et jeter un coup d’œil à certaines données, Brian, par exemple, quels indicateurs à long terme entrevoyez-vous qui vous donneraient une opinion plus optimiste de ce qui se passe actuellement et de la façon dont cela se traduit pour un investisseur à long terme?Brian Belski (10:40) : Encore une fois, je crois qu’une grande partie de ce qui s’est passé ces dernières années était du jamais vu. Je crois que l’un des plus grands problèmes que nous avons en tant que stratèges et, très franchement, en tant qu’investisseurs, c’est que bon nombre de banques, de stratèges et d’économistes utilisent des méthodes théoriques traditionnelles pour déterminer si nous avons eu ou non une récession, et que nous crions souvent trop vite à la récession. Et nous considérons qu’il s’agit d’un cycle de marché assez classique où les actions mènent les bénéfices, qui mènent eux-mêmes l’économie; ce qui signifie que les marchés étaient en baisse aux États-Unis, surtout maintenant et, évidemment, le Canada a fait beaucoup mieux l’an dernier, en 2022, mais le marché boursier américain a reculé de plus de 25 % par rapport aux sommets, ce qui indique habituellement que nous nous dirigeons vers un marché baissier ou une récession. Donc, à notre avis, il est presque inutile de savoir s’il y a une récession ou non.Cela ne signifie pas que nous n’aurons pas de récession, cela ne signifie pas que nous n’en avons pas déjà eu, ce n’est pas le point. Cela signifie simplement que je crois que trop de gens se concentrent trop sur les variables macroéconomiques. Ce qui est vraiment intéressant, c’est que l’emploi s’est très, très bien porté. Les gens qui sont à la recherche d’un emploi n’en trouvent pas, parce que tout le monde travaille! Il est intéressant de noter que les baissiers ou les gens qui prennent ces décisions baissières veulent en fait que le taux de chômage augmente. Je ne comprends pas comment les gens peuvent penser cela, mais encore une fois, je ne suis qu’un « enfant » plein de bon sens né et élevé dans le Minnesota. Mais le scénario des taux d’intérêt est également très intéressant, car comme nous l’avons dit précédemment, nous n’avons pas connu d’environnement de taux d’intérêt normal, je dirais depuis les années 1980 et 1990.Entre 2027, moment où la Réserve fédérale américaine a ouvert la porte et a commencé à procéder à un assouplissement quantitatif, et aujourd’hui, où nous procédons à un resserrement quantitatif, nous n’avons pas connu de scénario de taux d’intérêt normalisé depuis plus de 20 ans. Encore une fois, je crois qu’il faudra du temps pour aller de l’avant. La Réserve fédérale américaine a évoqué, tout au début de la situation en Ukraine, le fait que nous sommes proches de la fin du cycle de resserrement, ce qui est assez clair après que nous ayons été très agressifs l’année dernière, et que nous ne le serons plus autant à l’avenir. Il y a des signes d’inflation dans tous les domaines, de l’ouverture des chaînes d’approvisionnement au secteur des services, en passant par l’alimentation; tous ces éléments commencent à s’inverser, pas aussi vite que tout le monde le pensait, que beaucoup de gens le pensaient, nous y compris, mais ils s’inversent tout de même.L’inflation peut augmenter très rapidement, puis il faut du temps pour s’en remettre. Nous sommes maintenant dans un cycle de resserrement, ce qui signifie que les taux d’intérêt sont en hausse depuis un an et que l’inflation est en train de diminuer. Mais ce qui est important, c’est que je crois que du côté de l’emploi, en particulier aux États-Unis, où le taux de chômage a récemment chuté à 3,5 %, les gens travaillent et ils peuvent continuer à dépenser. Souvenez-vous, le consommateur représente les deux tiers de l’économie américaine. Mais je pense surtout que les petites et moyennes entreprises, qu’elles soient privées ou publiques aux États-Unis, restent fondamentalement en très bonne santé, ce qui, à mon avis, ne fait pas l’objet de suffisamment de discussions. En effet, les petites et moyennes entreprises sont, selon moi, dans la meilleure position possible sur la base du travail que nous effectuons lorsque nous examinons des éléments comme les bénéfices, les flux de trésorerie et d’autres choses de ce genre, et elles sont dans la meilleure position que nous ayons connue depuis 30 ans. Je pense donc que cela est de bon augure pour la suite de la reprise. Je ne crois donc pas qu’il y ait de données magiques. Je crois que les investisseurs réagissent trop aux données et qu’ils doivent être plus optimistes, en examinant les données fondamentales des entreprises du point de vue de la gestion, du produit, du service et du montant d’argent gagné. Quelle est leur valeur? Il s’agit en quelque sorte de paramètres fondamentaux traditionnels lorsqu’on examine les entreprises.Silvio Stroescu (14:48) : Oui, Brian, les choses qui m’interpellent et auxquelles vous faites constamment allusion dans ce commentaire, c’est l’utilisation de l’expression : allez au-delà des mathématiques paresseuses, n’est-ce pas? Par exemple, renseignez-vous sur l’entreprise, faites vos devoirs, comprenez la dynamique de ce qui se passe dans ce secteur, puis prenez vos décisions avec conviction en vous fondant sur des recherches plutôt que sur des calculs macroéconomiques de haut niveau et le tapage ambiant. Brian, je dirais que l’un des meilleurs aspects de notre travail consiste probablement à rester en contact avec nos clients et à comprendre ce qui leur tient à cœur. En prévision de cet entretien, nous avons également demandé à nos clients autonomes de la Ligne d’action BMO : qu’est-ce qui les préoccupe le plus? Il y a une question ici qui, selon moi, est une bonne transition vers ce dont vous venez de parler. C’est un peu une question à deux volets, mais la question qu’on m’a posée est la suivante : dans quelle partie du cycle économique en sommes-nous? S’agit-il d’une expansion ou d’une contraction, selon vous? Quels secteurs cycliques ou contracycliques les investisseurs devraient-ils privilégier à ce stade-ci et pourquoi?Brian Belski (15:54) : C’est une excellente question. Nous dirions que le cycle n’en est qu’à ses débuts. Nous pensons qu’une grande partie de ce qui s’est passé en 2020, 2021 et 2022 a fait dérailler toutes les façons traditionnelles de voir les choses. Au début du cycle, vous voulez investir dans des secteurs plus cycliques, comme l’industrie ou la consommation discrétionnaire. Mais nous pensons aussi, compte tenu du scénario, Silvio, dans lequel nous nous sommes retrouvés avec des taux d’intérêt très bas, oh, surprise, que nous n’allons pas revenir à zéro, et que c’est correct. Mais, au bout du compte, nous avons assisté à une énorme variation des actions de croissance par rapport aux actions de valeur. Nous pensons qu’en fonction de la répartition, en examinant uniquement les actions, vous voulez privilégier davantage la valeur. Cela ne signifie pas de ne pas détenir des titres de croissance. Cela signifie simplement que vous serez dans ces positions plus attrayantes appelées CAPR, la croissance à prix raisonnable, et de qualité élevée.Qu’est-ce qu’une qualité élevée? Si l’on examine les actions dont les bénéfices d’exploitation sont très stables, comme le rendement des capitaux propres et le rendement des actifs qui augmentent, ce qui est vraiment intéressant à l’égard de l’argument en faveur d’une grande qualité, c’est que plusieurs des actions de qualité élevée qui figurent sur la liste en Amérique sont celles affichant la plus grande qualité, ou des titres technologiques, c’est vraiment intéressant. Donc, si vous pensez à la technologie, parce que nous sommes craintifs et que nous pensons négatif tout de suite, nous pensons aux actions technologiques qui ont probablement été trop surévaluées en 2021 ou aux actions technologiques qui nous ont mis en difficulté en tant que marché en 1999 et en 2000.Non, en fait, si vous jetez un coup d’œil à Apple en particulier, cette dernière a plus de liquidités dans son bilan que le Canada ou Microsoft. Microsoft est une société extraordinaire qui dispose d’énormes réserves de liquidités et flux de trésorerie. Si je nomme ces deux sociétés, c’est parce qu’elles font partie de notre vie quotidienne. Je les appelle les biens de consommation de base des technologies. Nous avons probablement tous un iPhone, nous utilisons probablement tous Word sur une sorte de machine Internet. Il faut donc y penser davantage. Nous voulons aussi penser du point de vue de la valeur, si vous examinez les actions de valeur, qu’il s’agisse des services financiers ou de l’industrie ou de segments du secteur des soins de santé, de segments de celui de la consommation, parce que nous avons eu un mouvement si important dans les actions de croissance, le moment est venu de mettre les valeurs en lumière, cela ne veut pas dire que vous ne pouvez plus détenir d’actions de croissance, mais c’est la raison pour laquelle vous devez être plus un sélectionneur d’actions plutôt que d’envisager, disons, des mesures élargies pour acheter des indices.Silvio Stroescu (18:44) : Et faites le lien, Brian, avec une autre question de nos clients et restez là où vous en êtes maintenant. Si vous regardez ce qui s’est passé en mars, en particulier dans le secteur des services financiers, il y a eu beaucoup de volatilité, les actions des banques ayant été sous-performantes par rapport à d’autres secteurs, les sociétés de technologie ayant connu un assez bon mois par rapport aux banques. Si vous examinez le secteur des services financiers, cela change-t-il votre opinion sur son rendement, tant à court terme qu’à long terme?Brian Belski (19:16) : Non, ce n’est pas le cas. Voici un point de vue, d’accord? Je sais que certains clients canadiens ont de la difficulté à le comprendre, car il y a en fait cinq grandes banques plus une autre. Il existe 600 banques cotées en bourse aux États-Unis et plus de 4 200 banques au total aux États-Unis. Je crois qu’il est très difficile pour certains Canadiens de le voir et de le comprendre, et c’est une bonne chose. Pourquoi est-ce une bonne chose? Parce que nous avons dit au cours de nos 11 années à BMO, et pas seulement parce que nous travaillons à BMO, mais aussi parce que nous avons fait le travail et que nous le faisons maintenant dans ma 34e année, les banques canadiennes, d’accord, les banques canadiennes sont les meilleures gardiennes de capitaux au monde, un point c’est tout.Si vous jetez un coup d’œil à notre propre banque, BMO, nous sommes la toute première banque, et la toute première à verser un dividende depuis plus de 200 ans. Au cours des 150 dernières années, la TD a été la seule banque à couper son dividende, et le trimestre suivant, elle l’a à nouveau versé. Donc, lorsque quelqu’un voit les banques du Canada d’un mauvais œil, lorsque les investisseurs canadiens voient les banques du Canada d’un mauvais œil, cela me rend optimiste. Et nous avons dû composer avec bon nombre de ces tactiques alarmistes en mars, en avril et en mai 2020, lorsque le pétrole allait dans la mauvaise direction. Soit dit en passant, le prix du pétrole était tel que techniquement les sociétés pétrolières vous payaient pour prendre livraison physique du pétrole. Les gens l’ont oublié, c’était il y a à peine trois ans. Les investisseurs institutionnels ont laissé entendre que le secteur bancaire canadien serait en déroute parce que « le secteur de l’énergie serait éliminé », entre guillemets.Comment cela s’est-il passé? Pas très bien. Récemment, nous nous sommes inquiétés de la hausse des taux d’intérêt et de la croissance des réserves, ainsi que du ralentissement potentiel de l’immobilier. Nous attendons la ruine imminente de l’immobilier canadien depuis maintenant 20 ans. Comment cela s’est-il passé? Pas très bien. Je crois donc que les investisseurs se concentrent sur l’aspect de la peur, en particulier les banques canadiennes. Maintenant, en ce qui concerne les États-Unis et le secteur bancaire, il y a plusieurs pommes pourries. Il y a toujours quelques pommes pourries qui ont ruiné la fête. Je crois qu’elles ont ruiné la fête. Du point de vue institutionnel aussi, ce qui s’est passé avec Crédit Suisse et UBS, le monde institutionnel attend une sorte d’effondrement du secteur bancaire suisse depuis 2008. De nombreux investisseurs institutionnels, y compris nous-mêmes, l’attendaient déjà, mais c’est maintenant chose faite.Maintenant, je crois que trois choses se produiront dans le secteur financier américain. Premièrement, l’inverse de ce qui s’est passé en 2009, 2010 et 2011. Alors, quel est l’inverse? L’inverse est qu’après la crise du crédit et la grande crise financière, les investisseurs partout dans le monde, mais surtout les investisseurs américains, tant les investisseurs privés que les investisseurs commerciaux institutionnels, ont délaissé les grandes banques en raison de tout le drame et du trouble de stress post-traumatique et se sont tournés vers les petites banques. Le contraire absolu se produira cette fois-ci et se répercutera sur le deuxième point. Deuxièmement, je crois qu’il y aura probablement une consolidation accrue des banques régionales à petite et moyenne capitalisation, tant privées que publiques. Et troisièmement, cette notion de réglementation. Il y aura probablement une réglementation plus ciblée à l’égard de ces petites banques.Pas toutes les banques, pas tous les services financiers. Lorsque vous entendrez parler de la réglementation dans les médias, ils parleront du pessimisme dans les services financiers, mais cela ne se produira pas, car nous avons besoin que les grandes banques poursuivent leurs activités sur le plan économique pour que les entreprises demeurent actives. C’est pourquoi les petites et moyennes entreprises sont si importantes, en raison des services bancaires aux entreprises aux États-Unis. Mais je crois que ces trois choses se produiront, ce qui, soit dit en passant, favorise notre thème des services financiers des cinq dernières années. Ce thème est l’échelle, l’échelle, l’échelle. Donc, les banques centrales monétaires aux États-Unis, les banques canadiennes, les gestionnaires d’actifs et les courtiers en valeurs mobilières, ces entreprises sont adaptables. Ce sont des entreprises adaptables. Cela cadre bien avec ce pour quoi nous sommes déjà positionnés.Silvio Stroescu (23:38) : Oui, et la qualité, Brian, dont vous avez parlé plus tôt, pour ce qui est de comprendre la gestion du bilan de ces sociétés, y compris les services financiers, la duration, la gestion du risque et les modalités des services financiers, n’est-ce pas? Il faut comprendre comment les équipes de direction s’attaquent à ces sujets extrêmement importants. Penchons-nous sur une dernière question de nos clients. Cette question a été soulevée, Brian, il y a quelques semaines. Il est important de le souligner, car il y a quelques semaines, le taux des obligations à deux ans oscillait autour de 5 %, alors qu’il est maintenant inférieur à 4 %. Mais la question était la suivante : les investisseurs pourraient-ils simplement mettre leurs liquidités de côté et obtenir un taux de deux ans ou d’un an à court terme en attendant simplement de meilleures occasions sur le marché boursier? J’aimerais avoir votre avis à ce sujet.Brian Belski (24:24) : Certainement, mais regardez ce qui s’est passé, comme vous l’avez dit, avec la récente remontée des taux d’intérêt sur le marché obligataire. Essentiellement, le marché obligataire vous dit que la Fed ira trop loin. Donc maintenant, les marchés obligataires le feront, ils le feront eux-mêmes, ils se redresseront et ils feront baisser les taux. Je crois donc qu’il est toujours très dangereux d’anticiper le marché, que ce soit en ce qui concerne les titres à revenu fixe ou les actions de votre portefeuille. Nous vous recommandons donc de maintenir votre processus. Quelle est votre vision à plus long terme? Devriez-vous avoir une partie de votre répartition de l’actif en ce qui a trait aux liquidités? Si c’est ce qui convient à votre répartition de l’actif, c’est ce qui convient à votre répartition. Mais chaque fois que vous essayez de choisir l’orientation des choses, au lieu de regarder en arrière et de voir ce que ces actifs signifient pour votre répartition globale, vous vous retrouvez habituellement en difficulté.Silvio Stroescu (25:12) : Oui, c’est vrai. Surtout, si vous êtes un investisseur à long terme, ne laissez pas les distractions à court terme influencer votre façon de voir les choses. Nous le savons, Brian, c’est plus facile en théorie, n’est-ce pas? C’est cette force émotionnelle qui nous permet de prendre des décisions maintenant. Certains cas vont même à l’encontre des rumeurs du marché qui rapportent à long terme. Peut-être qu’un autre point concernant les taux ici, dans le contexte de ce que nous entendons de la part de la Fed, c’est que les taux resteront plus élevés, ce qui entraîne une hausse du coût du capital et des attentes à l’égard de la prime sur actions. Vous pensez aux ratios des bénéfices et aux dividendes actuels par rapport à ce que nous observons avec les taux sans risque.Brian Belski (25:55) : Eh bien, un taux plus élevé sera plus élevé pendant longtemps, tout ce qui est supérieur à zéro. Mais vous savez, au bout du compte, alors que nous revenons à la notion de normalisation, vous savez, les obligations du Trésor à 10 ans seront dans une fourchette étroite, entre trois et quatre, ou quatre et cinq, ce qui est très différent de ce que nous avons vu ces dernières années. Mais le taux moyen des obligations du Trésor à 10 ans n’est d’un peu plus de 5 % que depuis la grande crise financière et depuis… pardon, depuis 1990, mais historiquement, il était de 7 % depuis les années 1930. Nous n’en sommes donc pas encore là. C’est en quelque sorte le premier point. En ce qui concerne les multiples, je crois que l’on n’examine pas les multiples lorsqu’on examine le marché, car le ratio cours-bénéfice n’est pas un bon indicateur du rendement futur. C’est un très mauvais indicateur du rendement futur. Que ce soit 17, 18 ou 19 fois, certains disent que le multiple moyen hors récession est de 15 et que nous devons passer à des bénéfices de 200 $, ce qui donne 3 000. Encore une fois, vous l’avez mentionné en passant, mais ce sont des calculs paresseux, et je ne suis pas du tout d’accord, parce que c’est tout simplement trop simple, trop facile.S’il y a une chose que nous avons apprise à propos de ce secteur au cours des dernières années, c’est qu’il ne s’agit pas d’une entreprise facile, qui a été très difficile et qui le devient de plus en plus, de sorte qu’il est impossible de la faciliter en période de baisse. Mais d’un point de vue fondamental, je crois que la manière dont nous allons mener ce scénario, c’est que nous sommes revenus à la base des placements. Nous avons les meilleures sociétés du monde ici, en Amérique du Nord, ainsi que les meilleures franchises et les meilleures équipes de direction. Il faut donc vraiment mettre l’accent sur la stabilité des bénéfices, en examinant ces actifs et en évitant de trop s’attarder au multiple, que vous paierez, car vous pourriez devoir payer un peu plus cher pour un multiple pour une société qui est en mesure de dégager des bénéfices à long terme.Silvio Stroescu (27:58) : Oui, avec cette compréhension, d’accord, que vous avez pu analyser, aller au-delà de ces calculs paresseux et comprendre les nuances de ce secteur, pour cette société aussi. La recherche est très importante. Brian, je vais conclure, mais nous avons gardé la question la plus difficile pour la toute fin. Donc, s’il n’y avait qu’une seule dernière réflexion, et nous savons à quel point il est difficile de la formuler et d’être concis, s’il y en a une que vous aimeriez partager avec nos clients et nos investisseurs pour le reste de 2023 et au-delà, quelle serait-elle?Brian Belski (28:30) : Éteignez la télévision. Mais non, je plaisante. Mettez l’accent sur…Silvio Stroescu (28:34) : C’est un balado. Aucun problème. C’est un balado, n’est-ce pas?Brian Belski (28:37) : <Rires>. N’écoutez pas… écoutez toujours ce balado, car il est formidable... Vous savez, je crois que l’ère de la croissance des dividendes et des placements à revenu est révolue. Au Canada, nous sommes très chanceux d’avoir une lignée britannique, surtout parce que nous sommes d’excellents investisseurs en dividendes au Canada. Aux États-Unis, nous sommes des cow-boys. Nos ratios de distribution sont beaucoup plus faibles, mais le Canada a toujours été un pays qui investit de façon étonnante dans la croissance des dividendes. Les États-Unis s’améliorent. Donc, si vous pouvez combiner la croissance de la valeur à un prix raisonnable, la qualité et le revenu d’actions, je crois que vous achèterez et serez propriétaire de sociétés fantastiques qui sont en mesure de fournir ces chiffres, ce qui diluera beaucoup votre risque.Silvio Stroescu (29:27) : J’adore ça. Brian, comme toujours, je vous remercie d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd’hui, mais je vous remercie aussi pour ces renseignements, surtout dans des moments comme celui-ci, où il y a beaucoup de distractions. Vous arrivez avec optimisme, pas naïf, mais ancré au-delà des calculs paresseux, et je trouve cela très utile. J’espère que nos auditeurs et nos investisseurs ont également trouvé de la valeur dans cette conversation. Et merci encore d’avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd’hui. Un grand merci aussi à nos auditeurs qui se sont joints à nous aujourd’hui et qui se sont inscrits à notre balado.

Le stress bancaire va-t-il écraser l'économie ?
Les récentes faillites bancaires ont fait craindre une répétition de la crise financière de 2008. Qu'est-ce qui est différent aujourd'hui et quelles sont les chances que cela se reproduise ? L'économiste en chef Douglas Porter et l'économiste principal Sal Guatieri discutent de ces questions et des impacts potentiels sur l'économie, l'inflation et les taux d'intérêt.
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- Sal Guatieri (00:00) : Bonjour à tous et bienvenue à ce balado. Je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagné de Douglas Porter, économiste en chef, pour discuter de l’incidence des récentes difficultés financières sur l’économie et les taux d’intérêt. Au moment où nous pensions que la plus grande menace était l’inflation, il semble qu’une autre conséquence des politiques trop expansionnistes de ces dernières années apparaisse avec des fissures dans le système financier. Doug, nous en sommes au début de la crise et il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas, mais nous dirigeons-nous vers une répétition de 2008?Douglas Porter (00:34) : Merci, Sal. Comme vous l’avez dit, il y a beaucoup de choses qui nous échappent, mais une chose que nous savons, c’est qu’il n’y aura pas de répétition de 2008. Il existe de nombreuses différences importantes avec ce dernier épisode. Et, bien entendu, vous savez que la crise de 2008 a commencé en 2007. Certains diront qu’elle a même commencé plus tôt avec la bulle immobilière aux États-Unis, mais les très grandes secousses financières ont commencé dès 2007. Je dirais qu’elle ne s’est vraiment terminée qu’au début de 2009. Je m’en servirai comme base de référence pour rappeler que nous pourrions avoir des semaines et des mois de stabilité, mais que maintenant que nous avons commencé à voir apparaître des failles, personne ne pourra se détendre complètement, même s’il ne s’agit pas de la répétition de l’événement traumatisant de 2008.La leçon à retenir est que, lorsque vous pensez que les choses se sont calmées et que les problèmes ont disparu, un autre problème émerge. Je suppose que la bonne nouvelle cette fois-ci, c’est que le secteur bancaire dans son ensemble, que nous parlions du Canada, des États-Unis ou du monde entier, est globalement beaucoup plus solide et est beaucoup mieux capitalisé. Nous n’avons pas ces mystérieuses pertes qui rôdaient et que nous ne pouvions pas saisir, comme dans le cas de certains prêts hypothécaires en 2008. Ce n’est pas le cas cette fois-ci, il y a beaucoup plus de clarté sur ce qui se passe et les décideurs ont réagi très énergiquement et rapidement. Même si la situation est toujours préoccupante et qu’il faut certainement la surveiller, je crois qu’il est juste de dire que cela ne prendra pas les proportions de 2008.Sal Guatieri (02:16) : Oui, j’aurais tendance à être d’accord pour dire que nous sommes loin d’une crise comme celle de 2008, mais comme vous l’avez mentionné, il y a probablement lieu de s’inquiéter un peu malgré tout. Il est évident que de nombreuses leçons ont été tirées depuis cet épisode traumatisant de 2008. À ce moment-là, les décideurs étaient essentiellement au bas de la courbe d’apprentissage. Ils ont eu beaucoup de rattrapage et de progrès à faire ces 15 dernières années, et la réglementation est bien meilleure, y compris en matière de simulation de crise. À l’heure actuelle, les banques peuvent beaucoup mieux gérer leurs risques, et les réactions politiques sont bien plus rapides, selon moi. C’est exactement ce que nous avons vu il y a environ une semaine, lorsque le programme de financement à terme de la Fed a été annoncé quelques jours seulement après que la Silicon Valley Bank a éprouvé des difficultés.Il y a donc certainement moins de raisons de s’inquiéter d’une répétition de 2008. Cependant, certains problèmes d’aujourd’hui diffèrent de ceux de 2008, mais pas pour le mieux. L’inflation est certainement beaucoup plus forte, ce qui pourrait limiter un peu les possibilités de la Réserve fédérale, tout comme celles de la Banque du Canada; la dette budgétaire est également beaucoup plus élevée. Par conséquent, même le gouvernement pourrait avoir un peu moins de souplesse et ne pas être capable d’en faire preuve pour gérer les problèmes qui surviennent aujourd’hui par rapport à il y a 15 ans. Maintenant, en supposant que la crise bancaire n’ait pas d’autre conséquence importante, quelles répercussions ces récents événements auront-ils sur l’économie américaine?Douglas Porter (03:54) : Prenons le scénario le plus optimiste, qui est essentiellement le suivant : il n’y a pas d’autre menace immédiate et les choses se calment. Je pense qu’il y a encore un coût net pour l’économie. Il est assez clair qu’à tout le moins, le crédit se resserrera un peu aux États-Unis et, dans une moindre mesure, au Canada. Mais je crois qu’il est assez juste de dire que l’accès au crédit sera restreint, et que cela se manifestera surtout dans certaines petites banques, notamment pour les petites entreprises et l’immobilier commercial. Maintenant, pour compenser un peu, le principal ajustement du marché à la suite de cette crise a été une baisse très importante des taux d’intérêt à court, moyen et long terme. De sorte que les rendements obligataires ont beaucoup baissé à cause de la réévaluation de ce que les banques centrales feront en matière de resserrement global, ce qui compensera en partie le resserrement du crédit que nous devrions observer. En fin de compte, cela laisse entrevoir une croissance un peu plus faible en Amérique du Nord, et aux États-Unis en particulier, selon moi.Bizarrement, nous n’avons pas vraiment changé nos prévisions à la suite de cet épisode, parce que nous avions peut-être déjà une opinion un peu trop pessimiste. Nous répétons depuis six mois que l’économie nord-américaine traverserait une période de légère baisse cette année; cette opinion semblait un peu hors-norme, un peu pessimiste pendant les premiers mois de l’année, puisque l’économie nord-américaine a vraiment commencé l’année sur des bases plus solides que ce à quoi beaucoup d’entre nous s’attendaient, selon moi. En fait, le prochain resserrement du crédit nous a probablement confortés dans l’idée que nous traverserions au moins une période de léger repli en Amérique du Nord ces six prochains mois.Sal Guatieri (05:37) : Oui, pour ajouter à ces commentaires, je crois que les répercussions se feront sentir au travers du crédit, de la confiance et des conditions de crédit; il est très probable que ce soit le resserrement de ces conditions qui sera le principal moyen d’impact sur l’économie. Les normes de crédit se resserraient déjà avant ces événements et la situation ne fera qu’accentuer cette tendance. Cependant, il est encourageant de constater que les dernières données hebdomadaires n’indiquent pas un recul de l’ensemble des prêts bancaires consentis, même par les petites banques; il est encore tôt, mais c’est un aspect qu’il faut surveiller. Je crois qu’à l’avenir, nous devrons suivre de près l’incidence sur la confiance des entreprises et si cela se traduira par une baisse de l’embauche, car il s’agit d’une source clé de résilience, en particulier pour l’économie américaine ces derniers temps.J’ai remarqué que la Réserve fédérale n’a pas vraiment beaucoup modifié ses prévisions économiques, du moins pas cette année; elle ne s’attend donc pas à beaucoup de répercussions. Elle a réduit ses prévisions de croissance pour l’année prochaine de quatre dixièmes de points de pourcentage, ce qui est un peu plus important, et je suppose que cela reflète simplement les répercussions de cette crise bancaire. Il y aura donc clairement des effets à long terme. Comme vous l’avez mentionné, cependant, nous n’avons pas encore modifié nos prévisions pour l’économie américaine. Je suppose que l’on peut supposer que la crise ne fera que compenser la récente résilience de l’économie, en évitant ainsi d’avoir à actualiser nos prévisions, comme nous étions tentés de le faire avant les récents événements. Cependant, la situation est très nouvelle.Le système bancaire canadien, moins fragmenté et très réglementé, ne devrait subir que des effets plus limités. Mais, comme le dit le vieil adage, lorsque les États-Unis éternuent, le monde s’enrhume; quelles seront donc les répercussions sur l’économie canadienne?Douglas Porter (07:36) : Absolument. Même si j’ai dit que la crise n’était pas celle de 2008, je vais faire un retour sur cette époque. Il était intéressant de noter qu’à ce moment-là, pendant cette crise très importante, beaucoup ont souligné que le Canada avait le système bancaire le plus solide et le plus résilient au monde, et je crois que c’était tout à fait exact. Pourtant, notre économie n’a pas du tout été épargnée pendant le repli. Dans les quatre trimestres qui ont suivi l’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008, l’économie canadienne a souffert autant que celle des États-Unis, au travers de canaux différents, même si notre système bancaire était encore très, très sain. Je pense que cela nous rappelle que, bien que nous ayons un système financier très sain, et c’est vrai, l’économie canadienne n’est pas une île : nous sommes touchés, que ce soit par le biais des marchés financiers, des prix des produits de base, ou de l’exportation.Donc, si l’économie américaine s’affaiblit vraiment, cela aura tendance à nuire à l’économie canadienne. Selon moi, les conséquences de la crise actuelle pourraient être un peu moins fortes au Canada. Nous n’avons pas observé de changement important des prix des produits de base, comme ce fut le cas en 2008. De plus, le secteur de l’automobile a frôlé la mort en 2008, ce qui a frappé le Canada plus durement que les États-Unis. En revanche, le secteur de l’automobile est en meilleure santé cette fois-ci. Soit dit en passant, même si nous parlons d’une récession en Amérique du Nord cette année, ce sera une récession très étrange, parce que les ventes d’automobiles vont augmenter, les producteurs rattrapant encore leur retard pris en raison des problèmes de production des dernières années.Donc, pour conclure, je dirais que nous ne pouvons pas du tout nous reposer sur nos lauriers. Si les États-Unis traversent une période de repli, je suppose que le Canada le fera aussi, mais il y a de bonnes raisons de penser qu’il restera relativement résilient. Soit dit en passant, le budget fédéral d’Ottawa a récemment été publié et il est intéressant de noter que le gouvernement fédéral ne prévoit qu’une croissance de 0,3 % cette année pour le Canada, ce qui est très prudent. Nous avons cru faire preuve de prudence en prévoyant une croissance de seulement 0,7 % au pays, alors que celle de la Banque du Canada est de 1 %; le budget de cette année a donc essentiellement été préparé en fonction d’une période économique assez difficile.Sal Guatieri (09:57) : Oui, j’aurais tendance à être d’accord. De toute évidence, le Canada ne sera pas épargné par ces événements, mais, comme vous le savez, notre solide système bancaire pourrait nous protéger contre le pire des tensions financières mondiales. En même temps, il est possible que nous finissions par profiter de la baisse des taux d’intérêt à long terme, que nous observons déjà; ces avantages se manifesteront clairement plus pour les consommateurs canadiens que pour les consommateurs américains, simplement parce que nous nous sommes endettés davantage et que nous sommes plus sensibles à la hausse des taux d’intérêt de l’année dernière. Cela pourrait être un soulagement, surtout pour les détenteurs de prêts hypothécaires au Canada et cela pourrait se traduire par une performance économique un peu meilleure ici. L’une des conséquences de ces turbulences est qu’elles ont détourné l’attention de l’inflation, mais celle-ci rôde toujours et se renforce, en restant assez stable, surtout aux États-Unis et en Europe. Y a-t-il de bons côtés à cette crise financière qui pourraient contribuer à calmer l’inflation?Douglas Porter (10:59) : Je crois qu’à la marge, oui. Nous avons également observé une certaine modération des prix de l’énergie, en particulier du gaz naturel, qui n’est pas liée aux tensions sur les marchés. Cependant, le repli et les prix du pétrole que nous avons observés au cours des premières semaines de tension dans le secteur bancaire sont en grande partie attribuables aux craintes que la croissance mondiale en subisse les contrecoups. Je dirais donc qu’à la marge, cela sert un peu la cause de la banque centrale. De plus, nous avons observé des signes modérément encourageants indiquant que l’inflation sous-jacente commence à diminuer, en particulier au Canada, et de façon un peu moins évidente jusqu’à présent aux États-Unis. Mais dans l’ensemble, la réalité est que nous avons encore du chemin à parcourir. Comme je l’ai dit, à la marge, cela aidera un peu, mais la réalité est qu’au Canada, nous avons toujours une inflation sous-jacente de près de 5 %, un peu plus élevée qu’aux États-Unis; c’est beaucoup plus élevé que tout ce que nous avons connu depuis un certain temps. En bref, je pense qu’il y a une petite lueur d’espoir, mais cela ne change rien au fait que les banques centrales ont encore beaucoup de travail à faire à cet égard.Sal Guatieri (12:13) : Je suis donc d’accord pour dire que l’incidence sur l’inflation serait probablement assez minime. Elle sapera probablement en grande partie la confiance des consommateurs et leurs dépenses diminueront, et peut-être que les ménages seront un peu plus enclins à s’opposer aux hausses de prix s’ils sont de plus en plus préoccupés par les perspectives économiques. Il est tout à fait possible que nous assistions à un recul un peu plus marqué des dépenses discrétionnaires dans les services, comme les voyages, et c’est ce secteur qui est essentiellement la principale source de pression inflationniste. Cette tension pourrait donc avoir un effet bénéfique marginal, du moins en ce qui concerne la réduction de l’inflation. À l’heure actuelle, les banques centrales, et en particulier la Fed, sont prises entre l’inflation persistante et l’instabilité financière potentielle, deux problèmes qui exigent essentiellement des politiques pour les régler. Quelle sera l’incidence de la situation sur la Fed?Douglas Porter (13:11) : Absolument. Et, bien entendu, la première réaction des marchés à ces turbulences a été de revenir immédiatement à ses vieilles habitudes et de commencer à chercher des réductions de taux, non seulement de la part de la Fed, mais aussi de la part de la Banque du Canada et peut-être d’autres. Et, bien entendu, dans les premiers jours, un certain nombre de banques centrales ont pris des décisions sur les taux presque immédiatement, et au cœur de certaines des pires phases initiales de la tourmente, et la plupart d’entre elles ont simplement pris la décision de continuer d’aller de l’avant avec des hausses massives qui correspondent presque exactement à ce à quoi nous nous serions attendus dans les semaines précédant les nuages bancaires. Tout d’abord, je crois que cela montre, pour répondre à votre question, qu’ils sont vraiment pris dans une situation difficile, où ils sont aux prises avec des pressions financières, d’une part, et avec une inflation sous-jacente très élevée, d’autre part et, de toute évidence, les décideurs ont tenté de diviser cela en deux catégories. Premièrement, les hausses de taux d’intérêt continueront d’être leur outil de lutte contre l’inflation, puis elles utiliseront toutes sortes d’autres outils pour tenter d’atténuer les difficultés financières. Nous verrons si elles peuvent continuer ainsi. Si les turbulences restent à l’écart puis s’estompent, je crois que les banques centrales pourront souffler un peu et procéder à de nouvelles hausses de taux d’intérêt. Je dirais que la Banque centrale européenne, par exemple, doit encore en faire beaucoup plus; je ne crois pas qu’elle soit sur le point d’en avoir terminé, contrairement à certaines autres banques centrales, mais je crois que c’est effectivement le plan de match.Si la tempête reprend de plus belle, nous devrons voir à quel point certaines de ces banques centrales sont courageuses. Je pense qu’il est possible que les marchés débattent encore de la question de savoir s’ils doivent à nouveau augmenter les taux en mai, comme ils l’ont indiqué. Je crois que si les turbulences réapparaissent, il y a de bonnes raisons de croire que la Fed devrait probablement rester sur la touche et peut-être même changer de cap en fonction de la gravité de la situation, parce que, comme nous l’avons mentionné plus tôt, si les turbulences se poursuivent et s’aggravent, elles auront des répercussions économiques et il serait en fait approprié que la Fed cesse de relever les taux et fasse peut-être même marche arrière, selon la gravité de la situation.Sal Guatieri (15:20) : La Fed, j’en conviens, devra vraiment mettre les bouchées doubles en matière de communication alors qu’elle jongle avec ses trois mandats : stabilité des prix, emploi maximum et, désormais, stabilité financière. Je la vois donc tenir un discours ferme sur l’inflation tout en s’engageant à faire rapidement marche arrière si le système financier a besoin de ce soutien, et son ton variera à mesure que les données et les événements évolueront. Le président de la Fed de Saint-Louis, M. Bullard, qui a en quelque sorte mené la charge en matière de relèvement des taux d’intérêt au cours de l’année dernière, a tenu des propos intéressants et a fait encore allusion à de nouvelles hausses de taux. Il a dit qu’il était très important d’utiliser ces outils macroéconomiques pour faire face aux difficultés du système financier, mais il a également indiqué que la Fed devait surveiller de près l’inflation. Il a donc communiqué sa préférence pour une nouvelle hausse de taux en mai, mais il est évident que la Fed est moins susceptible de relever encore de 100 points de base et de les porter à près de 6 %, comme le marché l’envisageait avant les événements récents; cela risquerait non seulement de provoquer un atterrissage brutal de l’économie, mais aussi d’accroître les pressions sur le système financier, de sorte qu’elle doit agir avec beaucoup plus d’agilité. La Banque du Canada, la première grande banque centrale à faire une pause dans ses hausses de taux, sera désormais contrainte d’inverser la vapeur et de réduire ses taux cette année, ce qui soulagera certainement les détenteurs de prêts hypothécaires au Canada.Douglas Porter (16:56) : En effet, la banque se trouve dans une situation intéressante, et tout d’abord, il est important de souligner qu’elle a eu de la chance, car le moment où elle a pris sa dernière décision en matière de taux a précédé de quelques jours la tempête qui a frappé les marchés financiers. Elle a donc pu prendre sa décision en fonction des seuls paramètres fondamentaux de l’économie. Pour répondre à votre question, elle a été la première grande banque centrale à faire une pause, et nous pensons qu’elle restera sur la touche jusqu’à la fin de l’année. Cela dit, et nous le mentionnons depuis un certain temps, nous pensons que les taux devraient atteindre 4,5 %, puis être maintenus à ce niveau pendant longtemps. Je crois qu’il y a beaucoup plus de chances qu’elle réduise les taux d’intérêt d’ici la fin de l’année.À un moment donné, le marché avait prévu d’importantes réductions au deuxième semestre. Je pensais que c’était prématuré, mais il y a une mince possibilité que la banque réduise les taux d’intérêt avant la fin de l’année, mais ce n’est pas notre choix officiel. Nous croyons qu’elle attendra jusqu’en 2024. Mais je dois dire que j’ai été impressionné, surtout par les chiffres canadiens, par le fait que l’inflation a été inférieure à nos estimations au cours des deux derniers mois et qu’il y a des signes de modération. Les salaires n’ont pas augmenté autant que je le pensais. Nous bénéficions certainement d’un répit du côté de l’énergie. Ce serait vraiment utile si nous constations une certaine modération des coûts des aliments. Même à cet égard, je crois qu’il y a des signes encourageants indiquant que les prix des aliments bruts commencent à baisser un peu, mais je crois qu’ils resteront quand même assez stables. Toutefois, de façon générale, je pense que si les choses restent calmes, la banque attendra probablement jusqu’à l’année prochaine avant de commencer à réduire les taux d’intérêt. Je pense qu’il faudrait que beaucoup de choses se passent bien du côté de l’inflation pour qu’elle les réduise cette année.Sal Guatieri (18:43) : Oui, je suis tout à fait d’accord. Je vois que si la poussière retombe, la banque continuera de durcir le ton à l’égard de l’inflation, mais qu’elle ne fera pas vraiment ce qu’il faut. C’est-à-dire qu’elle mettra constamment en garde contre la nécessité potentielle de reprendre les hausses de taux, mais qu’elle les maintiendra tant que l’inflation continuera d’augmenter. Je suis d’accord qu’il a une mince possibilité de réduction des taux, même plus tôt que prévu, mais cela devrait être dû au fait que le stress financier s’intensifie et que nous entrevoyons un plus grand coup dur pour l’économie ou que l’inflation nous surprenne positivement et qu’elle baisse beaucoup plus rapidement que prévu, ce qui est possible. Mais je suis d’accord : il ne fait aucun doute que le coût des aliments demeure assez élevé et que l’inflation des services est encore un peu élevée, même si l’état de l’inflation au Canada est beaucoup plus reluisant que dans de nombreux autres pays. Je crois que la Banque du Canada fera preuve d’une grande prudence et reportera toute réduction de taux au début de l’année prochaine. Enfin, pouvons-nous tirer des leçons de ces difficultés financières actuelles?Douglas Porter (19:57) : Eh bien, je serais intéressé d’entendre vos commentaires à ce sujet, Sal, mais si nous repensons aux deux premières questions que vous m’avez posées et qui supposent ce scénario, nous constatons qu’il s’est grandement atténué. Je pense que la leçon la plus importante à tirer est que, dès que ce genre d’enjeux émerge, il est important que les décideurs politiques s’y attaquent avec force, et c’est ce que nous avons vu cette fois-ci. Ce n’est pas comme si les problèmes avaient disparu rapidement, mais il semble que les dégâts ont été limités en peu de temps. Si on repense à 2007-2008, nous avons traversé la crise étape par étape et elle n’a cessé de s’aggraver et, comme je l’ai dit, elle a duré plus d’un an et demi. Avec le recul, je crois que les décideurs auraient dû s’y attaquer beaucoup plus vigoureusement dès le début, lorsqu’il est devenu assez évident qu’ils étaient aux prises avec un événement important.Sal Guatieri (20:49) : Oui, j’aurais tendance à être d’accord avec vous, Doug. Je crois qu’une leçon à tirer de tout cela, et j’espère que les décideurs l’apprendront, c’est que des politiques excessivement expansionnistes, qu’elles soient monétaires ou budgétaires, peuvent finir par créer autant de problèmes que des politiques trop strictes. En tant qu’économistes, nous savons qu’il n’y a rien de donné en économie, mais il semble toujours nécessaire de nous rappeler cette maxime. Je pense qu’il s’agit là d’un véritable test pour le climat réglementaire plus sévère qui prévaut depuis 2008. Oui, ces nouvelles règles ont été mises à l’épreuve pendant la pandémie, mais le choc a été très inhabituel. Je crois que cette récente crise est beaucoup plus conventionnelle et, espérons-le, beaucoup plus facile à gérer pour les décideurs.Merci pour cette discussion, Doug. Je suis certain qu’elle aidera nos auditeurs à être mieux informés et à prendre les bonnes décisions de placement pour surmonter ces nouvelles difficultés économiques.Douglas Porter (21:53) : Merci de m’avoir invité!

L’épargne et les liquidités excédentaires peuvent-elles sauver l’expansion?
Le vaste réservoir d’épargne et de liquidité des ménages devrait continuer de soutenir les dépenses aux États-Unis et au Canada pendant un certain temps, protégeant l’économie contre tous les effets du resserrement monétaire. Mais ce filet de sécurité pourrait toutefois être une épée à double tranchant s’il soutient l’inflation et mène à des taux d’intérêt encore plus élevés. Sal Guatieri s’entretient avec Michael Gregory, économiste en chef délégué à BMO, au sujet des liquidités et de l’épargne excédentaires, et de leur incidence sur l’économie, l’inflation et les banques centrales.
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- Sal Guatieri (00:00) : Bonjour à tous. Bienvenue à notre entretien en baladodiffusion. Ici Sal Guatieri. J’accueille Michael Gregory, économiste en chef délégué, pour discuter de l’une des principales raisons qui pourraient bien permettre à l’économie d’éviter la récession cette année ou, au moins, de faire face à une récession très légère. Je parle des liquidités massives injectées dans l’économie pour lutter contre la pandémie, en grande partie engrangées par les ménages et qui dorment toujours dans des comptes bancaires. Mais ce qui est bon pour l’économie ne l’est pas nécessairement pour les banques centrales qui tentent de juguler l’inflation. Michael, commençons par la situation aux États-Unis. Pouvez-vous nous parler de l’ampleur des liquidités excédentaires injectées (?) dans le système financier?Michael Gregory (00:38) : Bien sûr. Il ne faut pas perdre de vue que le gouvernement américain et la Fed ont apporté à l’économie un soutien beaucoup plus important que celui du gouvernement canadien et de la Banque du Canada à l’économie canadienne, en particulier en au niveau des entreprises. Les entreprises ont aussi une grande partie de ces liquidités qui circulent. Il faut garder à l’esprit que c’est un peu différent au Canada. Mais à l’heure actuelle, quand on examine la tendance sous-jacente de la croissance de la masse monétaire et qu’on parle de liquidités, de quoi parle-t-on? Les dépôts et les fonds monétaires font partie intégrante de la masse monétaire, et on constate qu’on dépasse actuellement d’environ 3 500 milliards de dollars le niveau que laissait augurer la tendance observée avant la pandémie. Cela représente plus de 13 % du PIB nominal. Ces liquidités excédentaires qui dorment littéralement, comme vous l’avez dit, dans des comptes de dépôts bancaires et des fonds de placement du marché monétaire sont donc assez importantes.Sal Guatieri (01:44) : Il ne fait aucun doute que les entreprises disposent encore d’importantes liquidités excédentaires, tout comme les gouvernements des États, dans une certaine mesure. Mais les ménages américains ont vraiment beaucoup augmenté leur épargne. Selon nos estimations, cela dépassait 2 000 milliards à l’automne 2021. Jusqu’à ce moment-là, les ménages mettaient de côté une beaucoup plus grosse part de leurs revenus que selon la norme quinquennale d’avant la pandémie, qui frôlait 8 %. Maintenant, ils ont commencé à puiser dans ces liquidités et le taux d’épargne, inférieur à 3 %, a rarement été aussi bas. Nous pensons donc que l’épargne excédentaire a quelque peu diminué, mais sans doute d’un tiers environ, et les ménages ont encore probablement près de 1 500 milliards de dollars dans leurs comptes. Ce qui représente 9 % du revenu après impôt et n’est donc pas négligeable. Comme vous le savez, la plus grande partie des fonds semblent dormir dans des comptes de dépôts bancaires ou des fonds du marché monétaire, ce qui procure une bonne protection en cas de difficultés. Michael, qu’en est-il du Canada? Nous savons que les liquidités excédentaires y sont aussi considérables. Pouvez-vous nous en parler un peu?Michael Gregory (02:51) : Bien sûr. Disons que, comme je l’ai déjà mentionné, étant donné que les entreprises n’ont pas reçu autant de soutien direct qu’au sud de la frontière, les liquidités excédentaires sont moindres, proportionnellement à l’économie. Nous estimons qu’elles sont de l’ordre de 11 % du PIB normal, ce qui, très franchement, dépasse quand même 300 milliards de dollars; c’est donc énorme. Fait intéressant, au Canada, contrairement aux États-Unis, les liquidités excédentaires relatives ont commencé à fléchir, tout comme la tendance – on observe cela des deux côtés de la frontière. Or, en chiffres absolus, cela n’a pas encore commencé à baisser au Canada. Cela reflète, à mon sens, un phénomène très intéressant : une portion de plus en plus grande de ces fonds est placée dans des titres à revenu fixe… Pardon, des dépôts à terme à taux fixe, qui ne sont pas nécessairement une réserve de pouvoir d’achat potentiel, comme le seraient, par exemple, les fonds placés dans des dépôts à vue ou à préavis. Je précise que ces derniers sont en recul au Canada, en termes absolus. Il y a donc beaucoup de liquidités, mais qui commencent à fléchir par rapport à la tendance.Sal Guatieri (04:08) : Oui, et sans doute plus qu’aux États-Unis, ce sont probablement les ménages qui ont amassé le plus de ces fonds. Pendant les périodes de fermeture de 2020, les ménages canadiens ont épargné près du quart de leur revenu disponible, ce qui est exceptionnel. Maintenant, leur taux d’épargne est tombé à environ 6 %, mais il reste bien supérieur à la norme quinquennale antérieure à la COVID-19, qui était de l’ordre de 2 %. Autrement dit, les ménages continuent d’amasser davantage de fonds, dans une certaine mesure, et on estime que cela dépasse largement 300 milliards de dollars, soit la somme colossale de 23 % du revenu disponible. Même en supposant que le taux d’épargne normal dépasse celui observé au cours des cinq années précédant la pandémie et se rapproche plutôt de 8 %, conformément à la moyenne à long terme, un certain excès d’épargne persisterait pendant un certain temps au Canada, sans doute au moins six ans grosso modo. Nous savons qu’une grande partie de cette épargne excédentaire reste placée dans les dépôts bancaires, mais comme vous l’avez mentionné, une bonne part semble maintenant allouée aux dépôts à terme ou à d’autres types de placements plutôt qu’aux besoins de consommation. Michael, pouvez-vous expliquer en quoi les liquidités excédentaires entravent la capacité de la banque centrale à maîtriser l’inflation?Michael Gregory (05:33) : Oui. Selon un vieil adage, Sal, rien de tel que la hausse des prix pour enrayer la hausse des prix. L’idée est que la hausse des prix érode le pouvoir d’achat et freine la demande et l’offre relative, ce qui finit par régler ou, à tout le moins, atténuer certaines des pressions inflationnistes. Mais si vous avez toujours les moyens de continuer à payer le prix fort parce que vous pouvez puiser dans des réserves de liquidités, alors, malgré la hausse de l’inflation, vous continuez à dépenser de l’argent parce que vous le pouvez, parce que vous avez les liquidités nécessaires pour le faire. Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, par exemple, les coûts d’emprunt pour acheter un nouveau véhicule sont plus élevés, mais comme vous avez de l’argent à la banque, vous achetez tout de même la voiture. En fait, toutes ces liquidités et toute cette épargne excédentaire entravent un peu les tentatives de la Banque du Canada et de la Fed pour ralentir l’économie, freiner les dépenses en haussant les taux d’intérêt et, idéalement, faire baisser l’inflation. Du coup, même si cela atténue le repli potentiel, ce qui est positif, cela rend l’inflation peut-être un peu plus tenace qu’elle ne le serait autrement.Sal Guatieri (06:54) : Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous. Cela fait près d’un an que les banques centrales tentent de ralentir la demande, de freiner le marché de l’emploi en ébullition, et l’inflation, mais l’excédent d’épargne ne les aide certainement pas tellement. Disons que cet excédent d’épargne a pour effet de lisser les dépenses eu égard aux chocs que nous observons ou que subissent les ménages depuis un an, en matière de patrimoine et de taux d’intérêt. Essentiellement, cette épargne renforce la résilience de l’économie. Aux États-Unis, nous estimons que les ménages ont puisé dans leur épargne l’équivalent d’environ 3 % du PIB nominal, à la hauteur d’un tiers de leurs économies. Ils disposent donc d’un filet de sécurité assez solide pour subvenir à leurs besoins face aux facteurs défavorables que représentent l’inflation élevée et la hausse des coûts des prêts.Et même s’ils continuent à puiser dans leur épargne à ce rythme, nous pensons que l’excédent pourrait diminuer d’environ un tiers par rapport au montant initial; mais, là encore, cela apporterait un soutien de l’ordre de 3 % du PIB nominal cette année. C’est donc un soutien considérable à l’économie par le biais de dépenses. Et les ménages canadiens, comme vous l’avez mentionné, puisent sans doute moins dans leur excédent d’épargne pour couvrir leurs dépenses que pour d’autres raisons, peut-être à des fins de placement. Il n’en demeure pas moins que, comme ils n’ont pas tellement puisé dans leur épargne pour couvrir leurs dépenses, ils disposent encore de fonds importants pour soutenir l’économie et, disons, affronter ces obstacles. Je suppose donc que les banques centrales devront composer avec la possibilité que l’économie se montre plus résiliente – peut-être comme nous le voyons déjà – qu’elles ne le souhaiteraient dans ce contexte de lutte contre l’inflation. Michael, cela fait longtemps que les banques centrales ne ciblent plus la masse monétaire pour maîtriser l’inflation et préfèrent cibler l’inflation elle-même. Mais pouvons-nous tirer quelque chose d’utile des tendances récentes des agrégats monétaires?Michael Gregory (09:07) : C’est une excellente question, Sal. Il est vrai qu’à une époque, les économistes professionnels, comme vous et moi, retenaient leur souffle en attendant que les banques centrales dévoilent leurs nouveaux objectifs de croissance de la masse monétaire. On suivait l’évolution de la masse monétaire sur une base hebdomadaire et mensuelle pour voir comment cela se passait et si les banques centrales allaient devoir serrer la vis ou non. Les choses ont changé. Comme vous l’avez mentionné, et comme l’a dit très justement l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Gerald Bowie, il me semble que les banques centrales mondiales n’ont pas abandonné les objectifs de masse monétaire, mais que ces objectifs se sont perdus. Autrement dit, tellement d’innovations ont été introduites dans le système bancaire et les marchés financiers que le rapport entre la croissance de la masse monétaire et des facteurs comme l’inflation ou la croissance du PIB nominal s’est obscurci, même à long terme.Cela dit, il y a encore de l’information sur la croissance du crédit et, vous savez, il suffit de regarder le type de croissance du crédit, comme celle qui a soutenu une grande part de l’activité immobilière observée au Canada jusqu’à très, très récemment. Cette explosion du crédit était aussi étroitement liée à la hausse rapide du prix des logements. Il existe donc des liens entre la croissance de la masse monétaire du crédit, en quelque sorte, et l’inflation. D’autant que nous traversons une période durant laquelle la demande excédentaire stimule vraiment l’inflation, dans la mesure où la masse monétaire, les dépôts et les fonds de placement du marché monétaire constituent, disons, une réserve de pouvoir d’achat futur. Cela donne tout au moins une idée des risques associés aux perspectives d’inflation.Sal Guatieri (10:59) : Oui, et je suppose que les banques centrales peuvent trouver un certain réconfort en constatant que les agrégats monétaires augmentent à peine à l’heure actuelle, s’ils ne diminuent pas. Disons que la corrélation avec l’inflation n’est pas parfaite, mais il me semble que cela indique que l’inflation devrait ralentir dans une certaine mesure compte tenu du ralentissement de la croissance monétaire. Je suppose que, parallèlement à la masse monétaire, les banques centrales s’intéresseront aussi à la distribution inégale de l’épargne excédentaire et l’incidence que cela a sur l’économie. Nous savons qu’aux États-Unis, les dépôts bancaires des ménages à revenu moyen ou élevé ont assez fortement augmenté pendant la pandémie et restent importants à ce jour. En revanche, les dépôts détenus par les ménages dont le revenu se situe dans le quintile inférieur, en particulier les deux groupes aux revenus les plus faibles, ont essentiellement suivi la tendance ascendante observée avant la pandémie; et il semble que ces fonds excédentaires ont maintenant largement été utilisés pour répondre à la demande refoulée ou simplement pour couvrir le coût de plus en plus élevé des biens de première nécessité comme la nourriture, le carburant et le logement.Bref, dans l’ensemble, les ménages américains disposent peut-être d’une marge de sécurité substantielle pour faire face au repli prévu. Mais je crois que les banques centrales seront conscientes du fait qu’une grande partie de cette épargne est maintenant entre les mains de ménages qui sont moins susceptibles de dépenser cet argent que les groupes à faible revenu. L’économie ne jouira peut-être pas du même soutien que l’année dernière. En ce qui concerne le Canada, nous savons que la hausse du coût des biens de première nécessité a durement frappé la capacité d’épargne des personnes à faible revenu… Au Canada, on estime que l’épargne nette s’est en fait contractée ces dernières années parmi les personnes dont le revenu se situe dans la tranche inférieure de 40 %, alors qu’elle a encore nettement augmenté pour les deux premiers quintiles de revenu. Il est donc assez évident que les ménages à faible revenu ne puiseront pas beaucoup dans leur épargne pour couvrir leurs dépenses. D’une certaine façon, je suppose que cela facilitera un peu la tâche des banques centrales à l’égard de l’inflation, car ces ménages devront lutter contre la hausse des prix, ce qui favorisera peut-être la stabilisation des prix. Michael, pouvez-vous nous faire part de vos réflexions finales sur nos perspectives économiques et les risques connexes?Michael Gregory (13:28) : Avec plaisir. Disons que les banques centrales ont relevé les taux d’intérêt assez brusquement de part et d’autre de la frontière. Comme nous le savons, la Banque du Canada marque actuellement une pause conditionnelle. La Fed a laissé entendre qu’elle prévoyait encore deux ou trois hausses de taux. Mais nous commençons maintenant à voir les répercussions de la hausse des taux d’intérêt sur l’économie. N’oubliez pas que les premiers tours de vis ont eu lieu en mars dernier et que les plus musclés ont été imprimés peu de temps après. C’est donc maintenant que l’économie va commencer à ressentir le plus gros impact. Alors, certes, nous sommes préoccupés par la persistance d’un certain élan économique, qui pourrait très franchement s’expliquer par les températures relativement douces dans de nombreuses régions d’Amérique du Nord. Mais nous nous attendons toujours à ce que le resserrement monétaire très musclé, qui, soit dit en passant, s’est accompagné d’un resserrement quantitatif, car la Banque du Canada et la Fed laissent diminuer la taille de leurs bilans, ce qui contribue indirectement à la réduction des liquidités...Nous pensons, à l’approche des deuxième et troisième trimestres de l’année, que l’économie connaîtra sans doute un ralentissement. Il devrait toutefois être modéré, selon les normes historiques, tout simplement en raison de ce dont nous avons parlé aujourd’hui : cet excédent d’épargne et ces liquidités supplémentaires. Ainsi que de la demande refoulée, qui reste importante, et se traduira par des « dépenses de revanche ». Un facteur très important, selon moi, qui rend ce cycle un peu différent des autres, est que nous amorçons ce repli potentiel en ayant encore littéralement des pénuries de main-d’œuvre et une très forte demande de main-d’œuvre par rapport à l’offre disponible. Nous ne prévoyons donc pas de bond massif du taux de chômage qui exacerberait normalement un ralentissement économique. La situation comporte donc des aspects positifs, malgré les accrocs que rencontrera vraisemblablement l’économie à l’avenir.Sal Guatieri (15:38) : Absolument. Et je pense que ces obstacles touchent tout autant l’économie canadienne que l’économie américaine. On nous demande toujours pourquoi on s’attend à ce que l’économie canadienne faiblisse autant que l’économie américaine, alors que les taux d’intérêt au Canada ne semblent pas monter aussi rapidement qu’aux États-Unis. Notre réponse est que ce n’est sans doute pas sans raison que les ménages canadiens épargnent actuellement plus que les familles américaines; c’est tout simplement parce qu’ils ont de plus lourdes dettes à rembourser. Vous savez, un tiers des ménages canadiens ont un prêt hypothécaire, et bon nombre d’entre eux mettent probablement d’autres fonds de côté pour couvrir ces milliers de dollars de versements annuels supplémentaires à effectuer lors du renouvellement. La plupart des détenteurs de prêts hypothécaires américains à long terme à taux fixe n’ont pas vraiment à se préoccuper de cela.Alors, disons que, même si les taux d’intérêt n’augmentent pas autant au Canada qu’aux États-Unis et que les ménages canadiens ont peut-être un peu plus d’argent de côté que les américains, ils tendent aussi à consacrer une plus grande partie de cette épargne au remboursement ou au service de la dette, tout simplement, plutôt qu’à des dépenses soutenant l’activité économique. Je suppose que nous pouvons conclure la rencontre. Merci beaucoup, Michael. Pour récapituler, les vastes réserves de liquidités et d’épargne des ménages, combinées au système financier, devraient soutenir les dépenses pendant encore un an aux États-Unis, voire plus longtemps au Canada, et protéger nos économies contre le plein effet des taux d’intérêt élevés. Même si la puissance de tir est plus susceptible de retarder que d’empêcher un léger repli, elle pourrait aider l’économie à repartir de l’avant d’ici l’année prochaine. Malheureusement, cette protection offerte par l’épargne pourrait être une arme à double tranchant si elle entretient l’inflation et se traduit par des taux d’intérêt encore plus élevés, tant aux États-Unis qu’au Canada. Tout dépend donc de l’évolution de l’inflation cette année. Alors merci à tous de nous avoir écoutés.

Toujours vers une récession?
Alors que les économies américaine et canadienne affichent des poches de résilience, de plus en plus d’investisseurs se demandent si l’une ou l’autre se dirige toujours vers un ralentissement largement attendu en 2023. Sal Guatieri explique si les économistes de BMO ont changé leur point de vue sur les probabilités de récession et explique pourquoi la récession sera assez modérée par rapport aux comparaisons historiques.
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- Sal Guatieri : Bonjour à tous et bienvenue à notre balado. Je m’appelle Sal Guatieri. Malgré une avalanche de hausses de taux l’année dernière, les économies du Canada et des États-Unis, et en particulier les marchés du travail de ces deux pays, font preuve d’une certaine résilience. La croissance du PIB au quatrième trimestre est restée positive pour le pays de la feuille d’érable et celui de l’Oncle Sam, même si elle a ralenti par rapport au bon taux de 3 % enregistré le trimestre précédent. Cette vigueur soulève des questions. Or, si nous entrons en récession, comme le prévoient la plupart des économistes, dont nous-mêmes, qu’est-ce qui peut expliquer la durabilité du cycle économique? Il y a probablement au moins quatre facteurs en jeu.Premièrement, les taux d’intérêt réels ne sont pas très élevés, même après les hausses des taux directeurs enregistrées des deux côtés de la frontière, qui totalisent au moins 400 points de base. Les ménages anticipant une inflation à long terme de l’ordre de 3 %, les taux d'intérêt réels actuels, inférieurs à 2 %, ne sont que modérément restrictifs. En revanche, avant les trois récessions qui ont précédé la pandémie, les taux directeurs réels dépassaient 2 %.Deuxièmement, la politique monétaire fait sentir ses effets après un certain délai, les hausses de taux mettant souvent de quatre à six trimestres pour freiner complètement la demande. Par conséquent, il se pourrait que les répercussions des mesures passées prises par la Réserve fédérale ne se fassent pas sentir pleinement avant la fin de l’année, voire avant l’an prochain.La troisième source de soutien est l’important coussin d’épargne que les ménages ont constitué pendant la pandémie. Bien qu’elle rétrécisse rapidement en raison de l’inflation élevée, cette marge de sécurité est encore estimée à plus de 1 600 milliards de dollars, soit 10 % du revenu disponible aux États-Unis et une part encore plus importante du revenu au Canada. La baisse marquée des prix de l’essence a également contribué à la durabilité, laissant un peu plus d’argent dans les poches des gens. Cependant, l’augmentation du coût du chauffage cet hiver et la hausse à deux chiffres du prix des aliments l’an dernier nous rappellent que l’inflation induit toujours une ponction nette sur le pouvoir d’achat.La vigueur récente de l’économie donne-t-elle à penser qu’il n’y aura pas de récession?Probablement pas, hélas. La plupart des indicateurs historiques de récession pointent encore vers un ralentissement. L’un des plus fiables est la pente de la courbe des taux. À l’exception du ralentissement provoqué par la pandémie, chaque récession aux États-Unis au cours du dernier demi-siècle a été précédée d’une inversion soutenue de la courbe. Cela a peut-être pris un certain temps après l’inversion initiale, mais l’économie s’est toujours contractée.Avec le rendement actuel des obligations du Trésor à 10 ans, qui est inférieur de 70 points de base à celui de l’émission à deux ans, l’écart négatif est le plus important en quatre décennies. Compte tenu de l’excellence des antécédents de la courbe des taux, une équation de récession élaborée par la Réserve fédérale, fondée sur la différence entre les taux des bons du Trésor à trois mois dans 18 mois et les taux actuels, place la probabilité d’un ralentissement au cours de l’année à venir à environ 90 %.Un autre indicateur fiable de l’inflation est l’indice des indicateurs économiques avancés du Conference Board, qui recule presque toujours avant une récession. La série actuelle de dix baisses consécutives, en partie attribuable à l’inversion de la courbe des taux, mais aussi à la diminution des permis de construire et des heures de travail, envoie un coup de semonce clair pour l’expansion.Dans l’ensemble, les conditions financières sont un autre signe de difficultés potentielles. Ces derniers temps, la hausse des coûts d’emprunt et la baisse de la valeur nette des maisons ont plombé les conditions financières. Nos mesures internes donnent à penser que la baisse réduira d’environ deux points de pourcentage la croissance du PIB des États-Unis cette année et d’un peu plus celle du Canada. Étant donné que l’économie croît habituellement autour de 2 %, l’affaiblissement des conditions financières pourrait être suffisante pour nous faire basculer dans une légère récession.Les marchés du travail, encore en bonne santé bien qu’en ralentissement, laissent-ils entrevoir des perspectives de récession?Les entreprises canadiennes et américaines continuent d’embaucher un grand nombre de travailleurs, car elles tentent de combler la demande élevée tout en faisant face à une pénurie de main-d’œuvre et à des maladies. Cette résilience des marchés du travail pourrait faire en sorte qu’une récession survienne plus tard que prévu, c’est-à-dire après la première moitié de l’année, lorsque le poids tout entier des mesures monétaires passées se fera sentir. Deuxièmement, la gravité de la récession pourrait être atténuée, car un marché du travail robuste peut soutenir les salaires, la confiance et les dépenses. Troisièmement, la récession pourrait être complètement évitée, surtout si l’inflation baisse plus rapidement et entraîne l’assouplissement des conditions financières.Nous estimons les chances d’un atterrissage en douceur à près d’une sur trois; ce n’est pas formidable, mais ce n’est pas non plus improbable. Selon un point de vue plus pessimiste, cependant, l’essor du marché de l’emploi pourrait ne faire que retarder la récession, ce qui rigidifierait encore plus l’inflation et pourrait entraîner de nouvelles hausses de taux dans un cycle de resserrement déjà énergique.En résumé, la plupart des indicateurs de récession restent malheureusement de mauvais augure. À moins que l’inflation ne baisse rapidement, les économies canadienne et américaine semblent se diriger vers des difficultés, ce qui est habituellement favorable aux obligations. De plus, l’épargne supplémentaire et peut-être les mises à pied moins nombreuses en raison de la pénurie de main-d’œuvre actuelle donnent à penser que le ralentissement pourrait être léger et d’assez courte durée. Il y a même une chance raisonnable d’éviter une récession, selon le comportement de l’inflation cette année. Dans ce cas, les marchés obligataires et boursiers pourraient bien annuler certaines des pertes importantes de l’an dernier. Merci d’avoir été à l’écoute.

Inflation : Où maintenant ?
Dans cet épisode, Douglas Porter et Sal Guatieri reviennent sur une conversation qu'ils ont eue il y a quelques mois sur les moteurs de l'inflation et sur sa direction probable. À l'approche de 2023, il n'y a pas plus d'influence qu'une inflation la plus élevée depuis plusieurs décennies sur les perspectives des taux d'intérêt, de l'économie et des marchés financiers.
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- Sal Guatieri (00:00) : Bonjour à tous et bienvenue à ce balado. Je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagné de Doug Porter, économiste en chef, pour une autre discussion sur les perspectives inflationnistes. Au cours des dernières semaines, nous avons appris plus de bonnes nouvelles que de mauvaises à ce sujet, notamment la baisse des prix du pétrole et l’amélioration de la situation du côté des chaînes d’approvisionnement. Mais est-ce suffisant pour mettre fin à la campagne sans merci de hausse des taux des banques centrales qui risque maintenant de plonger l’économie dans une récession?Doug, nous avons parlé pour la dernière fois de nos prévisions en matière d’inflation dans le cadre d’un de ces balados en juillet, et nous avons tenté de déterminer si le pire était derrière nous. À ce moment-là, nous avons conclu que non, que même si nous allions bientôt atteindre un sommet, le retour à la stabilité des prix serait douloureusement lent. Depuis, nous avons eu des preuves que l’inflation au Canada et aux États-Unis a effectivement atteint un sommet, mais nous continuons à croire que le consensus et les investisseurs sous-estiment la persistance de l’inflation. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?Douglas Porter (00:55) : Oui, et je m’en tiendrais au thème général dont nous avons parlé la dernière fois. Il semble en effet que le pire soit passé, mais à ce stade-ci, nous en sommes arrivés à cette conclusion en grande partie simplement à cause des prix de l’énergie. La plupart des améliorations que nous constatons, qu’il s’agisse des plus récents chiffres sur l’Europe ou de la réduction des prix que nous avons observée plus tôt aux États-Unis et au Canada, ont été en grande partie attribuables au prix de l’essence. Par ailleurs, la situation est très différente en ce qui a trait à l’inflation sous-jacente, et je crois que c’est là-dessus que la Banque du Canada et la Réserve fédérale vont se concentrer, et nous n’avons vraiment constaté aucune amélioration à cet égard.Au Canada, en fait, l’inflation de base continue à augmenter. Elle est maintenant supérieure à 5 % aux États-Unis, et l’inflation fondamentale ou sous-jacente exclut les secteurs de l’alimentation et de l’énergie, et persiste légèrement au-delà des 6 %. Je continue à croire que ce qui nous surprendra au cours de la prochaine année, même si nous avons droit à un certain répit à l’égard des prix de l’énergie, c’est que l’effet de ces mesures de base fera encore baisser les taux de façon lente et frustrante. Nos prévisions demeurent donc légèrement supérieures à celles du consensus concernant l’inflation, tant au Canada qu’aux États-Unis. Cela dit, il ne fait aucun doute qu’il y a eu des indicateurs positifs. Je crois que les nouvelles sur le repli des prix de l’énergie sont excellentes, surtout en ce qui concerne les perspectives inflationnistes, bien entendu, mais il reste encore du chemin à faire. Et je maintiens que l’inflation surprendra le consensus avec des valeurs supérieures à celles attendues au cours de la prochaine année, malgré les bonnes nouvelles concernant les prix de l’énergie.Sal Guatieri (02:23) : Oui, les nouvelles semblent vraiment bonnes, les taux d’inflation baissent, mais si l’on tient compte de certains de ces éléments volatils et de l’aide que nous recevons pour réduire les coûts de l’énergie, les mesures de base des deux côtés de la frontière demeurent très élevées et loin d’atteindre la cible de 2 %. J’aurais tendance à être d’accord pour dire qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire à cet égard.Maintenant que la demande des consommateurs s’oriente vers les services qui avaient été reportés plutôt que vers des biens largement consommés pendant la pandémie, il semble que l’inflation touche aussi les services, ce qui est inquiétant, car elle a tendance à être plus persistante dans ce secteur que dans celui des biens. Est-ce l’une des principales raisons pour lesquelles nous entrevoyons un risque de hausse de l’inflation?Douglas Porter (03:10) : Oui, absolument, et je crois que c’est un point très important. Vous avez souvent entendu dire au cours de la dernière année qu’il s’agit surtout d’un problème lié aux chaînes d’approvisionnement. La demande des consommateurs pour des biens comme les automobiles, le mobilier et les appareils ménagers était forte, et ce n’est tout simplement plus le cas. C’est une bonne nouvelle que la situation du côté des chaînes d’approvisionnement s’améliore. Elle n’est pas tout à fait revenue aux niveaux antérieurs à la pandémie, surtout dans le secteur de l’automobile. Mais en général, nous constatons que les pressions sur la chaîne d’approvisionnement diminuent un peu. Nous entendons beaucoup d’histoires de détaillants qui ont dû réduire leurs prix de façon un peu plus importante, car ils ont accumulé beaucoup de stocks. Nous avons entendu dire que les prix des produits de base, au-delà de ceux du pétrole, ont baissé après avoir atteint des sommets.Ce sont de très bonnes nouvelles. Cela montre que le pire de la pression inflationniste sur les biens est derrière nous. Mais la moins bonne nouvelle, c’est que nous constatons exactement le contraire dans le secteur des services. En fait, l’inflation des prix des services continue à s’accélérer et elle est attribuable à de nombreux facteurs différents, mais à la base, ce sont les salaires qui ont tendance à la stimuler. Ne vous méprenez pas, les salaires n’ont pas été la principale cause de l’inflation que nous avons connue au cours des 18 derniers mois. Mais je crois que c’est presque comme une deuxième ronde et que c’est l’effet de la forte hausse des prix des produits de base, du pétrole et des aliments que nous avons observée au cours de la dernière année.Et la banque centrale a toujours craint que la hausse initiale de ces éléments précis entraîne une inflation plus importante, de même qu’une inflation des salaires qui deviendrait beaucoup plus persistante. Je crois vraiment que c’est ce qu’il faut surveiller. Oubliez les éléments comme la chaîne d’approvisionnement; ils sont toujours problématiques, mais ce n’est pas vraiment ceux qui stimulent l’inflation. En fait, ce qu’il faut maintenant surveiller, c’est l’inflation des salaires à l’origine de l’inflation des services. Pour répondre précisément à votre question, oui, c’est la raison pour laquelle nos prévisions demeurent légèrement supérieures à celles du consensus en ce qui a trait à l’inflation au cours de la prochaine année.Sal Guatieri (05:08) : Il semble donc que les premiers effets de l’inflation s’estompent. Il y a donc eu des forces temporaires qui ont stimulé l’inflation, en particulier la forte hausse des prix des produits de base, qui est maintenant inversée, et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement ne sont pas encore résorbées, mais la situation s’améliore certainement beaucoup. Mais vous avez raison, il semble que les facteurs de persistance, la demande excédentaire, s’étendent maintenant au secteur des services et font grimper l’inflation. Il s’agira d’un problème à long terme auquel les banques centrales devront faire face. Dans un article que vous avec récemment publié, vous mentionniez cinq facteurs généraux qui font augmenter l’inflation et qui, comme vous le dites, doivent être contrôlés pour que l’inflation puisse baisser. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?Douglas Porter (05:57) : Oui. Et on se demande comment nous avons atteint un taux d’inflation de 7 % après avoir conservé un taux de 1,5 % ou 2 % pendant des années. J’aimerais souligner les cinq facteurs qui ont stimulé l’inflation de façon spectaculaire, du moins au Canada. Je crois qu’ils ont une incidence dans de nombreuses autres économies aussi, mais ils concernent plus particulièrement le Canada. Très brièvement, l’un d’eux est le rebond de la réouverture. Quand on y pense, l’an dernier, personne ne voyageait, cette année, il semble que tout le monde voyage. Bien entendu, cela a entraîné beaucoup de pressions temporaires, espérons-le, sur des éléments comme les billets d’avion et les tarifs des hôtels.Le deuxième a été la hausse du prix de l’énergie à l’échelle mondiale. Le prix de l’essence a atteint des sommets records cet été, mais il n’y a pas que le prix de l’essence, celui du diesel demeure très élevé et, bien sûr, le prix du gaz naturel est aussi élevé. Le troisième facteur, dont j’ai parlé un peu plus tôt, correspond aux pressions sur la chaîne d’approvisionnement. Le prix des meubles et des électroménagers n’a pas bougé pendant des années, et soudainement c’est presque comme si toute la population mondiale voulait acheter un lave-vaisselle en même temps et, bien sûr, cela a occasionné une perturbation de la chaîne d’approvisionnement mondiale. Il semble maintenant que ces pressions se soient un peu relâchées. Donc, il semble que ce facteur s’améliore.Le quatrième facteur est, selon moi, la crise alimentaire mondiale. Nous parlons beaucoup du prix de l’épicerie au Canada et de la hausse à deux chiffres du prix des denrées alimentaires, mais c’est la même chose presque partout, et pas seulement au Canada. Nous constatons des hausses à deux chiffres aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Europe. Et l’un de nos collègues, Aaron Goertzen, a publié un article la semaine dernière sur les perspectives du prix des aliments et, honnêtement, c’est un facteur qui m’inquiète. Je ne vois pas comment les choses pourraient changer rapidement. Je crois que ce facteur continuera à exercer une certaine pression sur l’inflation globale. Le cinquième et dernier facteur, qui concerne plus particulièrement le Canada, mais pas uniquement, est l’essor du marché de l’immobilier qui a eu lieu pendant la pandémie. Le prix des maisons existantes n’est pas directement pris en compte dans l’indice des prix à la consommation (IPC); il se répercute sur le prix des maisons neuves et des loyers, et même, ultimement, sur les taux hypothécaires. Et tous ces facteurs ont exercé des pressions supplémentaires sur l’inflation.En examinant ces cinq facteurs, je crois qu’il y a quand même lieu d’être optimiste. Comme je l’ai dit, le pire semble être passé pour certains de ces facteurs, comme c’est le cas pour la chaîne d’approvisionnement. Mais ce sont les cinq facteurs qui doivent être contrôlés pour peut-être afficher des valeurs encourageantes et ramener l’inflation à 2 %. Voilà pourquoi ce sera une tâche difficile. Ce que j’aime toujours dire aux gens, c’est qu’il n’y a pas d’interrupteur que nous pouvons actionner pour faire disparaître l’inflation. Nous devons tenir compte de ces différents facteurs pour redresser la situation au cours de la prochaine année.Sal Guatieri (08:42) : Vous avez mentionné le coût des aliments, qui est probablement l’aspect le plus inquiétant de l’inflation, car il s’agit essentiellement d’un secteur sur lequel les banques centrales ont très peu de contrôle. Elles peuvent stimuler l’économie autant qu’elles le veulent, mais cela n’affectera probablement pas vraiment le coût des aliments. Nous sommes vraiment à la merci de la météo, par exemple des graves sécheresses, et bien sûr, de la guerre en Ukraine. Il n’y a donc pas grand-chose à faire à cet égard, mais nous espérons que les choses iront mieux sur le plan du coût des aliments. Maintenant, d’un point de vue relatif, le problème de l’inflation est moins présent au Canada qu’aux États-Unis et qu’en Europe, en particulier. Nous savons que la hausse des coûts de l’énergie est l’une des principales raisons de l’inflation à deux chiffres dans une grande partie de l’Europe. Mais qu’est-ce qui explique la baisse de près d’un point de pourcentage de l’IPC par rapport à celui des aux États-Unis?Douglas Porter (09:30) : Oui, et c’est intéressant, parce que le Canada se situe en fait au bas de l’échelle en ce qui concerne le taux d’inflation, du moins parmi les économies des pays développés. Le taux est très élevé pour nous, mais le problème est encore plus grave à peu près partout ailleurs. C’est intéressant, car nous avons constaté un affaiblissement du dollar canadien au cours de la dernière année qui a fait augmenter un peu notre taux d’inflation. Donc c’est remarquable que le taux d’inflation au Canada soit nettement plus bas qu’ailleurs, et surtout plus bas qu’en Europe. De façon générale, je crois que l’une des raisons pour lesquelles le Canada a été un peu en retard sur les États-Unis, de façon positive, est que la réouverture a eu lieu plus tard ici. Nous avons donc subi les pressions de réouverture plus tard sur les prix.De plus, le marché du travail canadien est moins tendu. Il est tendu au Canada, mais pas autant qu’aux États-Unis. Si nous examinons de plus près certains facteurs dans le panier des consommateurs, et lorsque nous essayons d’analyser ce qui est vraiment différent au Canada et aux États-Unis en ce moment, ce sont en quelque sorte quatre aspects bizarres qui, selon moi, ne sont pas vraiment reliés et qui expliquent maintenant la majeure partie de l’écart. Le prix de l’électricité est sans doute la principale cause de cet écart. Autrement dit, le prix de l’électricité au Canada a été relativement modeste, tandis qu’aux États-Unis, il a été multiplié par un facteur à deux chiffres. Le prix des billets d’avion, de l’assurance automobile et des services téléphoniques a aussi augmenté. C’est pour ces éléments que nous avons constaté certaines des plus grandes différences de prix entre le Canada et les États-Unis. Personnellement, je ne vois pas de lien évident entre ces quatre aspects et, en fait, j’ai tendance à croire que l’écart entre le Canada et les États-Unis pourrait se resserrer au cours de la prochaine année, à mesure que la réouverture progressera. De plus, je crois qu’à mesure que la situation s’améliorera aux États-Unis, nous observerons une partie de cet écart de l’inflation entre les États-Unis et le Canada se resserrer au cours de la prochaine année.Sal Guatieri (11:18) : Le Canada ne peut donc pas se vanter d’avoir un taux d’inflation inférieur à celui de nombreux autres pays développés, car il éprouve évidemment des problèmes à l’égard de certains facteurs. Et dans l’ensemble, à l’avenir, nous observerons probablement le taux d’inflation baisser lentement dans les pays développés, notamment au Canada. Les banques centrales ont été blâmées en partie pour l’inflation élevée, et ce sont manifestement elles qui devront renverser la situation. Elles ont concentré leurs efforts et haussé les taux pour rattraper l’écart, mais elles laissent entrevoir un ralentissement probable. D’après vous, quels seront les taux établis par la Banque du Canada et la Réserve fédérale au cours des mois à venir?Douglas Porter (11:58) : Je vous avertis tout de suite, nous sommes assez près de la tarification du marché à ce stade-ci. Il ne s’agit donc pas d’une décision particulièrement radicale. En fin de compte, nous ne pensons pas que les banques centrales aient encore fini d’intervenir, mais nous approchons de la ligne d’arrivée. Nous prévoyons que la Banque du Canada augmentera les taux de 75 points de base, soit trois quarts d’un point de pourcentage. Cela ferait passer leur taux de financement à un jour à 4,5 %. Pour mettre les choses en perspective, au début de 2022, le taux était de 0,25 % seulement. Il s’agit donc d’une énorme hausse des taux de 425 points de base en l’espace d’un an, l’un des resserrements les plus spectaculaires que nous avons vus.Selon nous, la Réserve fédérale augmentera ses taux d’un autre point de pourcentage. Cela laisserait un certain écart entre les taux d’intérêt américains et canadiens. Je crois que c’est en partie la raison pour laquelle le dollar canadien était un peu sous pression plus tôt cet automne, parce que les marchés pensaient que la Réserve fédérale est susceptible d’augmenter les taux d’intérêt plus que la Banque du Canada. Mais je crois que la deuxième partie de la prévision est tout aussi importante : les deux banques centrales maintiendront les taux d’intérêt à ces niveaux tout au long de 2023.Il y a beaucoup de discussions sur le marché, et d’autres prévisionnistes s’attendent à ce que des réductions de taux se produisent dès la deuxième moitié de 2023. Je ne suis pas d’accord avec ces prévisions. Je crois que les réductions de taux auront lieu en 2024, et je tiens simplement à souligner que nous ne retournerons pas aux niveaux de 2021. Nous parlons ici de réductions partielles. Il ne s’agit pas d’un renversement complet de la hausse des taux d’intérêt. Les banques centrales vont au-delà de ce qu’elles appelaient la neutralité, elles s’engagent en territoire restrictif. À mesure que l’inflation diminuera, elles n’auront pas besoin de conserver ces niveaux, mais elles ne pourront pas revenir aux creux extrêmes que nous avons vus en 2021. J’aimerais dire aux gens qui retiennent leur souffle et qui attendent que les taux reviennent à des creux extrêmes que je ne crois pas que cela se produira.Sal Guatieri (13:58) : Oui, j’aurais tendance à être d’accord. Je crois qu’il est très peu probable que les banques centrales fassent marche arrière l’an prochain, même si nous entrons dans une légère récession aux États-Unis et au Canada. C’est vraiment une question d’inflation. Nous constatons toujours que les taux de l’IPC dépassent les 3 % et largement les cibles de 2 %. Je ne vois pas comment elles pourraient réduire les taux aussi tôt. Elles ne voudront certainement pas qu’on les accuse si, pour quelque raison que ce soit, la tendance de l’inflation était inversée et recommençait à monter. Donc, je crois qu’elles essaieront de retarder l’entrée en vigueur de la politique d’assouplissement aussi longtemps que possible. Mais, en supposant que l’inflation suive cette trajectoire à la baisse, elles commenceront probablement à réduire les taux au début de 2024. Je suppose que la grande question qui se pose est la suivante : ces nouvelles hausses de taux feront-elles basculer notre économie en récession?Douglas Porter (14:58) : Nos prévisions incluent une récession légère ou modérée qui durera plus de deux mois, et elles sont toujours valides. Je dois vous dire qu’au cours des dernières semaines, les économies canadienne et américaine nous ont quelque peu surpris par leur vigueur. Il semble qu’elles termineront 2022 sur une note plus stable que prévu. Autrement dit, les deux économies semblent bien composer avec la forte hausse des taux d’intérêt, du moins jusqu’à présent. Par exemple, nous venons tout juste de prendre connaissance d’un indicateur canadien qui montre que l’économie a progressé à un taux annuel de près de 3 % au troisième trimestre. Cela dépasse largement nos attentes, celles de la plupart des autres prévisionnistes ou même celles de la Banque du Canada. Ces progrès ont été deux fois supérieurs à ce qui était attendu. Les premiers indicateurs les plus attendus aux États-Unis indiquent une croissance de 3 % ou de 4 % au quatrième trimestre, ce qui est loin d’une récession. Les deux économies ont réussi à faire croître l’emploi au cours des derniers mois.Il semble donc que ces économies termineront 2022 sur une note plus stable que prévu. Nous pensons toujours que l’effet de la forte hausse des taux d’intérêt commencera à se faire davantage sentir l’an prochain et, à ce stade-ci, nous prévoyons officiellement, comme je l’ai dit, une récession modérée. Je tiens à souligner que cette prévision n’est pas gravée dans la pierre. Il est certain que les économies nord-américaines pourraient encore éviter une récession. En fait, je leur donne environ une chance sur quatre d’éviter un repli immédiat. Malheureusement, je crois aussi qu’il existe une chance sur quatre que la situation s’aggrave et que nous faisions face à bien plus qu’une simple récession. Bon nombre des questions géopolitiques dont nous entendons tous parler chaque jour représentent sans doute le plus grand risque pour les prévisions en 2023.Si on repense à cette année et à ce qui a vraiment causé beaucoup de dommages. Qu’est-ce qui a exercé la plus grande pression sur l’économie? Pourquoi les banques centrales ont-elles dû opérer un resserrement aussi brutal? Le conflit géopolitique associé à l’invasion de l’Ukraine est certainement un des facteurs qui a contribué au contexte économique actuel. C’est ce que je considère comme le plus grand risque pouvant causer une baisse en 2023. Mais pour répondre à votre question, je crois que nous avons dépassé le point où, en gros, il faudra au moins un léger repli pour vraiment juguler l’inflation au cours de la prochaine année.Sal Guatieri (17:14) : Oui, Doug, je suis tout à fait d’accord avec vous. Il semble que toute bonne nouvelle sur l’économie que nous recevons aujourd’hui se traduira par une période plus difficile si l’inflation demeure obstinément élevée, car les banques centrales devront simplement s’appuyer sur ce taux d’inflation plus élevé. Et plus les taux d’intérêt sont élevés, plus il y a de chances qu’un repli survienne et qu’il ne s’agisse pas d’un léger repli si la tendance évolue en ce sens. Je repense au travail que nous avons accompli au sein du service. Nous avons examiné la politique de la Réserve fédérale en vigueur il y a soixante ans et le taux d’inflation était aussi élevé que cette année. Les taux de chômage et les taux directeurs étaient aussi bas qu’au début du présent cycle de resserrement. La Réserve fédérale n’a pas vraiment de très bons antécédents quand vient le moment d’éviter les replis ou de réaliser des atterrissages en douceur; elle ne procède tout simplement pas de cette façon. Il y a donc de très faibles chances qu’elle réalise un atterrissage en douceur cette fois-ci, mais nous verrons bien si nous aurons de la chance en ce qui concerne l’inflation.Il semble donc que l’inflation ait été en partie vaincue, mais qu’elle demeurera possiblement jusqu’à ce que l’économie s’affaiblisse davantage, ce qui signifie qu’il est peu probable que les banques centrales fassent volte-face avant le début de 2024. Doug, je vous remercie pour cette discussion intéressante et vos réflexions. Merci à tous de nous avoir écoutés.Douglas Porter (18:46) : Merci.

Les risques engendrés par la hausse du prix du pétrole
La flambée des coûts du carburant a été l’un des principaux points de discorde au cours de la dernière année, en particulier depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. Avec tant d’incertitude sur les moteurs mondiaux des prix du pétrole, à quoi pouvons-nous nous attendre dans les années à venir? Sal Guatieri s’entretient avec l’économiste principal Art Woo sur les perspectives du prix du pétrole et l’impact sur l’inflation, les taux d’intérêt et l’économie.
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- Sal Guatieri (00:00): Bonjour à tous et bienvenue à notre balado. Je m’appelle Sal Guatieri. Les prix du pétrole ont grimpé après le début de la guerre en Ukraine, ce qui a attisé les craintes par rapport à l’inflation et à la récession mondiale. Bien que les prix se soient repliés, ils demeurent historiquement élevés, et certains analystes s’inquiètent de la possibilité d’une autre hausse. Art Woo, directeur général et économiste principal, se joint à moi pour discuter des perspectives des prix du pétrole et de leurs répercussions sur l’inflation, les taux d’intérêt et l’économie.Art, les investisseurs demeurent préoccupés par les perspectives des prix du pétrole brut, compte tenu de l’ampleur de leur contribution à la hausse de l’inflation. Commençons par la question suivante : qu’est-ce qui fait monter les prix en ce moment?Art Woo (00:41): Oui, je crois que c’est un bon sujet pour amorcer la discussion, étant donné les fluctuations extrêmes de prix que vous avez mentionnées et que le pétrole brut a connues cette année. Je pourrais peut-être prendre quelques minutes pour résumer la situation, en me concentrant sur le pétrole brut West Texas Intermediate, appelé WTI pour faire court. Au début de l’année, le prix du baril se situait autour de 75 $, puis il a augmenté de façon constante pour atteindre 90 $ en février, alors que les préoccupations liées à la question de l’approvisionnement à l’échelle mondiale s’accentuaient et que les membres de l’OPEP+ étaient incapables de respecter leurs quotas de production. Évidemment, les prix ont par la suite bondi après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en raison des craintes que la production russe de pétrole brut soit paralysée. Au début du mois de juin, le WTI dépassait les 120 $ le baril, et on a beaucoup parlé du fait qu’il pourrait atteindre les 150 $ le baril. Au lieu de cela, les prix ont commencé à baisser parce que la crainte d’une récession mondiale s’est installée, puis s’en est évidemment suivie une baisse de la demande de pétrole, car le resserrement de la politique monétaire des banques centrales s’est vraiment fait sentir.Le prix du baril de WTI a donc chuté pour atteindre 77 $ à la fin de septembre. C’était plutôt incroyable. En réponse à cette situation, l’OPEP+ a décidé de réduire sa cible de production de 2 millions de barils par jour plus tôt ce mois-ci, et le prix du baril de pétrole est remonté à 90 $, puis s’est établi aux alentours de 85 $ depuis. Il semble donc que nous en soyons arrivés à un point où il y a essentiellement un tiraillement entre, d’une part, les craintes d’une récession mondiale et d’un affaiblissement de la demande mondiale, et d’autre part, la capacité de l’OPEP+ à restreindre davantage l’offre mondiale. Nous pensons qu’à court terme ou essentiellement pour le reste de l’année, le baril de WTI continuera à se maintenir environ à son niveau actuel de 85 $. C’est en fait notre prévision officielle pour le reste de l’année.Sal Guatieri (02:42): Ce serait certainement une bonne nouvelle d’observer une certaine stabilité des prix du pétrole. Et c’est certainement une bonne nouvelle qu’ils aient baissé par rapport aux sommets dont vous avez parlé. Pour mettre les choses en perspective : le taux d’inflation aux États-Unis, c’est-à-dire, le taux de l’indice des prix à la consommation (IPC), a atteint un sommet de 9,1 % sur une base annuelle record en 40 ans. Et c’est cette hausse de 60 % du prix de l’essence qui explique le quart de la hausse de l’inflation. La baisse du prix du carburant est l’une des principales raisons pour lesquelles l’inflation aux États-Unis a chuté d’environ un point de pourcentage depuis, et une autre baisse des prix du pétrole serait certainement bienvenue. Donc, Art, qu’en est-il des perspectives à long terme? Quelles sont les prévisions pour les prix du WTI en 2023?Art Woo (03:32): Il est très difficile d’émettre des prévisions à long terme quant aux produits de base, car il faudra voir l’incidence que ces tensions entre l’offre et la demande auront à l’avenir. Toutefois, permettez-moi de commencer par dire ceci : selon nos prévisions de référence pour le WTI, le baril devrait se situer à 90 $ en moyenne en 2023, ce qui signifie que le pétrole brut se négociera légèrement au-dessus des niveaux actuels. Il est vrai qu’il est peu probable que le prix du WTI demeure stable. Il fluctuera comme cela a été le cas au cours de la dernière année, mais peut-être pas dans la même mesure. Il est clair que le cartel de l’OPEP+ est davantage préoccupé par le prix du WTI, en particulier lorsqu’il est passé sous la barre des 90 $ à la fin du mois d’août. Cela a poussé le cartel à prendre la décision qui semblait insignifiante de réduire sa production de 100 000 barils par jour lors de sa réunion ministérielle de septembre.Cette décision a évidemment été suivie par la réduction cumulative plus importante du baril dont j’ai parlé plus tôt, après que le prix du pétrole soit passé sous la barre des 80 $ le baril. Nous avons donc adopté le point de vue suivant : il semble raisonnable de conclure que l’OPEP+ cherche à maintenir un plancher d’environ 90 $ le baril pour le WTI. Et, vous savez, un prix de 90 $ à 100 $ sur une longue période pourrait satisfaire de nombreuses exigences du cartel. Permettez-moi de passer en revue les trois principales. Premièrement, cela permettrait à des membres clés du cartel, comme l’Arabie saoudite, de dégager des surplus budgétaires considérables. Selon les dernières estimations du Fonds monétaire international (FMI), le point d’équilibre budgétaire de l’Arabie saoudite était atteint lorsque le prix du baril était d’environ 80 $ en 2022. Mais il est clair que l’Arabie saoudite veut dégager une marge de manœuvre plus importante et accroître ses réserves financières pour soutenir son programme de transformation nationale, qui vise à diversifier son économie en délaissant le pétrole. Deuxièmement, le prix de 90 $ le baril devrait empêcher une hausse des réductions hors OPEP, en particulier aux États-Unis. Troisièmement, c’est discutable, mais cela devrait empêcher une nouvelle flambée des prix inflationnistes à l’échelle mondiale et inciter les banques centrales à se resserrer au point de déclencher une profonde récession.Nous pensons également qu’un prix de 90 $ le baril convient à la demande mondiale de pétrole, par rapport à une moyenne de 110 $, 120 $ ou même plus. Nous ne partageons pas l’optimisme de certaines grandes organisations, comme l’Agence internationale de l’énergie ou l’OPEP, qui prévoient que la demande mondiale de pétrole augmentera d’environ 2 millions de barils par jour en 2023. Nous ne prévoyons pas que la demande s’effondrera l’an prochain, comme ce fut le cas lors de replis antérieurs. Nous croyons donc que la demande mondiale de pétrole pourrait probablement rester stable ou simplement baisser légèrement en 2023. La demande pourrait également être stimulée si la Chine mettait fin à sa stratégie de tolérance zéro à la COVID-19.Sal Guatieri (06:37): Une période où les prix du pétrole seraient plus stables serait certainement la bienvenue. La stabilité des prix du pétrole aura essentiellement une incidence neutre sur l’inflation en 2023. Ce n’est pas une mauvaise chose, et ce sera certainement un soulagement pour la Réserve fédérale et les autres banques centrales. À notre avis, cela permettrait probablement à la Réserve fédérale de suspendre sa campagne de hausse des taux d’ici le début de l’année prochaine, et remarquez que c’est l’une des campagnes de hausse les plus agressives depuis les années 1980. Malheureusement, la Réserve fédérale continue à mettre l’accent sur l’inflation de base. Si l’on ne tient pas compte de la consommation d’énergie et de la hausse rapide du coût des aliments, l’IPC aux États-Unis s’établit néanmoins toujours à environ 6,5 %. Par conséquent, nous prévoyons toujours que la Réserve fédérale relèvera ses taux de 150 points de base supplémentaires d’ici février de l’an prochain et nous ne nous attendons pas à ce qu’elle les réduise avant le début de 2024. Mais il est certain que des prix du pétrole plus stables seraient bien accueillis par les banques centrales mondiales.Art, il semble que le marché du pétrole fera encore face à beaucoup d’incertitude et à de grands risques l’an prochain, alors devrions-nous vraiment établir nos prévisions à 90 $?Art Woo (07:59): Oui, je suis d’accord. Le marché du pétrole fait face à des risques très importants, mais je crois que les prévisions de 90 $ le baril tiennent compte de ces risques. Surtout si on les compare aux prévisions pour le marché à l’avenir, c’est-à-dire que le prix moyen du baril de pétrole sera d’un peu moins de 80 $ l’an prochain. En gros, un producteur de pétrole pourrait vendre la totalité ou une partie de sa production en 2023 pour un peu moins de 80 $ le baril. Néanmoins, il est clair que nous croyons que les risques liés à nos prévisions sont élevés, et nous demeurons essentiellement préoccupés par le resserrement de l’OPEP+ par rapport à la capacité des pays non membres de l’OPEP d’augmenter l’offre ou la demande mondiale de pétrole de se corriger nettement. Les risques sont liés au resserrement de l’offre de l’OPEP+.Il est donc évident qu’il y a des limites à l’utilisation, par exemple, de la réserve stratégique de pétrole de Biden, qui devrait se terminer à la fin de l’année. Et, ce qui est peut-être plus intéressant, selon moi, c’est que la Maison-Blanche a récemment révélé qu’elle commencerait à accroître ses réserves lorsque les prix se situeraient entre 67 $ et 72 $ le baril. Biden a donc établi un plancher sur le prix du pétrole brut. Pourquoi fixer un prix aussi bas? En gros, il essaie d’inciter les entreprises américaines à augmenter leur production, qui a stagné dernièrement. Cependant, nous doutons que ce prix plancher explicite, qui est en fait légèrement supérieur à ce dont les producteurs américains ont besoin pour être rentables, les incitera à augmenter leur production.En fait, la production de pétrole est restée stable au cours du dernier semestre. Elle correspond à 12 millions de barils par jour, car les producteurs continuent essentiellement à subir des pressions pour que leur capital demeure discipliné. Il y a d’autres facteurs, comme la pénurie de main-d’œuvre, la hausse des coûts et, en général, la volatilité élevée qui empêche les producteurs de causer des problèmes. Je tiens à souligner une chose. Vous savez, l’Energy Information Administration des États-Unis a réduit ses prévisions de production de pétrole américain à environ 12,6 millions de barils par jour à la fin de 2023. Il s’agit d’une énorme révision à la baisse par rapport à il y a quelques mois, où il était question de 13,4 millions de barils. Si l’on tient compte de cela et du fait que les États-Unis et l’Arabie saoudite sont toujours manifestement en désaccord en ce qui concerne le pétrole, tout comme la Russie.Essentiellement, l’administration Biden estime que l’Arabie saoudite se range du côté de la Russie à l’égard de l’Ukraine, tandis que l’Arabie saoudite est devenue très préoccupée par le plafond de prix du pétrole brut russe en Occident. L’Arabie saoudite craint que l’Occident forme un club d’acheteurs ou un cartel pour contrer la position de l’OPEP+. Nous pensons donc que cela pourrait motiver le cartel à continuer à réduire l’offre lorsque l’entente prendra fin à la fin de l’année. Il est donc difficile de trouver un équilibre, mais je suppose que, dans l’ensemble, l’équilibre des risques est toujours favorable au pétrole brut par rapport à la baisse, ce qui empêche un ralentissement économique mondial majeur.Sal Guatieri (11:29): C’est un peu décourageant, car cela met en évidence notre point de vue général selon lequel les risques d’inflation sont toujours élevés. Non seulement parce que, comme vous l’avez mentionné, tous les risques liés aux prix penchent probablement en ce sens, mais aussi en raison des pressions inflationnistes constantes que nous observons sur le marché du travail et certains marchés locatifs. Nous croyons donc que l’inflation a atteint un sommet aux États-Unis et au Canada, mais qu’elle reviendra très lentement aux cibles d’inflation de 2 % des banques centrales; cela pourrait prendre quelques années, voire plus. Et cela souligne généralement notre point de vue selon lequel les économies des États-Unis et du Canada connaîtront probablement un léger repli l’an prochain. Parce qu’en fait, c’est la seule chose qui atténuera les pressions inflationnistes : la croissance des salaires en particulier, de sorte que nous assisterons à une baisse soutenue de l’inflation, au point où les banques centrales pourront au moins ne pas intervenir l’an prochain, cesser de relever les taux d’intérêt et finalement les réduire taux en 2024.Il est donc un peu regrettable que les prix du pétrole continuent à faire en sorte que l’inflation risque d’augmenter, car cela rendrait certainement beaucoup plus difficile la tâche de la Réserve fédérale et de la Banque du Canada de rétablir la stabilité des prix, tout en évitant une profonde récession. Art, votre dernier commentaire m’amène à me demander ce que vous pensez du pic de la demande de pétrole? Sommes-nous près de ce seuil, compte tenu de la forte croissance du marché des véhicules électriques au cours des dernières années?Art Woo (13:11): C’est une question difficile. Si vous examinez diverses prévisions relatives au pic de la demande de pétrole et l’année en question, cela peut susciter un important débat. De nombreuses organisations pensent que nous avons peut-être atteint le niveau maximal de la demande, tandis que d’autres pensent que nous ne l’atteindrons pas avant la fin des années 2030. La demande pourrait donc encore augmenter de moitié pour atteindre un million de barils par jour par année. À court et à moyen terme, nous pensons qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que la demande mondiale de pétrole continue à se redresser. Il est donc peu probable que la pandémie ou les efforts accrus de décarbonisation à l’échelle mondiale aient considérablement modifié la dépendance du monde au pétrole brut, en particulier dans les marchés émergents. Autrement dit, les installations et les biens existants qui dépendent du pétrole brut, comme les voitures à moteur à combustion interne et les usines pétrochimiques, ne seront pas remplacés facilement par de nouvelles installations respectueuses de l’environnement.Même si les véhicules électriques représentaient près de 10 % des ventes automobiles mondiales en 2021, donc quatre fois plus qu’en 2019, ils représentent toujours une infime partie du parc automobile mondial, peut-être même un maximum de 2 %. Nous pensons donc que la demande mondiale de pétrole pourrait augmenter pour passer d’environ 100 millions de barils par jour en moyenne cette année à environ 103 à 105 millions au cours des cinq prochaines années. Je crois que c’est un scénario assez équilibré. Cependant, si l’on regarde au-delà de 2025, la situation devient un peu plus trouble… Il n’est pas difficile d’imaginer que les décideurs puissent faire un effort plus concerté pour accélérer toute la transition vers l’énergie propre. Encore une fois, si l’on examine la situation à long terme de l’offre et de la demande, la légère augmentation de la demande mondiale de pétrole et la stagnation de l’offre favorisent les prix élevés du pétrole à l’échelle mondiale.Sal Guatieri (15:38): Nous sommes donc encore à plusieurs années du pic de la demande de pétrole. Art, j’ai une dernière question pour vous. Je n’ai pu m’empêcher de remarquer que le prix du pétrole de l’Ouest canadien se situe bien en deçà de celui du pétrole américain. Qu’est-ce que justifie cette différence?Art Woo (15:56): Oui, c’est un prix avantageux. Le rabais consenti au Western Canada Select, qui est essentiellement du pétrole lourd produit en Alberta, du brut sulfureux, était d’environ 30 $ le baril il y a quelques semaines. Avant cela, il était en moyenne d’environ 20 $ le baril, ce qui était inférieur à la moyenne à long terme. En gros, les raffineries du Midwest ont procédé à d’importants travaux d’entretien et ont réduit leur production, car elles n’étaient pas en mesure d’expédier leurs produits en raison du bas niveau du fleuve Mississippi. Cependant, le rabais consenti est maintenant passé à environ 25 $ le baril au cours des derniers jours, car comme vous le savez, une partie des travaux d’entretien est maintenant terminée. Nous pensons qu’à mesure que ces travaux d’entretien seront terminés et, plus important encore, que l’administration Biden mettra fin à l’utilisation de la réserve stratégique de barils de pétrole, qui sont essentiellement issus de la variété de brut lourd sulfureux qui font directement concurrence à ceux de l’Ouest du Canada, la demande de pétrole de l’Ouest du Canada pourrait augmenter. Nous pensons essentiellement que nous pourrions revenir à un rabais consenti moyen à long terme d’environ 15 $, mais il est peu probable que cela se produise avant le début ou le milieu de 2023 ou le début de 2024.Sal Guatieri (17:27): Oh. Les producteurs de pétrole canadiens n’obtiennent pas le meilleur prix pour leurs produits en ce moment, mais il semble y avoir une lumière au bout de ce tunnel pour eux. Art, merci pour cette discussion stimulante et réfléchie. Je suis certain que vous avez donné aux investisseurs beaucoup de matière à réflexion alors qu’ils traversent une période de grande incertitude économique. Si vos prévisions se concrétisent, du moins pour ce qui est de la stabilité des prix du pétrole, nous considérerons que c’est une réussite et qu’il y a une raison de moins de s’inquiéter en ce qui concerne les perspectives de hausse des taux d’intérêt et de l’économie mondiale. Merci de nous avoir écoutés.

Reprise post-pandémie dans le secteur de l’automobile: changement de vitesse
Alors que la plupart des secteurs se remettent de la pandémie, certains continuent à faire face à de nouveaux défis, et le secteur de l’automobile ne fait pas exception. Qu’il s’agisse de la pénurie de micropuces, de la flambée des prix des véhicules ou de la hausse rapide des coûts d’emprunt, le secteur peine à retrouver un semblant de normalité tout en faisant la transition vers un avenir électrique. Sal Guatieri discute avec Erik Johnson des nombreux défis auxquels fait face le secteur de l’automobile et de ce que l’année à venir nous réserve.
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- Sal Guatieri (00:00): Le secteur nord-américain de l’automobile est en pleine évolution et est aux prises avec des problèmes liés à l’offre, comme la pénurie de micropuces, et à la demande, qui découlent de la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt. Il semble que le secteur de l’automobile soit un microcosme des défis plus vastes auxquels fait face l’économie. Et tout cela se produit à un moment où le secteur tente d’opérer une transition vers les véhicules électriques.Bonjour à tous. Je m’appelle Sal Guatieri et je suis en compagnie d’Eric Johnson pour parler du secteur de l’automobile et de ses perspectives d’avenir. Eric, pouvez-vous nous donner un aperçu de ce qui se passe dans le secteur de l’automobile ces temps-ci?Eric Johnson (00:36): Merci beaucoup de me recevoir, Sal! Je crois que vous avez très bien résumé la situation en la comparant à un microcosme. Ce n’est pas seulement le cas dans le secteur de l’automobile, mais à bien des égards dans l’économie en général. Je crois que les défis que nous avons rencontrés dans le secteur de l’automobile au cours des deux dernières années et demie ont eu une incidence réelle sur ce secteur, et supérieure à celle constatée dans tous les autres secteurs. Je crois que ce secteur a été le plus touché en ce qui a trait à l’offre, au volume, et à la durée de la phase de difficultés, qui a été temporaire dans le secteur des services.Au début de la pandémie, le secteur de l’automobile a évidemment dû interrompre ses activités et a cessé sa production pendant assez longtemps. Et je crois que nous n’en sommes encore qu’aux premiers jours de cette reprise de l’offre. Cela a beaucoup à voir avec ce qui s’est passé l’an dernier, lorsque tout à coup, les constructeurs automobiles n’avaient pas les semi-conducteurs nécessaires pour finir d’assembler les véhicules. Et je crois que tout cela se produit dans un contexte où, selon moi, le bilan financier des consommateurs au Canada et aux États-Unis est plutôt équilibré. Toutes ces choses se sont mises en place à un moment où les consommateurs avaient la capacité d’acheter des automobiles et voulaient le faire, mais on ne peut pas vraiment acheter ce qui n’est pas disponible.Le point culminant et les effets que nous constatons sont des prix très élevés pour les consommateurs à un moment où ils ressentent beaucoup de pression économique en raison de la hausse des taux d’intérêt, qui affectera à la fois le marché de l’habitation et les paiements d’intérêts qu’ils doivent effectuer. En même temps, leur facture d’épicerie est beaucoup plus élevée aujourd’hui qu’il y a deux ans. Je crois que tout cela ajoute un peu à l’incertitude du marché. Des fluctuations sont à prévoir, car il y aura encore beaucoup de demande refoulée. Si vous pensez au Canada ou aux États-Unis, environ 300 000 à 500 000 véhicules auraient été achetés au Canada et n’ont pas été achetés parce qu’il n’y avait littéralement pas d’offre au cours des deux dernières années. Et aux États-Unis, c’est un peu mieux, mais en gros, il y a probablement au moins deux millions de véhicules maintenant, et peut-être même jusqu’à trois millions de véhicules qui auraient pu être achetés.Je crois que ce que vous voyez ici, c’est qu’il y a une forte demande et qu’une partie de celle-ci sera réduite en raison des pressions que nous observons sur les ménages et les entreprises, certainement. Mais la réalité, c’est qu’il faudra beaucoup de temps pour que l’offre rattrape le retard par rapport à ce que nous aurions vu, vous savez, c’est-à-dire que les volumes toucheraient tout ce que nous avons l’habitude de voir dans le contexte nord-américain où, dans l’ensemble, un peu plus de 20 millions de véhicules sont vendus par année au Canada et aux États-Unis. Nous n’atteindrons peut-être même pas ce résultat en 2023, cela dépendra du temps qu’il faudra pour que l’approvisionnement se rétablisse ici.Sal Guatieri (03:33): En gros, le secteur de l’automobile pourrait jouer un rôle d’indicateur pour l’économie en général. Et si nous voyons des signes d’amélioration du côté de l’offre et d’augmentation de la demande, cela est certainement de bon augure pour l’ensemble de l’économie. Nous avons beaucoup entendu parler de pénurie de semi-conducteurs au cours de la dernière année. Ce problème a-t-il été résolu et, si ce n’est pas le cas, quand croyez-vous qu’il se résorbera?Eric Johnson (03:54): Oui. Il y a un an, nous pensions que ce problème se résorberait, un peu comme nous le pensions pour l’inflation à la fin de 2021. Je crois qu’il s’agit d’un autre problème que nous n’avions pas vu venir et qu’il doit être lié au fait que le secteur de l’automobile a géré l’approvisionnement des semi-conducteurs un peu différemment de celui des autres types de composants qu’il utilise. Les chefs de direction d’entreprises de fabrication de semi-conducteurs ont fait des déclarations très intéressantes, et ont notamment dit que la première fois qu’un constructeur automobile s’est adressé à eux, c’était au plus fort de la crise.Je crois que cela en dit long sur la façon dont les choses se faisaient. Je crois que pendant un certain temps, ils tenaient pour acquise l’offre de semi-conducteurs. Le secteur de l’automobile n’est pas le plus important acheteur de semi-conducteurs au monde. C’est certainement le secteur de l’électronique qui l’est, car il fabrique des téléphones intelligents, des ordinateurs et des appareils de ce genre. Et je crois que les fabricants automobiles avaient l’habitude de pouvoir acheter les matériaux en priorité, mais ce n’était pas le cas pour ces composants. Ils commencent maintenant à se rendre compte qu’ils doivent établir une relation un peu plus directe avec bon nombre des fabricants de semi-conducteurs. Je crois que vous constaterez un changement dans la disponibilité.Nous voyons maintenant une diminution partielle de la demande pour les produits électroniques commandés en grande quantité pendant la pandémie, comme les PlayStation, les nouveaux téléphones cellulaires ou téléviseurs. Il est donc un peu plus facile pour les constructeurs automobiles de s’approvisionner de façon un peu plus exclusive auprès de fabricants existants de semi-conducteurs. Mais la réalité, c’est que ces problèmes ne seront probablement pas entièrement résolus cette année. Le défi, comme vous l’avez mentionné au début, c’est que nous constatons une grande volonté d’opérer une transition vers une fabrication accrue de véhicules électriques. Ce qui complique les choses, c’est qu’en moyenne, la fabrication d’un nouveau véhicule électrique requiert beaucoup plus de semi-conducteurs que celle d’un véhicule ordinaire.Ils essaient à la fois de rattraper leur retard en matière d’approvisionnement et d’accélérer leur production, et tous les constructeurs automobiles le font en même temps. Je crois donc que c’est probablement la raison pour laquelle la production n’atteindra pas vraiment son plein régime avant 2023, ou même le milieu de 2023. Cela dépendra de la façon dont certaines des autres difficultés finiront par se résorber au cours des prochains mois.Sal Guatieri (06:14): Le secteur de l’automobile fait des progrès sur le plan de la chaîne d’approvisionnement, en particulier pour les semi-conducteurs, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Et il semble que ce soit le point de vue global si on se fie à l’indicateur de pression de la chaîne d’approvisionnement de la Fed de New York, qui a atteint son plus bas niveau en 18 mois, ce qui est une bonne nouvelle. Toutefois, il demeure assez élevé, ce qui donne à penser qu’il y a encore des problèmes en ce qui a trait aux commandes en retard et aux délais de livraison. Les prix des véhicules neufs et d’occasion étaient assez exagérés pendant la pandémie, qu’est-ce qui se cache derrière cette hausse et que pensez-vous qu’il adviendra des prix à l’avenir? Les gens devraient-ils se précipiter pour acheter un nouveau véhicule ou attendre avant d’acheter?Eric Johnson (06:57): Oui, je crois qu’il y a eu des moments idéals dans l’histoire pour acheter des produits coûteux, comme un nouveau véhicule ou un véhicule d’occasion, à cause du contexte économique général. Au cours des 20 dernières années, le meilleur moment pour acheter un nouveau véhicule a été en 2009, lorsque l’économie mondiale a connu un ralentissement prolongé et assez important. Le deuxième meilleur moment au cours de cette période était au début de la pandémie jusqu’au milieu de 2020.Je crois que cela reflète l’idée que lorsque vous voulez acheter un produit coûteux, vous devriez le faire lorsque la demande est assez faible. Je crois donc que la mauvaise nouvelle, et c’est certainement ce qui influence les prix, c’est que la demande pour ces produits a été et continuera à être élevée, simplement parce que de nombreux ménages participeraient à ce marché. Mais encore une fois, je crois que nous avons l’habitude de penser que dans le secteur de l’automobile, les concessionnaires possèdent des stocks qui suffisent à répondre à deux mois de demande, alors que leurs stocks sont inférieurs à la quantité nécessaire pour répondre à un mois de demande depuis essentiellement un an. Je crois que la difficulté réside dans le fait que l’offre est là jusqu’à un certain point, mais qu’elle est loin d’être aussi élevée que la demande que nous observons.Je crois qu’à l’approche de la fin de l’année et au cours de l’année prochaine, nous constaterons un certain assouplissement de la demande, car il faut certainement prendre en compte les taux d’intérêt lorsque nous envisageons de financer l’achat de nouveaux véhicules ou de véhicules d’occasion. Mais il faudra beaucoup de temps pour que la demande refoulée se résorbe. L’une des raisons pour lesquelles les prix ont tellement augmenté, c’est qu’au début de la pandémie, du côté des véhicules d’occasion, de nombreuses entreprises de location se sont essentiellement débarrassées de leurs parcs. C’était tout un défi. Il y a eu une forte augmentation de l’offre sur le marché des véhicules d’occasion et les prix ont chuté brutalement au début de 2020. Le problème, c’est que les entreprises de location ne veulent pas acheter des véhicules de luxe à marge très élevée auprès des constructeurs automobiles. Ils veulent habituellement acheter une grande quantité de véhicules plus bas de gamme, généralement compacts.La réalité, c’est qu’en tant que constructeur automobile, lorsque vous disposez d’une quantité limitée de semi-conducteurs, vous cherchez davantage à vendre vos produits à marge élevée. Donc, à vendre des camions légers. Et je crois que c’est ce que nous avons constaté. Les produits que nous avons vus sur le marché sont ceux qui coûtent plus cher et qui sont davantage destinés aux clients à revenu plus élevé. Ce ne sont pas les véhicules que les entreprises de location et les responsables de parcs automobiles veulent acheter en grand nombre. En gros, pendant deux ans, il a été vraiment difficile de renouveler sa flotte automobile. Une fois que les entreprises réussissent à renouveler leur flotte, elles conservent ces voitures jusqu’à ce qu’elles aient peut-être 20 000 ou 30 000 kilomètres au compteur et elles s’en débarrassent de nouveau, et c’est ce qui rétablit un peu l’équilibre de l’approvisionnement sur le marché des véhicules d’occasion. De même, les particuliers avaient aussi l’habitude d’échanger leur véhicule lorsqu’ils en achetaient un nouveau. Je crois que ce sont deux facteurs qui avaient une influence importante sur l’offre qui sont manquants sur le marché des véhicules d’occasion.Mais je dirais que si vous regardez les niveaux que les prix de gros ont atteints dans le passé, au cours des derniers mois, je crois qu’ils commencent à se rajuster. La demande de véhicules d’occasion commence à diminuer un peu, car il est maintenant un peu plus facile d’acheter un nouveau véhicule qu’il y a six ou douze mois. De plus, nous commençons enfin à constater une certaine augmentation de l’offre sur le marché des véhicules d’occasion. Il est possible que nous assistions à un renversement des prix des véhicules d’occasion. Il ne faut toutefois pas oublier que les prix des véhicules d’occasion demeurent 20 % supérieurs à ceux d’avant la pandémie. Comme vous l’avez dit, les pressions sur la chaîne d’approvisionnement à l’échelle mondiale diminuent, mais les prix sont loin de correspondre à ceux que nous payions avant pour acheter une voiture d’occasion.À l’instar des prix des nouvelles voitures, je crois que le défi que nous devons relever et vers lequel nous nous dirigeons au cours des prochains mois et des prochaines années, c’est que de nombreux constructeurs automobiles traditionnels ont eu le temps de réfléchir pendant la pandémie et ont constaté que bon nombre des nouveaux types de constructeurs de véhicules, comme Tesla, génèrent des marges assez importantes sur leurs véhicules par rapport à celles d’un constructeur automobile traditionnel. Par exemple, le chef de la direction de Ford, Jim Farley, a fait un commentaire très pertinent en disant qu’au début de 2021, il a constaté que Tesla générait une marge de profit environ cinq fois supérieure à celle de Ford. Je crois que les constructeurs se rendent compte que lorsque vous êtes un acteur dans un marché où l’offre est un peu serrée, et que l’approvisionnement est restreint par rapport à la norme sur le marché des nouveaux véhicules, vous avez un meilleur contrôle sur vos prix.Je crois que cela rend les constructeurs automobiles assez enthousiastes, malheureusement pour les consommateurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles les gens continueront à faire la file pour acheter de nouveaux véhicules beaucoup plus longtemps qu’on ne le pense. Cela signifie que les stocks ne reviendront pas à des niveaux d’avant la pandémie, c’est-à-dire à des stocks de nouveaux véhicules qui suffisent à répondre à la demande pendant 60 jours, et cela fera monter le prix plancher des véhicules neufs. Je crois donc que nous sommes moins susceptibles de les voir revenir au niveau d’avant la pandémie.Sal Guatieri (12:34): C’est bon de voir que le prix des véhicules d’occasion baisse. Malheureusement, le taux mensuel sur le prix des nouveaux véhicules est toujours de près de 1 % aux États-Unis. Si le secteur des véhicules, qui représente environ 6 % du panier d’achats des consommateurs, bénéficie d’un allégement plus général de l’inflation, il faudra que le prix des nouveaux véhicules commence à baisser. J’espère que cela se produira bientôt. Le Canada a imposé une nouvelle taxe de luxe sur les véhicules ce mois-ci. Eric, quelles sont les répercussions de cette taxe sur le secteur de l’automobile?Eric Johnson (13:12): Oui, nous avons parlé rapidement des pressions à la baisse exercées sur les prix des nouveaux véhicules et je crois que c’est un peu similaire. C’est toujours un défi dans le contexte actuel, où, essentiellement, les volumes d’automobiles sont presque à des niveaux de récession depuis environ deux ans. Il est difficile de penser que la situation du marché pourrait encore empirer, mais je crois qu’il y a déjà des pressions du côté de la demande pour un acheteur potentiel de nouveaux véhicules, n’est-ce pas? C’est chose du passé de payer un taux annuel du coût d’emprunt (TAC) de 0 %, taux qui était habituellement en vigueur dans un contexte de promotion des ventes d’automobiles. L’époque où l’on offrait des incitatifs importants aux acheteurs de nouveaux véhicules est révolue, en tout cas aux États-Unis, où il est possible que vous payiez souvent un prix nettement supérieur à celui du PDSF pour votre nouveau véhicule.Je crois donc que tous ces facteurs exercent déjà beaucoup de pression sur les consommateurs, en plus du fait que leurs factures d’épicerie, leur budget d’essence et leurs autres coûts énergétiques ont augmenté. Cette taxe de luxe vient s’ajouter aux pressions déjà exercées par la demande. Il est toujours bon d’avoir des discussions sur l’équité en matière de politique publique et de finances. Il est très important d’en discuter, mais je crois qu’il faut faire preuve de prudence quant à l’instrument que l’on utilise, dans ce cas-ci, une taxe de luxe, afin d’évaluer s’il permettra d’atteindre les objectifs poursuivis.Je crois qu’il s’agit d’une pression supplémentaire sur un secteur qui est déjà aux prises avec des difficultés sur le plan du volume, et que cela exercera une pression à la baisse encore plus forte sur différents secteurs du marché. Nous l’avons certainement constaté en Colombie-Britannique, lorsque la taxe de luxe a été instaurée il y a quelques années. Le segment de marché qui a été le plus affecté était celui des camions légers, qui est de loin le plus populaire du marché des ventes de véhicules en Amérique du Nord. Auparavant, le pourcentage de parts de marché était beaucoup moins élevé, mais maintenant, plus du trois quarts des nouveaux véhicules achetés appartiennent à la catégorie des camions légers. Je crois que cela ajoute aux défiset que la taxe réduira un peu la demande à un moment où on veut que ce secteur connaisse une reprise plus soutenue. Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est qu’à ce stade-ci, chaque dollar supplémentaire que reçoit le secteur de l’automobile est rapidement mis à contribution de bien des façons pour favoriser la transition du secteur vers une nouvelle économie. Chaque dollar supplémentaire gagné en vendant un véhicule ordinaire est rapidement affecté, par exemple, aux nouvelles installations de fabrication de batteries ou usines de montage de véhicules à l’échelle de l’Amérique du Nord dont nous entendons parler pour répondre à la nouvelle réalité. De nombreux constructeurs automobiles sont fermement déterminés à fabriquer des véhicules à zéro émission et à les commercialiser sur le marché nord-américain d’ici 2035.Je crois que c’est la réalité et qu’il faut soutenir cette transition. Je crois qu’à bien des égards, la taxe de luxe est un fardeau inutile pour le secteur et qu’elle ne permettra pas de générer les revenus attendus. Encore une fois, si vous vous intéressez à la question de l’équité, je crois qu’il est possible d’utiliser de bien meilleurs instruments et outils politiques pour atteindre ces objectifs de manière plus transparente et plus juste, plutôt que de choisir une catégorie très limitée de produits.Sal Guatieri (16:50): Il ne semble pas que cette taxe de luxe aura une grande incidence sur l’inflation si elle fait baisser la demande de véhicules. Il existe actuellement un engouement pour les véhicules électriques, selon vous, quelle sera leur incidence sur le secteur?Eric Johnson (17:05): Oui, je crois que cela nous ramène à parler de l’avenir des prix des nouveaux véhicules et du secteur de l’automobile. Les constructeurs automobiles sont très enthousiastes à l’idée de respecter les normes d’émissions pour l’ensemble de leur parc automobile, car au cours des dix dernières années, bon nombre d’entre eux ont vendu essentiellement des véhicules plutôt compacts à faible prix. Pour revenir à Ford, la Fusion Ford est un excellent exemple de voiture vendue à environ 25 000 $ US aux États-Unis. Les constructeurs vendaient constamment cette voiture à perte pour respecter les normes en matière d’émissions provenant du carburant.Je crois que les constructeurs automobiles sont vraiment enthousiastes à l’idée de se lancer dans le secteur des véhicules électriques et de vendre des véhicules électriques à un prix de départ de 40 000 $ US qui sont comparables à ceux qu’ils vendent actuellement. Ils le voient comme une occasion de se débarrasser d’un produit qu’on vend à perte et de lancer un nouveau produit qui, premièrement, sera probablement très populaire auprès des consommateurs, si l’on tient compte des ventes de Tesla cette année par rapport à celles du reste du secteur, deuxièmement, sera avantageux pour eux sur le plan des résultats, car ils progresseront vers leurs objectifs en matière de marge de profit dans le secteur pour l’avenir.Je crois que c’est vraiment pour cette raison que cette question retient autant l’attention du côté de l’offre en ce moment. Du côté de la demande, plusieurs forces s’unissent. D’abord, le transport contribue grandement aux émissions de carbone dans de nombreuses régions du monde, en particulier en Amérique du Nord, car nous vivons dans de très grands pays, alors nous conduisons beaucoup. Environ le quart de nos émissions proviennent du transport. C’est donc une excellente occasion d’atténuer bon nombre de ces problèmes. Je crois que c’est une autre raison pour laquelle on accorde beaucoup d’attention au segment des véhicules légers.Du point de vue des consommateurs, la situation est semblable à celle que nous avons observée lorsque le premier modèle de téléphone intelligent est arrivé sur le marché. Les téléphones intelligents sont devenus vraiment populaires lorsque du marketing intelligent a été diffusé par certains des nouveaux fabricants de téléphones, comme Apple, qui fabriquait un produit que les consommateurs trouvaient non seulement fonctionnel, mais aussi très amusant à utiliser. Je crois que si vous parlez à quelqu’un qui a eu l’occasion de s’asseoir dans une Tesla ou une nouvelle voiture électrique, il vous dira que ce sont des produits vraiment géniaux. Le défi consiste donc maintenant à réaliser une mise à niveau, car souvenez-vous qu’aux États-Unis, les ventes de véhicules électriques représentent environ 6 % des ventes de nouveaux véhicules.Le pourcentage le plus élevé jamais observé. Au Canada, je crois que plus de 7 % des véhicules neufs vendus cette année sont électriques. Mais encore une fois, il y a beaucoup de chemin à faire si nous voulons atteindre un objectif de 30 à 50 % d’ici 2030. Voilà pourquoi nous devons commencer à nous demander si nous avons l’infrastructure nécessaire pour réaliser nos ambitions dans ce domaine? Je pourrais faire installer une borne de recharge chez moi, mais la question est de savoir si à l’avenir je pourrai compter sur une infrastructure de recharge tout aussi fiable que le réseau actuel de stations-service si je souhaite faire un long trajet en voiture dans différentes régions du pays.Je crois que ce sont là quelques-unes des lacunes que le secteur privé et le secteur public doivent combler pour donner aider ce secteur à réaliser son plein potentiel. Ce qui est intéressant, c’est que parmi tous les secteurs dans lesquels nous allons investir de l’argent pour faire face aux enjeux liés à la nouvelle économie, comme l’électrification, et ce genre de choses, le secteur du transport est en tête de liste. Donc, il s’agit d’une excellente occasion tant du point de vue des investissements que du point de vue des économies canadienne et américaine. Ce sont des secteurs qui feront l’objet d’investissements massifs par rapport à ce que nous avons observé au cours des dernières décennies. Je crois qu’il sera intéressant de voir comment la situation évoluera et que nous devrions porter une attention particulière à ce qui sera fait à cet égard.Sal Guatieri (21:40): Malgré les défis liés aux infrastructures, les perspectives semblent plutôt positives pour le segment des véhicules électriques. Maintenant, comment le coût d’achat d’un véhicule électrique se compare-t-il à celui d’un véhicule à essence ordinaire aujourd’hui, est-il probable que cela change au cours des prochaines années?Eric Johnson (21:59): La réponse facile est oui. Le coût des batteries, qui est de loin le composant le plus cher des véhicules électriques, a vraiment diminué. Je crois que le défi, c’est que le secteur veut relocaliser une partie de la chaîne d’approvisionnement mondiale. La Chine est assurément un fournisseur très important de nombreuses technologies et de composants de batteries actuellement. Tant du point de vue des occasions que du point de vue sectoriel, il y a un grand intérêt à augmenter la capacité dans un pays comme le Canada, que cela passe par l’établissement d’une stratégie relative aux minéraux essentiels ou, bien entendu, l’ouverture d’usines de fabrication de batteries par les constructeurs automobiles et d’autres types de partenaires du secteur.Je crois que c’est un élément à prendre en considération. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’en général, nous avons tendance à voir les coûts diminuer. L’autre facteur dont il faut tenir compte, c’est que réoutillage et le repositionnement des chaînes d’approvisionnement mondiales génèrent souvent des coûts. Je crois qu’il sera un peu difficile de surveiller les conséquences qui découleront de la refonte de la chaîne d’approvisionnement nord-américaine dans le secteur des véhicules électriques. Pendant la pandémie, le prix de nombreux composants était plutôt imprévisible. Au cours des deux dernières années, le prix de l’aluminium a subi des fluctuations assez importantes.En réalité, l’un des principaux défis liés à la construction de véhicules électriques est le poids. Si vous prenez l’exemple du F-150 Lightning, la version électrique du véhicule le plus populaire en Amérique du Nord, ce modèle pèse beaucoup plus que son équivalent à essence. Et la raison en est que, contrairement à l’essence, l’électricité n’a pas l’avantage d’avoir passé des millions d’années à concentrer de l’énergie solaire pour constituer un carburant vraiment puissant. Donc, si vous voulez qu’un camion électrique soit aussi performant qu’un camion ordinaire, la batterie qui l’alimente doit être beaucoup plus lourde. Je crois que ce sont des éléments qui vont faire augmenter les coûts et que ces domaines sont également mûrs pour l’innovation. La façon actuelle de construire et d’assembler les voitures doit être réinventée.Je crois que c’est un élément à retenir concernant l’évolution des prix. Il y a des facteurs qui pourraient faire augmenter les coûts. Il y a évidemment des tendances que nous avons observées au cours des dernières années qui ont fait baisser le coût des nouveaux véhicules. Mais en fin de compte, si vous achetez une voiture ordinaire aujourd’hui, encore une fois, c’est une comparaison un peu injuste. Lorsque la plupart des gens achètent un nouveau véhicule, ils n’achètent pas de voiture, ils achètent un camion ou un véhicule utilitaire sport, qui entre dans la catégorie des camions. Mais en réalité, le coût d’un véhicule électrique pendant toute sa durée de vie est probablement déjà moins élevé que celui d’un véhicule alimenté à l’essence ou au diesel.Nous n’avons pas encore observé de baisse dans le cas des camions légers, mais cela dépend certainement du prix de l’essence que nous voulons prendre en compte. La conversation pourrait changer très rapidement si nous tenions compte des prix de l’essence qui avaient cours entre mars et juin. Ce qu’il faut retenir, c’est que la structure de coûts d’un véhicule électrique est différente de celle d’un véhicule ordinaire à essence, car une grande partie du coût d’un véhicule électrique dépend du prix d’achat. Environ 80 % du coût de propriété pendant la durée de vie d’un véhicule électrique correspond au prix d’achat, tandis que dans le cas d’un véhicule à essence ou au diesel, une plus grande proportion de cette somme est allouée au coût d’exploitation.Cela varie, mais le coût d’exploitation peut atteindre 40 %, contrairement au pourcentage que nous observons pour les véhicules électriques aujourd’hui. Il est important d’en parler. La volatilité et les marchés de l’énergie contribuent vraiment au coût pendant la durée de vie. Ce qui est également vrai, c’est qu’il y a peu de camions légers sur le marché en ce moment. J’ai mentionné l’un d’eux, le Ford F-150 Lightning. Le Mach-E peut également être considéré comme un camion léger et le nouvel IONIQ 5 pourrait presque aussi faire partie de cette catégorie. En réalité, nous voyons les premiers modèles de ce segment arriver sur le marché. Nous verrons de nombreux autres modèles entrer sur le marché. L’année 2024 sera une année importante pour ce segment. Jeep a déjà annoncé que d’ici 2024, la plupart de ses modèles auront un équivalent électrique. Vous verrez probablement les coûts diminuer de beaucoup à mesure que l’offre augmentera. Voilà ce qui constitue un défi.Aujourd’hui, le prix des véhicules neufs a fait en sorte que beaucoup de gens ont quitté le marché, et c’est certainement quelque chose que nous avons vu au cours des deux dernières années. Les paiements mensuels moyens sont inabordables pour beaucoup de ménages. Il sera vraiment avantageux pour ce marché de proposer des véhicules appartenant à ce segment qui sont beaucoup plus abordables pour le ménage moyen. Je crois que c’est l’obstacle que nous devons surmonter. Beaucoup de constructeurs automobiles doivent réfléchir à la question du coût de propriété pendant la durée de vie s’ils veulent que ce secteur prenne son essor. Il faut convaincre les gens qu’il s’agit d’un produit qu’ils veulent acheter non seulement pour des raisons environnementales, mais aussi économiques, et parce qu’il s’agit d’un excellent produit de consommation.Sal Guatieri (27:46): Passons à notre dernière question, Eric. En période de difficultés économiques, les ménages ont tendance à réduire leurs dépenses discrétionnaires. À quoi pouvons-nous nous attendre dans le secteur de l’automobile au cours de la prochaine année, alors que les risques de récession sont assez élevés?Eric Johnson (28:07): Oui, absolument. Je crois que c’est la question qui préoccupe tous ceux qui surveillent le secteur de l’automobile. Quand nous repensons au dernier grand cycle de la crise financière mondiale, le secteur de l’automobile a connu des difficultés, car les ventes se sont effondrées et il a fallu beaucoup de temps pour revenir à un niveau normal. Nous ne connaîtrons donc probablement pas un creux aussi grave et important qu’à l’époque, pour la simple raison que les ventes de véhicules ont été très faibles au cours des deux dernières années. En réalité, il faudra beaucoup de temps pour que la demande refoulée se résorbe.Mais du point de vue des constructeurs automobiles, et je crois que cela en dit un peu plus sur la situation du secteur… Même si les coûts de fabrication sont élevés… La demande est demeurée très forte, les prix des véhicules neufs et d’occasion ont été très élevés, donc les marges étaient très avantageuses. Je crois que nous allons maintenant voir la demande commencer à ralentir un peu. Cela ne veut pas dire que toute la demande refoulée se résorbera, mais si la demande diminue d’un quart ou d’un tiers, les prix élevés diminueront eux aussi. Les prix à la production et à la consommation commencent à se corriger.Ce sera beaucoup plus difficile pour ce secteur de prendre de l’expansion de façon assez dynamique et de se repositionner dans un tout nouveau segment. C’est beaucoup plus difficile à faire quand les marges que vous générez avec vos produits diminuent soudainement. C’est ce que nous pourrions observer selon l’ampleur du ralentissement de la demande. Mais je crois qu’en ce qui concerne les taux d’intérêt seulement, ce à quoi nous nous attendions historiquement, c’est qu’à la fin de l’année, lorsque les taux d’intérêt auront augmenté et seront passés de 300 à 350 points de base, selon la position de la Banque du Canada et de la Fed, cela est suffisant pour que la demande refoulée se résorbe, du moins d’un quart ou d’un tiers. Je crois donc qu’il s’agit du grand défi pour ce secteur, en plus de toutes les difficultés liées à l’offre au cours des deux dernières années. La demande commence vraiment à augmenter, pour ainsi dire, lorsque nous pensons aux pressions à la baisse sur le secteur. Cela nous permettra de voir dans quelle mesure nous pouvons accélérer la croissance de ces nouveaux segments de véhicules.Sal Guatieri (30:39): Intéressant. Ainsi, le secteur de l’automobile pourrait réussir à traverser au moins une légère récession mieux que le marché de l’habitation s’il profitait d’une demande refoulée. Surtout si les prix des automobiles diminuaient considérablement et si les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement étaient résolus. Ce secteur résiste relativement bien à la période économique difficile qu’il traverse. Merci, Eric, pour cette abondance de renseignements, et merci à vous tous de vous être joints à nous.

Le pire de l’inflation est-il passé ?
L’inflation prend de l’ampleur pour la première fois depuis des décennies et elle ne semble qu’empirer. Pendant combien de temps cette situation peut-elle continuer et que peut-on faire pour y remédier ? Douglas Porter et Sal Guatieri discutent des problèmes et des conséquences potentielles pour l’économie.
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- Sal Guatieri (00:00): Bienvenue à tous. Je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagné de Doug Porter, économiste en chef, avec qui je discuterai de la grande question qui préoccupe les investisseurs : la montée de l’inflation et, peut-être plus important encore, le rythme auquel elle va chuter. Nul besoin de rappeler que l’inflation persistante représente la plus grande menace pour l’expansion économique et tout espoir de reprise des marchés boursiers. La Réserve fédérale a d’ailleurs annoncé qu’elle ferait à peu près tout ce qu’il fallait pour la contenir.Doug, vous avez récemment écrit à ce sujet dans notre publication Focus. Avant d’entrer dans les détails, commençons par votre point de vue général. L’inflation a-t-elle atteint un sommet ?Doug Porter (00:40): Je crois que la réponse très courte est pas tout à fait encore. Nous y sommes presque en supposant que les prix de l’énergie ne bougeront pas au cours des prochains mois. Je crois que nous sommes très près du sommet, mais de façon générale, ce qu’il faut retenir, c’est que l’inflation globale devrait être relativement forte tout au long de la deuxième moitié de l’année, avant d’atteindre un sommet et de commencer à redescendre de manière plus significative l’an prochain. Je crois aussi que l’autre élément clé ici est que, même lorsque cela se produira, il semble que l’inflation de base sera relativement forte et qu’il sera plus difficile de la mater au cours des 18 prochains mois. Et je crois que la leçon la plus importante à retenir est que nous pourrions nous retrouver avec une inflation de base trop élevée pour nous sentir rassurés.Sal Guatieri (01:31): Il y a donc un peu de lumière au bout du tunnel, mais elle semble toujours vacillante. Je suppose qu’il y a encore beaucoup de choses à régler pour que l’inflation recommence à descendre. Maintenant, dans votre article, vous divisez les forces récentes agissant sur l’inflation entre les bonnes, les mauvaises et les très incertaines. Commençons par les signes positifs récents qui indiquent que l’inflation pourrait atteindre un sommet.Doug Porter (01:57): Dans le haut de la présentation, on voit une certaine baisse des prix de l’essence. Mais comme nous l’avons vu à plusieurs reprises cette année, nous ne pouvons pas vraiment nous laisser guider par la baisse des prix de l’énergie, car nous avons connu des hauts et des bas et il y a une grande incertitude à cet égard. J’y reviendrai plus tard. Pour ce qui est des choses qui sont un peu plus durables, je pense qu’en haut de la diapositive, je regarderais le prix d’autres produits de base. Les prix des matières premières non énergétiques ont vraiment diminué. Je remarque que, dans certains cas, il s’agit de métaux industriels. Je pense que cela est principalement dû aux confinements, aux fermetures, que nous avons vus en Chine, mais aussi aux inquiétudes grandissantes suscitées par un ralentissement économique mondial qui a complètement freiné le marché des métaux industriels. Et j’aimerais attirer votre attention sur une chose très sensible à la conjoncture économique, à savoir le cuivre, qui a valeur d’exemple à ce chapitre.Mais il ne s’agit pas seulement des métaux. Des facteurs comme le prix du bois d’œuvre ont reculé. Le prix des autres matériaux de construction a un peu diminué, et même le prix des récoltes, d’un certain nombre d’aliments, a reculé. Par exemple, les prix du blé et du maïs sont en baisse par rapport à ce qu’ils étaient avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Lorsque l’invasion a eu lieu, c’était vraiment l’une des principales préoccupations initiales, la montée du prix des denrées alimentaires à l’échelle mondiale. C’est bien entendu ce qui s’est produit, mais le prix des cultures a baissé au moins.Le deuxième point sur lequel j’aimerais attirer votre attention est les premiers signes que la pression sur la chaîne d’approvisionnement commence à relâcher. La pénurie de puces persistera pendant un certain temps, mais de façon plus générale, les chaînes d’approvisionnement mondiales subissent moins de pression, comme les retards de livraison des fournisseurs. J’aimerais aussi parler des taux de fret à l’échelle mondiale et, dans une certaine mesure, des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement. Même si les prix du carburant sont élevés, les taux de fret à l’échelle mondiale ont légèrement diminué, ce qui, selon moi, indique que certaines des pressions extrêmes sur la chaîne d’approvisionnement se sont atténuées. Les stocks des détaillants ont beaucoup augmenté au cours de la dernière année. Il s’agit d’un élément important qui permet d’alléger une partie de la pression sur le prix des vêtements ou des meubles, par exemple. Les stocks des détaillants augmentent, car les consommateurs délaissent les achats de biens au profit des services.À ce sujet, les prix des véhicules d’occasion ont perdu un peu de leur vigueur. J’ai dit plus tôt que la pénurie de puces allait durer un certain temps. Je ne m’attends donc pas à ce que les prix des véhicules baissent complètement de sitôt, mais au moins ils ont cessé d’augmenter, du moins les prix des véhicules d’occasion ont cessé d’augmenter au rythme de l’an dernier. Je pense que le dernier signe que je peux mentionner est notre propre surveillance interne de l’inflation : il semble y avoir un début de plafonnement. Il s’agit de divers signes, mais je crois que lorsqu’on les regroupe, on constate un début de relâchement des pressions les plus fortes.Sal Guatieri (04:45): Il y a donc plusieurs choses qui évoluent dans la bonne direction, du moins peut-être pas aussi rapidement que nous le souhaitons, mais au moins qui commencent à exercer des pressions à la baisse sur l’inflation. Ce sera bien de voir davantage de rabais offerts par les détaillants sur bon nombre des produits pour lesquels nous avons fait des réserves pendant la pandémie. Je crois que c’est un aspect sur lequel nous pouvons compter pour un certain répit par rapport à l’inflation. Comme vous l’avez mentionné, la situation des chaînes d’approvisionnement semble s’améliorer, en particulier en ce qui concerne les puces dans le secteur de l’automobile. Vous devez encore attendre longtemps avant la livraison ou la prise de possession d’un nouveau véhicule, mais au moins les choses s’améliorent de ce côté. Et je suis d’accord pour dire que le signe le plus encourageant jusqu’à présent est le recul des prix des produits de base, de la plupart des produits de base. Comme vous l’avez mentionné, le prix de certaines récoltes est maintenant inférieur à ce qu’il était avant la guerre en Ukraine, ce qui est un pas dans la bonne direction et nous espérons que les prix de l’énergie afficheront une tendance à la baisse, car cela aiderait vraiment.Malheureusement, vous avez également parlé des forces qui continuent d’alimenter l’inflation. Pouvez-vous en parler ?Doug Porter (05:56): Oui, et je pense que ce que les banques centrales surveillent vraiment, et sans doute l’une des raisons pour lesquelles la Réserve fédérale a, de manière inattendue, augmenté ses taux de trois quarts pour cent le mois dernier et que la Banque du Canada a récemment augmenté ses taux d’un point de pourcentage, je pense que la principale chose qu’elles surveillaient beaucoup était les taux inflationnistes anticipés, et il y a de nombreuses façons de les mesurer. Il existe des mesures fondées sur le marché, des mesures fondées sur les sondages et divers sondages qui visent à connaître exactement les attentes des gens par rapport à l’inflation. Mais je pense qu’il est assez juste de dire qu’à la lumière de l’ensemble de ces éléments, les attentes inflationnistes ont augmenté au cours des six derniers mois et elles atteignent des niveaux qui sont juste un peu trop élevés pour rassurer la banque centrale. C’est ce qui peut vraiment déstabiliser l’inflation si certaines de ces attentes s’installent vraiment sur une plus longue période. La bonne nouvelle, depuis que j’ai écrit cet article, c’est qu’au cours des dernières semaines, l’un des sondages menés par l’Université du Michigan, que la Réserve fédérale surveille, a montré un léger recul des attentes inflationnistes à long terme, ce qui est une bonne nouvelle. Mais de façon générale, la plupart des sondages suggèrent que les consommateurs, et même les entreprises, s’attendent à ce que l’inflation reste élevée un peu plus longtemps, ce qui risque d’ancrer l’inflation.Les pressions salariales sont un peu liées, mais constituent un enjeu un peu différent. Aux États-Unis, nous l’avons vu, il y a beaucoup de différentes mesures salariales, mais de nombreuses mesures maintenant se traduisent par des augmentations de salaire d’environ 6 %. C’est concret, c’est décent, c’est mieux que ce que nous avons vu depuis un certain temps, mais c’est toujours bien en deçà de l’inflation de 9 %. En fait, je constate une pression supplémentaire sur les salaires. Au Canada, les salaires commencent tout juste à remonter et ils sont bien en deçà de l’inflation de 8 %. Il y aura donc encore beaucoup de pression sur le plan des salaires; c’est tout à fait compréhensible. Je veux dire, les travailleurs ont reculé de nombreux kilomètres par rapport à l’inflation l’année dernière. Dans un marché du travail tendu, il est tout à fait compréhensible que l’on insiste pour obtenir d’importantes augmentations de salaire. Du point de vue de la banque centrale, vous savez, dans la mesure où l’inflation est prévue dans les contrats salariaux, elle peut être maintenue plus longtemps que prévu.Le troisième facteur qui m’inquiète un peu est la possibilité que les loyers, tant au Canada qu’aux États-Unis, commencent tout juste à augmenter de façon significative et puissent soutenir l’inflation plus longtemps. Et c’est, dans une certaine mesure, la conséquence de l’explosion du marché du logement à laquelle nous avons assisté ces dernières années, car nous commençons maintenant à voir une réelle pression sur les loyers également.Sal Guatieri (08:39): Oui, il y a encore beaucoup de choses qui doivent commencer à se redresser avant que nous puissions agiter le drapeau de la fin de l’alerte à l’inflation. Et je pense que l’équilibre entre les salaires et les attentes inflationnistes est probablement critique. Entre les salaires et les prix, il est difficile de voir qui mène l’autre, mais je crois que, particulièrement au Canada en ce moment, plus récemment en raison de l’accélération des salaires, il est assez clair que les ménages s’attendent à une hausse de l’inflation, car ils constatent la persistance de l’inflation cette année et cherchent donc à obtenir une augmentation de salaire. Cela ajoute un peu de pression supplémentaire sur ces mesures de base de l’inflation. Ce serait bien de voir les attentes et, bien sûr, la croissance des salaires diminuer. Et comme vous l’avez mentionné, la hausse des loyers au Canada et aux États-Unis est sans doute la conséquence de la hausse fulgurante des prix des maisons, qui éliminent tant d’acheteurs potentiels du marché à l’heure actuelle. Ils n’ont tout simplement pas les moyens d’acheter une maison, alors ils louent. Le marché locatif est tendu dans les deux pays et, par conséquent, les loyers augmentent assez rapidement. Nous assisterons probablement à une augmentation persistante des loyers, ce qui fera grimper l’inflation pendant un certain temps.Nous n’avons toujours pas d’idée claire sur certains éléments qui joueront un rôle essentiel dans les perspectives inflationnistes et qui valent certainement la peine d’être surveillées. Voulez-vous parler de ces éléments ?Doug Porter (10:13): Eh bien, je pense qu’il est réaliste de dire que les deux grandes incertitudes sont les prix des denrées alimentaires et de l’énergie, ce qui affecte vraiment tout le monde et qui sont franchement imprévisibles. Le secteur de l’énergie est très agité depuis l’invasion de l’Ukraine. Le prix du pétrole est aujourd’hui supérieur d’environ 10 $ à son niveau d’avant l’invasion. Le prix du gaz naturel est également passablement plus élevé, mais dans les deux cas, on est loin d’avoir atteint le sommet. À mon avis, c’est le seul domaine où cela pourrait contribuer à réduire l’inflation beaucoup plus rapidement que prévu ou à la faire grimper de nouveau. En toute franchise, nous sommes d’avis que les prix du pétrole et du gaz devraient légèrement se modérer au cours des 18 prochains mois, mais nous ne nous attendons pas à un répit important à cet égard.Honnêtement, le prix des denrées alimentaires dépend en grande partie de la qualité des récoltes de céréales de l’année en Amérique du Nord. Si nous obtenons une récolte proche de la normale, cela contribuera grandement à atténuer certaines des pires tensions que nous avons observées, du moins en ce qui concerne les prix des cultures. Toutefois, la hausse des prix à l’épicerie est multifactorielle. Si vous empruntez n’importe quelle allée ces jours-ci, vous serez choqué par la hausse des prix. Au Canada, les prix à l’épicerie ont augmenté de près de 10 %; aux États-Unis, ils ont augmenté d’environ 12 % au cours de la dernière année, et ces prix sont très fortement en hausse. Ce n’est pas seulement en raison de la sécheresse de l’an dernier. Ce n’est pas seulement dû à des facteurs comme le prix des produits laitiers. C’est la même chose dans chaque allée de l’épicerie. La justification diffère d’une allée à l’autre.Il y a de nombreuses variables ici, mais je crois qu’elles auront toutes des conséquences psychologiques sur le consommateur moyen, mais principalement sur les perspectives plus générales au chapitre de l’inflation. Je crois qu’il s’agit d’une véritable inconnue et, honnêtement, je n’oserais pas dire que les prix des denrées alimentaires ont atteint un sommet. À notre avis, ils devraient connaître une augmentation plus modérée au cours de la prochaine année. Encore une fois, je crois que la hausse sera beaucoup trop élevée, même en 2023.Sal Guatieri (12:27): Oui. Il serait bon de constater une baisse soutenue des coûts de l’énergie et des aliments, compte tenu de leur importance dans le panier d’achats des consommateurs et de leur influence sur les attentes sur le plan psychologique. Ce sont des articles que nous achetons régulièrement. Si leur prix augmente aussi rapidement, cela ne fait que modifier à la hausse nos attentes en matière d’inflation. Il serait donc bien de voir une baisse soutenue à cet égard. Cela répond à la prochaine question que je voulais vous poser : qu’est-ce qui vous rendrait beaucoup plus optimiste à l’égard des perspectives d’inflation ? Je suppose que la baisse soutenue des coûts de l’énergie et des aliments serait une réponse possible.Doug Porter (13:10): Un changement qui me rassurerait beaucoup au sujet des perspectives inflationnistes, ce serait la fin des hostilités en Ukraine. Même s’il s’agit d’un cessez-le-feu ou d’un règlement négocié. Cela dit, ne vous méprenez pas : nous avions un grave problème d’inflation avant même l’invasion. Au Canada, l’inflation avait atteint près de 6 %. Aux États-Unis, c’était presque 8 %. La situation était donc déjà très grave, mais avec la fin des hostilités, nous pourrions éliminer une partie des difficultés liées aux prix des matières premières. Pour répondre directement à votre question : ce qui serait idéal, c’est que les prix du pétrole redescendent sous la barre des 100 $ le baril et qu’ils restent à ce niveau. Je crois que cela contribuerait grandement à réduire les craintes des consommateurs quant à l’orientation de l’inflation, en plus d’avoir un effet concret sur l’inflation globale. Il en va de même pour les prix des aliments, en particulier les prix des céréales.Sal Guatieri (14:17): La fin de la guerre en Ukraine serait une bonne nouvelle, non seulement pour des raisons humanitaires, mais également pour atténuer la pression sur les coûts de l’énergie et des aliments. Pour ce qui est de l’énergie, le principal problème est que nous assistons actuellement à un anéantissement de la demande en raison du ralentissement de la croissance mondiale. En contrepartie, l’offre n’a pas été ajustée à ces prix très élevés. Les producteurs n’augmentent pas l’offre comme ils le feraient normalement, ce qui n’aide pas les choses. Au bout du compte, les coûts des aliments et de l’énergie pourraient diminuer. Cela représenterait la moitié du chemin pour combattre l’inflation. Nous ne pouvons pas parler d’inflation sans parler de la lutte de la Réserve fédérale (Fed) contre celle-ci. Pensez-vous qu’elle réussira à limiter l’inflation et à éviter un grave ralentissement économique ?Doug Porter (15:10): Je crois qu’elle réussira à maîtriser l’inflation. Cela dit, je ne suis pas convaincu qu’elle sera en mesure de le faire sans créer un ralentissement économique. Selon nos calculs officiels, la probabilité d’une récession aux États-Unis ou au Canada au cours des 18 prochains mois est légèrement inférieure à 50 %. Mais c’est tout de même très élevé. Fondamentalement, les banques centrales savent comment vaincre l’inflation. La question est de savoir si elles sont prêtes à nous imposer cette médecine de cheval afin de faire baisser l’inflation. Nous avons peut-être maintenant dépassé le point de non-retour, où il faudra passer par un ralentissement économique pour vaincre l’inflation.Dans un monde où les prix du pétrole et des aliments ne nous donnent pas de répit, je crois que la Fed et la Banque du Canada feront le nécessaire pour freiner l’inflation et la faire baisser quelque peu, mais peut-être pas assez pour qu’elle atteigne un niveau acceptable. Ce sera toujours un problème dans un an ou deux, lorsque l’inflation sera certes à la baisse par rapport au sommet enregistré quelque temps auparavant, mais pas encore stabilisée. Le problème sera encore là. Autrement dit, elles optent essentiellement pour une demi-solution qui nous permet d’éviter une grave récession, sans pour autant ramener l’inflation à des niveaux acceptables. Je ne serais pas surpris d’en arriver là.Selon nos prévisions officielles, ce ne serait pas un atterrissage en douceur, mais plutôt un atterrissage en dents de scie. Nous avons observé un trimestre de croissance négative du PIB et un autre trimestre de croissance pratiquement nulle. Nous pouvons donc dire qu’il y aura un ralentissement de croissance vers la fin de l’année. Nous avons besoin d’un peu de chance en ce qui concerne les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement. Il nous faudra également un peu de chance par rapport aux prix de l’énergie et des aliments. Si tous ces éléments sont réunis, je crois que nous pourrons éviter une grave récession, mais ce sera très difficile. Commencer cette bataille avec une inflation de 9 % aux États-Unis et de 8 % au Canada et traverser cette période sans qu’il y ait de ralentissement économique représente un grand défi pour les banques centrales.Sal Guatieri (17:24): En effet. Il semble que la Fed ait vraiment besoin de beaucoup de chance, essentiellement sur le plan de l’inflation, pour éviter un atterrissage brutal. En six décennies d’élaboration de politiques économiques, la Fed n’a jamais réussi un atterrissage en douceur lorsque les taux d’intérêt et le taux de chômage sont si bas au début du cycle, avec en plus une inflation très élevée. Pour réussir, beaucoup d’éléments sont nécessaires. Une baisse des prix des matières premières au cours des prochains mois serait certainement utile. Parlons maintenant du Canada. Pensez-vous que la Banque du Canada aura peut-être plus de facilité à contrôler l’inflation que la Fed, étant donné que l’inflation est inférieure d’un point de pourcentage au Canada par rapport aux États-Unis ?Doug Porter (18:15): Je ne dirais pas que le travail d’une banque centrale est facile; la notion de facilité est relative dans ce contexte très difficile. Cela dit, la Banque du Canada n’aura probablement pas besoin d’augmenter les taux d’intérêt autant que la Fed, mais l’augmentation sera similaire. Je ne crois pas qu’il y aura une grande différence entre les actions de la Banque du Canada et celles de la Fed. Je crois que votre question est fondée sur le fait que l’inflation canadienne est légèrement inférieure à celle des États-Unis depuis environ 18 mois. Même au cours du dernier mois, elle est presque exactement inférieure d’un point de pourcentage, mais il faut garder une chose en tête : elle est toujours supérieure à 8 %. Lorsqu’on examine l’inflation de base, il n’y a pas vraiment de différence.Pour ce qui est de ramener l’inflation à des niveaux acceptables, il faut vraiment tenir compte de l’inflation de base. Au bout du compte, la tâche de la Banque du Canada est presque aussi considérable que celle de la Fed. Je ne vois donc pas beaucoup de différence quant à l’ampleur de la hausse des taux d’intérêt qui devra être effectuée par les banques centrales. Notre prévision officielle ? La Fed augmentera les taux d’intérêt d’un niveau de plus que la Banque du Canada. À l’heure actuelle, nous nous attendons à ce que les deux banques centrales ramènent leurs taux de financement à un jour à environ 3,5 % (un peu plus dans le cas de la Fed). Personnellement, je crois que le risque lié à cette décision est toujours à la hausse. Vous savez, en tant que prévisionnistes, nous avons tous été surpris par la rapidité avec laquelle les banques centrales ont augmenté les taux au cours des six derniers mois. Je crois tout de même qu’il y a un risque, c’est-à-dire que l’augmentation des taux dépassera nos prévisions et celles des marchés.Sal Guatieri (19:59): Je crois que nous avions espoir, il y a plusieurs mois, que ce serait plus facile pour la Banque du Canada que pour la Fed de gérer l’inflation. En effet, à ce moment-là, la différence au niveau de l’inflation était plus élevée que le 1 % que l’on peut constater à l’heure actuelle. La croissance des salaires a été remarquablement faible au Canada jusqu’à il y a quelques mois, mais elle a connu une forte progression récemment, du moins selon certaines mesures. Je ne suis donc pas certain que la Banque du Canada aura beaucoup plus de facilité que la Fed à contenir l’inflation et à éviter un atterrissage brutal. Il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte dans les perspectives inflationnistes. J’espère que vous avez raison et que nous approchons d’un sommet et que la baisse subséquente pourra au moins permettre aux banques centrales de ne pas intervenir l’année prochaine en ce qui a trait aux taux d’intérêt. Cela pourrait donner à l’économie la marge de manœuvre nécessaire pour éviter une récession pure et simple, mais ce sera vraiment très difficile.Merci pour vos observations, Doug, et merci à tous de nous avoir écoutés.Doug Porter: C’est moi qui vous remercie.

Perspectives économiques nord-américaines et européennes
Avec la hausse rapide des taux d’intérêt et de l’inflation, les prévisions économiques sont de plus en plus sombres. Alors que les banques centrales sont confrontées à leur plus grand défi lié à l’inflation depuis des décennies, Sal Guatieri et Jennifer Lee s’entretiennent avec Ben Reitzes, premier directeur général et stratège, Taux et macroéconomie pour BMO Marchés des capitaux, au sujet des économies canadienne, européenne et américaine. Ils nous donnent un aperçu de ce à quoi nous pouvons nous attendre pour le reste de l’année et pour l’année prochaine.
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- Introduction (00:03): Bienvenue à l’épisode du mois de juin 2022 du balado Investissements plus futés. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique pour être en mesure de prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri (00:19): Bonjour à tous, je m’appelle Sal Guatieri et je suis accompagné de Jennifer Lee et de Ben Reitzes, qui nous parleront des perspectives économiques et des taux d’intérêt au Canada, aux États-Unis et en Europe. Alors que les médias parlent de récession, l’économie mondiale se dirige vers des eaux agitées et les banques centrales tentent de calmer l’inflation. Ben, commençons par la situation au Canada, où les prix élevés de l’énergie sont très avantageux pour la balance commerciale, mais pas pour le portefeuille des consommateurs, et la Banque du Canada, qui semble aussi déterminée que la Fed à lutter contre l’inflation. Comment l’économie canadienne se porte-t-elle actuellement à l’approche de la tempête?Ben Reitzes (00:51): Eh bien, nous nous en sommes plutôt bien tirés au début de l’année et même les statistiques les plus récentes montrent que notre économie a tenu bon. Ce matin, nous avons parlé des ventes au détail d’avril, ce qui était étonnamment réjouissant, car les ménages et les consommateurs ont tenu le coup face à l’accélération de l’inflation. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que nous n’avons vu que quelques hausses de taux au moment de la publication de ce rapport et que la Banque du Canada est sur le point d’en annoncer d’autres dans les semaines et les mois à venir. Les taux pèseront lourdement sur les consommateurs. Alors, même si l’économie se maintient bien, affichant une très bonne croissance au deuxième semestre de l’année dernière et une bonne dynamique aux premier et deuxième trimestres de cette année, nous nous attendons à un ralentissement au second semestre et à ce que l’économie soit vraiment en difficulté au quatrième trimestre de l’année en cours et au premier trimestre de l’année prochaine.Sal Guatieri (01:35): J’aimerais pouvoir dire que l’économie américaine se porte mieux, mais les ventes au détail du mois de mai ont été beaucoup plus faibles que prévu. Elles ont même diminué malgré l’augmentation des prix. Les volumes ont été plutôt faibles. Nous nous attendions à un certain déplacement vers les services, mais même le secteur de services mentionné dans ce rapport, à savoir les sorties au restaurant, qui semblent diminuer en ce moment, affichait une faible performance. Il semble que les consommateurs américains commencent à reculer devant ces hausses de prix. Je veux dire qu’ils ont un énorme excédent d’épargne, mais une grande partie de cet excédent est simplement drainé par la hausse des prix plutôt que par l’achat de nouveaux articles. Si l’on se fie à la hausse des prix des carburants et des denrées alimentaires cette année, les ménages américains typiques verront probablement leur budget amputé de quelques points de pourcentage. Ils trouvent donc des moyens de réduire leurs dépenses dans d’autres domaines.Certaines des autres statistiques récentes ont également commencé à se dégrader. Le secteur manufacturier a chuté en mai, le nombre de chômeurs a commencé à augmenter aux États-Unis et, bien sûr, le secteur économique le plus sensible aux taux d’intérêt, soit le marché de l’habitation, se refroidit très rapidement. Nous venons d’assister à la quatrième baisse consécutive des ventes de maisons existantes, qui sont revenues aux niveaux d’avant la pandémie. Les mises en chantier ont chuté de 14 % en mai, ce qui n’est pas surprenant étant donné que nous assistons à l’une des hausses les plus rapides des taux hypothécaires depuis des décennies. Je veux dire que nous pensons que l’économie s’est bien comportée au deuxième trimestre, et qu’elle a probablement progressé à un taux annualisé de 2,5 %, mais je crains que ce ne soit le pic de l’économie américaine pour un certain temps. Jennifer, l’économie européenne est confrontée à un énorme défi dû à la flambée des coûts du gaz naturel. Comment s’en sort-elle?Jennifer Lee (03:07): En fait, très difficilement. C’est drôle, vous parlez des ventes au détail et j’étais justement en train de regarder les dernières données sur les ventes au détail pour l’Europe et la zone euro. Elles ont en fait baissé de 1,3 % en avril, en raison d’une forte baisse en Allemagne. On se demande si l’Allemagne pourra éviter une récession, car elle est l’un des pays les plus touchés par la pénurie mondiale de semi-conducteurs, qui perdure depuis le début de l’année 2022. Ensuite, bien sûr, deux grands facteurs sont venus aggraver une situation déjà difficile. D’abord, le début de la guerre en Ukraine a provoqué une onde de choc dans toute l’Europe et a bien sûr eu une incidence sur les coûts de l’énergie et des denrées alimentaires ainsi que sur le commerce et la confiance des entreprises. Ensuite, le début des confinements à Shanghai, à Beijing et dans d’autres régions de la Chine a aggravé les problèmes d’approvisionnement déjà problématiques. Alors que nous entamons la deuxième moitié de 2022, nous nous attendons à une très faible croissance dans la zone euro, voire à une contraction possible, ce qui est peut-être encore plus probable au Royaume-Uni, où l’on a déjà enregistré deux fortes baisses du PIB en mars et en avril seulement.Sal Guatieri (04:09): Dans cette discussion, nous ne pouvons probablement pas ignorer l’éléphant dans la pièce qu’est l’inflation, puisque celle-ci aura une incidence énorme sur les taux d’intérêt et les perspectives économiques. Ben, je sais qu’au Canada, tous les yeux sont rivés sur le rapport sur l’IPC de mai, qui sera bientôt publié, pour voir s’il est aussi mauvais que celui des États-Unis. Quelle est votre perception de l’inflation au Canada?Ben Reitzes (04:31): Eh bien, la situation est presque aussi grave qu’aux États-Unis, pour ainsi dire. Nos chiffres ne sont pas tout à fait aussi élevés que ceux des États-Unis, mais ils devraient encore croître. Les prix de l’essence ont fortement augmenté en mai et, encore une fois, ils sont en hausse en juin. On peut donc s’attendre à ce que le rapport sur l’IPC de mai, que nous obtiendrons demain, montre une poursuite de la tendance à la hausse. À partir de là, il reste à savoir quelle direction nous prendrons. Les prix de l’énergie joueront un rôle assez important à cet égard, mais ce dont nous sommes certains, c’est que la décélération de l’inflation mettra du temps et qu’il faudra bien plus d’un an pour revenir à l’objectif de 2 % de la Banque du Canada. Nous allons donc devoir composer avec une inflation élevée pendant très longtemps.Sal Guatieri (05:08): Oui. Aux États-Unis, la situation est presque identique. Le rapport sur l’IPC de mai a étonné beaucoup de monde, dont nous. Depuis plus d’un an, nous nous situons systématiquement en haut de l’échelle du consensus sur l’inflation aux États-Unis. Mais nous nous attendions toutefois à ce que l’inflation atteigne un sommet en avril, ce qui n’a pas été le cas; elle a augmenté en mai. Je pense que le plus inquiétant est le caractère universel des hausses de prix. Il n’y a pas que le carburant et les denrées alimentaires : tout augmente. Nous avons maintenant une révision à la hausse des prévisions inflationnistes. Aux États-Unis, le taux de l’IPC, actuellement légèrement au-dessus de 9 %, ne devrait pas atteindre de sommet avant septembre. L’inflation se résorbera vers la fin de l’année en cours et l’année prochaine. Nous nous attendons à ce que les prix des produits de base baissent. Ils ne reviendront pas aux niveaux d’avant la pandémie, mais nous nous attendons à une baisse assez importante au cours de l’année prochaine. On s’attend à ce que les prix du pétrole baissent un peu à mesure que l’économie ralentit, mais les États-Unis vont tout de même se retrouver à peu près comme au Canada, selon moi, avec un taux d’inflation mesuré par l’IPC de 3 %, voire un peu plus d’ici la fin de l’année prochaine. Ce taux reste supérieur à la cible de 2 % de la Fed. À moins de vouloir risquer une période de grave ralentissement, il faudra simplement tolérer un lent retour à la stabilité des prix. Jennifer, je sais que l’inflation fait aussi rage en Europe. Quelles sont les perspectives là-bas?Jennifer Lee (06:26): Eh bien, c’est probablement le plus grand défi auquel l’Europe est confrontée actuellement : l’inflation elle-même et l’approvisionnement en énergie. Nous ne parlons pas du resserrement du marché du travail, nous ne sommes pas inquiets à ce sujet. Il s’agit simplement de s’assurer que les gens auront suffisamment de combustible pour se chauffer cet hiver et que les entreprises auront de l’électricité pour mener leurs activités et s’éclairer. À l’heure actuelle, il est clair que la Russie peut fermer complètement les robinets quand elle le veut. Elle a déjà réduit de 60 % l’approvisionnement de l’Allemagne à la mi-juin. Prenons l’Allemagne comme exemple. Si l’Allemagne est en mesure de remplir ses réservoirs à environ 90 %, elle pourrait passer deux ou trois mois d’un hiver normal, en supposant qu’il n’y ait pas d’énergie russe à consommer. Alors oui, malheureusement, elle devra aller à l’encontre de ses convictions et commencer à utiliser le charbon, très polluant, pour produire de l’électricité.Mais évidemment, quand on est désespéré... Une situation désespérée appelle des mesures désespérées, et personne ne souhaite recourir au rationnement. Donc, bien sûr, vous savez, tout cela contribue à une hausse de l’inflation. Les prix de l’énergie et des denrées alimentaires ont grimpé en flèche, ce qui pèse sur les entreprises et les ménages. En passant, je tiens également à souligner que le Royaume-Uni a subi un coup supplémentaire en raison des coûts plus élevés des services publics. Nous avons acheté l’organisme de réglementation de l’énergie du Royaume-Uni, qui permet aux entreprises de services publics d’augmenter leurs coûts deux fois par année. L’inflation au Royaume-Uni pourrait donc atteindre 11 %. Je le répète, pour l’effet de choc, 11 % en octobre. Ça va donc être très, très difficile là-bas.Sal Guatieri (07:51): Les banques centrales luttent donc contre l’inflation pour assurer leur survie et font tout leur possible pour l’endiguer. Au Canada, Ben, je sais que la Banque du Canada a relevé ses taux de 125 points de base et qu’elle dit qu’elle agira avec vigueur. Comment voyez-vous le taux directeur de la Banque du Canada évoluer au fil du temps?Ben Reitzes (08:10): Toujours en hausse, bien sûr, car la lutte contre l’inflation se poursuit. À la prochaine réunion, en juillet, nous nous attendons à ce que la Banque du Canada le relève de 75 points de base, puis de 50 points de base en septembre, et enfin de 25 points de base à deux reprises, en octobre et en décembre, ce qui le fera passer à 3,25 %. C’est un niveau que nous n’avons pas vu depuis la crise financière. Je pense que la question qui se pose est de savoir quelle incidence cela aura sur l’économie canadienne, surtout compte tenu de l’importance du marché de l’habitation depuis 10 ans et de l’endettement élevé des ménages attribuable en partie au boom immobilier. C’est donc un problème auquel la Banque devra faire face et qui assombrit et menace les perspectives de l’économie canadienne.Sal Guatieri (08:51): Oui. Aux États-Unis, la situation est assez semblable. Même si l’économie ralentit considérablement, je ne crois pas que la cavalerie viendra à la rescousse cette fois-ci. Je veux dire que la Fed nous a essentiellement dit qu’elle s’engageait à rétablir la stabilité des prix et que cet engagement était inconditionnel, ce qui signifie que s’il faut une récession, qu’il en soit ainsi. Le président de la Fed, Jerome Powell, a déjà évalué l’ampleur de la prochaine hausse des taux entre 50 et 75 points de base. On ne peut même pas exclure un mouvement plus important si nous avons d’autres mauvaises surprises sur le plan de l’inflation ou des attentes en matière d’inflation. Ces derniers jours, certains décideurs de la Fed ont parlé d’environ 75 points de base en juillet, et nous sommes d’accord. Nous pensons que le taux de la Fed devrait atteindre un peu moins de 3,5 % d’ici la fin de l’année. Une hausse supplémentaire de 175 points de base. Ensuite, la Fed pourrait probablement faire une pause lorsque l’économie stagnera et croîtra très lentement l’année prochaine et que l’inflation se résorbera.La bonne nouvelle, c’est qu’à plus long terme, nous ne voyons probablement pas d’autre potentiel de hausse des taux d’intérêt à 10 ans et plus. Le marché anticipe pleinement une hausse des taux directeurs. Nous pourrions donc voir le taux des obligations du Trésor à 10 ans culminer juste au-dessus des niveaux actuels, peut-être à 3,5 % d’ici la fin de l’année, puis se stabiliser l’année prochaine. Mais tout se résume en fait aux perspectives d’inflation. Jennifer, quant à la BCE, je sais qu’elle parle, pour la première fois depuis des années, de relever les taux d’intérêt. À votre avis, quelle sera l’orientation de la BCE à l’égard des taux directeurs?Jennifer Lee (10:22): Il est tout de même étonnant que la BCE participe, comme tout le monde, à cette campagne de hausse des taux. En gros, elle a déclaré qu’elle était prête à relever son taux de 25 points de base en juillet. La question est maintenant de savoir ce qu’elle fera en septembre. Les partisans de l’inflation veulent qu’elle le relève de 50 points de base et tous les autres continuent de réclamer une hausse régulière de 25 points de base. Nous pensons donc qu’il y aura une hausse de 25 points de base en juillet, et probablement une autre de 50 points de base en septembre. Le problème, bien entendu, est de savoir comment composer avec la fragmentation ou avec la hausse des taux des rendements dans ces pays, les pays périphériques fortement endettés. Ainsi, le personnel de la BCE serait en train d’élaborer un plan, une sorte de programme d’achat d’obligations qui plafonnerait les rendements obligataires de certains pays. Attendons de voir ce qu’il propose. Toutefois, nous nous attendons à ce que la BCE relève encore ses taux environ quatre fois cette année, à compter de juillet, laissant le taux de remboursement à 1,25 %.Pour ce qui est de la Banque d’Angleterre, elle a déjà commencé à resserrer ses mesures. Elle s’est mise à la tâche avant bien d’autres et je me demande à quel point elle se montrera audacieuse ou prudente, car, vous savez... Au moins du côté de la Fed et de la Banque du Canada, nous avons toujours une économie très forte. Mais encore une fois, au Royaume-Uni, nous constatons essentiellement qu’il y a un resserrement et que celui-ci dirigera l’État vers une possible récession. Pour les dernières réunions de l’année, nous prévoyons donc toujours que la Banque d’Angleterre augmentera ses taux de 25 points de base. Mais encore une fois, il reste à voir ce qu’elle aura à dire et comment elle le communiquera, et si elle se montrera très audacieuse ou non.Sal Guatieri (11:43): Des taux d’intérêt plus élevés, une inflation forte et des marchés boursiers sous pression : on dirait des perspectives sombres pour l’économie. De toute évidence, l’économie est confrontée à de grands défis; c’est vraiment là que le bât blesse. Quelle est la prochaine étape pour l’économie et le taux de chômage, et dans quelle mesure nous rapprocherons-nous d’une récession? Je suppose que nous allons commencer par le Canada. Ben, où s’en va l’économie canadienne à votre avis? Je sais que vous avez mentionné qu’elle allait sûrement ralentir, peut-être même stagner, mais souhaitez-vous revoir ces perspectives?Ben Reitzes (12:13): Une récession ne fait pas partie de notre scénario de référence pour le moment, mais les probabilités augmentent manifestement. Nous plaçons les risques légèrement sous la barre des 50 % pour le moment, mais ils sont bien là et nous verrons comment certaines variables évolueront. Les prix de l’énergie sont certainement une variable. L’ampleur du repli du marché de l’habitation est un autre aspect important de l’économie canadienne dont il faut tenir compte. Il est possible que nous évitions ce scénario du pire si les choses vont dans le bon sens. Mais pour l’instant, compte tenu du ton pressant, de l’attitude offensive, des hausses de taux audacieuses, actuelles et à venir, de la Banque du Canada, combinés aux données de l’inflation qui dépassent probablement 7 %, l’inflation pourrait même atteindre 8 % dans les mois à venir. Il sera difficile d’éviter à tout le moins un ralentissement. Là encore, les risques penchent toujours du côté d’un ralentissement. La période à venir s’annonce donc très difficile. Et je n’envie pas les banques centrales qui doivent composer avec une inflation élevée dans un contexte de ralentissement de la croissance, ce qu’elles n’ont pas eu à faire depuis des décennies. Et il s’agit manifestement d’un grand défi.Sal Guatieri (13:12): Ces défis sont tout aussi importants pour l’économie américaine. Je m’explique : pendant que nous révisions à la hausse nos prévisions concernant les taux de la Fed, nous étions également fort occupés à revoir considérablement à la baisse nos prévisions de croissance pour les États-Unis. Et, à l’instar du Canada, nous voyons l’économie tomber au point mort en fin d’année, d’ici au quatrième trimestre, puis jusqu’au début de l’année prochaine. Nous entrevoyons une croissance très lente en 2023 (1 %), ce qui est inférieur à l’avis général même si, vous savez, il est possible que celui-ci commence à être revu à la baisse également. Je me contenterai de dire que la ligne entre un atterrissage en douceur et un atterrissage brutal est assez mince, et que tout le poids du resserrement des conditions financières, de la flambée des taux d’intérêt à la chute des actions en passant par les différentiels de taux importants, frappera l’économie dans le courant de l’année, à un moment où l’inflation sera encore assez élevée et drainera l’épargne supplémentaire et le pouvoir d’achat.C’est ce qui explique que certaines de ces équations de probabilité de récession donnent des probabilités d’au moins 70 % pour l’année à venir. Il semble donc probable qu’il y ait atterrissage. Maintenant, nous penchons toujours du côté d’une récession plutôt modérée aux États-Unis, un soi-disant « ralentissement de croissance », qui fera augmenter le taux de chômage, mais pas de façon marquée. Je dirais qu’il en sera de même au Canada. Les chances d’un repli plus marqué sont probablement proches de celles d’un jeu de pile ou face en ce moment. Tout cela tient vraiment au bon comportement de l’inflation pour les prochains mois. Jennifer, en ce qui concerne l’Europe, je ne sais pas si les perspectives sont meilleures – probablement pas –, mais quel est votre point de vue?Jennifer Lee (14:42): Oh, pas beaucoup mieux, en fait. Je pense que les risques de récession sont probablement encore plus élevés en Europe qu’au Canada et aux États-Unis, pour toutes les raisons que nous avons évoquées, en particulier la forte dépendance à l’égard du pétrole russe et la hausse des coûts de l’énergie et des coûts des denrées alimentaires, car l’Ukraine, grenier de l’Europe, est toujours soumise à de fortes pressions. Apparemment, des millions de tonnes de céréales ne peuvent tout simplement pas quitter les ports de la mer Noire à cause des troupes russes. Il faut donc s’attendre à ce que l’inflation reste bien supérieure à l’objectif de 2 % et aux prévisions de la BCE pendant un certain temps. Étant donné que l’inflation est supérieure à la cible, je crois que cela forcera les banques centrales à continuer à faire quelque chose, n’importe quoi,, pour ramener l’inflation vers cette cible peu élevée. Mais je suis d’accord avec vous et Ben. Je pense qu’il faudra des années avant que cela puisse se produire, et c’est une période extrêmement difficile.Sal Guatieri (15:30): Merci, Jennifer et Ben. Je ne sais pas si vous m’avez rassuré au sujet des perspectives mondiales, mais au moins, je suis un peu mieux avisé. Merci à tous de votre attention. Prenez soin de vous.Conclusion (15:40): Merci d’avoir écouté le balado Investissements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site bmo.com/placements en ligne et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui cous convient.

Les perspectives des marchés de l’immobilier commercial
Comme beaucoup de régions, le marché de l’immobilier commercial s’est détérioré dans les premiers jours de la pandémie. Mais la plupart des secteurs ont bien rebondi, et quelques-uns peuvent encore offrir des rendements d’investissement attrayants dans le climat instable actuel. Dans cet épisode, Sal Guatieri donne un aperçu de la situation actuelle du marché de l’immobilier commercial et de sa direction à mesure que la société adopte de nouvelles façons de magasiner et de travailler.
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- Introduction: Bienvenue à l’épisode du mois de mai 2022 du balado Investissements plus futés. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee pour connaître les tendances et les prévisions dans l’ensemble du contexte économique afin que vous puissiez prendre des décisions de placement plus réfléchies.Sal Guatieri: Bonjour, je m’appelle Sal Guatieri. Dans ce balado, je parlerai des perspectives du marché de l’immobilier commercial, des actions aux obligations en passant par les cryptomonnaies. Les investisseurs trouvent peu d’endroits où placer leur argent dans la baisse actuelle du marché, car l’inflation élevée et la hausse des taux d’intérêt alimentent les craintes d’une récession. Y a-t-il des secteurs de l’immobilier commercial qui offrent toujours des rendements corrigés du risque décents?Voyons d’abord comment se porte le marché de l’immobilier commercial. Comme l’économie, le marché a eu de meilleurs résultats que prévu au début de la pandémie, en grande partie en raison des mesures de relance massives combinées aux programmes gouvernementaux de soutien du revenu, des loyers et des prêts. Cela dit, ce ne sont pas tous les secteurs qui ont obtenu d’aussi bons résultats. Les secteurs de l’immobilier industriel et de l’immobilier multifamilial ont prospéré et une grande partie du secteur du commerce de détail s’est bien redressée, mais la situation pour les immeubles de bureaux prend plus de temps pour se rétablir. Après une baisse initiale de 11 %, les prix des propriétés commerciales ont rebondi plus rapidement que prévu pendant la pandémie. Les prix des propriétés commerciales aux États-Unis se situent maintenant à 15 % au-dessus des niveaux d’avant la pandémie. Au Canada, les loyers des propriétés commerciales ont récupéré les pertes subies plus tôt, en raison d’une augmentation modérée menée par le secteur industriel.La qualité du crédit demeure solide. Le taux de défaillance aux États-Unis est inférieur à 1 %, près du taux le plus bas jamais enregistré en raison des programmes de soutien au revenu et au loyer, des programmes de délai de grâce pour les prêts et de la reprise économique rapide. Dans le secteur canadien des affaires, l’insolvabilité a étonnamment chuté pendant la pandémie et demeure très faible, mais en supposant un retour à la normale, une hausse des taux d’intérêt et un ralentissement de la croissance économique, les taux de défaillance liés aux prêts pour un immeuble commercial devraient augmenter légèrement au cours des deux prochaines années. Les propriétaires qui ont une capacité limitée à augmenter les loyers dans un contexte de forte inflation pourraient éprouver des difficultés.La demande des investisseurs pour l’immobilier commercial a été assez forte, dans un contexte d’inflation générale des prix des actifs et de recherche de rendements à l’abri de l’inflation. Les taux de capitalisation au Canada sont demeurés essentiellement stables pendant la pandémie, à l’exception du secteur de l’immobilier industriel, où les taux ont chuté assez rapidement en raison de la hausse de la valeur des propriétés. Par rapport aux taux des obligations d’État à long terme, le taux de capitalisation canadien moyen dans tous les secteurs était proche des normes à long terme à la fin de l’année dernière. Il s’agit simplement d’un marché dont les cours sont raisonnables. La hausse des taux d’intérêt fera grimper les taux de capitalisation à mesure que les investisseurs chercheront à obtenir des rendements plus élevés, ce qui limitera les gains supplémentaires dans le secteur. Mais si les loyers augmentent, les propriétés commerciales pourraient servir de protection contre l’inflation.Quelles sont les perspectives globales pour les immeubles commerciaux?À notre avis, la croissance économique soutenue devrait soutenir le marché cette année et limiter les pertes sur créances pour les prêteurs, même si des taux d’intérêt plus élevés entraînent un ralentissement de la croissance des prix. Cela dit, certains secteurs se porteront mieux que d’autres. Le secteur de l’immobilier industriel a prospéré pendant la pandémie grâce à des taux de rendement plus élevés et à des taux d’inoccupation plus faibles. Les investisseurs en ont pris bonne note, ce qui s’est traduit par une hausse des prix des propriétés et une forte baisse des taux de capitalisation. Le secteur a été soutenu par la hausse de la demande d’espaces d’entreposage pour soutenir la logistique du commerce électronique, ainsi que par la demande d’espace d’entreposage pour le stockage de pièces de rechange dans un contexte de perturbation de la chaîne d’approvisionnement.La nécessité d’accroître la capacité de fabrication face à une forte demande de biens et à une demande limitée de production de pièces a également contribué au rendement. Nous nous attendons à ce que le secteur industriel continue de bien se porter grâce aux investissements des entreprises, bien que la demande pour les biens ralentisse à mesure que les taux d’intérêt augmentent et que les dépenses se tournent davantage vers les services. La faiblesse du dollar canadien par rapport au billet vert et la hausse des prix des ressources devraient également aider le secteur industriel canadien. Le principal risque pour ce secteur découle d’une récession potentielle si la politique monétaire doit être resserrée de façon énergique pour contrôler l’inflation. Le segment des immeubles résidentiels multifamiliaux offre également de solides taux de rendement stables, des taux de capitalisation plus faibles et de faibles taux d’inoccupation. Ce segment a été soutenu par les prix élevés des maisons dans les deux pays et au Canada, par la remontée de l’immigration et par une offre limitée de logements locatifs. Le secteur s’est entièrement redressé après avoir fait face à une baisse des loyers et à une hausse du taux d’inoccupation au début de la pandémie, lorsque l’immigration a chuté.Les investisseurs considèrent ce secteur comme une protection partielle contre l’inflation, avec des salaires plus élevés qui permettent de payer les loyers. Le taux de capitalisation des logements au Canada d’un peu plus de 4 % à la fin de l’année dernière est maintenant le plus bas en au moins 18 ans. La hausse des taux d’intérêt entraînera un ralentissement très attendu du marché de l’habitation. Nous le constatons déjà dans les données les plus récentes et nous devrions voir les ventes revenir à des niveaux plus normaux, ce qui pèsera sur l’appréciation du marché résidentiel.La hausse de l’immigration au Canada, la demande soutenue de la génération du millénaire et la faiblesse du taux de chômage atténueront le déclin. Dans le cadre d’un rééquilibrage bienvenu, il est probable que les prix des maisons au Canada reproduisent une partie du gain record de la dernière année, tandis que les prix aux États-Unis devraient se stabiliser plus tard cette année. La demande pour les appartements devrait demeurer forte en raison de l’abordabilité limitée dans de nombreuses villes. Cependant, le marché canadien risque davantage une correction que le marché américain en raison de la hausse des prix et d’une plus faible abordabilité. Les exceptions notables sont les provinces des Prairies et de Terre-Neuve-et-Labrador, où l’abordabilité est encore assez bonne. Le risque d’une correction sera plus élevé si les taux d’intérêt augmentent beaucoup plus que prévu et entraînent un ralentissement économique. Dans ce cas, nous observerons une baisse de la valeur des maisons et des immeubles d’appartements.Qu’en est-il du commerce de détail?Après avoir dû composer avec plusieurs séries de restrictions visant à maîtriser la pandémie, le secteur du commerce de détail fait un retour tout à fait décent. Ce segment est soutenu par l’épargne élevée des ménages et par un revirement en faveur du magasinage en personne. Aux États-Unis, l’espace disponible dans le commerce de détail a chuté à son plus bas niveau en 10 ans à la fin de l’année dernière et, au Canada, l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie a permis au secteur du commerce de détail de profiter de taux de capitalisation et d’inoccupation relativement stables et d’une croissance modérée des loyers. Le nombre d’entreprises de détail actives a récemment dépassé les niveaux d’avant la pandémie.Même si les ventes ralentiront en raison de la hausse des taux d’intérêt, nous nous attendons à ce que le secteur du commerce de détail prenne de l’expansion et à ce que les taux d’inoccupation baissent un peu plus. Et n’ignorez pas nos détaillants physiques traditionnels. La crainte que la pandémie ne provoque un déplacement permanent vers le magasinage en ligne semble sans fondement. Aux États-Unis, la part du commerce électronique dans les dépenses de détail est revenue à sa tendance antérieure à la pandémie. Elle continue d’augmenter, sans toutefois s’accélérer. Les habitudes de magasinage ne semblent pas avoir beaucoup changé, parce que les clients sont rapidement retournés dans les magasins après la levée des restrictions. Toutefois, certains détaillants feront face à des défis plus importants que d’autres, notamment ceux qui n’ont pas d’approche multicircuit pour les clients qui préfèrent les expériences en ligne et en magasin.Les détaillants prospères utilisent des magasins physiques pour faciliter les commandes et les retours. Les centres commerciaux prospères proposent des expériences sociales améliorées, tandis que les petits centres commerciaux fermés ayant un potentiel de réaménagement limité sont plus menacés. Le marché des magasins qui servent principalement des employés de bureau est également très restreint en raison du travail à distance.Cela nous amène au secteur des immeubles de bureaux, qui reprend vie alors que les restrictions s’assouplissent, mais de façon très différente de celle d’avant la pandémie en raison de l’adoption généralisée du travail à distance. Malgré la hausse des taux d’inoccupation, les défauts de paiement des prêts sont demeurés plutôt faibles en raison des programmes de soutien gouvernementaux et des baux de longue durée. Au Canada, le secteur connaît une légère hausse des loyers, le taux d’inoccupation des bureaux nationaux, qui a dépassé 16 % au début de l’année, est en hausse de six points de pourcentage par rapport au taux avant la pandémie, et l’activité de sous-location est également élevée à l’échelle du pays.Plus de deux ans après le début de la pandémie, nous n’avons toujours pas de vision claire des perspectives à long terme en ce qui a trait à la demande d’espaces de bureaux. Selon les passages de cartes d’utilisateur unique compilés par Kastle System, les espaces de bureaux étaient occupés à 43 % dans 10 grandes villes américaines au début de mai par rapport aux niveaux d’avant la pandémie. Il s’agit d’une légère hausse par rapport à la situation des quelques derniers mois, mais le taux d’amélioration a ralenti, ce qui signifie qu’il reste encore beaucoup d’espace de bureau inutilisé à combler. Selon un sondage, les travailleurs préfèrent généralement passer un peu plus de temps à la maison qu’au bureau, et au moins la moitié d’entre eux veulent une approche hybride.La plupart des entreprises devraient adopter une approche hybride pour demeurer concurrentielles dans le contexte actuel de resserrement du marché du travail. Les entreprises essayent de trouver l’équilibre entre le désir des employés, qui veulent de la souplesse et économiser sur les déplacements, et le besoin de l’entreprise en matière de collaboration en personne pour améliorer la culture d’entreprise et la créativité. Néanmoins, les bureaux continueront probablement de faire partie intégrante de la mobilisation en milieu de travail. Même si la plupart des travailleurs ne se rendent pas au bureau cinq jours par semaine, il est peu probable que la demande d’espace diminue proportionnellement, car plus d’espace sera utilisé pour les aires communes afin d’améliorer l’expérience de travail.En supposant que les employés finissent par passer en moyenne 60 % de leur temps de travail au bureau, nous continuons de nous attendre à ce que la demande à long terme pour les espaces de bureaux diminue jusqu’à 20 %. Le principal risque à long terme pour le segment des immeubles de bureaux découle de l’adoption accrue du travail à distance. Dans ce cas, les nouvelles tours de catégorie A devraient surpasser les anciens immeubles mal adaptés aux technologies de l’information et aux expériences améliorées des travailleurs. Les espaces de bureau inutilisés devront être reconvertis pour répondre aux besoins en matière de subsistance et d’entreposage. L’an dernier, un nombre record d’immeubles de bureaux aux États-Unis ont été convertis en appartements. La conversion et la réévaluation des espaces de bureaux limiteront les pertes sur créances des propriétaires de bureaux et des prêteurs. Cependant, les taux d’inoccupation risquent de demeurer élevés pendant un certain temps, étant donné que la conversion des immeubles demande beaucoup de temps, en particulier dans les régions où la croissance démographique est faible.En conclusion, les meilleures occasions dans le secteur de l’immobilier commercial semblent toujours se trouver dans les secteurs de l’industrie et des immeubles résidentiels multifamiliaux, même si le secteur du commerce de détail pourrait également bien se comporter cette année. À l’inverse, le secteur des immeubles de bureaux pourrait continuer de sous-performer en raison de la transition structurelle vers le travail à distance. Le plus grand défi immédiat pour tous les secteurs de l’immobilier commercial découle de la hausse des taux d’intérêt visant à freiner l’inflation, ce qui risque d’entraîner une expansion inversée. Toutefois, à moins d’un ralentissement économique, les perspectives pour l’immobilier commercial, en général, semblent positives. Merci à tous de votre attention.Conclusion: Merci d’avoir écouté le balado Investissements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site bmo.com/placements en ligne et n’oubliez pas de vous abonner à cette émission pour accéder aux plus récents épisodes au moment qui cous convient.

Le présent et le futur d’un marché canadien de l’habitation instable
Le marché canadien de l’habitation a été l’un des principaux points de discussion au cours des dernières années. Alors que l’offre a été un enjeu de moindre importance, la demande a augmenté, tout comme le coût global des propriétés. De nouvelles populations d’acheteurs d’une première maison commencent à représenter le marché le plus important, et des solutions sont trouvées à l’extérieur des zones habituellement prisées. Dans l’épisode d’aujourd’hui, Sal Guatieri et Robert Kavcic, directeur général et économiste principal, discutent des préoccupations des acheteurs et des investisseurs à l’égard de la nature instable du marché, ainsi que des solutions qui pourraient être envisagées pour atténuer la pression. Pour en savoir plus et savoir comment commencer à investir dès aujourd’hui, consultez nos.
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- Introduction (00:03): Bienvenue à Investissements plus futés de BMO, la nouvelle série de balados qui vous aide à prendre des décisions de placement plus judicieuses. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, qui se penchent chaque mois sur les dernières nouvelles et perspectives du marché. En compagnie d’un groupe d’invités spéciaux, ils discuteront de sujets et de tendances, et formuleront des prévisions utiles aux investisseurs novices et chevronnés.Sal Guatieri (00:27): Bonjour à tous. Je m’appelle Sal Guatieri et je suis en compagnie de Robert Kavcic, directeur général et économiste principal, pour discuter du marché canadien de l’habitation, qui est en pleine effervescence. Les prix grimpent à un rythme sans précédent et les taux d’intérêt augmentent aussi assez rapidement en ce moment. Les nouveaux propriétaires, les acheteurs potentiels d’une première propriété et les investisseurs sont préoccupés par l’éventualité d’une correction du marché semblable à celle qui a eu lieu au début des années 1990. Robert, pourriez-vous commencer par expliquer comment nous en sommes arrivés là? Nous savons que le marché est plutôt déséquilibré, est-ce la demande ou l’offre qui est anormale?Robert Kavcic (00:59): C’est surtout la demande. Comme vous le savez, il y a un grand débat sur le fait que l’offre au Canada est largement déficitaire et que le pays cherche, entre autres, à doubler le taux de construction de nouvelles maisons pour faire face aux contraintes d’accessibilité économique. C’est en partie vrai, et je suis certain que nous aurons le temps d’en parler, mais la réalité est que depuis le début de la pandémie, nous avons constaté une énorme augmentation de la demande. Même si, par exemple, le volume de vente d’unités pour le mois de mars se situe bien en deçà du niveau d’il y a un an, au véritable sommet de la pandémie, il est tout de même supérieur de 30 % à la normale, par exemple à l’année précédant le début de la pandémie. Donc beaucoup de facteurs ont contribué à ces résultats. Les ménages ont probablement devancé l’achat d’une propriété qu’ils avaient prévu faire quelques années plus tard.Pendant la pandémie, de nombreuses familles voulaient plus d’espace. De toute évidence, il n’était pas très agréable d’être confiné dans une petite copropriété du centre-ville. Le mouvement du travail à distance a également accru la demande dans certains marchés à l’extérieur du centre des grandes villes. Évidemment, le facteur le plus important était tout simplement une baisse incroyable des taux hypothécaires, qui ont atteint des creux historiques. Tous ces facteurs combinés ont entraîné une augmentation spectaculaire de la demande, et c’est vraiment l’aspect du marché qui a atteint des niveaux exceptionnels.Sal Guatieri (02:16): C’est en grande partie la demande qui est hors de contrôle, et non l’offre, apparemment, et c’est ce qui semble faire grimper les prix. Qu’en est-il de certains facteurs fondamentaux, en particulier des données démographiques? Contribuent-elles également à la demande?Robert Kavcic (02:33): Oh oui, c’est certain, et c’est un facteur qui influence depuis longtemps le marché canadien, n’est-ce pas? Et pas seulement en raison de l’immigration, qui, nous le savons, est importante et a une grande incidence sur le marché. Chaque fois que les cibles d’immigration internationale s’élèvent à 400 000 à 500 000 personnes par année, cela entraîne une forte demande de logements. Cet afflux de population affecte beaucoup le marché des loyers au départ. Mais je crois aussi que nous ne parlons peut-être pas assez de l’influence de la génération du millénaire sur la situation. La majorité des membres de la génération du millénaire est actuellement au début de la trentaine. Je crois que la plus grande cohorte est celle des personnes âgées de 32 ou de 33 ans. Et bien sûr, lorsque vous êtes au début de la trentaine et vous avez votre premier ou votre deuxième enfant, vous cherchez une maison plus spacieuse, n’est-ce pas?C’est en quelque sorte ce qui est à l’origine de la situation que nous avons constatée. La pandémie a vraiment amplifié une tendance démographique importante qui existait déjà et qui allait se produire au cours des prochaines années. Elle a peut-être fait en sorte que les choses soient devancées et a vraiment amplifié le mouvement de nombreuses familles en quête d’espace vers l’extérieur du centre des grandes villes. C’est dans des marchés comme ceux de Barrie ou de London, pas dans des localités situées de trente minutes à une heure des grandes villes du Canada, mais maintenant d’une à deux heures de celles-ci, que nous avons constaté une demande extraordinaire. Je crois que même si nous parlons de spéculation et de surchauffe du marché, une grande partie de ce phénomène résulte des activités de ce groupe démographique. Nous avons probablement oublié de mentionner certains facteurs en discutant des principes fondamentaux de la demande.Sal Guatieri (04:08): J’ai l’impression que les facteurs démographiques que vous avez mentionnés, les ménages de la génération du millénaire, les migrants internationaux et les travailleurs à distance, contribuent à la vigueur de la demande, mais la demande a été extrêmement forte, voire carrément exceptionnelle. Il semble donc y avoir un autre facteur en jeu, et vous avez mentionné la baisse des taux hypothécaires. J’ai l’impression que la politique monétaire a aussi joué un rôle dans la hausse de la demande. Croyez-vous que ce soit le cas?Robert Kavcic (04:39): Je le crois certainement. Rappelez-vous qu’il y a un an, les taux hypothécaires allaient de 1,25 % à 1,50 %, même les taux fixes de cinq ans étaient réduits et allaient environ de à 1,50 % à 1,6 % à un certain moment. Évidemment, cette époque est révolue et nous ne verrons probablement pas les taux fixes de cinq ans revenir à ces niveaux avant un certain temps. Les taux variables augmentent également, et je crois que la plupart des gens ont probablement un taux supérieur à 2 % maintenant, à moins d’avoir une garantie de taux de 90 jours. Donc, il s’agit d’un autre facteur très important. C’est quelque chose qui a vraiment contribué à la capacité financière rapidement, et il ne faut pas oublier qu’une grande partie des pertes d’emplois que nous avons observées étaient très concentrées dans quelques secteurs, tandis que de nombreux secteurs ont connu des gains d’emplois continus tout au long de la pandémie. Non seulement le marché du travail a-t-il été vigoureux pour la plupart des gens, en particulier ceux qui se situent entre le milieu et le haut de l’échelle des revenus, mais en plus, les taux hypothécaires ont été historiquement bas. Le contexte était donc extrêmement propice à la hausse rapide du prix des maisons, et c’est ce que nous avons constaté.Sal Guatieri (05:41): En gros, les taux d’intérêt très bas ont stimulé la demande. Au départ, cela a amélioré l’accessibilité économique et soutenu la demande, mais bien sûr, les prix ont simplement augmenté et nous nous sommes retrouvés avec le problème inverse, soit un marché de l’habitation qui est maintenant très coûteux. J’ai aussi l’impression que les investisseurs qui ont profité de ces faibles taux hypothécaires ont peut-être été un moteur important de la demande.Robert Kavcic (06:07): Je crois que oui, et c’est à ce moment-là que nous avons commencé à nous inquiéter, il y a un peu plus d’un an, je suppose, et à communiquer certaines de nos préoccupations au public. Ce qui nous inquiétait, c’était que… Oui, il y avait tout le soutien fondamental dont nous avons parlé, ce qui est bien, mais il y a environ un an, nous avons commencé à voir des investisseurs et de la spéculation, et la logique globale du marché a commencé à s’alimenter de cette force fondamentale. Je veux dire par là que les prix ont commencé à monter simplement parce qu’on s’attendait à ce qu’ils continuent à le faire. Certaines informations sont anecdotiques, mais nous les avons confirmées en grande partie auprès de diverses sources de données, n’est-ce pas? Selon la Banque du Canada ou Teranet, deux organismes qui examinent les données sur les transactions, il s’agit de la plus forte augmentation d’une année à l’autre, et la plus grande part des activités de transactions immobilières qui ont eu lieu en 2021 est en fait attribuable aux propriétaires de plusieurs biens immobiliers.Il peut donc s’agir d’acheteurs de propriétés à usage récréatif ou d’investisseurs. C’est un des facteurs qui a contribué à la surchauffe progressive du marché. Inversement, j’imagine que dès que l’on constatera que les hausses de prix commencent à se résorber, ou même si les prix baissent dans l’ensemble du marché, il est possible que cette demande diminue très rapidement.Sal Guatieri (07:30): C’est intéressant, car les investisseurs pourraient jouer le rôle du canari dans cette mine d’or. S’ils se retirent assez rapidement en réponse à la hausse des taux, cela pourrait indiquer que le marché se dirige peut-être vers un repli plus marqué. Je devrai surveiller le segment des ventes de propriétés. Passons maintenant à l’aspect de l’offre. Tout le monde dit que le Canada est aux prises avec un problème d’offre, et les inscriptions sur le marché de la revente ont atteint un creux historique. Certains affirment qu’il en est de même pour le parc immobilier. Des cibles de construction ambitieuses ont été fixées dans le but d’apporter une solution. Devons-nous vraiment construire beaucoup plus de maisons?Robert Kavcic (08:06): C’est une question difficile, car nous construisons plus de maisons que jamais. Je crois qu’environ 340 000 à 350 000 unités sont en construction au Canada à l’heure actuelle. Nous n’avions jamais enregistré une telle activité de construction depuis l’après-guerre. De toute évidence, la population est plus importante aujourd’hui qu’elle ne l’était dans le passé, mais même en tenant compte de cela, nous construisons à un rythme plus rapide que jamais. Je crois qu’au prorata de la population, nous progressons à peu près au même rythme qu’au milieu des années 1970, soit la dernière fois où un boom de la construction comme celui-ci a été constaté. Nous construisons beaucoup de propriétés, c’est vrai. Est-ce que la composition est adéquate? C’est une autre question. La réponse est probablement non, simplement en raison des aspects démographiques dont nous avons parlé plus tôt, et de l’augmentation graduelle de la demande de maisons individuelles pour les jeunes familles qui veulent plus d’espace.Au cours des 10 ou 15 dernières années, par exemple dans la région du Grand Toronto ou certaines parties de la Colombie-Britannique, la construction de logements individuels a été délaissée au profit de celle des copropriétés et des maisons en rangées, et s’est intensifiée. Il y a peut-être lieu de croire que la composition des habitations construites n’est pas tout à fait adéquate. Encore une fois, cela montre pourquoi il y a eu un grand déplacement des grandes villes vers certains plus petits marchés, car ils sont en mesure de fournir cet espace que le centre de Toronto, par exemple, ne peut pas offrir. La question la plus importante est la suivante : s’il s’agit d’un choix politique qui consiste à aller de l’avant et à essayer de doubler le taux de construction d’habitations au pays, je crois qu’il est impossible que nous y arrivions, car nous nous heurtons déjà à des contraintes liées à la main-d’œuvre et à l’approvisionnement en matériaux. Par exemple, dans le secteur de la construction, le taux de chômage est aujourd’hui à un creux record, le nombre de postes vacants a atteint un sommet record. Je sais que c’est le cas pour la majorité des secteurs, mais toute proportion gardée, au sein de l’économie canadienne, le nombre de postes vacants aujourd’hui dans le secteur de la construction est encore plus élevé par rapport à avant la pandémie de COVID-19. Du point de vue des politiques, je ne crois pas que nous puissions doubler le nombre de constructions, comme on l’insinue dans le budget fédéral et comme les décideurs provinciaux de l’Ontario en ont parlé.Sal Guatieri (10:19): Ce serait bien de voir beaucoup plus de projets de construction domiciliaire dans ce pays pour atténuer la pression sur les prix, mais comme vous l’avez mentionné, ce sera difficile sur le plan pratique. Pouvons-nous vraiment y arriver? Il semble que nous ne puissions pas vraiment accélérer les choses en raison de la pénurie de main-d’œuvre, des coûts de construction élevés et des restrictions relatives au zonage municipal. Par conséquent, nous devons travailler un peu plus du côté de la demande et faire en sorte qu’elle se résorbe. Qu’avez-vous retenu de tout cela et comment pensez-vous que le marché de l’habitation pourrait s’adapter à d’autres hausses de taux?Robert Kavcic (10:51): Je crois que cela modérera très rapidement la demande. Et nous commençons déjà à le constater. En mars, les ventes désaisonnalisées ont diminué d’environ 5 %, ce qui est déjà un peu moins que l’an dernier. Mais comme nous l’avons dit plus tôt, le niveau d’activité est toujours supérieur de 30 % par rapport au niveau normal d’avant la pandémie, donc les ventes pourraient encore largement diminuer. Je crois que si nous réfléchissons à la situation, d’ici la deuxième moitié de l’année, ou d’ici la fin de l’été, la Banque du Canada procédera probablement encore à un resserrement de 100 points de base. Par exemple, le taux des prêts hypothécaires à taux variable est d’environ 2,25 % aujourd’hui, il sera probablement de 3 % ou de 3,5 % d’ici la fin de l’été, et le taux des prêts hypothécaires à taux fixe de cinq ans sera probablement d’environ 4 % d’ici là.Il s’agit d’un rajustement assez important pour un marché qui a réduit ses taux hypothécaires à 1,5 % pendant presque toute la durée de la pandémie. Au moins, les taux hypothécaires vont doubler. Cela suffira à réduire considérablement l’accessibilité à la propriété, surtout si l’on tient compte du fait que les taux hypothécaires ont été plus bas que jamais. Comme vous le savez et comme nous l’avons constaté au moyen de toutes les mesures que nous surveillons, l’accessibilité a atteint des sommets inégalés depuis des dizaines d’années et les résultats sont parmi les plus élevés jamais atteints. La demande sera donc mise à l’épreuve. Et même s’il y a toujours une demande démographique sous-jacente, les prix constitueront peut-être un moyen de corriger la situation.Sal Guatieri (12:28): Vous êtes donc certain que les taux d’intérêt augmenteront, probablement que les taux variables à court terme monteront plus rapidement, en fonction des taux directeurs de la Banque du Canada, et les taux à long terme enregistreront peut-être simplement une légère hausse. Je suppose qu’un emprunteur typique, du moins selon notre point de vue, n’économiserait pas beaucoup en choisissant un prêt à taux fixe ou variable sur cinq ans. Mais si les taux d’intérêt augmentent très fortement, notamment pour ralentir l’inflation, cela pourrait bien sûr faire pencher la balance en faveur d’un taux fixe sur cinq ans. Encore une fois, il est assez difficile de prévoir quels sommets les taux d’intérêt finiront par atteindre au cours de ce cycle, toutefois nous ne nous attendons pas à ce qu’ils grimpent à des niveaux incroyablement élevés, mais plutôt à ce qu’ils se situent simplement plus ou moins à l’extrémité supérieure d’une fourchette neutre. Croyez-vous que c’est ce qui se produira?Robert Kavcic (13:23): Je crois que oui, et nos prévisions quant aux taux d’intérêt correspondent à peu près à ce que vous venez de décrire. Il vaut peut-être la peine de noter qu’à la fin de ce cycle de resserrement pour la Banque du Canada, dont les taux ont augmenté pour atteindre environ 2,75 %, cela équivaut à une hausse d’environ 100 points de base par rapport à la fin du dernier cycle. Il est encore relativement bas dans une perspective historique, si l’on remonte à il y a 10, 20 ou 30 ans, évidemment, mais peut-être légèrement supérieur à ce à quoi nous étions habitués à la fin du dernier cycle avant que la pandémie de COVID-19 ne se déclare.Sal Guatieri (13:54): C’est intéressant, car même si les taux d’intérêt retrouvent des niveaux plus normaux et sont légèrement supérieurs aux valeurs maximales enregistrées au dernier cycle, l’accessibilité demeurera assez limitée. Comme vous l’avez mentionné, nous pourrions revenir aux niveaux d’accessibilité que nous connaissions au début des années 1990, une période pendant laquelle les taux d’intérêt étaient beaucoup plus élevés. Encore une fois, l’accessibilité en a pris un coup en raison de l’explosion des prix des maisons pendant la pandémie. Il semble donc que la conjoncture des taux d’intérêt soit beaucoup plus stressante pour les acheteurs et les investisseurs que celle des dernières années. Croyez-vous que ce soit le cas?Robert Kavcic (14:35): Je crois que oui. Je suppose qu’il faut envisager les choses des deux côtés. Du côté des investisseurs, pour beaucoup d’immeubles de placement, par exemple à Toronto, les taux de capitalisation du segment des immeubles multifamiliaux et des copropriétés sont passés à 3 %, voire à des valeurs légèrement inférieures. Peut-être que c’était justifié lorsque les taux hypothécaires étaient à 1,5 %, mais ces taux de capitalisation sont-ils toujours pertinents lorsque nous ramenons les taux hypothécaires à 3 % ou 4 %? Personnellement, je ne crois pas, mais nous verrons comment la communauté d’investisseurs réagira. De toute évidence, les attentes concernant l’inflation sont peut-être un peu plus élevées, ce qui compensera une partie des effets, mais il sera beaucoup plus difficile de justifier les taux de capitalisation auxquels nous étions habitués.Ensuite, pour les particuliers ou les familles qui achètent une maison, si vous deviez faire un simple calcul et faire passer un taux hypothécaire de 1,5 % pour l’achat d’une maison à 3,5 %, si toutes les autres valeurs, comme votre revenu et le montant de la mise de fonds, restent les mêmes, et vous voulez maintenir le même versement mensuel, vous devrez réduire le prix de la maison que vous choisirez d’environ 15 % pour maintenir le même équilibre. Cet exemple souligne à quel point l’accessibilité sera mise à l’épreuve, et peut-être que nous prévoyons un certain rajustement à la baisse des prix.Sal Guatieri (15:55): En gros, il sera très difficile d’éviter au moins un certain rajustement des prix, ou peut-être que les niveaux récents élevés ne reviendront pas complètement, malgré la hausse de la dernière année, mais il semble qu’un certain rajustement soit nécessaire. Cela dit, revenons à la principale question posée au début de notre discussion : vous attendez-vous à une correction importante des prix des maisons au Canada?Robert Kavcic (16:21): Eh bien, je crois que nous commençons déjà à la constater dans certains sous-marchés. Bref, la réponse est que nous allons probablement constater une correction des prix. Sera-t-elle importante? Je crois que les données fondamentales dont nous avons parlé établissent un seuil pour le marché. Pourrions-nous constater une correction de l’ordre des 10 % à 15 %? Je ne crois pas que ce soit irréaliste du tout, compte tenu de ce que nous avons vécu et des calculs relatifs à l’évaluation et à l’accessibilité que nous avons faits. Cela ne permettrait pas de compenser toutes les augmentations que nous avons observées depuis le début de la pandémie. Essentiellement, c’est logique, car je crois qu’une bonne partie de ce changement est attribuable à une révision fondamentale des prix de certains marchés au Canada en raison des changements économiques. Mais dans une certaine mesure, c’est peu significatif, car si nous devons réduire de 10 % ou de 15 % le prix des maisons, cela semble beaucoup, mais compte tenu de la hausse que nous avons connue dans ce contexte global, ce n’est pas grand-chose. Même si je n’ai pas de chiffres précis à vous fournir, je crois que c’est probablement la fourchette à laquelle nous devons nous attendre concernant la baisse des prix.Sal Guatieri (17:28): Oui, cela semble assez raisonnable. Cela n’atténue même pas complètement la hausse enregistrée l’année dernière, mais comme vous l’avez mentionné, cela corrige les prix excessifs affichés à la fin de l’année dernière et au début de cette année. Et ce processus pourrait commencer très bientôt.Merci pour vos précieux commentaires, Robert. Vous avez donné à nos auditeurs beaucoup de matière à réflexion. Il semble que le marché de l’habitation soit sur le point de connaître le rééquilibrage dont il a grandement besoin, même s’il risque un revirement trop brusque dans la direction opposée, en passant d’un marché de vendeurs à un marché d’acheteurs, si les taux d’intérêt augmentent trop rapidement. L’année 2022 sera intéressante. Merci à tous de vous être joints à nous. J’espère que ces renseignements vous aideront à prendre les bonnes décisions.Conclusion (18:15): Merci d’avoir écouté le balado Investissements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. 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Enregistré le 15 mars 2022
Le 24 février 2022, la Russie a envahi l'Ukraine, devenant la plus importante attaque militaire contre un état souverain en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous avons vu la valeur du rouble russe chuter et le prix du gaz monter en flèche quelques jours seulement après le début de l'invasion. Dans cet épisode, Sal Guatieri est rejoint par Michael Gregory, économiste en chef adjoint de BMO, pour discuter de l'impact de cette guerre sur l'économie mondiale.
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- Introduction (00:02): Bienvenue à Investissements plus futés de BMO, la nouvelle série de balados qui vous aide à prendre des décisions de placement plus judicieuses. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, qui se penchent chaque mois sur les dernières nouvelles et perspectives du marché. En compagnie d’un groupe d’invités spéciaux, ils se pencheront sur des sujets, des tendances et des prévisions pertinents pour les investisseurs novices et chevronnés.Sal Guatieri (00:25): Bienvenue à tous à un autre épisode de notre série de balados Investissements plus futés. Ici Sal Guatieri. Aujourd’hui, Michael Gregory, économiste en chef délégué, se joint à moi pour discuter de l’incidence de la guerre entre la Russie et l’Ukraine sur l’économie, l’inflation et les taux d’intérêt. Ce conflit dévastateur entraîne non seulement de terribles conséquences sur le plan humain en Ukraine, mais il se répercute aussi partout dans le monde en provoquant le recul des marchés boursiers et la hausse des prix des produits de base, étant donné que la Russie et l’Ukraine sont d’importants producteurs mondiaux de céréales et de métaux de base. Il fait grimper l’inflation, qui était déjà élevée, et aura une incidence négative sur la croissance économique, non seulement en Europe, mais aussi en Amérique du Nord.Michael, nous savons qu’en ayant une incidence à la fois sur l’offre et la demande, la guerre provoquera une stagflation. Pouvez-vous nous indiquer quels circuits seront affectés par une hausse de l’inflation et une baisse de la croissance en Amérique du Nord?Michael Gregor (01:26): Bien sûr. Merci, Sal. Les sanctions et le combat en soi perturberont l’approvisionnement en provenance de la région, donc de la Russie et de l’Ukraine. Comme vous l’avez mentionné dans votre introduction, ces pays sont de grands producteurs et exportateurs de nombreux produits de base. Par exemple, la Russie est le deuxième producteur de pétrole brut et de gaz naturel, donc sa situation a des répercussions sur les prix de l’énergie à l’échelle mondiale. Les consommateurs aux États-Unis et au Canada en ressentent les effets avec la hausse des prix de l’essence. Cela alimente automatiquement l’inflation.Comme vous l’avez déjà mentionné, la Russie est un important producteur de métaux de base et de métaux précieux, des matériaux utilisés dans diverses chaînes de production. Il faudra un peu plus de temps pour que ces facteurs se reflètent dans la hausse de l’inflation. Ce conflit a aussi des répercussions sur l’alimentation. L’Ukraine est connue comme le grenier de l’Europe, et en ce moment, on se demande même si des cultures seront plantées cette année étant donné que le pays est en guerre. La situation exerce une forte pression à la hausse sur les prix mondiaux des denrées alimentaires. Elle contribuera à l’augmentation du coût des aliments chez nous, et se reflète déjà dans la hausse du prix du blé, par exemple. Le problème, c’est que la hausse de l’inflation se reflète dans le prix de ces matières premières, mais qu’elle nuit aussi à la croissance, en réduisant le pouvoir d’achat, en particulier de ressources énergétiques. Par le passé, les périodes de ralentissement économique ont souvent été associées à une hausse des prix du pétrole.En plus de cela, les sanctions affectent certaines entreprises américaines et canadiennes, mais surtout, de nombreuses entreprises privées imposent leurs propres sanctions, et cessent leurs activités ou leur production, ou ferment leurs magasins en Russie. Cela aura une incidence sur leurs revenus et, par conséquent, sur leurs dépenses chez nous. Enfin, la situation portera atteinte à la confiance, ce qui aura une incidence considérable sur l’économie. Nous devions déjà composer avec la pandémie et voilà qu’un autre problème nous préoccupe maintenant. Ce conflit entraînera certainement une hausse de l’inflation et nuira considérablement à la croissance.Sal Guatieri (03:52): Oui. Il semble donc que plusieurs secteurs de notre économie seront touchés. En fait, la situation financière s’est déjà détériorée : les marchés boursiers sont à la baisse, le NASDAQ aussi, et les écarts de taux des obligations de sociétés se sont élargis. Au bout du compte, tous ces facteurs nuiront aussi à l’économie. J’ai du mal à croire que le taux d’inflation aux États-Unis est presque déjà de 8 % et je me demande quels niveaux il atteindra. Est-il possible que nous assistions à un retour des taux d’inflation à deux chiffres des années 1970?Michael Gregory (04:27): Cela dépendra de l’évolution du prix des aliments et de l’énergie, et surtout des prix du pétrole. Effectivement, dans un mois ou deux, en particulier aux États-Unis, il est possible qu’un taux d’inflation à deux chiffres soit enregistré. Mais je ne crois pas que ces taux d’inflation persisteront pendant des mois comme c’était le cas dans les années 1970, pour la simple raison que nous avons appris à gérer la politique monétaire depuis cette époque. L’une des raisons pour lesquelles l’inflation avait échappé à tout contrôle dans les années 1970, bien qu’elle ait été générée par les mêmes facteurs, c’est-à-dire un choc affectant l’approvisionnement et les prix des produits alimentaires, un problème semblable à celui que nous vivons aujourd’hui, c’est que les banques centrales ne pensaient pas pouvoir augmenter les taux d’intérêt rapidement. Elles étaient préoccupées par la croissance. Mais nous savons maintenant que les banques centrales réagissent très rapidement et sont fermes.La Banque du Canada a déjà augmenté ses taux mercredi, et la Fed fera la même chose. Elles agissent beaucoup plus rapidement et, par conséquent, elles freineront probablement la demande beaucoup plus vite que dans les années 1970, ce qui, en conjonction avec le pouvoir d’achat réduit, ralentira le rythme d’expansion de l’économie beaucoup plus rapidement que dans les années 1970. Donc, je ne crois pas que les taux d’inflation à deux chiffres persisteront pendant des mois.Sal Guatieri (05:53): Je suppose que c’est une bonne nouvelle en ce qui concerne l’inflation. Mais encore une fois, comme vous l’avez mentionné, au détriment d’une économie plus faible, si les banques centrales ont besoin d’augmenter fortement les taux d’intérêt pour garder le contrôle de l’inflation. De toute évidence, ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie. Nous espérons que les banques centrales pourront gérer la situation sans provoquer une récession. En ce qui concerne l’économie canadienne, nous sommes un grand producteur et exportateur de produits de base, donc cette hausse des prix des ressources s’avère avantageuse pour nous. En fait, l’économie canadienne se portera probablement mieux que l’économie américaine cette année. Diriez-vous que c’est exact?Michael Gregory (06:36): Je dirais que c’est vrai, notre économie se portera probablement mieux que celle des États-Unis, mais le Canada ne se sortira pas de cette crise indemne. La hausse des prix des produits de base est manifestement avantageuse pour les caisses des gouvernements et certaines entreprises actives dans le secteur dont les revenus augmenteront grandement. Cependant, les consommateurs ressentent pleinement l’incidence de la hausse des prix des produits de base, car le dollar canadien ne s’apprécie pas comme il l’aurait fait habituellement dans d’autres contextes de forte hausse des prix des produits de base. Par conséquent, nous assisterons à un certain recul ou du moins à un certain ralentissement de la consommation réelle des ménages. Cela neutralisera une partie de l’avantage que l’économie canadienne aurait normalement tiré d’une hausse des prix des produits de base.Et pourquoi la valeur du dollar canadien n’est-elle pas affectée par la situation? L’une des principales raisons est que les gens sont très préoccupés par l’économie mondiale. Les risques augmentent. Par exemple, les prix du pétrole n’augmentent pas parce que l’économie est en plein essor, ce qui accroîtrait la valeur du dollar canadien, mais parce que les gens redoutent des problèmes d’approvisionnement. Les gens sont nerveux et ils ont peur. Ils préfèrent détenir des dollars américains plutôt que des dollars canadiens, et c’est pour cette raison que le dollar canadien n’a pas pris de la valeur et qu’une partie du soutien à l’économie canadienne provenant de la hausse des prix des produits de base sera retirée au secteur de la consommation, en particulier.Sal Guatieri (08:11): En gros, les consommateurs canadiens perdront encore du pouvoir d’achat en raison de la hausse des prix de l’essence, du coût des aliments et de toutes les importations, simplement parce que le dollar canadien ne prend pas de valeur, comme c’est normalement le cas lorsque les prix des produits de base, en particulier ceux du pétrole, augmentent. Il s’agit donc d’un coup dur pour notre économie, mais je suppose que l’économie du Canada et probablement celle des États-Unis surclasseront celle de l’Europe en raison des liens commerciaux beaucoup plus importants qu’elle entretient avec la Russie et de sa dépendance énergétique envers celle-ci. Je suppose qu’elle sera beaucoup plus durement touchée que l’Amérique du Nord. Êtes-vous d’accord avec cette hypothèse?Michael Gregory (08:50): Je suis tout à fait d’accord. Les prix de l’énergie, notamment ceux du gaz naturel en Europe, ont augmenté de façon beaucoup plus importante et rapide que dans le reste du monde. Et ce sera encore une fois un coup dur pour les Européens, qui dépendent beaucoup de l’énergie russe. La situation présente toutefois certains avantages sur le plan de la croissance, donc il n’y a pas que de mauvaises nouvelles. Il s’agit d’un problème majeur du point de vue du commerce et de la dépendance à l’égard de l’énergie, mais même si la Fed ou la Banque du Canada ont commencé à augmenter leur taux d’intérêt, la Banque centrale européenne (BCE), malgré le fait qu’elle semble plus sévère ces derniers temps, ne sera sûrement pas prête à augmenter ses taux avant que le quatrième trimestre de 2022 ne soit déjà bien entamé. D’ici là, la Banque du Canada et la Fed auront probablement déjà augmenté leur taux d’intérêt plusieurs fois.De ce point de vue, nous pensons qu’ils continueront à tirer parti du soutien lié à la politique monétaire qui n’est plus offert en Amérique du Nord, mais qui l’est toujours en Europe; donc cet avantage compensera partiellement le recul. L’autre facteur de compensation découle du fait qu’avec ces flux massifs de personnes qui quittent l’Ukraine, les gouvernements tirent parti de toutes les dépenses supplémentaires injectées dans leurs économies locales. Les gouvernements dépensent dans des programmes de soutien pour les réfugiés, et cela donne un coup de pouce supplémentaire à l’économie, pour de mauvaises raisons, évidemment, mais cela compense un peu le choc subi par le secteur de l’énergie. L’économie européenne souffrira de cette crise, mais pas autant qu’on pourrait le croire.Sal Guatieri (10:40): En gros, l’Europe sera en partie épargnée parce que les gouvernements et les banques centrales maintiendront les politiques de soutien un peu plus longtemps qu’ici en Amérique du Nord, ce qui atténuera le coup porté à son économie par cette guerre. Je sais que notre service a revu à la baisse ses prévisions pour les économies américaine et canadienne cette année d’environ un demi-point de pourcentage, simplement pour refléter les effets négatifs de la guerre dont vous avez parlé. Toutefois, la croissance se poursuit à un bon rythme. Nous avons enregistré un taux de 3,5 % au Canada cette année et de 3 % aux États-Unis, ce qui est tout de même supérieur à la normale. On parle beaucoup de récession, et les gens commencent à redouter une éventuelle baisse de l’activité économique. Quels indicateurs reflétant que la situation pourrait s’aggraver et dépasser le simple ralentissement surveillez-vous?Michael Gregory (11:40): Excellente question, Sal. Évidemment, nous surveillons l’éventuelle mise en place du mécanisme par lequel le risque d’inflation commencera à augmenter. Si nous commençons à constater un changement dans la consommation des ménages et si les consommateurs commencent à faire ces choix très difficiles, car ils doivent payer des prix plus élevés pour se procurer certaines choses et, par conséquent, réduire le budget alloué à la consommation, il s’agira d’un signe. Lorsque les dépenses de consommation réelles commencent à diminuer et à ralentir, c’est un signe que l’inflation diminue considérablement le pouvoir d’achat et qu’elle va faire baisser l’activité économique. C’est le principal indicateur que je surveille. L’autre indicateur correspond à la réaction des banques centrales. Je m’attends à ce qu’elles semblent très sévères, mais il reste à voir si elles augmenteront vraiment les taux d’intérêt rapidement. Si je commence à constater une augmentation rapide de ces taux, je commencerais aussi à craindre que la situation ne se termine comme de nombreux autres cycles d’affaires dans le passé, c’est-à-dire par un resserrement un peu trop important de la part des banques centrales.Le premier indicateur que je surveille est lié aux dépenses de consommation réelles et à la diminution du pouvoir d’achat en raison de l’inflation, et le deuxième, à la réaction des banques centrales. Finalement, je surveillerai aussi le niveau de confiance de la population, car au bout du compte, la hausse des prix des aliments et de l’énergie, c’est ce qui rend les consommateurs vraiment nerveux. Au Canada et aux États-Unis, les consommateurs sont le principal moteur de la croissance économique.Sal Guatieri (13:12): Oui, c’est vrai. Je suppose aussi que le fait que la confiance des consommateurs américains a chuté à son plus bas niveau au cours des dix dernières années, selon le sondage de l’Université du Michigan, n’est pas bon signe non plus. Heureusement, l’indicateur du niveau de confiance, qui semble accorder un peu plus d’importance au marché du travail, se maintient au-dessus de la normale. Mais vous avez raison, comme vous l’avez mentionné, surveillons de près le niveau de confiance des consommateurs, les dépenses de consommation et les hausses de taux des banques centrales. Et je suppose que nous devons également surveiller l’indicateur guide de ralentissement économique et la courbe des taux, parce que si les banques centrales augmentent trop leur taux à court terme, la courbe des taux s’inversera, ce qui a souvent été le signe, du moins par le passé, que l’économie s’apprête à traverser une crise.Il semble donc que les banques centrales soient prises entre l’arbre et l’écorce : elles sont forcées de resserrer leurs politiques dans un contexte de risques de baisse de la croissance et de hausse de l’inflation, alors que les chiffres sont déjà bien au-dessus de leurs cibles. Selon vous, comment la Fed et la Banque du Canada composeront-elles avec cette période difficile d’incertitude et des risques?Michael Gregory (14:23): Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une période difficile. Je crois que nous assisterons à un cycle de resserrement en deux étapes. Je crois que la première chose que les deux banques centrales feront sera d’essayer d’éliminer les mesures de relance. Les taux d’intérêt sont toujours à des niveaux d’urgence très bas et contribuent à l’inflation actuelle. Par conséquent, elles élimineront les mesures de soutien en augmentant les taux d’intérêt à court terme pour les ramener à un niveau neutre. La Fed dit que les taux des fonds fédéraux seront d’environ 2 % à 3 %, et l’étude de la Banque du Canada indique que ses taux se situeront entre 1/4 % et 3/4 %, et 2/4 % et 3/4 %. Nous nous attendons à un passage rapide à des taux d’intérêt à ce niveau pour commencer, puis à ce que les deux banques centrales procèdent à plusieurs changements au fil des rencontres, et enfin, à ce qu’elles ralentissent le rythme des changements. Mais une fois que les taux atteindront ces niveaux, elles prendront une pause, ou peut-être qu’elles augmenteront les taux un peu plus rapidement, puis qu’elles prendront un peu de recul par la suite.Autrement dit, elles doivent continuer à s’en tenir à ce principe de resserrement, tout en faisant preuve de prudence. Il faut d’abord atteindre ce niveau neutre, puis, si l’inflation demeure un problème, les banques et la Fed auront une décision très difficile à prendre : faire passer les taux au-dessus de leur niveau neutre pour qu’ils deviennent contraignants. Ainsi, ils ralentiraient considérablement l’économie et augmenteraient potentiellement le risque de récession. Et nous croyons que bon nombre des pressions qui découlent actuellement de l’inflation finiront par diminuer. Une grande partie de ce problème est encore lié aux perturbations de l’approvisionnement qui remontent à la pandémie, lesquelles finiront par être corrigées. La pénurie mondiale de micropuces commence certainement à se résorber. Bon nombre de ces pressions disparaîtront d’elles-mêmes. Bien entendu, nous ne savons pas ce qui se passera en Ukraine, mais nous aurons probablement un peu de répit de toute façon, en ce qui concerne l’inflation, et la Banque du Canada pourra procéder en plusieurs étapes. Mais il est important qu’elle devance la courbe. Elle doit se montrer sévère et brandir un moyen bâton, et non un gros bâton.Sal Guatieri (16:45): Oui. J’aime le processus ou la façon de penser en deux étapes que vous avez décrit pour les banques centrales. La première étape consiste simplement à ramener les taux à des niveaux neutres par rapport à la normale; les banques pourraient simplement opérer en mode pilote automatique. Elles doivent s’attaquer au problème de l’inflation et, à tout le moins, augmenter les taux d’intérêt pour atteindre un niveau neutre, donc environ 2 % au Canada et un peu plus aux États-Unis. Puis, il y a la deuxième étape, plus délicate, qui consiste à élever le taux au-delà du niveau neutre pour contrer sérieusement l’inflation et la ramener peut-être plus rapidement à la cible de 2 %. C’est là que les choses pourraient se compliquer et, de toute évidence, que nous commencerions à nous exposer au risque d’un ralentissement économique plus important. Vous avez déjà mentionné que le dollar canadien est devenu exceptionnellement dissocié des prix du pétrole, ce qui ne fait qu’accentuer certaines tensions inflationnistes au Canada, certainement celles liées au prix de l’essence. À travers l’histoire, il est plutôt rare qu’une monnaie se découple ainsi. Selon vous, qu’est-ce qui empêche le dollar canadien de prendre de la valeur, et quelles sont vos perspectives pour le dollar canadien au cours de la prochaine année?Michael Gregory (18:01): Comme je l’ai mentionné plus tôt, je crois que cela a beaucoup à voir avec la perception du risque. C’est ce que les négociateurs appellent l’aversion pour le risque. Le marché boursier et le marché des produits de base suscitent des inquiétudes. Dans ce type de contexte, la population et les investisseurs ont tendance à se tourner vers les valeurs sûres ou les marchés les plus liquides. Il s’agit souvent du dollar américain et, par exemple, des bons du Trésor américain. Nous pensons donc que si le dollar canadien s’apprécie considérablement au-delà de sa fourchette actuelle, nous allons voir une partie de cette inquiétude dans l’économie mondiale passer de DEFCON 4 à DEFCON 3 ou quelque chose du genre. De toute évidence, je crois que la situation en Ukraine devra se résorber ou du moins se stabiliser, ce qui pourrait aider le dollar canadien qui, bien franchement, bénéficie d’un grand soutien.Le compte du Canada affiche de nouveau un surplus. Et cela a tendance à être très positif pour les devises à long terme. La Banque du Canada augmente ses taux, peut-être pas plus rapidement, mais pas plus lentement que la Fed, du moins à ce stade-ci, ce qui devrait au moins constituer un soutien modeste, surtout par rapport à celui offert par d’autres pays. Je crois donc que le dollar canadien atteindra de nouveau les niveaux supérieurs de sa moyenne récente au cours de la prochaine année. Il ne grimpera peut-être pas au-dessus de ce niveau. Je doute que sa valeur avoisine bientôt les 80 cents américains, mais je crois qu’elle se rapprochera certainement des 79 cents d’ici la fin de l’année. Je crois que c’est tout à fait possible dans le contexte actuel.Sal Guatieri (19:56): Je suppose que la performance du dollar canadien n’est pas mauvaise par rapport à celle de toutes les autres devises, sauf le dollar américain. Vous avez raison, les gens se tournent vers une valeur sûre, donc vers le dollar américain, et c’est ce qui fait en sorte que la valeur de notre monnaie reste plus faible. Mais comme vous l’avez mentionné, les perspectives seront probablement relativement favorables une fois que nous aurons traversé cette période d’incertitude.Merci pour vos commentaires pertinents, Michael. Je crois que l’un des messages dominants est que les perspectives de l’économie, de l’inflation, des taux d’intérêt et du dollar canadien dépendront de l’évolution de la situation en Europe de l’Est, donc les investisseurs devront surveiller la situation de très près. Merci à tous de vous être joints à nous et prenez soin de vous.Conclusion (20:42): Merci d’avoir écouté le balado Investissements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site https://www.bmo.com/principal/particuliers/investissements/placements-en-ligne/. 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Accueillir la nouvelle année avec une réévaluation des taux d'intérêt
Dans le premier épisode de BMO Smarter Investing, Sal Guatieri et Douglas Porter ont discuté de l'inflation et de sa direction. Maintenant, en 2022, Sal Guatieri est rejoint par Jennifer Lee et Benjamin Reitzes pour parler de ce que nous voyons avec l'inflation et pour savoir où ils pensent qu'elle se dirige cette année. Les économistes de BMO Sal Guatieri, Jennifer Lee et Art Woo discutent des résultats, des risques et des prédictions.
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- Introduction (00:02) : Bienvenue à Investissements plus futés de BMO, la nouvelle série de balados qui vous aide à prendre des décisions de placement plus judicieuses. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, qui se penchent chaque mois sur les dernières nouvelles et perspectives du marché. En compagnie d’un groupe d’invités spéciaux, ils se pencheront sur des sujets, des tendances et des prévisions pertinents pour les investisseurs novices et chevronnés.Sal Guatieri (00:26) : Trois mois se sont écoulés depuis que nous avons donné le coup d’envoi à la série de balados Investissements plus futés avec une discussion de l’inflation et comme le climat n'a fait que se réchauffer depuis, nous restons plus que jamais inquiets quant aux perspectives d'inflation, même si nous nous attendons toujours à voir les premiers signes de modération au printemps. Mais le repli sera-t-il suffisant pour maintenir les banques centrales sur la voie graduelle de la normalisation des taux plutôt que d’une montée en flèche qui pousserait l’économie en bas du précipice? Pour discuter de la situation de l’inflation et des taux d’intérêt aux États-Unis, au Canada et en Europe, nos invités sont Jennifer Lee, Ben Reitzes et moi-même, Sal Guatieri.Ben, commençons par la situation de l’inflation au Canada, qui, bien qu’elle soit la pire depuis trois décennies, reste moins grave qu’aux États-Unis et même en Europe. Quelle est la situation là-bas et où voyez-vous l’inflation canadienne se diriger?Ben Reitzes (01:17) : La situation est peut-être moins grave qu’aux États-Unis, mais elle est quand même assez extrême au Canada. Nous obtiendrons nos données sur l’inflation pour le mois de janvier, le 16 février, et ils devraient se situer à un peu moins de 5 %, ce qui représente un sommet qui n’avait pas été atteint de plusieurs décennies. L’inflation de base exclut certaines composantes volatiles et extrêmes comme l’essence, etc. Nous cherchons toujours un taux supérieur à 3 % pour au moins deux de ces paramètres. L’inflation n’est peut-être pas aussi élevée qu’aux États-Unis, mais elle demeure très élevée et bien au-dessus de ce que la Banque du Canada aimerait qu’elle soit. Elle vise un taux d’inflation de 2 % et 5 % la rend certainement très mal à l’aise en ce moment. La prochaine révision du taux directeur de la Banque du Canada doit avoir lieu le 2 mars et nous nous attendons à ce qu’elle relève son taux de 25 points de base pour le porter à 0,5 %, ce qui devrait être la première d’une série de hausses. Nous prévoyons quatre hausses de taux consécutives lors des quatre prochaines réunions de la Banque du Canada. Ainsi, en mars, en avril, en juin et en juillet, le taux directeur passerait à un pour cent par trimestre. Puis, elle ferait une pause avant de poursuivre sa campagne de hausse des taux à un rythme trimestriel, en octobre, en janvier et en avril, pour faire passer les taux à 2 %.Sal Guatieri (02:32) : Il s’agit donc encore d’un problème important pour le Canada. Jennifer, avec un taux de plus de 5 %, la zone euro est confrontée à l’inflation la plus rapide depuis la création de la zone à monnaie unique. Que se passe-t-il là-bas?Jennifer Lee (02:45) : Beaucoup de choses se passent là-bas. L’IPC de la zone euro a en fait surpris la BCE à deux reprises. D’abord en décembre, lorsqu’il a atteint un sommet record de 5 %, puis de nouveau en janvier, à 5,1 %. Et les taux, lorsque vous regardez dans l’ensemble de la région, sont assez mitigés. Le taux d’inflation globale a atteint des sommets records ou presque. L'Espagne et les Pays-Bas, par exemple, affichent tous deux des taux supérieurs à 6 %, ou bien ils atteignent leurs plus hauts niveaux depuis des années, comme au Portugal, en Italie ou en Grèce. Mais si l’on fait abstraction de l’impact de l’alimentation et de l’énergie, les taux d’inflation ne sont pas aussi élevés, mais ils continuent de faire souffrir les ménages. L’un des développements troublants dont je dois parler concerne l’Allemagne. En janvier 2022, c’est-à-dire le mois dernier, le taux d’inflation a augmenté de façon inattendue comme tout le monde s’y attendait, soit un ralentissement de la croissance des prix en raison de ce qui s’est passé en janvier 2021.Voici le résumé des faits. En 2020, le gouvernement allemand a réduit de trois points de pourcentage la taxe à la valeur ajoutée (TVA) afin d'aider les entreprises à faire face à la pandémie. Cette mesure n'était pas censée être éternelle, elle devait simplement les aider à surmonter toutes les fermetures. En janvier 2021, la TVA a été rétablie à son niveau habituel, soit 19 %. Donc, malgré cette base plus élevée, les IPC ont tout de même augmenté à un rythme plus rapide. Comme je l’ai dit, c’était un peu inquiétant de voir cela se produire. Qu’est-ce qui stimule l’inflation en Europe? Il y a un certain nombre de raisons qui sont très semblables à ce que tout le monde voit partout dans le monde : la pénurie d’approvisionnement et, bien sûr, la pénurie de main-d’œuvre, mais l’énergie est assurément le principal moteur, car les prix du pétrole et du gaz naturel montent en flèche. En particulier, les besoins énergétiques de l’Europe sont importés à 61 %. Il en coûte donc plus maintenant, par exemple, pour conduire un camion. Les coûts de transport sont donc plus élevés, ce qui se répercute sur d’autres articles que le camion transporte comme de la nourriture. Le coût des aliments est donc plus élevé. Selon le point de vue officiel de la BCE, l’inflation demeurera élevée plus longtemps que prévu, mais elle diminuera au cours de l’année. Toutefois, je crois que ce point de vue officiel changera en mars, lorsque les nouvelles prévisions seront publiées.Sal Guatieri (04:53) : Il n’y a donc aucun signe de modération en Europe ou de l’autre côté de l’Atlantique non plus. Bien entendu, l’inflation au Canada et en Europe est peu élevée par rapport à celle des États-Unis, où le taux de l’IPC de 7,5 % est le plus élevé depuis quatre décennies et où il n’y a manifestement aucun signe de modération des prix aux États-Unis au cours des derniers mois. En fait, les hausses de prix s’étendent à plus en plus d’articles; ce n’est pas seulement le prix de l’essence et des aliments, c’est presque tout qui monte à un rythme soutenu. Malheureusement, une partie de cette augmentation est probablement durable. Ce que je veux dire, c’est que les chiffres que nous voyons confirment simplement que les entreprises subissent une hausse des coûts des intrants en raison de problèmes d’approvisionnement et qu’elles à répercuter cette hausse des coûts tant qu’elles le pourront, c’est-à-dire probablement jusqu’à ce que la demande se refroidisse en réponse aux hausses de taux et que ce ne soit pas seulement un problème d'approvisionnement.La demande excédentaire semble vraiment pousser les prix à l’échelle mondiale à l’heure actuelle, et ce en raison de politiques de relance exagérées, en particulier aux États-Unis, avec ces deux rounds de chèques de remise aux ménages il y a un an et des taux directeurs réels très négatifs. En gros, les entreprises ne peuvent pas maintenir le rythme. Elles ne font pas que hausser les prix, mais continuent tout simplement de faire face à ces hausses de coûts à un rythme presque plus accéléré en ce moment. Il s’agit aussi d’une large série d’augmentations de coûts, y compris les salaires. Ainsi, nous croyons que l’inflation aux États-Unis atteindra très prochainement un pic, probablement un peu moins de 8 %. Mais nous considérons qu’elle est toujours élevée, soit 4,5 % d’ici la fin de l’année, peut-être un taux plus tolérable de 2,5 % d’ici la fin de l’année prochaine.Mais l’inflation sans aucun doute restera exceptionnellement élevée cette année. Nous demeurons également bien au-dessus des valeurs consensuelles, si tout va bien, que les prix du pétrole sont modérés et que les salaires n’augmentent pas davantage. Ainsi, la Fed voulait une inflation plus élevée. Elle a activement cherché à l’obtenir et l’a finalement obtenue. En parlant de la Fed, il y a eu un changement radical de perspective à la fois à la Fed et à la Banque du Canada et, enfin, une prise de conscience de ce qui préoccupe de nombreux analystes, y compris nous-mêmes, depuis des mois, à savoir que la hausse de l’inflation n’est pas uniquement attribuable à des facteurs temporaires, tels la hausse des prix des produits de base et des chaînes d’approvisionnement irrégulières; mais à une demande trop fortement alimentée par des mesures de relance excessives. Ben, pouvez-vous nous parler de la métamorphose de la Banque du Canada dans sa lutte contre l’inflation et peut-être nous redire, à votre avis, comment les taux directeurs évolueront au Canada?Ben Reitzes (07:37) : Bien sûr. La Banque a vraiment changé de stratégie, je suppose, au cours des six derniers mois environ, mais a une longueur d’avance en matière de politique. Elle a été la première à mettre fin à sa politique d’assouplissement quantitatif, tout d’abord pour atténuer sa politique d’assouplissement quantitatif. Elle sera maintenant probablement au moins deux semaines à l’avance par rapport à la Réserve fédérale et relèvera les taux directeurs à sa réunion du 2 mars. Mais je crois qu’à l’heure actuelle, la question qui se pose n’est pas nécessairement de savoir quand la Banque relèvera ses taux, mais plutôt à quelle vitesse et si les taux augmenteraient plus rapidement que les 25 points de base dont j’ai parlé plus tôt. Un débat enflammé a eu lieu sur le marché. L’inflation a encore une fois été extrêmement étrange et devrait dépasser les 5 %; elle atteindra probablement son apogée au cours des prochains mois environ. Mais vous parlez d’inflation qui va bien au-delà de la cible des 2 % de la Banque du Canada. La question est de savoir si elle peut obtenir 50 points de base lors d’une réunion, dont une partie est actuellement prise en compte sur le marché.Nous ne croyons pas qu’elle changera de 50 points de base. La Banque a très clairement indiqué qu’elle voulait être une source de stabilité et de certitude, ce qui ne serait pas conforme à ce type d’action inattendue. C’est un peu différent du gouverneur précédent, lorsque le gouverneur Poloz était à la tête de la Banque; il y a eu un certain nombre d’actions inattendues. Le marché a été pris au dépourvu à quelques reprises. Il ne semble pas que le gouverneur Macklem souhaite suivre le même modèle, mais plutôt être beaucoup plus prévisible, ce qui signifie probablement des hausses de taux de 25 points de base. Encore une fois, nous pensons que vous connaîtrez une série de ces actions; comme l’inflation prendra un certain temps à se calmer, vous devrez accélérer la demande un peu.Le marché de l’habitation est également une grande préoccupation pour la Banque du Canada. Le mardi 15 février, au matin, nous avons obtenu des données très significatives sur le marché de l’habitation de janvier. Les prix des maisons ont augmenté de 28 % d’une année à l’autre, et un certain nombre de villes ont enregistré des gains sur 30 ans, voire de 40 %, par rapport à il y a un an. Si vous regardez les graphiques, vous pouvez voir qu’un certain nombre de villes voient leurs prix monter en flèche, ce qui n’est pas du tout un signe positif; les prix ne devraient pas augmenter à un tel rythme. Ainsi, tout cela renforce le fait que la Banque du Canada doit relever les taux davantage. Nous avons donc quatre hausses de taux au cours des quatre prochaines réunions. La Banque passera ensuite à un rythme trimestriel par la suite. Le risque, c’est que les taux doivent être encore plus audacieux au bout du compte et peut-être qu’ils ne prennent pas cette pause et qu’ils continuent à bouger à chaque réunion jusqu’à ce que nous atteignions 2 % si l’inflation ne ralentit pas et si le marché de l’habitation demeure aussi vigoureux qu’il l’a été.Sal Guatieri (10:09) : La Banque du Canada lutte donc contre quelques démons – une inflation élevée et un marché de l’habitation en effervescence – qui ont certainement besoin d’être remis en question avant qu’ils ne s’emballent trop. Jennifer, la BCE semble toujours s’accrocher à l’espoir que l’inflation s’atténuera toute seule sans beaucoup d’efforts de son côté pour calmer la demande, même si elle reconnaît au moins le risque de hausse des perspectives inflationnistes. La BCE joue-t-elle avec le feu de l’inflation?Jennifer Lee (10:38) : Oui. Je crois que certaines banques s’accrochent à cette idée, mais l’espoir s’estompe par lui-même, comme vous l’avez souligné, mais elles s’y accrochent peut-être ces jours-ci. C’est sans aucun doute une préoccupation très légitime. Tout d’abord, les prix de l’énergie risquent de rester élevés. Puis nous allons certainement commencer à voir les effets secondaires du deuxième round. Lorsque vous avez des consommateurs, ils ont une inflation élevée ancrée dans leur esprit. De nos jours, il en coûte beaucoup plus cher de remplir son réservoir, de chauffer sa maison ou de nourrir sa famille. Cela peut faire grimper les attentes inflationnistes, s’éloignant ainsi de l’objectif convoité. Pour ce qui est de ce deuxième point, la BCE disait qu’elle ne voyait pas encore beaucoup de ces effets du deuxième round. Elle dit cela car elle examine les prix de base et la façon dont ils se comportent, simplement pour donner une idée de l’évolution des prix à moyen terme. Jusqu’à présent, les prix de base ont légèrement baissé dernièrement, passant de 2,6 % à 2,3 %, mais on s’inquiète toujours de la spirale des salaires lorsque les syndicats exigent des demandes plus élevées, lorsqu’ils se préparent à négocier leur salaire ou lorsqu’un travailleur ordinaire négocie sa propre paie.Mais, au fait, les salaires en Europe ne subissent pas autant de pression qu’aux États-Unis. Je crois qu’il s’agit simplement de la façon dont le marché du travail a été géré pendant la pandémie, ce qui a permis à la BCE d’être plus détendue – pour ceux qui ne peuvent pas me voir, j’utilise mes guillemets virtuels – plus détendue que les États-Unis. À l’heure actuelle, en Europe, le taux de chômage est à un creux record de 7 %, mais le salaire horaire moyen a augmenté d’environ 2,3 %, à comparer avec les États-Unis, où les salaires ont augmenté de 4,5 %. Encore une fois, je crois que c’est en raison de tous ces programmes de mise à pied provisoire mis en place par les divers gouvernements européens pendant la pandémie, de sorte que leurs salaires et leurs emplois ont été protégés pendant cette période. Mais le plus longtemps l’inflation restera au-dessus de cette cible de 2 %, il faut imaginer que les travailleurs exigeront des augmentations de salaire plus importantes, pour préserver leur pouvoir d’achat tout simplement. En décembre, la BCE parlait du taux d’inflation et de la façon dont il devrait atteindre une moyenne de 3,2 % en 2022. Il était déjà en hausse par rapport à ses prévisions de septembre de 1,7 %, ce qui semble extrêmement faible à ce stade-ci, mais cette prévision sera certainement revue à la hausse en mars et probablement en 2023 aussi.Sal Guatieri (12:49) : La BCE pourrait devoir relever ses taux à un moment donné, mais les pressions ne semblent pas être aussi élevées qu’au Canada ou aux États-Unis, en particulier. À notre avis, aucune banque centrale ne connaîtra une période plus difficile que la Fed pour limiter l’inflation cette année, parce que l’inflation aux États-Unis est déjà l’une des plus élevées parmi les économies avancées. Comme vous l’avez mentionné, Jennifer, la situation du marché du travail est nettement différente aux États-Unis qu’en Europe. Et même au Canada, le marché du travail est beaucoup plus serré; selon notre mesure interne pour gérer la capacité inutilisée sur le marché du travail, c’est la mesure la plus serrée jamais enregistrée. Pour cette raison-là, la croissance des salaires est d’au moins deux points de pourcentage plus rapide aux États-Unis qu’au Canada.Et l’économie américaine est toujours sur une assez bonne lancée. Nous l’avons vu dans l’excellent rapport sur l’emploi de janvier, malgré Omicron et, je crois que pour la Fed présentement, le problème est qu’elle doit composer avec les effets à la traîne des hausses de taux d’intérêt qui freinent l’économie, ce qui signifie qu’elle devra peut-être agir assez rapidement ou de façon plus énergique qu’elle ne le voudrait tout simplement pour que les choses commencent à se calmer à compter de cette année. Et, bien sûr, elle commence à augmenter les taux à partir de ce point de départ très bas où, selon nos estimations, la politique de Monte aux États-Unis n’a jamais été aussi expansionniste, du moins depuis le milieu des années 1970, et cela ne tient même pas compte de l’assouplissement quantitatif qui est en place aujourd’hui alors que ce n’était pas le cas il y a un siècle. La Fed devrait donc agir assez rapidement pour rattraper l’inflation. Nous prévoyons une augmentation de 125 points de base cette année et de 100 points de plus l’an prochain, jusqu’à concurrence de 2,4 %, mais tout comme l’inflation, le risque lié aux taux est à la hausse. Nous estimons que la probabilité d’obtenir une marge de 50 points est presque égale. Ce n’est peut-être pas le seul indicateur de 50 dont la Fed aurait besoin pour maitriser l’inflation.Jennifer Lee (14:49) : Mais un pointage de 50 n’est pas encore chose faite, n’est-ce pas?Sal Guatieri (14:52) : Oh, non, non, non. Nous sommes toujours confrontés à une série de fluctuations trimestrielles des taux de la Fed, mais il est très difficile de savoir si les taux changeront de 50 points en mars, car les prochains changements seront apportés dans les rapports sur l’IPC. S’ils sont aussi solides qu’en janvier dernier, il est fort possible que la Fed ait besoin de sortir son artillerie lourde. Qu’en est-il des taux d’intérêt à long terme? Nous avons beaucoup parlé des taux directeurs. Qu’en est-t-il des taux d’intérêt à long terme? Augmenteront-ils aussi rapidement que les taux directeurs?Ben Reitzes (15:27) : C’est une excellente question, Sal, et je crois qu’elle préoccupe beaucoup le marché. Jusqu’à présent, ils ont été relativement limités, si l’on tient compte du fait que les taux de rendement des obligations sur 30 ans au Canada sont de 2,2 % et de 2,3-2,5 %. Quand l’inflation est de près de 5 % au Canada et de plus de 7 % aux États-Unis, les taux réels sont actuellement plus négatifs. Je me demande alors si quelqu’un est prêt à acheter des obligations à long terme en ce moment, mais c’est le cas, et c’est en partie une proposition de valeur relative. Si l’on compare les rendements des obligations nord-américaines à ceux de l’Europe, par exemple, les rendements des obligations allemandes ne sont que de 54 points de base, beaucoup plus bas. Au Royaume-Uni, ils sont d’environ 1,5 % et au Japon, de 90 points de base. Si vous êtes à la recherche de rendement, l’Amérique du Nord est l’un des endroits où vous pouvez le trouver.De plus, la Fed et la Banque du Canada détiennent une série d’obligations. Le fait qu’elles détiennent un pourcentage aussi élevé du marché a contribué à limiter le risque de hausse des taux de rendement, du moins jusqu’à présent. Cela pourrait très bien changer si l’inflation reste vraiment persistante et reste un peu plus stable; peut-être que les attentes inflationnistes à long terme changeront-elle, mais nous n’en sommes pas encore là.Jennifer Lee (16:38) : C’est intéressant que vous ayez mentionné le Japon, Ben, parce que c’est une banque centrale qui s’entête et qui dit qu’elle ne resserrera pas ses taux de sitôt et que ses taux de rendement ont aussi augmenté à long terme, de concert avec tout le monde. La Banque du Japon a dû injecter beaucoup de fonds plus tôt cette semaine, simplement pour que le taux de rendement sur 10 ans ne s’éloigne pas trop de sa cible d’environ 0,25 %. Je crois que c’est une norme pour toutes les banques centrales.Sal Guatieri (17:08) : Oui. J’ai toujours été surpris de voir à quel point les investisseurs étaient optimistes à l’égard des perspectives inflationnistes, vraiment, vous savez, la tarification très faible, avec la hausse de l’inflation au cours des cinq prochaines années par rapport à la façon dont les ménages américains voient l’inflation qui demeure assez élevée pendant un certain temps, une certaine dichotomie. Tout cela nous amène à nous demander si les banques centrales accusent un tel retard qu’elles devront resserrer leurs politiques davantage? Et nous savons que cela ne finit jamais bien pour l’économie, et c’est une crainte que plusieurs analystes prestigieux ont soulevée récemment. Qu’en pensez-vous?Ben Reitzes (17:50) : C’est ce que le marché semble penser. Si l’on examine la forme des courbes des taux et les taux de change à terme, on peut imaginer que les taux de dépenses du marché augmenteront au cours des prochaines années et que les taux baisseront par la suite; on constate une certaine inversion de la courbe. La seule raison pour laquelle il y aurait de telles réductions de taux, c’est que l’économie ne se porte pas très bien. C’est manifestement vers cela que le marché se dirige actuellement. C’est une autre raison pour laquelle les taux d’intérêt à long terme sont là où ils sont. Il y a un manque de confiance dans le marché : on craint que l’inflation ne reste élevée et on espère que la Fed resserre suffisamment ses taux pour limiter les risques liés à l’inflation. Tout compte fait, les taux à long terme sont plus bas et la courbe des taux se redresse au début. Je ne sais pas si c’est ce qui se produira, mais il s’agit certainement d’une possibilité et il semble que ce soit le cas le plus probable pour le marché en ce moment.Jennifer Lee (18:42) : Pensez au gouverneur de la Banque d’Angleterre, M. Bailey : le marché s’attend également à de nombreuses hausses de taux d’intérêt et à des hausses audacieuses de la part de la Banque d’Angleterre, mais il a essentiellement dit qu’il fallait resserrer les taux pour contenir l’inflation, et non pas parce que l’économie est en dents de scie; ils le font en raison de l’inflation. Je crois donc que s’il joint le geste à la parole, il ne sera pas le seul à augmenter les taux.Sal Guatieri (19:11) : Dans l’ensemble, il semble que les investisseurs soient optimistes à l’égard de l’inflation parce qu’ils pensent que la Fed fera son travail. Malheureusement, l’économie pourrait tomber dans un marasme en raison d’un resserrement trop fort; nous espérons que ce ne sera pas le cas. Peut-être qu’ils vont réussir à faire un atterrissage en douceur. La feuille de route n’est pas excellente, mais peut-être que cette fois-ci ce sera un peu différent. Nous pourrions conclure en parlant de certaines des répercussions, ou de conseils pour les consommateurs et les investisseurs qui doivent maintenant composer avec tous ces risques liés à l’inflation. Quelques éléments me viennent à l’esprit : premièrement, les ménages pourraient devoir revoir leur budget si l’inflation et les taux d’intérêt augmentent, surtout s’ils augmentent plus que prévu. Il faut songer à réduire les achats d’articles dont le prix n’augmente pas fortement en passant à des biens ou à des services dont le prix reste stable ou qui deviennent moins chers. Il n’y en a peut-être pas beaucoup, mais il y a toujours des possibilités. C’est peut-être un bon moment pour payer des dettes, si les taux augmentent. Immobiliser les taux d’intérêt de prêts en fonction de nos prévisions pour la Banque du Canada est également une bonne idée. En ce qui concerne un taux hypothécaire variable dont les cinq premières années sont à taux fixe, il ne faut pas s’en faire. Selon nos prévisions, le taux fixe sur cinq ans est à peine supérieur à 3 %, et le taux variable sur cinq ans est environ la moitié du taux fixe. Cela dit, il pourrait y avoir une augmentation assez rapide si la Banque du Canada augmente ses taux de 175 points de base d’ici au printemps prochain, comme nous nous y attendons.Si vous vous inquiétez de l’inflation et que vous pensez que les taux pourraient augmenter beaucoup plus rapidement que ce que nous prévoyons, et que cette inquiétude vous empêche de dormir, il serait peut-être temps d’immobiliser vos prêts. Bien sûr, dans un contexte de hausse de l’inflation, il est toujours judicieux pour les investisseurs d’examiner les obligations protégées contre l’inflation. Les investisseurs en actions s’attendent à une période de volatilité au début du cycle de resserrement. Les actions américaines suivent à peu près le guide historique de correction de la fourchette de 8 % à 10 % au début d’un cycle de resserrement. Il n’y a donc rien de trop inhabituel à l’heure actuelle, mais les investisseurs, si les taux augmentent plus rapidement que prévu parce que l’inflation demeure élevée, voudront peut-être opter pour une stratégie défensive ou pour des actions qui offrent des dividendes. Celles-ci deviennent un peu plus importantes que les actions de croissance dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. Il serait peut-être sage de choisir des entreprises qui ont la possibilité de répercuter des coûts plus élevés sur les clients et de préserver les marges bénéficiaires. Bien sûr, vous pouvez toujours regarder à l’échelle mondiale. L’inflation n’augmente pas aussi rapidement dans certains pays que dans d’autres : c’est le cas pour le Japon par rapport aux États-Unis. En ce qui concerne le Canada, elle n’augmente pas aussi vite que son voisin au sud. Sur ce point, le marché boursier canadien surpasse celui des États-Unis.Nous allons nous arrêter ici. Terminons l’analyse des perspectives inflationnistes : elles sont aussi périlleuses que jamais, comme nous le disons depuis plusieurs mois. Il y a trois mois, nous pensions que l’inflation continuerait d’augmenter. J’ai pensé que nous aurions de meilleures nouvelles à annoncer à nos auditeurs d’ici là, mais malheureusement, nous n’avons pas encore vu de changement de taux d’inflation aux États-Unis ou au Canada et pas tout à fait en Europe non plus. Si l’on prévoit que ce sera le cas au cours des prochains mois, cela dépendra vraiment de la vitesse à laquelle l’inflation ralentira cette année pour empêcher une hausse trop marquée des taux d’intérêt. Nous avons fait à peu près le tour. Merci, Jennifer et Ben, et merci à nos auditeurs de nous avoir écoutés. Au revoir.Conclusion (23:21) : Merci d’avoir écouté le balado Investissements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site https://www.bmo.com/principal/particuliers/investissements/placements-en-ligne/. N’oubliez pas de vous abonner à l’émission sur l’application de balados de votre choix pour accéder aux plus récents épisodes.

Regard sur l’économie chinoise - Évaluation des risques et des résultats
La Chine est la deuxième économie en importance au monde et elle joue un très grand rôle dans le commerce mondial. Dans cet épisode, nous examinons de plus près son économie, certaines des tendances qui se dessinent et ce à quoi on peut s’attendre en 2022. Les économistes de BMO Sal Guatieri, Jennifer Lee et Art Woo discutent des résultats, des risques et des prédictions.
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- Intro(00:00): Bienvenue à notre nouveau balado Investissements plus futés de BMO. Nous sommes ici pour vous aider à prendre des décisions de placement éclairées. Joignez-vous à Douglas Porter et Jennifer Lee, économistes de BMO de premier plan, à chaque mois pour discuter des plus récents développements du marché avec un groupe d’invités spéciaux. Ils se pencheront sur des tendances, des prévisions et des sujets pertinents pour les investisseurs novices et chevronnés.Sal(00:26): Bonjour, je m’appelle Sal Guatieri. Bienvenue à la troisième édition du balado Investissements plus futés de BMO. Aujourd’hui, Art Woo discutera de l’économie chinoise et des risques connexes. Jennifer Lee sera également des nôtres. Commençons par la question qui est au cœur des préoccupations de tout le monde concernant la Chine. Comment se porte la deuxième économie mondiale en ce moment?Art(00:51): Pour commencer, je ne pense pas que la Chine est au bord d’une crise économique ou financière, contrairement à ce que l’on peut voir dans les manchettes des médias. Cela dit, il est vrai que le secteur économique est celui qui éprouve le plus de difficultés depuis 2015-2016 : la consommation des ménages et les dépenses en immobilisations ont baissé de manière substantielle depuis le milieu de l’année passée, en raison d’une confluence d’événements inattendus. Une importante répression réglementaire sur l’éducation et le jeu en ligne, la crise financière que traverse Evergrande, une crise énergétique, et plus récemment, des éclosions sporadiques de COVID-19. Cependant, le bon côté, c’est que le secteur manufacturier agit à titre de point d’ancrage précieux pour l’économie. L’exportation de marchandises se maintient, avec une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente calculée en dollars américains. De plus, l’indice PMI du secteur manufacturier indique une croissance positive. Généralement, nous pensons que les résultats du trimestre, qui seront publiés dans quelques semaines, seront de l’ordre de 3 à 4 % par rapport à l’année dernière, une baisse de 5 %. Ce n’est pas mal, mais c’est un pas en arrière. Nous pensons que l’économie chinoise a connu une croissance d’environ 8 % pour l’ensemble de l’exercice 2021. C’est une baisse par rapport à la hausse de 2,3 % en 2020. Donc, en tout, la Chine a connu une croissance d’environ 5 % depuis le début de la pandémie. Ces données expliquent pourquoi ce pays possède la deuxième plus grande économie mondiale. Comme vous l’avez mentionné, elle joue un rôle primordial dans l’économie mondiale.Sal(02:31): Quelles sont vos perspectives pour 2022?Art(02:35): Je dirais que nous sommes prudemment optimistes en ce qui concerne l’économie chinoise. Du moins, du point de vue de la croissance à court terme, nous pensons que le PIB devrait se situer autour de 5 %. La Chine devrait être capable de contenir le variant Omicron. Nous pensons que les autorités du pays prendront les mesures nécessaires pour stabiliser l’économie et renverser le ralentissement des derniers mois, puisque cette année est très importante d’un point de vue politique : le Parti communiste chinois devrait tenir son 20e Congrès national plus tard dans l’année. Ce dernier déterminera si le président pourra obtenir un troisième mandat (ce qui est fort probable), mais il ne peut pas se permettre de laisser l’économie se détériorer et plonger dans une profonde récession. Donc, ceci explique pourquoi il y a eu deux décisions le mois dernier pour assouplir la politique monétaire du pays : la réduction du taux préférentiel des prêts et l’assouplissement des exigences des banques et des secteurs en matière de réserves. Cependant, nous pensons que les autorités doivent compter sur des mesures de relance budgétaire. C’est une méthode ancienne, mais éprouvée. Les investissements dans les infrastructures seraient une option, mais la Chine n’est pas du type à recourir aux versements en argent, comme ici en Occident, ce qui se traduirait par une augmentation de la consommation des ménages. Ce secteur de l’économie risque donc de traîner de la patte.Jennifer: Si je peux me permettre d’intervenir : ont-ils mis sur papier leurs objectifs officiels de croissance pour cette année? Parce que je constate une baisse d’année en année. Retournons en 2019. On parlait d’une croissance de 6 ou 6,5 %. Clairement, un objectif n’a pas été établi en 2020. Par après, on parlait d’une croissance de plus de 6 % en 2021. Est-il encore logique d’avoir un objectif? Généralement, quand je parle avec des gens, et qu’ils entendent l’objectif, l’hypothèse de base c’est « ah, mais l’objectif devrait être de… ». Qu’en pensez-vous?Art(04:35): Oui, je suis d’accord qu’établir un objectif de croissance n’est plus aussi nécessaire qu’avant, puisque l’économie a énormément changé dans les dernières années. Tout d’abord, les dirigeants des gouvernements provinciaux ne sont pas évalués en fonction de taux de croissance élevés comme par le passé. En fait, ce qu’il faut retenir, c’est que les autorités ne sont pas vraiment préoccupées par la quantité, mais plutôt par la qualité de la croissance. La stabilité financière est un facteur clé d’une économie bien gérée. Donc, pour répondre à votre question, probablement pas. Mais en fin de compte, établir un objectif peut indiquer ce que les autorités essaient d’accomplir. En ce moment, aucun objectif n’a été publié. Si un objectif est communiqué au mois de mars, lors du Congrès national du Parti communiste chinois (ce qui équivaut à une réunion du Parlement, par exemple), j’imagine qu’il sera d’environ 5 %, ou peut-être même de 4,5 %, mais ils vont y ajouter beaucoup de qualificatifs. On parle donc d’une croissance de 5 % ou plus. C’est ma vision des choses.Sal(05:49): Généralement parlant, l’économie chinoise est en baisse. On ne parle pas ici d’une croissance de 8 %, comme celle de l’année passée. Ce n’est même pas la croissance ciblée de 6 % des années précédentes, mais la plupart des pays seraient prêts à tout pour obtenir une croissance de 5 % et plus. Parlons maintenant des risques associés à cette prévision. Je crois qu’il est juste de conclure que ce seront probablement des risques négatifs, en raison de la crise énergétique, d’un recul du secteur de l’habitation et du variant Omicron.Art(06:19): Sans doute. Je suis tout à fait d’accord. La réalité, c’est qu’il est difficile d’élaborer un redressement et des éléments qui peuvent se mettre en place automatiquement, même si le pays a beaucoup d’options en ce qui concerne les politiques à sa disposition. Toutefois, comme je l’ai mentionné, je vais aborder chacun de vos points. Parlons tout d’abord de la crise énergétique. Je pense que c’est maintenant chose du passé; l’approvisionnement et les importations de charbon ont augmenté. Le risque d’une autre crise est assez bas, surtout à l’approche de la nouvelle année chinoise, alors que l’activité des usines est à la baisse. Plus important encore, il y a les risques d’un recul encore plus grand dans le marché de l’immobilier, qui ne doivent pas être ignorés. Cela dit, je crois que ces éléments se stabiliseront dans les prochains mois, puisque les administrations locales sont intervenues pour exercer une pression sur les facteurs clés : elles ont demandé aux banques d’accélérer les approbations de prêts hypothécaires, et les bons projets reçoivent le financement nécessaire à leur réalisation. De plus, certains gouvernements locaux ont offert des subventions aux acheteurs d’une première maison.(07:19): Il est tout de même possible que les ventes atteignent un creux au cours du prochain mois. Mais n’en doutez pas : le ralentissement du marché de l’habitation et le recul connexe des activités de construction agiront à titre de frein sur l’économie cette année. Les ventes seront en baisse de 10 à 20 % dans les prochains mois.(07:38): La bonne nouvelle, c’est que l’économie ne va pas se retrouver avec une surabondance de stocks. Ce qui serait très inquiétant. Autrement dit : on se fait souvent demander si le moment est venu pour la Chine d’agir de façon plus entreprenante. Je ne crois pas que ce soit le cas. À mon avis, les plus grands risques sont ceux associés à la stratégie d’élimination totale de la COVID-19.(07:58): Cette stratégie peut-elle contenir efficacement le variant Omicron? De toute évidence, ce dernier a entraîné des confinements plus sporadiques. De plus, cette situation a des répercussions importantes sur l’économie mondiale en ce qui a trait aux chaînes d’approvisionnement et à la création éventuelle de pressions inflationnistes mondiales. Cela dit, je pense que la Chine a prouvé qu’elle est capable de gérer les éclosions, que l’on pense aux politiques strictes qui ont été mises en place. Le pays est très bien coordonné.(08:31): Le risque de voir le variant Omicron dominer le pays et le mener vers un confinement généralisé et prolongé semble peu probable, mais il demeure le risque le plus important.Sal(08:45): Je pense que tout le monde pense au problème que représente l’inflation. J’aimerais approfondir un peu cette question. Voici les dernières données pour la Chine : l’indice des prix à la consommation (IPC) global reste assez bas, autour de 2 %, mais l’inflation des prix à la production est autour de 15 %, ce qui signifie que le pays exporte son inflation. Qu’est-ce que ces données signifient?Art(09:07): Essayer de comprendre la situation entourant l’inflation en Chine n’est pas chose facile, mais je pense que la réponse est la suivante : la demande des consommateurs demeure très faible. De plus, la pandémie l’a entraînée à la baisse. Cela est mis en évidence par le fait que le nombre de ventes au détail est demeuré bas. Si vous l’ajustez en fonction de l’inflation, le nombre demeure très peu élevé par rapport aux niveaux des fiducies de placement immobilier (FPI) avant la pandémie. Les détaillants et les fabricants peuvent donc tout simplement refiler des prix plus élevés, contrairement à l’Occident, qui a aidé les consommateurs grâce à d’importants versements en argent. Il ne faut pas oublier l’indice des prix à la consommation (IPC). Il ne tient compte que des biens. Les services, quant à eux, représentent plus de 50 % du panier de consommation, mais la COVID-19 a causé une réduction à ce niveau-là. Il y a plus de gens qui restent à la maison qu’en temps normal. Il y a un autre aspect, un peu plus difficile à quantifier, concernant la faible valeur de l’indice IPC : la concurrence créée par la Chine dans les secteurs en aval est incroyablement féroce. Les entreprises doivent donc absorber des coûts plus élevés de matières premières et même d’énergie plutôt que de risquer de perdre des parts de marché.(10:30): En revanche, l’essor continu de la demande mondiale de biens permet à la Chine et à de nombreux autres fabricants asiatiques d’augmenter leurs prix et de protéger leurs marges de profits. Ils en profitent certainement davantage. De plus, la Chine ne fournit pas un indice des prix à l’exportation. Cependant, si l’on analyse les pays voisins, comme la Corée du Sud et Taiwan, dont les données d’exportation sont similaires, on remarque que les prix à l’exportation augmentent. On assiste à une hausse moyenne de 15 à 20 % par rapport à l’année dernière en ce moment. Il s’agit donc d’un débouché précieux pour les fabricants en Chine.Jennifer(11:16): Eh bien! Ce n’est certainement pas une bonne nouvelle pour l’inflation mondiale à court terme. Cela dit, j’aimerais changer de sujet et prendre du recul. J’aimerais parler de l’avenir à long terme de la Chine. Je veux parler des jeunes et des enfants. Je me souviens lorsque la Chine a assoupli sa politique de l’enfant unique en 2015, on s’attendait à une forte augmentation de la demande pour tout ce qui concerne les bébés, comme les couches, les aliments pour bébés et les préparations pour nourrissons.(11:42): Cela ne s’est pas produit. Depuis, le gouvernement a même assoupli la politique un peu plus. À l’heure actuelle, les familles ont une moyenne de 3 enfants. Quels sont donc les effets à plus long terme? La Chine connaîtra-t-elle un jour un baby-boom?Art(11:54): Vous savez quoi? Voilà une excellente question. C’est ce sur quoi les investisseurs devraient se pencher concernant l’avenir à long terme de la Chine. C’est clairement une préoccupation pour les autorités, comme on peut le voir dans leur plus récent plan quinquennal. Cela explique plusieurs choses : les changements réglementaires, la crise autour de la dette d’Evergrande et la dureté du pays concernant le marché immobilier. Il y a également ce tout nouveau terme, le « programme de prospérité commune ». Il a été mis en place pour traiter les inégalités de revenu. Tous ces développements sont en lien avec votre question concernant la nouvelle politique de trois enfants, qui a été adoptée comme loi en août dernier.(12:36): En gros, les autorités sont extrêmement préoccupées par les données démographiques du pays, en particulier la baisse du taux de fécondité et du taux de mariage; la population vieillit rapidement et il se peut qu’elle soit déjà limitée dans l’offre de main-d’œuvre. C’est une mauvaise nouvelle pour la formation des ménages à long terme. C’est pourquoi beaucoup d’articles ont été rédigés à ce sujet dans les médias. Les démographes locaux pensent que la population générale du pays pourrait commencer à diminuer, et que même les données connexes ont été surestimées par le passé. Si je me fie à ma compréhension de ces éléments, la possibilité d’un baby-boom à court ou à moyen terme n’est vraiment pas plausible. Il suffit de regarder les coûts, sans mentionner le stress que représente l’arrivée de plusieurs enfants dans une famille. Le niveau de stress pourrait atteindre des niveaux ingérables. C’est pourquoi les autorités ne se contentent pas de serrer la vis sur le marché de l’immobilier, qui existe depuis plusieurs années. Bon. Nous connaissons tous la chanson : « les maisons sont faites pour être habitées, pas pour faire de la spéculation ». C’est pourquoi ils ont annoncé une décision quelque peu surprenante. Celle de sévir contre l’éducation privée en juillet dernier et le tutorat après l’école afin de réduire la pression économique sociale et financière liée à l’éducation des enfants. Au bout du compte, les choses ne vont pas bien. Je pense que les autorités devront faire preuve de beaucoup plus de créativité ou de soutien pour encourager le baby-boom. En Occident, nous avons des subventions,(14:13): des allocations familiales. Peut-être quelque chose pour modifier le revenu du travail, la part de la tarte économique, ou peut-être même favoriser la conciliation travail-vie personnelle. Nous connaissons tous le « 9-9-6 » : le travail de 9 h à 21 h, six jours par semaine. Ce style de vie est très répandu dans le secteur des technologies; il attire l’attention parce que les gens ressentent une pression énorme. Cela peut expliquer pourquoi le baby-boom n’a pas eu lieu dans les dernières années.Sal(14:49): Art, à propos du long terme… Pourriez-vous préciser ce que vous pensez d’une stratégie économique à long terme qui semble s’être éloignée de la croissance? Est-il juste de dire cela?Art(14:58): Oui. J’en entends souvent parler. Je dirais que l’idée de la croissance à tout prix est disparue depuis cinq ou six ans. Cela dit, je ne pense pas que la croissance n’est plus une priorité pour la Chine. Le pays tient toujours à atteindre un niveau de revenu élevé d’ici le milieu de la prochaine décennie, soit en 2035. Selon mes calculs, pour y arriver, la Chine doit continuer de croître de 4,5 à 5 % par année, ce qui est un défi important, même si le pays a connu une croissance supérieure à 5 % au cours des dernières années. Cependant, il y a deux problèmes de taille : une plus grande friction avec l’Occident, et une orientation vers une économie axée sur les services, ce qui rendra plus difficile l’augmentation de la productivité. Ces éléments expliquent pourquoi le plan quinquennal annuel, annoncé à la fin de 2020, met l’accent sur la mise à niveau des capacités technologiques. Tout cela fait partie de cette stratégie de « double circulation »; celle-ci est fondée sur cette importante substitution qui vise à produire des choses à l’échelle nationale. Cela revient à produire des semi-conducteurs haut de gamme, à investir dans de nouveaux domaines, comme l’intelligence artificielle et les éléments en lien avec la révolution verte, etc. La Chine cherche donc à faire des progrès dans ces nouveaux domaines pour essayer de stimuler la productivité, mais ce ne sera pas facile. Cela revient à ce que j’ai mentionné plus tôt : le programme de prospérité commune, qui consiste à s’attaquer aux inégalités de revenu. Ce ne sera pas facile. Cela nécessitera un changement important dans la façon dont le budget est formulé et dans la manière de taxer. C’est un gros défi. La croissance demeure très importante, mais le gouvernement a maintenant aussi d’autres objectifs.Sal(17:12): Je sais que nous avons abordé beaucoup de sujets, mais pourriez-vous nous en dire plus sur les objectifs de décarbonisation de la Chine? Ils ont clairement été revus à la hausse l’année passée et semblent avoir contribué à une augmentation marquée des prix de certains métaux. Dans quelle mesure la Chine prend-elle au sérieux la lutte contre les changements climatiques?Jennifer(17:27): J’aimerais intervenir avant que vous ne répondiez, Art. Si ça ne vous dérange pas, j’aimerais vous faire part de certaines de mes observations. À l’heure actuelle, je pense que la Chine est prise entre l’arbre et l’écorce. Le pays veut vraiment réduire son empreinte carbone, mais ce faisant, il risquerait d’avoir une croissance plus lente ou une production plus lente. Les autorités ne veulent pas voir se produire un ralentissement marqué de la croissance. Il semble donc que c’est ce qui s’est produit en 2021. Il y a eu ce ralentissement prévu, et puis les activités de production semblent avoir un peu trop ralenti, en raison des pannes d’électricité. Par la suite, les autorités ont rouvert toutes les mines de charbon. Y a-t-il un juste milieu?Art(18:01): Tout d’abord, je peux répondre à votre question, Jennifer. Je pense qu’il est important d’établir un échéancier sur la façon d’envisager le défi de la décarbonisation. À court terme, il ne fait aucun doute que la croissance ou, essentiellement, les besoins en chauffage et les maisons qui nécessitent le travail des usines l’emporteront toujours sur la décarbonisation. Je ne crois donc pas que les autorités sacrifieront la croissance à court terme. Cependant, j’aimerais dire que les événements de l’année dernière, qui ont culminé avec la crise de l’électricité en septembre, octobre et novembre, c’était comme une tempête parfaite. La fermeture des mines de charbon inefficaces a pu causer ces événements. Cela était dû à des raisons légitimes d’amélioration de la sécurité. Il y a aussi eu cette décision de réduire les importations de charbon de l’Australie. Cependant, je pense que tout ça est maintenant chose du passé parce la Chine a beaucoup de charbon sur son territoire pour régler le problème. Il s’agit maintenant d’examiner les choses à partir de la lutte à long terme contre les changements climatiques. Je pense que les autorités sont prêtes à s’attaquer à ce problème avec plus de vigueur. On a pu le voir en septembre 2021, lorsque la Chine a annoncé ses cibles pour 2030 et 2060 pour réduire leurs niveaux de carbonisation. Peut-être que c’est réellement une volonté de la part des autorités. Étant donné qu’elles ont le pouvoir nécessaire (comme au niveau économique), elles avaient la capacité de prendre des mesures décisives au cours de la dernière année, alors elles ont imposé des limites d’émission de CO2 aux provinces. Elles font beaucoup la promotion des véhicules électriques. Elles ont modifié le niveau de production des industries très polluantes, comme celles de l’acier et de l’aluminium. Le pays essaie d’améliorer son infrastructure d’énergie éolienne et solaire, ce qui est une bonne nouvelle pour les producteurs de métaux du monde entier. Cela a contribué aux niveaux élevés des prix de l’aluminium, du cuivre et du nickel. La réalité, c’est que la Chine représente encore 50 % de la demande mondiale de métaux sur une base annuelle. Je ne vois pas vraiment tout cela dans ce type de développement, mais s’ils veulent vraiment atteindre leurs objectifs à long terme en matière d’émission de CO2, la question à se poser, c’est : « Peuvent-ils régler le problème du charbon? » Est-ce que les autorités ont cette volonté politique? Le pays dépend encore énormément du charbon parce qu’il y en a beaucoup de disponible localement et à bon prix. Les autorités sont-elles prêtes à effectuer ce changement et à refiler les prix? Un autre facteur qui complique les choses, c’est leur parc de centrales au charbon. Elles sont assez récentes : environ 15 ans d’âge comparativement à 40 ans pour celles aux États-Unis. Il leur faudra beaucoup de volonté pour abandonner ces centrales qui viennent tout juste d’être mises sur pied. Ce ne sera pas un défi facile à surmonter.Sal: Très bien. Art et Jennifer, je vous remercie d’avoir partagé avec nous vos perspectives sur le sujet. Je suis certain que nos auditeurs sont maintenant mieux préparés à pondérer les perspectives et les risques liés à la Chine dans leurs décisions d’investissement à court et à long terme.(21:35): Bonne journée à toutes et à tous.Conclusion(21:40): Merci d’avoir écouté le balado Investissements plus futés de BMO, présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour savoir comment commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site https://www.bmo.com/principal/particuliers/investissements/placements-en-ligne/. N’oubliez pas de vous abonner, pour pouvoir écouter les plus récents épisodes au moment qui vous convient.

À quoi ressemblera l’économie pour le Canada, les États-Unis et l’Europe en 2022?
Les taux d’intérêt et l’économie mondiale en général sont assez volatils depuis 2020 en raison des incertitudes liées à la pandémie. Nous avons vu des entreprises rouvrir au public et la vie reprendre lentement à la normalité. Maintenant, avec la nouvelle variante de la COVID-19, Omicron, il semble que plus d’incertitude se profile à l’horizon pour 2022. Les économistes de la Banque de Montréal Sal Guatieri, Douglas Porter, Jennifer Lee et l’invité spécial Benjamin Reitzes discutent de ce à quoi pourraient ressembler les économies du Canada, des États-Unis et de l’Europe et à quoi il faut s’attendre avec les taux d’intérêt pour la nouvelle année.
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- Introduction : Bienvenue à Investissements plus futés de BMO, la nouvelle série de balados qui vous aide à prendre des décisions de placement plus judicieuses. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, qui se penchent chaque mois sur les dernières nouvelles et perspectives du marché. En compagnie d’un groupe d’invités spéciaux, ils se pencheront sur des sujets, des tendances et des prévisions pertinents pour les investisseurs novices et chevronnés. L’épisode d’aujourd’hui porte sur l’inflation. L’inflation est à son plus haut niveau depuis le début des années 1990. Plus de 6 % aux États-Unis et plus de 4 % au Canada. L’inflation élevée va-t-elle se maintenir ou finira-t-elle par baisser pour se rapprocher de 2 %? Et quelles sont les forces structurelles qui pourraient freiner l’inflation, même dans une économie qui surchauffe? Nous parlerons également de ce que signifie l’inflation pour les taux d’intérêt, de la façon dont la Banque du Canada et la Fed pourraient réagir d’ici un an ou deux, de qui profite d’une inflation élevée et de qui est le plus touché.Sal : Bienvenue à notre deuxième balado de la série Investissements plus futés de BMO. Aujourd’hui, l’économiste en chef, Doug Porter, se joindra à Jennifer Lee, à Ben Reitzes et à moi-même, Sal Guatieri, et nous parlerons des perspectives de l’économie canadienne et européenne et des taux d’intérêt en 2022. Doug, commençons par le Canada. L’année 2021 a été marquée par des hauts et des bas. Elle a commencé en force, puis s’est poursuivie avec une phase de contraction au printemps,et nous traversons maintenant ce qui semble être une autre reprise, qui a été atténuée par les inondations en Colombie-Britannique et une autre vague de COVID-19. Quelles sont vos prévisions pour le Canada l’an prochain?Doug : Pour dire les choses simplement, les fluctuations se poursuivront en 2022. Je crois que tous les commentaires que nous formulerons au cours des 20 prochaines minutes doivent être pris avec précaution, compte tenu de la grande incertitude à laquelle nous faisons tous face avec l’arrivée du nouveau variant.Nous ne prétendons pas être des experts en matière de santé. Mais je crois que nous pouvons à tout le moins supposer que cela jettera du sable dans les rouages de l’économie canadienne et mondiale au cours de l’hiver [00:01:00]. Notre point de vue fondamental, tout comme l’année dernière, c’est que malgré toutes ces difficultés et cette nouvelle incertitude,l’économie canadienne n’est pas près de s’essouffler. Nous avons connu un certain nombre de difficultés l’an dernier et l’économie canadienne a tout de même réussi à croître de plus de 4 %. Nous prévoyons une croissance d’environ 4 % au cours de l’année à venir. Revenons un peu en arrière. En rétrospective, les spécialistes des prévisions, comme nous et même ceux de la Banque du Canada, s’attendaient à une croissance de l’économie canadienne de 6 %, voire de 6,5 % en 2021.Selon moi, les résultats ont été bien inférieurs aux attentes en raison de trois principaux facteurs. Dans chaque cas, je crois que nous pouvons nous attendre à de légères améliorations au cours de l’année à venir. Tout d’abord, les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement qui ont été très bien couverts dans les médias ont durement touché le secteur de l’automobile au Canada.En fait, la production automobile de 2021 a été inférieure à celle de 2020. Certains signes indiquent déjà que la pénurie de cartes à puce commence à se résorber un peu. Nous anticipons donc des améliorations dans le secteur de l’automobile en particulier, mais aussi quant aux problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement en général. Le deuxième facteur concerne la terrible sécheresse qui a frappé l’Ouest du Canada. C’est un sujet dont on a peu entendu parler. Bien entendu, le secteur agricolene joue pas un rôle majeur dans l’économie, mais ce coup dur a entraîné des répercussions presque aussi importantes sur la croissance que les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement. Nous espérons que la situation s’améliorera au cours de la prochaine année. Enfin, comme vous l’avez mentionné, la propagation du variant Delta a causé une récession économique au deuxième trimestre de 2021. Nous faisons maintenant face au variant Omicron,nous ne savons pas exactement dans quelle mesure la croissance sera retardée, mais nous croyons qu’il n’affectera pas autant les perspectives de croissance en 2022, et alors que la pandémie se poursuit. Je vais conclure avec les perspectives concernant le Canada. Même si l’économie a enregistré une croissance décevante, le marché de l’emploi se porte très bien.Le revenu disponible est constant, ce qui place le consommateur relativement en bonne posture à l’approche de 2022. Bien entendu, comme nous l’avons souvent dit, les 300 milliards de dollars en épargne excédentaire que les Canadiens auraient normalement dépensés dynamiseront grandement l’économie.Selon nous, la situation du marché de l’emploi continuera à s’améliorer. Nous terminons l’année avec un taux de chômage d’environ 6 % qui pourrait facilement passer à environ 5 % l’année prochaine. Le taux de chômage n’avait jamais atteint la barre des 5 % au cours des 50 dernières années.Malgré le lot d’incertitudes et de défis qui nous attendent en 2022, je suis relativement optimiste en ce qui concerne l’économie.Sal : Oui, je crois que la situation du marché de l’emploi est nettement supérieure au Canada à celle des États-Unis, notamment compte tenu de la forte reprise des emplois perdus et de la baisse marquée du taux de chômage.En effet, le taux de participation est revenu aux niveaux d’avant la pandémie, donc ce sont d’excellents résultats à tous les points de vue. Cette année, la situation économique aux États-Unis a été plus stable qu’au Canada, et la dynamique semble plutôt favorable à l’approche de la nouvelle année. Ils ont recouvré toutes lespertes liées à la récession assez rapidement dans l’année suivant les confinements, donc dès le deuxième trimestre. Il y a eu un léger recul au troisième trimestre, mais il semble que la situation reprenne de la vigueur après que les prestations d’urgence de l’assurance-chômage se soient terminées et qu’une autre vague de COVID-19 ait frappé. Nous prévoyons que l’économie américaine enregistrera une croissance de plus de 5 % lors du trimestre en cours,clôturant ainsi une année marquée par une croissance d’environ 5,5 %. Ce sont de très bons résultats. Je crois que la seule chose qui freine l’économie n’est pas la demande, mais bien l’offre. Nous avons pu observer certains signes d’amélioration de l’impasse liée aux ports qui affecte l’importation des micropuces. Les frais de transport ont un peu diminué.Toutefois, le véritable problème se situe du côté de la main-d’œuvre, et il faudra beaucoup plus de temps pour le résoudre. La pénurie de main-d’œuvre s’aggrave de toute évidence, le pays fait face à un nombre presque record de 11 millions d’emplois vacants et à un nombre effarant de chômeurs. Le gros problème des États-Unis, contrairement au Canada, c’est le faible taux de participation, qui freine la reprise économique globale etbien entendu, celle du marché du travail. En raison des problèmes d’approvisionnement, des restrictions et des préoccupations liées à Omicron, et je crois que la croissance ralentira en 2022, mais qu’elle demeurera très forte tant que les taux directeurs réels demeureront largement négatifs. En fait, ils sont plus bas qu’ils ne l’ont été en 40 ans et l’inflation augmente. Au moins, la demande sera forte. Comme d’habitude aux États-Unis, ce sont probablement les consommateurs qui mèneront la reprise.Les salaires augmentent, sans suivre de l’inflation, mais constituent au moins un certain soutien aux dépenses. La richesse augmente en raison de l’explosion des prix des maisons et des performances records des marchés boursiers. Plus fondamentalement, je crois qu’il s’agit simplement d’économies excédentaires de plus de 2 000 milliards de dollars accumulées tout au long de la pandémie.Cela correspond à environ 13 % de revenu disponible. Il s’agira donc d’un soutien assez constant aux dépenses, non seulement pour le deuxième trimestre, mais probablement aussi pour l’année à venir. Les investissements des entreprises sont en hausse, comme elles doivent s’équiper massivement en matériel technologique pour s’attaquer au problème de pénurie de main-d’œuvre. Le marché de l’habitation connaît une forte croissance,les prix sont probablement trop élevés pour le bien du secteur, et le taux annuel est de 20 %. Je crois que la demande provient essentiellement des milléniaux, des télétravailleurs et même des investisseurs qui sont attirés par la hausse des loyers. Nous constaterons probablement une modération de l’activité sur le marché de l’habitation aux États-Unis à mesure que les taux d’intérêt augmenteront, mais je crois que l’année sera plutôt bonne pour ce secteur.Les exportations américaines seront probablement soutenues par une croissance constante de l’économie mondiale, qui devrait atteindre près de 4,5 % l’an prochain. Ce contexte sera favorable pour les exportateurs américains. Aussi incroyable que cela puisse paraître, d’autres mesures de soutien budgétaire seront probablement adoptées pour renflouer l’économie américaine. Les dépenses en infrastructures augmenteront légèrement et une fois que le plan de dépenses en infrastructures Build Back Better (« Reconstruire mieux ») sera mis en œuvre, je crois qu’il nous fournira également un appui modéré. Le seul risque à court terme est lié à l’éventualité que le projet de loi Build Back Better ne soit pas adopté. Le programme de crédit d’impôt pour enfants sera élargi, et après décembre, cela augmentera d’environ 1 % le revenu disponible mensuel. Dans l’ensemble, je crois que l’économie américainepourrait enregistrer une croissance de 3,5 % en 2022. Oui. Cela correspond à quelques points de pourcentage de moins que cette année, mais le potentiel à long terme est toujours deux fois plus élevé. Jennifer, en Europe, la lutte contre la COVID-19 a été plus difficile qu’en Amérique du Nord. Où en sont les choses de l’autre côté de l’océan? Comment l’économie de la zone euro se porte-t-elle et quelles sont vos prévisions à ce sujet?Jen : Merci, Sal. J’ai l’impression que la zone euro traverse une série de hauts et de bas et je suis certaine que les Européens sont impatients de retrouver une stabilité. L’Europe se portait plutôt bien jusqu’au début du quatrième trimestre, puis la crise de l’énergie a fait bondir les prix du gaz naturel.Plus récemment, comme partout ailleurs dans le monde, nous avons assisté à l’émergence du variant Omicron, ce qui a poussé la plupart, sinon tous les pays, à mettre en place des restrictions visant principalement les non vaccinés. Bien entendu, les restrictions ne ressemblent en rien à celles qui ont été imposées en 2020.L’Autriche s’est retrouvée dans une situation extrême cette fois-ci. Le pays a décrété un confinement complet et il est devenu le premier de l’Union européenne (UE) à rendre la vaccination obligatoire. Entre-temps, les Pays-Bas ont réintroduit un confinement partiel. Je crois que toute attente quant au retour de l’économie de la zone euro aux niveaux d’avant la pandémie cette année doit être mise de côté pour l’instant.Nous prévoyons une solide reprise de la croissance qui atteindra environ 4,5 %. Il s’agit d’une baisse par rapport au record de 5,3 % de cette année. Un certain nombre de points positifs que nous ne pouvons pas ignorer soutiendra grandement la croissance. Le niveau d’épargne des ménages est très élevé.Nous nous attendons à ce que les problèmes d’approvisionnement s’atténuent d’ici le milieu de l’année. Bien entendu, les conditions financières sont encore très accommodantes. Un soutien budgétaire important est toujours fourni, comme aux États-Unis, sous la forme d’un fonds de relance de l’UE 750 milliards d’euros. Les différents pays d’Europe utiliseront toutes les subventions et tous les prêts pour contribuer à la refonte de leurs diverses économies, comme c’est le cas en Italie actuellement, et cela les aidera à se préparer à la mise en place de politiques plus respectueuses de l’environnement. Selon moi, trois facteurs doivent toujours être surveillés de très près et influeront probablement sur la croissance au premier semestre de 2022.Tout d’abord, la forte augmentation du nombre de cas de COVID-19, que j’ai mentionnée plus tôt, requiert la mise en place de nouvelles restrictions qui visent principalement les personnes non vaccinées. Les pays dont le taux de vaccination est faible, en particulier en Europe de l’Est, seront ceux qui souffriront le plus.Ensuite, les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement sont au nombre des facteurs à considérer. C’est surtout la pénurie de puces qui a une incidence majeure sur la plus grande économie européenne, simplement en raison de l’importance du secteur de l’automobile. Je parle bien sûr des fabricants et des exportateurs allemands. Enfin, les prix de l’énergie ont contribué à faire grimper le taux d’inflation de la zone euro à son plus haut niveau en environ 30 ans, c’est-à-dire à un peu moins de 5 %.Contrairement à ses homologues du Royaume-Uni et de l’Amérique du Nord, la Banque centrale européenne (BCE) va probablement faire traîner les choses en ce qui concerne la normalisation de politiques. Elle ne veut tout simplement pas réduire le soutien trop rapidement et risquer de court-circuiter cette reprise.Sal : Il semble que l’année s’annonce favorable pour l’Europe aussi.Même s’ils doivent composer avec un plus grand nombre de restrictions liées au virus, les politiques de soutien sont nombreuses. Et, contrairement à l’Amérique du Nord, l’Europe n’aura probablement pas à se soucier de l’augmentation des taux d’intérêt pendant au moins une autre année. Il semble que les choses vont plutôt bien se passer de l’autre côté de l’océan.Ben, les banques centrales semblent toujours être tiraillées entre maintenir les taux à des niveaux de crise afin de soutenir davantage de progrès sur le marché du travail et les élever pour faire face à l’augmentation des taux sans précédent et à une inflation temporaire. Commençons par la Banque du Canada, qui semble un peu plus impatiente d’amorcer un resserrement que la Fed.Ben : Merci, Sal. Commençons par la Banque du Canada. Elle a été un peu plus dure que la Réserve fédérale, c’est certain. Cependant, d’autres banques centrales mondiales ont déjà commencé à augmenter leurs taux. Le Canada n’est donc pas tout à fait en tête à ce chapitre, mais entre la Banque du Canada et la Fed, il est clair que la Banque a une longueur d’avance. À l’heure actuelle, nous nous attendons à ce que la première hausse de taux ait lieuen avril 2022, elle correspondra à 1 %, et des hausses de taux de 100 points de base sont prévues au cours de 2022. Comme vous l’avez mentionné, ces hausses sont entièrement dues à l’inflation, qui est supérieure à la cible de la Banque du Canada. C’est le cas pour la plupart des banques centrales, mais la Banque du Canada a été certainement moins tolérante que la Fed à l’égard de cette inflation. Et cela s’est reflété dans la façon dont elles se sont comportées jusqu’à présent. Comme Doug l’a mentionné plus tôt dans le balado, il faut prendre tous ces commentaires avec précaution. Si le variant Omicron perturbe la reprise et l’économie au premier trimestre, ce calendrier pourrait être reporté,les hausses de taux pourraient être moins nombreuses que prévu en 2022, et certains éléments pourraient peut-être être repoussés jusqu’en 2023, à mesure que les choses se redressent, peut-être un peu plus lentement ou un peu plus tard globalement. En ce qui concerne le marché du travail dans le contexte de l’inflation, la Banque du Canada et d’autres banques centrales se demandent à quelle vitesse elles doivent lutter contre l’inflation, tandis que l’économie se remet encore de la pandémie et de toutes les vagues qui se sont succédé. Le taux de chômage n’est pas loin des niveaux d’avant la pandémie au Canada, et encore moins aux États-Unis, il est difficile de dire qu’il reste beaucoup de manque à gagner sur le marché du travail au Canada ou aux États-Unis d’ailleurs.La Banque du Canada a donc une bonne occasion à saisir. Je crois qu’elle peut changer le taux. Il reste simplement à voir ce qui se passera avec le variant Omicron ici et si la situation se détériore au cours des prochaines semaines et des prochains mois.Sal : Est-ce que le nouveau contexte de l’inflation et de l’emploi change beaucoup de choses pour la Banque?Ben : La Banque et le gouvernement ont simplement convenu de codifier ce que la Banque faisait déjà, ils ne font qu’harmoniser le mandat de la Banque avec la réalité. Depuis un certain temps, la Banque du Canada met l’accent sur l’emploi et le marché du travail, car ce sont les principaux moteurs de l’inflation.À ce stade-ci, ils ne font que mettre les choses par écrit; la principale différence est probablement qu’on se concentre davantage sur la fourchette cible en matière d’inflation, qui se situe entre 1 % et 3 %. Par le passé, la Banque du Canada ciblait une inflation de 2 % et avait une fourchette de tolérance qui se situait entre 1 % et 3 %, donc elle pouvait s’écarter d’un point de pourcentage, dans un sens ou dans l’autre de la cible et être relativement confortable. Le nouveau mandat l’a rendue un peu plus confortable. Elle accorde beaucoup moins d’importance à ce 2 % et à son atteinte avec le temps, et ne craint pas de s’écarter d’un point de pourcentage, dans un sens ou dans l’autre. Cela signifie qu’elle est bien mieux disposée à accepter que l’inflation se situe à 2,5 %, ou entre 2 % et 3 %, si le marché du travail doit encore se rétablir, si le taux de chômage peut encore baisser et si le niveau d’emploi doit augmenter. Voilà en quoi la dynamique a un peu changé. Il ne s’agit pas vraiment d’un changement radical, ils ne font que codifier ce qu’ils faisaient déjà.Sal : Oui, on dirait qu’ils s’inspirent de certains paragraphes du modèle de la Fed. En ce qui concerne la souplesse, la Fed a certainement fait preuve d’une grande souplesse et sa tolérance à l’égard d’une inflation de 7 % et d’un taux de chômage de 4 % pourrait favoriser la relance, notamment par l’achat d’obligations, pendant plusieurs mois supplémentaires.Quand la Fed compte-t-elle augmenter les taux?Ben : Nous nous attendons à ce que la Réserve fédérale procède à une hausse de ses taux au milieu de l’année prochaine et à des hausses de taux trimestrielles par la suite. La Fed continue à prendre des mesures de relance, elle achète toujours des bons et obligations du Trésor et des titres adossés à des créances hypothécaires chaque mois.On s’attend à ce qu’elle poursuive ces achats au cours des prochains mois, et elle n’augmentera pas les taux tant qu’elle n’aura pas fini d’acheter ces obligations. Encore une fois, ces prévisions sont à prendre avec précaution, car si le variant Omicron ralentit la reprise de l’économie au premier trimestre, cela pourrait retarder un peu la hausse des taux.Mais la Fed fait face à une inflation plus élevée que celle de plusieurs autres pays. Et la réalité sur le terrain aux États-Unis, c’est que la population est beaucoup moins tolérante aux restrictions liées à la pandémie qu’au Canada ou qu’en Europe.Les répercussions économiques de cette vague seront probablement moins importantes si elle nous frappe. Par conséquent, la Fed devrait probablement commencer à augmenter ses taux d’ici le milieu de l’année prochaine.Sal : En parlant de retarder le resserrement, Jennifer, la BCE envisagera-t-elle même la possibilité d’un resserrement de politique l’an prochain?Jen : Rien n’est impossible, mais je serais vraiment surprise que cela se produise. Il semble que tous les changements auront lieu ici, en Amérique du Nord.En Europe, je dirais que les taux d’intérêt resteront probablement très bas, même si le programme d’achat d’urgence face à la pandémie, le PEPP, de 1 850 milliards de dollars prendra fin en mars. La BCE ne compte pas laisser le programme tout simplement se terminer et ne rien faire d’autre. Je crois que pour compenser une partie des répercussions, elle augmentera probablement ses achats d’obligations,ce que permet le programme d’achat d’actifs courant dont le budget est établi à 20 milliards de dollars par mois. Elle procédera probablement à une hausse légère ou importante, selon ce que les faucons de la BCE diront. Ils veilleront certainement à ce que des limites soient fixées quant au montant mensuel alloué aux achats et à la durée de ce programme. Mais tant que ces achats d’obligations ne sont pas terminés, il est certain qu’il n’y aura pas de hausse de taux.Sal : Doug, vous nous avez prévenus très tôt de l’augmentation de l’inflation, et je soupçonne que vous êtes toujours très inquiet à ce sujet. Croyez-vous que les banques centrales pourraient avoir pris un retard qui risque d’entraîner un important rattrapage, ce qui dans le passé, a rarement été positif pour l’économie?Doug : Effectivement, il y a beaucoup de rattrapage à faire, et je vais revenir sur un point que Jennifer a mentionné. Je tiens simplement à souligner que nous traversons une période étrange au cours de laquelle l’Allemagne affiche un taux d’inflation de 6 % et des taux d’intérêt nuls. C’est incroyable. Je crois que c’est ce qui ressort de l’attitude expansionniste ou laxiste des banques centrales deux dernières années marquées par une période économique tout à fait inhabituelle au cours de laquelle elles ont laissé l’inflation monter en flèche. Mais on sent que les choses évoluent et qu’elles s’apprêtent à augmenter les taux d’intérêt. C’est certainement le cas en Amérique du Nord où on sent que la Fed a brusquement changé de cap, comme Ben l’a indiqué,à cause de l’inflation. Je crois que les banques centrales ont pris du retard, et c’est compréhensible vu la période inhabituelle que nous avons traversée. Le monde changera au cours de l’année à venir, et les banques centrales se concentreront beaucoup plus sérieusement sur l’inflation.La situation est-elle irrémédiable? Je ne crois pas. Je crois qu’elles peuvent rattraper le retard accumulé et que certains des problèmes d’approvisionnement qui sont partiellement à l’origine de cet épisode d’inflation devraient se résorber au cours de la prochaine année. Oui, nous avons certainement été parmi les premiers à formuler des mises en garde concernant l’inflation.Nous continuons à croire que les risques sont supérieurs à ceux anticipés par le consensus et que le sujet demeurera épineux pendant un certain temps. Je m’inquiète de la hausse des salaires et de la vigueur du prix des maisons. Ces facteurs continueront à soutenir l’inflation de base, mais seulement sur le plan arithmétique, à condition que des facteurs comme les prix de l’énergiene dépassent pas les valeurs qu’ils ont atteintes au cours de la dernière année. Certaines des pressions liées à la réouverture et à la chaîne d’approvisionnement s’atténueront un peu au cours de la prochaine année. Nous croyons donc que l’inflation diminuera quelque peu au cours de la prochaine année. Mais, encore une fois, je tiens à souligner que, selon nos prévisions officielles, le taux d’inflation devrait être en moyenne de 3,5 % au Canadaen 2022. Le taux moyen d’inflation n’avait pas dépassé 3 % pendant une année civile complète depuis 1991. Nous traversons une période tout à fait inhabituelle, et je continue à croire que ce sont plutôt les hausses du taux d’inflation que les baisses qui nous surprendront au cours de l’année à venir.Sal : J’aimerais conclure en disant que si nous pouvons contenir l’inflation et la vague liée au variant Omicron, l’année 2022 s’annonce plutôt bien sur le plan économique, bien que moins bonne que 2021. Les taux d’intérêt augmenteront finalement, du moins de ce côté-ci de l’Atlantique, et possiblement plus que ce à quoi les marchés s’attendent si l’inflation continue à grimper. Les investisseurs devront rester à l’affût des signes de persistance de l’inflation. Merci à tous ceux qui se sont joints à la discussion et à nos auditeurs. Nous espérons que nos observations vous aideront à prendre des décisions de placement judicieuses au cours de la nouvelle année. Mes meilleurs vœux!Conclusion (19:43) : Merci d’avoir écouté le balado Investissements plus futés de BMO présenté par BMO Ligne d’action. Nous sommes ici pour donner aux Canadiens les moyens d’investir de manière plus judicieuse. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez commencer à investir dès aujourd’hui, consultez le site https://www.bmo.com/principal/particuliers/investissements/placements-en-ligne/. N’oubliez pas de vous abonner à l’émission sur l’application de balados de votre choix pour accéder aux plus récents épisodes.

La montée de l’inflation : Qui en profite et qui sont les plus touchés?
L’inflation atteint actuellement un sommet record : plus de 6 % aux États-Unis et plus de 4 % au Canada. Les économistes de BMO Douglas Porter et Sal Guatieri discutent de ce que cela signifie pour les taux d’intérêt, de qui profite de cette inflation élevée et qui sont les plus touchés, et de la direction que prendra l’inflation, selon eux, dans les années à venir.
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- Introduction (00:03) : Bienvenue à Investissements plus futés de BMO, la nouvelle série de balados qui vous aide à prendre des décisions de placement plus judicieuses. Joignez-vous aux meilleurs économistes de BMO, Douglas Porter, Sal Guatieri et Jennifer Lee, qui se penchent chaque mois sur les dernières nouvelles et perspectives du marché. En compagnie d’un groupe d’invités spéciaux, ils se pencheront sur des sujets, des tendances et des prévisions pertinents pour les investisseurs novices et chevronnés. L’épisode d’aujourd’hui porte sur l’inflation. L’inflation est à son plus haut niveau depuis le début des années 1990. Plus de 6 % aux États-Unis et plus de 4 % au Canada. L’inflation élevée va-t-elle se maintenir ou finira-t-elle par baisser pour se rapprocher de 2 %? Et quelles sont les forces structurelles qui pourraient freiner l’inflation, même dans une économie qui surchauffe? Nous parlerons également de ce que signifie l’inflation pour les taux d’intérêt, de la façon dont la Banque du Canada et la Fed pourraient réagir d’ici un an ou deux, de qui profite d’une inflation élevée et de qui est le plus touché.Doug (01:03) : Bonjour, je suis Doug Porter, économiste en chef à la Banque de Montréal. Mon collègue Salar Guatieri, économiste principal à BMO, se joindra à moi sous peu. Notre sujet d’aujourd’hui, qui domine le marché et les intentions des investisseurs depuis des mois, est l’inflation. Nous parlerons de la direction qu’elle empruntera, de sa durée et de ce que tout cela signifie pour les politiques et les investisseurs. Au cours des dernières semaines, nous avons remarqué un changement graduel de la politique monétaire. De nombreuses économies clés se préparent au changement en raison de la menace croissante de l’inflation. La Réserve fédérale mettra bientôt un terme à son énorme programme d’achat d’obligations. La Banque du Canada a indiqué que les taux d’intérêt devront probablement augmenter plus tôt que prévu, peut-être dès le mois d’avril. La Banque d’Angleterre signale une hausse encore plus hâtive. D’autres banques centrales ont déjà commencé à relever leurs taux, notamment celles de la Nouvelle-Zélande, de la Norvège et du Brésil, dans un contexte de hausse des tensions inflationnistes. De nombreuses raisons expliquent la hausse vigoureuse de l’inflation au cours de la dernière année, comme en témoigne l’augmentation de 6,2 % des prix à la consommation aux États-Unis en octobre, soit le rythme le plus rapide en plus de 30 ans. Cette forte remontée des prix est selon moi attribuable à quatre facteurs généraux. Certains étaient largement attendus, tandis que d’autres se sont avérés beaucoup plus importants que prévu. Parmi les quatre principaux facteurs, on note en premier lieu la remontée des prix par rapport aux creux de l’an dernier ou les effets de base. Il fallait s’y attendre. Deuxièmement, la reprise complète, et encore davantage pour un large éventail de prix de l’énergie, ainsi que pour les produits de base en général. C’était une surprise, sans qu’elle soit pour autant être si étonnante. Troisièmement, la vigueur marquée des marchés de l’habitation et des prix des maisons, qui commencent maintenant à peser beaucoup plus lourd sur les mesures officielles de l’IPC. Quatrièmement, les nombreux problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement qui ont causé de réelles pénuries de certains biens, surtout dans le secteur de l’automobile. Ce facteur était presque tout à fait inattendu il y a un an, du moins en ce qui a trait à la montée en flèche de l’inflation. Mais un thème commun sous-jacent à ces quatre facteurs est la robustesse de la demande, qui a simplement dépassé l’évolution de l’offre existante. Ce choc de la demande, à son tour, a été dopé par des politiques très expansionnistes, qui amorcent depuis peu un ralentissement graduel. En tenant compte de tout cela, j’invite Sal à se joindre à moi et à nous faire part de son point de vue sur cette question. Sal, commençons par les perspectives dans ce contexte complexe. Où l’inflation devrait-elle se situer l’année prochaine aux États-Unis et au Canada? Comme nous l’avons mentionné, selon les données les plus récentes, les taux sont maintenant légèrement supérieurs à 6 % aux États-Unis et devraient atteindre près de 5 % au Canada au cours des prochains mois. Quelle direction emprunteront-ils maintenant?Sal (03:47) : Beaucoup plus élevés ou sur une plus longue période que ce que de nombreux analystes et banquiers centraux croient, en grande partie en raison des quatre facteurs que vous avez mentionnés : le rebond de la réouverture, la hausse des coûts de l’énergie et des aliments, la hausse des prix des logements et les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement; ils sont tous peu susceptibles de s'amenuiser de sitôt. La pénurie de micropuces en est un bon exemple : les stocks d’automobiles ont atteint des creux records et les acheteurs se sont abstenus. Cette situation risque de perdurer pendant une bonne partie de l’année prochaine, même si la production revient à la normale en Malaisie. Ainsi, le taux de l’IPC canadien devrait se maintenir près de 5 % au cours des prochains mois, en particulier en raison de l’une des hausses les plus marquées du prix des maisons à l’échelle mondiale. Nous sommes toujours dans une période transitoire. Nous nous attendons toujours à ce que l’inflation selon l’IPC canadien recule d’environ 2,5 % d’ici la fin de l’année prochaine avec la résorption de la pandémie, alors que la demande de la période de réouverture ralentira, les prix des produits de base se stabiliseront et les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement s’atténueront. Ces niveaux sont toujours supérieurs à ceux d’avant la pandémie en raison des pressions exercées par le marché de l’habitation. La situation est bien sûr plus alarmante aux États-Unis. L’inflation est déjà supérieure à 6 % et devrait atteindre 7 % à court terme en raison d’une pénurie de main-d’œuvre encore plus grave qu’au Canada. Les Américains retournent lentement sur le marché du travail et les salaires y augmentent déjà beaucoup plus rapidement qu’au Canada. D’ici la fin de l’année prochaine, je crois que le taux de l’IPC pourrait encore avoisiner 3 %.Doug (05:27) : Merci de votre intervention. Je tiens à souligner que nous prévoyons officiellement une inflation canadienne moyenne de 3,5 % en 2022. Cela ne semble pas particulièrement alarmant, surtout si l’on tient compte du fait qu’aux États-Unis, le taux annuel est de 6 % et qu’au Canada, il est d’environ 4,5 %. Mais je tiens à vous rappeler que la dernière fois que nous avons connu une moyenne d’inflation de plus de 3 % pour une année civile entière, c’était en 1991, lorsque la TPS est entrée en vigueur. Nous n’avons pas vu depuis longtemps un taux d’inflation moyen supérieur à 3 % pour une année entière. Sal, quand devrons-nous craindre que tout ceci ne soit pas transitoire, le mot favori des banques centrales en ce moment?Sal (06:13) : Si une combinaison de trois choses se produit. D’abord, l’accélération de l’augmentation des salaires. Nous le constatons déjà aux États-Unis, mais au Canada, la croissance des salaires a été étonnamment faible, malgré les signalements généralisés de pénurie de main-d’œuvre. Le salaire horaire moyen a augmenté de 2 % au cours de la dernière année, comparativement à près de 5 % aux États-Unis. Ensuite, nous constatons que ce sont les consommateurs qui payent la facture de cette hausse des salaires alors que les entreprises augmentent leurs prix. Je serais un peu inquiet. Nous ne voyons pas encore de signes généraux à cet effet, même dans les secteurs qui ont de la difficulté à trouver des travailleurs, comme les restaurants, où les salaires augmentent assez rapidement, mais où les prix dépassent ceux des épiceries aux États-Unis. Finalement, les gens commencent à s’attendre à une hausse de l’inflation, ce qui a une incidence sur leur comportement. Encore une fois, les preuves sont plutôt minimes, surtout si l’on tient compte des évaluations des investisseurs dans les marchés obligataires. Mais certains sondages menés auprès des ménages sont beaucoup plus inquiétants. Ce sont les trois ingrédients d’une spirale classique des salaires et des prix. Si ces secteurs se détériorent, je serais plutôt nerveux à l’égard des perspectives inflationnistes sur une base moins temporaire.Doug (07:29) : Oui, je surveille de près l’aspect des salaires. Il est assez remarquable à quel point la situation est différente au Canada et aux États-Unis à cet égard. Si vous pensez que le marché de l’emploi est serré au Canada, notamment dans le secteur hôtelier, frappé par une pénurie de main-d’œuvre, la situation est bien plus grave aux États-Unis. Nous avons plus de 10 millions d’emplois ouverts aux États-Unis, contre [citation] seulement 7 millions de personnes considérées comme sans emploi. Il est très rare d’avoir ce genre de déséquilibre, où le nombre d’emplois disponible est supérieur au nombre de travailleurs sans emploi. Nous n’en sommes pas encore là au Canada. Nous avons en fait deux travailleurs sans emploi pour chaque offre d’emploi. Il s’agit néanmoins d’un marché relativement serré. Je vais certainement surveiller de près les salaires. Sal, qu’est-ce qui vous fait croire que l’inflation finira par reculer à près de 2 % à plus long terme? C’est notre prévision officielle. En 2024, par exemple, l’inflation sera essentiellement revenue à 2 %. Voici où je veux en venir : y a-t-il des forces structurelles qui, selon vous, freineront l’inflation, même dans ce qui est devenu une économie plutôt surchauffée?Sal (08:43) : Eh bien, oui, Doug. L’inflation élevée actuelle n’est pas un mystère. Les décideurs ont mis en place des mesures de relance pour stimuler la demande alors que pandémie restreignait l’offre. C’est donc une réponse classique. Mais ce qui est monté devra redescendre lorsque les mesures de relance seront éliminées et que la demande s’affaiblira. Je crois que nous pouvons toujours compter sur trois facteurs d’atténuation à long terme de l’inflation, comme avant la pandémie, et la première mondialisation. Je sais que ça a été un coup dur. Récemment, d’autres rapports sur la relocalisation des activités et de la production ont été publiés. Dans l’ensemble, je crois que la plupart des entreprises essaieront toujours de trouver des pays où les coûts et les salaires sont moins élevés pour fabriquer de nombreux produits. Et puis, bien sûr, l’automatisation, qui n’a fait qu’accélérer pendant la pandémie. Il y a de plus en plus de caisses en libre-service dans les épiceries et les points de vente au détail. Nous n’avons pas encore constaté de gains en matière de productivité, mais nous sommes persuadés que ça ne saurait tarder. Nous avons aussi cette cible de 2 % des banques centrales, tant la Fed que la Banque du Canada. Cela aide vraiment à ancrer les attentes. Je crois qu’il s’agit d’une grande différence par rapport aux années 1970, où des attentes différentes ne correspondaient pratiquement à aucune cible et où les choses ont échappé à tout contrôle. Depuis maintenant trois décennies, la Banque du Canada a une feuille de route plutôt impressionnante en matière de maintien de l’inflation. Les cibles ont été atteintes en moyenne. Je crois que cela les aidera à ramener l’inflation à leur cible.Doug (10:16) : La démographie est autre facteur structurel auquel je crois beaucoup et qui contribuera à maintenir l’inflation à un bas niveau. Par exemple, dans ce contexte où l’inflation est très élevée en Amérique du Nord et même en Europe, le Japon est l’un des pays où l’inflation est faible. Leurs prix ont légèrement augmenté au cours des derniers mois, mais leur taux d’inflation est essentiellement nul. J’attribuerais cette situation de déflation ou d’inflation zéro qui perdure depuis plus de 30 ans à leur démographie. Je crois fermement que les changements démographiques auxquels nous faisons maintenant face atténueront l’inflation. Il s’agit certainement d’une énorme différence par rapport aux années 1970, alors que la démographie générait l’inflation. Passons maintenant à l’essentiel de la discussion. Dans un tel contexte, comment devrait se comporter l’inflation au cours des prochaines années? Tout d’abord, qu’est-ce que cela signifie pour les taux d’intérêt? Selon vous, que feront la Banque du Canada et la Fed au cours des deux prochaines années?Sal (11:17) : Ce qu’ils devraient faire ou ce qu’ils feront? Je crois qu’ils auraient dû augmenter les taux d’intérêt hier. Les risques résident davantage dans l’atteinte ou non de la cible d’inflation plutôt que dans l’objectif du plein emploi. Quant à leurs mesures concrètes, je crois qu’ils feront encore preuve de patience avant de resserrer leurs politiques d’ici l’été prochain. Ils attendront d’autres diminutions du taux de chômage et la baisse largement attendue de l’inflation par presque toutes les banques centrales. Le président Powell nous a récemment laissés entendre qu’il s’attendait à ce que l’inflation commence à reculer d’ici au deuxième ou troisième trimestre de l’an prochain. Je crois qu’ils feront preuve de patience avant de resserrer leurs politiques, mais ils devront tôt ou tard les normaliser. En ce qui concerne la Banque du Canada, elle passera probablement à l’action en juillet de l’année prochaine, puis relèvera lentement son taux du financement à un jour à un niveau plus neutre, près de 1,5 % d’ici la fin de 2023. La Fed pourrait retarder les choses de quelques mois, mais je crois qu’elle commencera au plus tard en septembre à modifier les taux et à faire passer son taux du financement à un jour au-dessus de la barre des 2 % d’ici 2024. Ces taux sont encore historiquement très bas et devraient permettre à l’économie de poursuivre sa croissance, quoiqu’à un rythme beaucoup plus lent que l’année dernière. Bien entendu, le risque réside dans une augmentation plus importante et plus rapide du taux d’intérêt; tout dépend de l’inflation à ce stade-ci. Nous verrons ce qu’il adviendra des salaires, s’ils augmentent, si les attentes inflationnistes se détériorent et si nous constatons une répercussion des hausses salariales sur les prix. Cela pourrait évidemment engendrer une inflation beaucoup plus élevée et inquiéter les banques centrales. Elles adopteraient en conséquence des politiques beaucoup plus agressives.Doug (13:10) : J’aimerais simplement insister sur votre dernier point. Depuis des années, lors de mes présentations sur l’économie, je dis au public que, peu importe nos prévisions sur les taux d’intérêt, nous risquons d’avoir tort, ils seront plus bas que prévu. Ce n’est pas le cas ici. Je crois que vous avez essentiellement présenté nos prévisions officielles en matière de taux d’intérêt. Je crois qu’il est assez clair qu’il y a un risque que les hausses de taux puissent survenir plus tôt, qu’elles soient plus rapides et que nous ayons un point d’arrivée plus élevé que celui-ci. Je crois que les risques sont orientés vers un contexte de taux d’intérêt plus audacieux que celui que nous connaissons depuis un certain temps. Passons maintenant à un autre sujet : y a-t-il des gagnants d’une inflation élevée?Sal (13:53) : Cinq gagnants me viennent à l’esprit. Tout d’abord, les actionnaires. Les actions ont tendance à surpasser les obligations dans un contexte de hausse de l’inflation. Les revenus des entreprises augmentent en même temps que les dépenses. Il faut par contre se méfier : si le rendement des actions augmente de concert avec l’inflation, quoiqu’il demeure relativement faible, les actions ont tendance à afficher un rendement beaucoup plus faible lorsque l’inflation est élevée, en grande partie parce qu’on craint qu’un resserrement important des marchés ne déclenche une récession. Le niveau d’inflation est important; un taux soutenu de 3 % serait traité bien différemment par les banques centrales qu’un taux de 6 %. Le premier pourrait être toléré pendant un certain temps pour mieux ancrer les attentes après des années où les cibles n’ont pas été atteintes. On adopterait sûrement pour le second une politique agressive pour éviter que les attentes ne provoquent une spirale des salaires. Ce resserrement important des marchés entraîne presque toujours un ralentissement de l’économie sur le plan des bénéfices des sociétés. Les porteurs d’obligations protégées contre l’inflation seraient également parmi les gagnants. Ces obligations donnent droit à un rendement fixe plus une prime variable qui augmente en même temps que l’inflation. On doit aussi parler des emprunteurs, à condition qu’ils ne soient pas surendettés. L’inflation est généralement bonne pour les emprunteurs. Elle réduit la valeur future de la dette et permet de rembourser les prêts avec de l’argent qui vaut moins qu’au moment de l’émission, avec des salaires qui augmentent plus rapidement qu’au moment de l’émission. Bien entendu, une hausse de l’inflation ne serait pas rassurante pour les ménages surendettés, qui subiraient des pressions sur les coûts du service de la dette en cas de hausse trop rapide des taux d’intérêt. Ils pourraient donc vouloir immobiliser leurs taux et consolider leurs prêts existants et leurs produits à taux réduit. L’immobilier a tendance à bien se porter dans un contexte de hausse de l’inflation. Mais encore une fois, vous devez faire preuve de prudence, car une inflation et des taux d’intérêt trop élevés pourraient entraîner une correction, compte tenu de la hausse spectaculaire des valorisations pendant la pandémie. Pour les gouvernements, la hausse de l’inflation se traduit par une augmentation des recettes fiscales, car elle stimule le PIB nominal et entraîne plus de gens vers des fourchettes d’imposition supérieures.Doug (16:05) : Ce sont donc tous les gagnants possibles. Passons maintenant aux perdants potentiels, qui sont nombreux. À votre avis, qui est le plus touché par une inflation élevée?Sal (16:15) : Les détenteurs d’obligations sont en tête de liste. La hausse de l’inflation érode leur pouvoir d’achat. Ils recevront un remboursement en argent qui vaut moins qu’au moment du prêt. Bien entendu, la hausse des taux d’intérêt réduira la valeur de leurs obligations. Ils seront les plus touchés. On compte aussi parmi les perdants les travailleurs à faible revenu qui possèdent peu de compétences et un faible pouvoir de négociation. Ils ne peuvent pas suivre le rythme de l’inflation en cherchant à obtenir des salaires plus élevés. Les aînés qui reçoivent une pension qui n’est pas rajustée en fonction de l’inflation seront aussi sévèrement touchés. Finalement, il y a les entreprises dans les secteurs hautement concurrentiels qui ne peuvent tout simplement pas faire payer aux consommateurs les coûts plus élevés découlant notamment des salaires plus élevés. Elles vont éprouver des difficultés dans un contexte de hausse de l’inflation.Doug (17:02) : Nous commençons à manquer de temps. Pour conclure, je vais vous poser quelques questions rapides. Tout d’abord, à votre avis, les banques centrales accusent-elles un retard par rapport à l’inflation? Autrement dit, risquent-elles l’erreur de ne pas « fermer le bar » à temps? Est-il déjà trop tard?Sal (17:19) : Il n’est probablement pas trop tard, mais il le sera bientôt. Elles n’évaluent peut-être pas adéquatement le risque à l’heure qu’il est. Elles maintiennent encore ces faibles taux d’intérêt d’urgence alors que la crise est essentiellement chose du passé. Mais oui, je crois qu’elles courent le risque de prendre du retard sur la courbe de l’inflation. Selon moi, plus tôt elles pourront rattraper leur retard en resserrant leurs politiques, mieux ce sera. Encore une fois, elles font preuve d’une patience remarquable dans le climat actuel. Nous verrons si leur humeur et leur ton changent, si l’inflation demeure aussi élevée, et si nous constatons certaines de ces pressions plus générales sur les attentes en matière d’inflation des salaires et les transferts.Doug (18:06) : La dernière question. Nous avons beaucoup entendu parler des années 1970. Est-ce qu’il s’agit d’un copier-coller de cette époque? J’ai commencé à étudier l’économie dans les années 1970. Un des termes favoris à l’époque était « stagflation ». Pensez-vous que la stagflation est une réelle menace pour les années à venir?Sal (18:25) : Je ne crois pas. On sait pourquoi l’inflation est si élevée en ce moment. C’est vraiment une question de demande. Il y a toutes ces préoccupations au sujet de la pénurie d’approvisionnement, mais cette demande est stimulée par des politiques très expansionnistes. Le gouvernement américain a envoyé des chèques de remboursement d’un demi-billion de dollars plus tôt cette année. La plupart des ménages qui n’ont jamais manqué un chèque de paie pendant la pandémie dépensent cet argent. Bien entendu, les taux directeurs sont toujours à des creux d’urgence bien que cette crise soit passée. Je crois que l’inflation finira par baisser lorsque les mesures de relance seront éliminées et que l’économie s’affaiblira. C’est ce qui se passe habituellement.Doug (19:10) : De mon côté, j’ai appris que la stagflation se produit lorsque le taux de chômage est de 10 % ou plus et que l’inflation est 10 % plus élevée. Nous sommes loin de cela. Je crois que l’inflation à elle seule est une source suffisante de préoccupations. Je ne crois pas que nous devrions nous soucier de la stagflation. Merci beaucoup de nous avoir fait part de vos observations. Nous souhaitons tous que vos perspectives sur l’inflation soient exactes. Merci à nos auditeurs de s’être joints à nous aujourd’hui. Je m’appelle Doug Porter et vous écoutez le balado Investissements plus futés de BMO. Merci.
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